Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Mar 7 Mai - 11:49

91 résultats trouvés pour ruralité

Sergueï Essénine

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 00492710

La ravine

Comment ne pas trop se planter. L'écriture a quelque chose de très morcelé en nous faisant passer de personnages à d'autres qui voisinent avant de revenir aux précédents. La nature succède aux regroupements et aux isolements, les âges aussi.

Une poésie en prose directe quoique elliptique, avec des accents crépusculaires mais une grande force lumineuse. Des tourments sourds et des souffrances très concrètes dans la vie de ces gens denses qui vivent dans cette "ravine", ces bois et ces champs. Des vies simples, élémentaires baignées de l'étrange douceur de ce texte très particulier à la puissance évocatrice rare.

Quand vous lisez ce livre vous n'êtes pas ailleurs que dedans !

mots-clés : #amour #nature #poésie #ruralité #social
par animal
le Dim 1 Juil - 21:57
 
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Sujet: Sergueï Essénine
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Roman Sentchine

La zone d'inondation

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Zone_i10

Parce qu'un oligarque moscovite s'est rendu compte que cela pourrait bien lui rapporter quelques sous, vingt ans après, les travaux de la centrale hydroélectrique de Bougoutchany, en Sibérie, reprennent. Et voila que la menace, qui planait depuis si longtemps qu'elle avait été quasi oubliée, devient réalité:  le lac de barrage va engloutir des villages entiers. les habitants vont être recasés à la va-comme-je-te-pousse, les morts aussi seront déplacés.

Alors de quoi se plaint-on? Eh bien d'abandonner une vie séculaire, ancrée dans une réalité terrienne, de rompre avec ce qu'on a   aimé ou détesté, mais connu, ses souvenirs, son travail et ses amours. D'être asservis par la cupidité des puissants, l’intransigeance des petits chefs, la corruption de tout un appareil.

Sans s'attacher à un héros précis, Roman Sentchine fait vivre toute cette  population bafouée, ses espoirs et ses désespoirs, ses combats et ses renoncements. C'est le dernier enterrement, ce sont les derniers mois puis les derniers jours, qu'emmener, qu'abandonner? C'est déchirant mais imparable. Et puis il faut se réhabituer ailleurs, et cet ailleurs,  outre qu'il est  un outrage, n'a pas d'âme.

J'ai curieusement été emportée par ce texte, qui laisse une large part aux dialogues, moi qui n'en suis guère adepte, car ces échanges  anodins traquent au plus profond des émotions non-dites, dans un grand respect des interlocuteurs. C'est prenant, c’est tragique, c’est l'homme mortifié par ce qu'on présente comme une fatalité mais qui n'est en vérité que la vénalité de ses pairs.




mots-clés : #identite #lieu #ruralité
par topocl
le Dim 15 Avr - 17:05
 
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Sujet: Roman Sentchine
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Franck Bouysse

Glaise

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Image107
                                               

Sur fond de guerre de 14, au fin fond du Cantal rural, ceux et celles qui ne sont pas partis au front tentent de survivre, et affrontent l'amour et la haine.

Les péripéties sont totalement prévisibles dans les deux premiers tiers du livre, et ce qui innove un peu à la fin est préparé mine de rien  par des dialogues-pièges semés ça et là entre les chapitres pour feinter le lecteur. Les personnages sont, on dira dans ce contexte rural, taillés à la serpe, la nuance  ne semblant pas faire partie de la psychologie des habitants du Cantal. Assez curieux de voir ces paysans de peu de mots alterner entre le dialogue utilitaire  et les interrogations philosophico-existencielles. Enfin, parmi les scènes vraiment "terroir", un certain plaisir à se complaire dans la vilénie assez morbide.

Tout cela dans un style ronflant à force d'être travaillé, avec des métaphores "poétiques" qui fleurissent à chaque page (oui, à chaque page, ce n’est pas une façon de parler).

Cet avis n'engage que moi, Le Monde recommande, mon libraire recommande, Babelio note 4.25/5...

Mots-clés : #amour #identitesexuelle #premiereguerre #ruralité
par topocl
le Sam 10 Mar - 9:36
 
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Sujet: Franck Bouysse
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Carlo Levi

Le Christ s'est arrêté à Eboli.

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Eboli10



« Confinati » - c-à-d mis en résidence surveillée – de 1935 à 1936, pour antifascisme, à Gagliano, petit village de Lucanie (Basilicate actuelle), Carlo Levi a rapporté de son séjour forcé dans « cette terre sans consolation ni douceur, où le paysan vit, dans la misère et l’éloignement, sa vie immobile sur un sol aride en face de la mort ».

Pourquoi ce titre ?
« Nous ne sommes pas des chrétiens, disent-ils ; le Christ s’est arrêté à Eboli. » Chrétien veut dire, dans leur langage, homme – et ce proverbe que j’ai entendu répéter si souvent n’est peut-être dans leurs bouches que l’expression désolée d’un complexe d’infériorité : nous ne sommes pas des chrétiens, nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes pas considérés comme des hommes, mais comme des bêtes, moins que les gnomes qui vivent leur libre vie, diabolique ou angélique, parce que nous devons subir le monde des chrétiens, au-delà de l’horizon, et en supporter le poids et la comparaison.


Carlo Levi, dans la lenteur et la langueur du temps qui passe, des journées qui paraissent interminablement calmes et vides, observe et peint, découvre et décrit, comprend et analyse.
Sans jamais tomber dans l’apitoiement misérable, Carlo Levi nous confie son vécu dans une écriture qui coule comme une source claire et fraîche, nous livre ses réflexions d’une profonde humanité, nous bouleverse avec ses mots simples. Les descriptions des paysages y sont certes très belles mais ce qu’il réussit à merveille c’est de nous approcher de ses paysans, de leur monde. Le texte sobre donne une telle dimension à la souffrance et au désespoir que l’on frissonne tant on finit par aimer ces paysans.
Carlo Levi fait la lumière sur la réalité de ce qu’était le sud de l’Italie, un pays oublié vivant toujours comme à l’époque féodale où les propriétaires et les fascistes (la petite bourgeoisie) régnaient sur une population décimée par la malaria.
A la fin du roman, Levi expose une sorte de réquisitoire où sont développées les réelles solutions à apporter pour que cette région et ses paysans et leurs enfants se sentent intégrés dans leur propre pays, « créer une nouvelle forme d’Etat qui soit aussi l’Etat des paysans ».

Grande émotion.

(carnet retrouvé...)


mots-clés : #autobiographie #exil #politique #ruralité #social
par Cliniou
le Lun 15 Jan - 12:08
 
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Sujet: Carlo Levi
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Collectif - Paroles de Paysans

Petite chronique de la boue

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Haget-10
Haget, dans le Gers, où est né et décédé Marius Noguès, et où il cultivait une propriété de 25 hectares.

Nouvelle, 1967, auteur Marius Noguès, 75 pages environ.

Sans doute celui que j'ai le moins apprécié des trois, même en le lisant avec l'accent gascon sud-gersois. Parce que c'est le moins paysan des trois ?
C'est possible (sinon certain), car c'est pourtant celui dont l'écriture est la plus élaborée, et celui qui a le plus de, je ne dirais pas style ("Vie d'un simple" est, à mon humble avis, bien supérieur sur le style) mais verve.

Peut-être aussi qu'il y a maldonne, halte au joyeux méli-mélo: paysan, villageois, rural, agricole sont des termes différents, recouvrant des notions différentes. Ce roman-là est villageois et rural, et entend marquer une opposition vis-à-vis de la vie citadine.
Et le risque de vacuité, monsieur Noguès, qu'en faites vous, je pose mon Miladiou ! ?

Voici comment commence la nouvelle:
Le vieux Basile n'en finit plus de racler sa gorge et de cracher dans les tisons.
Aux fenêtre, le ciel de novembre frotte son gros ventre, obèse de nuages et de nuit.
Quand Gustave rentre, le vieux Basile pousse de la pointe du sabot la bûche qui fait des étincelles et dit sans lever la tête:
- L'étable est faite. T'en reste pas une au fond de la poche, Gustou ? ...
Chaque soir, c'est pareil.
Le vieux Basile se rencogne auprès du feu, attise les grosses bûches, crache sur la flamme, frotte le cal de ses mains maigres et carrées, attend la cigarette de Gustave, en guettant la nuit.
Gustave lui passe la blague et se met à peler les patates. La poêle grésille. Gustave taille les pommes de terre, les jette dans la graisse pétillante, et casse deux œufs.
Le vieux Basile souffle la fumée avec béatitude et avale le plus possible. Il se tait. Gustave se tait. Le feu roucoule.
La nuit pèse de son joli ventre de négresse contre les carreaux. Elle cherche la tiédeur.
Sur le calendrier des P.T.T., l'hiver, officiellement, est marqué: 22 décembre. Ici, c'est novembre qui pousse l'hiver aux épaules, avec la pluie interminable, le givre froid, les corbeaux et le vent aux longues plaintes.
Chaque soir, c'est pareil. Quand la nuit irritée et frileuse colle sa peau d'ébène contre la fenêtre, Gustave tire les volets, l'enferme dehors. Le vieux Basile recommence à cracher sur les tisons, parce qu'il a fini sa cigarette. Ils passent à table sans un mot, selon un rite muet qui dure depuis des années.

Mais surtout depuis un an.



mots-clés : #ruralité
par Aventin
le Jeu 30 Nov - 11:07
 
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Sujet: Collectif - Paroles de Paysans
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Collectif - Paroles de Paysans

Compagnons de labour
Roman d'un paysan et de ses chevaux.

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Chevau10
Chevaux de labour. Aquarelle sur papier de Pierre Dubaut.

Après la Vie d'un simple, voici donc le second des trois romans, d'un autre auteur, Jean Robinet. Compagnons de labour fut son premier livre, souvenirs de ses rapports aux chevaux de trait plutôt que roman (245 pages environ, paru en 1946).

Sans doute le contenu de ce livre a pu faire sourire lors de sa parution, puis lors des ré-éditions, le regard du lecteur se portant surtout sur la joliesse d'un passé enfoui, d'un savoir-faire venu des fonds des âges agricoles: le rapport de l'homme au cheval en vue de produire du travail.

Aujourd'hui, il me semble qu'il n'en va pas de même, à moins de ne pas accueillir avec le moindre intérêt les idées de décroissance, de sobriété heureuse, de moindre consumérisme, de moindre endettement, de proximité et de réduction de l'empreinte carbone.

La foi en le progrès débridé, lancé tous azimuts (NB: assez sensible sous la plume de Guillaumin) atteint à son paroxysme dans la seconde moitié du XXème siècle occidental. Mais aujourd'hui, combien adhèrent encore à cette vision ?  

Des propos comme celui-ci (par Jean Robinet à l'occasion d'une ré-édition) faisaient, il y a peu, ricaner, aujourd'hui on en est à recueillir ces savoirs ancestraux sophistiqués, comme l'art de l'agriculture à moyens équins, pour les remettre à doses expérimentales, homéopathiques, au goût du jour.  

Vingt ans après...(En manière d'avant propos) a écrit: Aujourd'hui, le paysan de ma génération est encore, d'une certaine manière, un exilé: exilé en cette ère moderne, mécanique et affolée, d'où l'individu se sent chaque jour davantage coupé de ses racines. Il ne sera bientôt plus possible de reprendre contact avec le sol, comme faisait Antée, puisque de ce sol la technique ne fait plus qu'un moyen. La terre, femelle forcée, rend deux, quatre et même six fois plus qu'autrefois, mais elle n'est plus regardée comme la vieille terre maternelle et douce, qu'on aimait simplement parce qu'elle était la terre. Mais ceci est une autre histoire...

 Aujourd'hui le tracteur est là. Il supplante la bête, en dépit d'une prophétie qu'on trouvera dans ce livre et qui affirmait que le cheval demeurerait toujours le roi des champs. Il va plus vite que le cheval, il ne mange pas s'il ne travaille pas (ce qui ne l'empêche pas de coûter terriblement cher !) on n'a pas à le soigner le dimanche -mais on travaille avec le dimanche, puisqu'il n'a plus besoin de repos- et il est capable d'un effort permanent. Notre froide spéculation écarte donc, rejette ce cheval. L'homme est ingrat, oublieux, sordide. Chaque paysan -et moi-même qui trace ces lignes - devrait se juger odieux d'avoir éprouvé ce sentiment que les chevaux étaient devenus une surcharge pour sa ferme. Il devrait se sentir sordide de s'être séparé d'eux.

[...] ce que l'homme a perdu avec l'avènement du moteur, cette machine à bruit inventée pour plus de bonheur, mais qui, en dépit des services qu'elle rend et surtout de l'argent qu'elle coûte - combien a-t-elle déjà ruiné de cultivateurs ! - n'a réussi qu'à déshumaniser notre existence.
 
Le moteur a éteint des étoiles [...]  


Le cheval de trait est le sujet, le seul, on sait à peine, au fil des pages, le nombre de frères et sœurs du narrateur, jamais leurs prénoms, quasi rien de la ferme et de sa vie hors chevaux.

Même si l'on parvient à s'engluer dans quelques termes techniques et considérations à l'attention de passionnés, le fait est, malgré tout, que ce témoignage (autobiographique) fait mouche.

Tout n'est pas exceptionnel dans la manière d'écriture (c'est un premier livre, si je puis la placer là: un galop d'essai), même si l'on apprécie que ce livre fut conçu en captivité, au stalag, pendant la seconde guerre mondiale: le savoir nous rend la lecture un peu plus cruciale, un peu moins badine.
Toutefois:
C'est vivant et même vif, le rythme syncopé de l'abondante ponctuation sert avec justesse le propos.

Cet hymne d'amour a de beaux accents, quelques anecdotes emplies de tendresse, toutefois, sans goût particulier pour le drame, avec un peu d'objectivité je dois admettre que c'est la partie finale et tragique (le cheval et la guerre) qui emporte mes faveurs pour ce qui est de l'écriture.

Chapitre Les chevaux à la guerre a écrit:  On part. Les chevaux ont un peu mangé, les hommes aussi, mais tous sont las, les bêtes toujours plus maigres, blessées par le harnachement. Je me souviens d'un petit cheval aubère, une bonne petite bête, mais complètement fourbu, il ne pouvait plus se tenir debout. Impossible de l'emmener. Nous l'abandonnons là, pourquoi le tuer ? Il reste quelques civils au pays, peut-être quelqu'un le récupèrera. Après deux heures de route, semées de villages, de bois et de carrefours, quelle n'est pas notre surprise de voir le petit cheval laissé là-bas rejoindre et suivre sa pièce !

Par quel miracle, par quel effort avait-il pu réaliser cela ? Se lever, marcher, nous retrouver ! Un chien flaire les traces de ses maîtres, mais un cheval ! Les hommes, les attelages de sa pièce composaient-ils donc sa famille ? Certains chevaux possèdent un instinct supérieur. Celui-là, le pauvre, un héros dans son espèce, paya bientôt le sentiment qu'il vouait à ses compagnons de malheur, car, quelques centaines de mètres plus loin, il s'affaissa sur le bord de la route. Certainement il y est mort.



mots-clés : #ruralité
par Aventin
le Jeu 30 Nov - 11:06
 
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Sujet: Collectif - Paroles de Paysans
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Collectif - Paroles de Paysans

La Vie d'un Simple
Mémoires d'un métayer

Genre: transcription biographique (?).
375 pages environ (58 chapitres et un avant-propos), auteur: Émile Guillaumin, paru en 1904.

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Meille11
Meillers dans l'Allier, où Tiennon voit le jour et passe son enfance.


Ce livre obtint un assez imprévu succès de librairie à sa parution, avant de tomber dans l'oubli. Des trois romans du livre, c'est celui que je recommande avec le plus de chaleur.

Émile Guillaumin, lui-même paysan et tout juste trentenaire, recueille les récits d'un voisin dont la vie de métayer traverse le XIXème siècle, le père Tiennon, Étienne Bertin pour l'état civil.

Voici le projet tel qu'il le livre en avant propos:
Je me suis dit: "on connaît si peu les paysans; si je réunissais pour en faire un livre les récits du père Tiennon..."
Un beau jour, je lui ai fait part de mon idée. Il m'a répondu avec un sourire étonné:
"A quoi ça t'avancera-t-il, mon pauvre garçon ?
- Mais à montrer aux messieurs de Moulins, de Paris et d'ailleurs ce qu'est au juste une vie de métayer - ils ne le savent pas, allez ! - puis à leur prouver que les paysans sont moins bêtes qu'ils le croient: car il y a dans votre façon de raconter une dose de cette "philosophie" dont ils font grand cas.
- Fais-le donc si ça t'amuse...Mais tu ne vas pas rapporter les choses comme je les dis; je parle trop mal...Les messieurs de Paris ne comprendraient pas...
- C'est juste; je vais tâcher d'écrire de façon qu'ils comprennent sans effort; mais en respectant votre pensée de telle sorte que le récit soit bien de vous quand même."


Sur la compréhension "sans effort", le fait est que cet ouvrage est remarquablement fluide, d'un agréable style coulé, c'est empli de fraîcheur et se lit ad libitum. Chaque chapitre s'achève sur une observation, un enseignement de ce qu'il y a à tirer de celui-ci.

Les peurs du petit enfant constituent une remarquable accroche pour embarquer le lecteur - pas mal vu le procédé littéraire - les joies, les peines, les caractères, et au centre toujours le travail agricole, omniprésent, âpre, harassant quoique varié (l'on se situe à un lieu et une époque de polyculture).

Toutes les nuances métayer, fermier, journalier, et tous les petits métiers et l'artisanat de bourg ou de village sont autant de clivages, d'incompréhensions. Et ce n'est rien comparé aux gens de la ville, aux propriétaires, aux fermiers dit généraux (régisseurs).

C'est aussi une évocation, assez vague, des différents régimes du XIXème siècle en France, où l'on voit surtout combien tous les soubresauts politiques du siècle arrivent atténués, quasi inaudibles, dans les campagnes.

Entame du chapitre 4 a écrit: Songeant qu'à moins de sept ans m'advenaient ces aventures, comparant mon enfance à celle des petits d'aujourd'hui qu'on dorlote et qu'on choie, et qu'on oblige à aucun travail sérieux avant douze ou treize ans, je ne puis m'empêcher de dire qu'ils ont joliment de la chance. En ai-je fait, moi, des séances de plein air pendant qu'eux font leurs séances d'école ! Du temps où j'étais berger, j'esquivais les très mauvais jours: car on n'envoie pas les brebis dehors quand il peut ou neige. Mais quand j'atteignis neuf ans on me confia les cochons et c'en fut fini de cet avantage. Qu'il pleuve ou vente, que le soleil darde ou que la bise cingle, par la neige ou par le gel, il me fallait aller aux champs. Oh ! ces terribles factions d'hiver, alors que l'on est enduit de boue tout au long des jambes, que l'on a les pieds mouillés et que le froid étreint, quoi qu'on fasse, en une progression méchante ! On ne peut pas s'asseoir; les bouchures dépouillées ne donnent plus d'abri; les doigts gourds et crevassés font mal; un tremblement inconscient vous agite: oh ! qu'on est malheureux !


(NB: sur la notion d'"aucun travail sérieux avant douze ou treize ans", cela s'entend à l'aune de ce qui se vivait dans les campagnes à la fin du XIXème - au reste quand on voit, au long du livre, ce que l'on entend par travail sérieux, qu'on réserverait de nos jours à des adultes accomplis en d'autres termes, un immense respect me prend, c'est juste incroyable.)

La façon dont le paysan est moqué, ou croqué comme pittoresque, les soirées où il sert de "jouet" aux messieurs de la ville qui viennent lui piller son parler et ses réparties, la manière douloureuse de quasi-domesticité du métayer, dont les enfants servent d'amusement à ceux du propriétaire et dont les fruits les plus rares de leurs productions sont "offerts" sur caprice  à la femme du possédant, le peu de cas fait du logement pour les humains (le propriétaire a intérêt à bien loger les bêtes, le métayer et sa famille, ça ne sert à rien) et bien d'autres éléments donneraient peut-être rancœur à ces pages, sous une autre plume, mais l'écueil est évité, magnifiquement, par l'espèce de philosophie-bon sens général qui habite le père Tiennon.

Fin du chapitre 55 a écrit: Mes garçons reprirent un domaine à Bourbon, Puy-Brot en direction de Saint-Plaisir. Le maître, un certain Duverdon, fermier général jeune encore, longues moustaches châtain foncé, barrant un visage ridé, l'air arrogant, narquois, passait pour très fort en affaires. À l'époque de la Saint-Martin, il faisait des expertises de cheptels dans un rayon d'au moins six lieues. Il innovait en matière de bail, une clause portant interdiction de vendre lait ou beurre sous peine d'une amende de cinquante francs - les jeunes veaux devant bénéficier de tout le lait des mères. Le reste à l'avenant. Duverdon, roublard nouveau jeu, enlevait aux métayers les quelques avantages qu'ils avaient conservés jusqu'alors.
"Et vous avez accepté tout ça sans regimber ? dis-je à Charles le jour où il m'annonça que le bail était signé.
_ Que veux-tu, si nous n'avions pas accepté, plusieurs autres étaient prêts à le faire, et, dans la région, il nous eût été difficile de trouver un autre domaine vacant..."



mots-clés : #ruralité
par Aventin
le Jeu 30 Nov - 11:05
 
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Sujet: Collectif - Paroles de Paysans
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John Steinbeck

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 C_la-g11


La grande vallée

Ce sont 13 nouvelles qui mettent en scène les habitants de la vallée de Salinas, des fermiers principalement. C’est le quotidien de ces hommes et de ces femmes, aux gestes immuables, confrontés à la rigueur des saisons ; les hommes travaillent à l’extérieur et se trouvent des excuses pour aller à la ville, les femmes rêvent d’évasion, le caractère des uns et des autres est aussi rigoureux.

Plusieurs nouvelles semblent avoir été éditées en feuilleton, elles concernent la famille Tiflin et plus particulièrement l’enfant, Jody, son initiation à cette vie de fermier,  aux animaux qui lui apporteront joie et peine.

Cette lecture, malgré les grands espaces supposés, m’a quelque peu étouffée, tout au long on espère une évasion qui n’arrive pas, peut-être parce que, comme le dit le grand-père de Jody, les pionniers de l’Ouest  ont vu leurs espoirs de poursuite stoppés quand ils sont arrivés devant l’Océan.

Les personnages et leurs sentiments sont bien traités  bien sur mais je n’ai pas été accrochée.

C’est vrai que les nouvelles ne sont pas les lectures que je préfère.



mots-clés : #nouvelle #ruralité
par Bédoulène
le Lun 4 Sep - 15:28
 
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Jane Smiley

Jane Smiley
Née en 1949


Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 Janesm10

Jane Smiley est femmes de lettres américaine. Elle a été professeur à l'Université de l'Iowa. Elle est lauréate du Prix Pulitzer 1992 pour le roman L' Exploitation inspiré du Roi Lear de Shakespeare. Ce roman est adapté au cinéma en 1998 sous le titre A Thousand Acres (Secrets), réalisé par Jocelyn Moorhouse avec Michelle Pfeiffer et Jessica Lange. Elle vit actuellement à Carmel en Californie.

Source : Babelio

Oeuvres traduites en français

1981 : Jusqu'au lendemain (At Paradise Gate)
1984 : Un appartement à New York (Duplicate Keys)
1988 : La Nuit des Groenlandais (The Greenlanders)
1991 : L'Exploitation (A Thousand Acres)
1995 : Moo (Moo)
1998 : Les Aventures de Liddie Newton (The All-True Travels and Adventures of Lidie Newton)
2000 : Le Paradis des chevaux (Horse Heaven)
2003 : En toute bonne foi (Good Faith)
2007 : Dix jours dans les collines de Hollywood (Ten Days in the Hills)
2010 : Une vie à part (Private Life)





Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 41zdsr10

Nos premiers jours Editions Rivages traduit en 2016.

Voici donc le premier livre d'une trilogie... une saga familiale. J'attends avec impatience les suivants... Je pense avoir déjà lu au moins un ou deux des romans de cette auteure, mais à vrai dire, je n'en ai aucun souvenir, dommage Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 2441072346 Ceci dit, c'est vraiment pas mal au final même si commençant ma lecture je me suis dit : bof....en fait, on s'immerge peu à peu dans la vie de cette famille d'agriculteurs qui se déroule de 1920 à 1953.

Walter et Rosanna Langdon ont réalisé leur rêve, posséder une ferme bien à eux dans l'Iowa. Ils ont six enfants, font pousser du maïs, traversent des épreuves, un rythme lent, quotidien, la vie pas simple d'un cultivateur, au rythme des saisons, les variations des cours suivant les années, l'avènement de nombreux changements, les tracteurs, etc. Les enfants grandissent, leur évolution au fil du temps, leur personnalité particulière, tout ceci est très bien décrit.

Oui, j'ai bien aimé, on s'attache aux personnages, quelques touches de politique, l'engagement des Etats-Unis pendant la dernière guerre
à travers la vision du fils aîné de Walter et Rosanna, Frank, qui s'engage, assez intéressant. J'espère ne pas devoir attendre trop longtemps pour la suite Wink


mots-clés : #famille #ruralité #viequotidienne
par simla
le Sam 31 Déc - 8:18
 
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Marcel Aymé

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 515v7210

La table aux crevés

Marcel Aymé écrit en mars 1929 à son frère Georges qu’il écrit un roman de la campagne depuis une semaine et compte le terminer en juin.

C'est en effet un roman de la campagne.
La cuisine était propre. Au milieu, l'Aurélie pendait à une grosse ficelle, accrochée par le cou.


Tel est l'incipit du roman.

Suivent deux paragraphes qui accompagnent l'Aurélie vers sa décision fatale. Très rapidement, avec économie et grande humanité, nous découvrons ce que pourrait-être mourir, par une lubie, qui couverait hors du monde qui-devrait-être.

Ce jour là, l'Aurélie avait une chaude envie de renaître dans la peau dorée d'une madone des champs. Son ulcère lui paraissait une purulence immense qu'il fallait guérir tout de suite


Ainsi fut fait.

Urbain Coindet son époux la trouvera morte à son retour.
Emu, troublé, et ce faisant Aymé nous dépeignant ce que substantiellement Trouble veut dire, il recevra bientôt visite de sa belle famille, veule. Fouille M. Intéressée.

Coindet nous parait frustre mais bon, sentimental, c'est ainsi que l'on dit. Un peu dépassé, aussi.
On croit lire un roman de la campagne.

C'est pourtant en grande flamboyance que, sans s'y attendre guère, (ai-je envie de dire, prise par le lexique campagne ) on lira :
Vos filles c'est des belles charognes


Coindet n'est point sot, ni veule. Et si la mort de sa femme le peine mais le trouble en espoir qui nait, il a de la morale, et de la colère.
C'est parti de là que j'ai eue joie à lire.Même Zola ou Ramuz ne distillent pas autant de fines dychotomies sur les caractères de leurs personnages. Je les cite car ils ont accompagné mes deux dernières lectures "de la campagne".

La table aux crevés c'est un bouquet de relativité.

Le curé haussa les épaules, fâché d’avoir oublié que le monde était fait exprès pour les hommes.


Les calotins craignaient Dieu, les républicains s'en méfiaient seulement (...)


Dans ce roman, au fil d'une cabale contre le veuf, deux mondes vont prendre position, ceux de la plaine, "du plat" , et les gens de la forêt, étroitement familiers les uns des autres pourtant.

On verra aussi se dessiner l'effroi en nous, et eux, sur le tard, à peser la singularité d'un personnage candide, charmant, mais au pouvoir semblant terrible. Je crois que La vouivre doit filer ce thème (car c'est d'un personnage féminin dont je parle)

J'ai adoré.
Parce que usant d'archétypes, Aymé les courbe légèrement de manière à les rendre moins figés, et parce qu'il semble avec constance nous démontrer que tout sot qu'ils fussent , chacun d'entre eux ne l'est point tant.

Délicieux. humaniste. Cynique. Drôle. Et tendre.


mots-clés : #ruralité
par Nadine
le Lun 19 Déc - 20:47
 
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Sujet: Marcel Aymé
Réponses: 35
Vues: 3044

Henri Bosco

Tag ruralité sur Des Choses à lire - Page 5 51k99p10

Le mas Théotime

C’est tellement de sentiments, d’émotions, la lecture de ce livre, mais c’est avant tout un grand amour pour la Terre et tout ce qu’elle offre à l’être humain ; Terre nourriture du corps mais aussi de l’âme.
Sortant de ma lecture de Simone Weil, j’ai retrouvé dans ce livre sa pensée :  le salut par le travail, le travail salvateur de la Terre et qui conduit vers  la sérénité, la pureté  et plus, vers Dieu.
« Or dans la solitude des champs, des bois et des collines, si quelque aliment pur ne nous soutient, il peut nous arriver d’abandonner, sans le savoir, l’exercice des facultés humaines et de perdre le sentiment et la jouissance des biens intérieurs. Ce sont de vieux biens, depuis longtemps déposés en nous par la patiente communauté des hommes, et qu’ ils nous ont légués pour nous permettre justement de passer sur la terre, sans trop de terreur ni de désespoir. Quand nous les perdons, il ne nous reste plus que notre chair à opposer au monde, et nous savons trop le peu qu’elle pèse. »
« Le travail qui nous occupait du matin au soir, rudement, maintint notre souci commun dans les lieux solides et sains de l’âme. »

« Ils savaient simplement de père en fils, que ces grands actes agricoles sont réglés par le passage des saisons ; et que les saisons relèvent de Dieu. En respectant leur majesté,  ils se sont accordés à la pensée du monde, et ainsi ils ont été justes, religieux. »


Mais comme l’Homme et la Femme  ne sont que des humains ils ont aussi des bonheurs et des malheurs terrestres ; l’amour en est un. Celui qui unit Geneviève et Pascal est malheur par la force de leur cœur sauvage, et bonheur  quand ils comprennent et acceptent qu’il ne vive que dans leur âme,  en le consommant ils le perdraient.

Il y a beaucoup de respect et d’amitié dans les relations entre Pascal et les Alibert, cette famille représente avec honneur la vie de l’homme de la terre,  celui qui  sait s’en faire une alliée.  Le lecteur sent  dans les mots de l’auteur tout le respect que lui-même accorde à ces paysans :
« Elle respirait le bonheur. Et de la voir ainsi je me sentais heureux, parce qu’elle  était grande, belle, et qu’elle marchait près de moi, avec la confiance, à pas lents, comme une vraie femme de la terre. »

Quand Clodius est assassiné à la lecture du testament Pascal découvre la justesse avec laquelle le disparu  l’a jugé puisqu’il lui lègue tout ses biens, à lui alors que tant de haine les  a fait ennemis, mais dont le même sang coule dans les  veines ; c’est avec humilité et honneur qu’il acceptera les devoirs qui y sont rattachés.

« Dans la pièce il y avait Clodius, et il était vivant. On venait d’entendre sa voix, dure, ironique, mais mâle et d’une sorte de grandeur qui nous dominait, même moi, qui l’avais haï, et qui savais pourtant ce que peut inspirer un cœur sauvage. Du mien, une sorte d’amour aussi farouche partait vers lui, et je me disais, tout en moi, avec un orgueil chaud et sombre, que c’était mon sang qui venait de parler. »

Difficile de comprendre, à part au premier abord, dans les premières minutes où Pascal comprend que celui qu’il abrite est l’assassin, la raison de la non-dénonciation.  C’est qu’il ne faut pas oublier l’hospitalité dû à celui qui la réclame, l’asile en quelque sorte.

« Le sens de l’hospitalité l’avait emporté sur le sens moral. »

Quel désarroi ensuite pour Pascal lorsqu’il comprend qu’il se trouve complice de cet homme, mais Théotime le sauve de  l’acte vil, la dénonciation qu’il s’apprête à faire alors que la décision de Geneviève le bouleverse  et qu’il comprend que la séparation est définitive :

« Je fis un pas ; mais, quoique je n’eusse pas honte , tant je brûlais de douleur et de jalousie, je fus arrêté. Une brise m’avait apporté une odeur de fumée que je connaissais bien. Il était six heures, et Marthe venait d’allumer du feu à Théotime pour mon déjeuner du matin.  Malgré moi je me retournais pour regarder ma maison. »

Geneviève qui vivra désormais dans la sérénité qu’offre la piété, donne à Pascal un dernier gage d’amour, en lui offrant l’Ermitage de St-Jean, en tant que Maître il redonnera vit à la fête de Noël « le feu des bergers ».
Pascal vivra ses obligations envers la Terre, ses gens, Théotime  dans la solitude, le respect et l’amitié des Alibert,  avec l’apport de tous les » Vieux  Biens » légués par ses ancêtres.

Une lecture qui illumine, qui apporte la sérénité, les bienfaits de la Terre et un espoir en et pour  l’Homme.
Beaucoup de poésie dans les mots, l’auteur  fouille au plus secret des cœurs et des âmes, n’en cache pas la noirceur mais sait en élever aussi le meilleur.

l'Ermitage de St-Jean du Puy à l'heure d'aujourd'hui

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Celui qui ne dispose pas des deux tiers de sa journée pour soi est un esclave. » Friedrich Nietzsche
par Bédoulène
le Sam 10 Déc - 17:09
 
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Sujet: Henri Bosco
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