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Gunnar Gunnarsson

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Message par tom léo Mer 1 Nov - 7:28

Gunnar Gunnarsson
1889 - 1975

Gunnar Gunnarsson Gunnar10

né en 1889 à Valþjófsstadur dans la vallée de Fljótsdalur, dans l'Est de l'Islande - décédé le 21 novembre 1975 à Reykjavik) était un écrivain islandais. Il a essentiellement écrit en danois. Il naît le 18 mai 1889  Il est le fils de Gunnar Helgi Gunnarsson et Katrín Thórarinsdóttir. Sa mère meurt le 18 septembre 1897 alors qu'il est âgé de huit ans, sa disparition restera un traumatisme important pendant toute sa vie. En 1907, Gunnar Gunnarsson part au Danemark, où il étudie pendant deux ans à l'Université Populaire de Askov, dans la province du Jutland jusqu'en 1909. À la fin de ses études, il décide de rester au Danemark pour commencer sa carrière d'écrivain. En 1939, Gunnar et sa femme reviennent s'installer en Islande à Skriduklaustur, près du lieu de son enfance. En 1948, ils vendent la propriété à l'État islandais et viennent s'installer à Reykjavik, où ils resteront jusqu'à leur mort.

Pendant son enfance, son éducation scolaire se limite à quelques semaines de cours par an donnés à la maison par des enseignants itinérants et un hiver passé à l'école de Vopnafjördur. Cependant, Gunnar lit beaucoup de livres : les sagas islandais mais aussi de la littérature scandinave et européenne, et commence très tôt à écrire. Ses premiers recueils de poèmes sont édités alors qu'il a seulement 17ans. En 1907, il part étudier la littérature à l'Université Populaire de Askov au Danemark, ce qui lui permet d'approfondir ses connaissances littéraires. Il décide alors d'écrire ses prochaines œuvres en danois, pour toucher un public plus large.

Entre 1909 et 1911, le succès n'est pas au rendez-vous pour Gunnar Gunnarsson qui publie plusieurs œuvres passées inaperçues. Puis sa carrière décolle avec la Saga de la Famille Bjorg, qu'il publie entre 1912 et 1914. Cette œuvre devient très populaire au Danemark et est même traduite dans plusieurs langues, faisant de Gunnar Gunnarsson un écrivain désormais reconnu.

À partir de ce moment, les succès s'enchaînent pour l'écrivain : on peut citer Bienheureux sont les simples, publié en 1919 et considéré comme une œuvre phare de la littérature scandinave ou encore L'Église de la Montagne, œuvre en partie autobiographique, dont les cinq volumes sont publiés entre 1923 et 1928. Il devient un écrivain très célèbre, particulièrement au Danemark et en Allemagne et ses œuvres sont traduites dans de nombreuses autres langues.

Gunnar Gunnarsson a fait partie de la liste des écrivains proposés pour le prix Nobel en 1918, 1921 et 1955 mais ne l'a jamais obtenu.

Ouvrages traduits en français

1925 - Vaisseaux dans le ciel : Page 1
1925 - Le Jeu des brins de paille : Page 1
1926 - La Nuit et le Rêve : Page 1
1947 - Oiseaux noirs
1993 - Le Berger de l'Avent
2000 -  Frères jurés

cliquer ici pour la liste des ouvrages non traduits:

màj le 10/12/2017

(Source : wikipedia)
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Message par tom léo Mer 1 Nov - 7:42

Gunnar Gunnarsson 32648610


Le Jeu des brins de paille
Vaisseaux dans le ciel


Originale : Danois,  « Leg med strå » 1923 et  « Skibe på himlen » 1925

CONTENU :
La description des années d'enfance d'Uggi est sans pareil dans la littérature islandaise. Certains la comparent avec les récits autobiographiques d'un Maxim Gorki ou d'un Marcel Pagnol.

Si je présente ici ces deux premiers tomes de la tétralogie autogiographique romancée de Gunnar Gunnarsson, c'est parce qu'en allemand ils sont réunis dans un seul tome (et difficilement trouvable...)

REMARQUES :
Ces deux livres sont quasiment de la même longueur (dans mon édition 185 pages chacun), divisés en 7, voir 8 chapitres. Dans ceux-ci vous trouverez des sujets visiblement facilement séparables. Le roman/le récit est raconté dans une stricte chronologie, du point de vue d'un narrateur dans la première personne : étant adulte (quel âge?) il se souvient de son enfance, à cheval entre le XIXème et XXème siècle, dans une Islande très rurale. A la fin du deuxième tome, le personnage central, Uggi a environ sept ans.

Cette concentration d' »histoire racontée » sur ces premières années de vie montre déjà à merveille, à quel point le narrateur y voit une source de richesse, pleine de vie, de rencontres, de sagesses. Je ne cessais de m'émerveiller comment un garçon, vivant dans une ferme somme toute assez reculée, peut nous conter et raconter de tant de choses vécues. Bien sûr il s'agit moins de richesse matérielle que de richesse d'autres types. Il vit avec sa famille grandissant dans un élevage de moutons, ensemble aussi avec quelques autres figures centrales : des serviteurs, des voisins, des personnes diverses et avant tout ses parents, ses frères et sœurs. Cette vie est encore entièrement en harmonie, en étroit lien avec la nature, les animaux, le temps.

Le Père Greipur est au début administrateur sur la ferme de son frère, pasteur, avant de prendre en propre régie pendant une année une autre ferme. Lors de son retour, son beau-père propose à la famille de s'approcher de son lieu de vie (à quatre jour de cheval). Assez riche, il leur offre une ferme dans l'entourage. Après le déménagement, une nouvelle vie commence sur cette autre ferme.

Des rencontres et des adieux marquent la vie aussi, dans un pays où les distances éloignent les gens des fois pour toujours. En se souvenant de son enfance, c'est avec un regard d'adulte que le narrateur se souvient de la fuite du temps : que tel ou tel moment était définitivement « la dernière fois ». Sinon c'est un ton léger, plein d'humour d'un enfant (dans le meilleur sens) qui marque le récit. Pas une page où le lecteur ne trouvera pas une raison pour sourire. Mais aussi de se poser des questions, p.ê justement avec les rythmes contemporains : où est-ce que nous nous trouvons aujourd'hui ? La vitesse de vie, c'est quoi le progrès ? Y-avait-il une qualité de vie avant le portable ?...

Ce qui m'a frappé aussi : la place qu'occupait alors encore le récit, la narration, le conte, l'affabulation dans la vie des gens ! Oui, c'est encore une culture essentiellement orale : on ne cesse de se raconter des histoires et d'éveiller la phantasie, la créativité dans ce sens-là. Des figures d'un monde mythique ou de conte sont toutes proches, le rêve omniprésent.

Dans les descriptions des caractères on a toujours l'impression de rencontrer des personnes « originales », un peu à part. Quelques fois avec leurs cotés tranchants ou blessées, mais « entières ». Mais dans l'âge d'Uggi – et il l'admettra dans une réflexion très belle – il se demande s'il ne se trouvait pas encore dans la grâce d'un âge où malgré des colères possibles, l'autre restait foncièrement bon. On ne connait pas encore, malgré toutes blessures et offenses, le mèpris profond qui nous est parfois propre plus tard et qu'on appelle « maturité ». En cela, c'est une confiance plus profonde, l' »Urvertrauen », qui est le propre de ce récit.

Et ce n'est pas si mal. Et cela fait du bien !

Je recommande la lecture : j'ai été ravi de ces pages. S'il y a bien référence à un univers réligieux (et comment ne serait-ce pas le cas dans ces temps-là?), il y a pourtant rien qui empêchera une lecture fructueuse. Le narrateur est poussé aussi, dans les derniers pages, devant les questions éternelles qui font justement douté d'une sécurité qui l'environnait jusqu'à là...


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Message par animal Mer 1 Nov - 10:06

Gunnar Gunnarsson 32648610

J'avais beaucoup aimé cette lecture (merci encore Aventin) :

Le jeu des brins de paille et vaisseaux dans le ciel

  Souvenirs d'enfance dans les herbes islandaises. Souvenirs d'enfance racontés proches du point de vue de l'enfant qui est notre guide et narrateur. Donc exercice périlleux... mais réussite complète. On ne tarde en effet pas à se laisser prendre par la main et à regarder par ces yeux d'enfant.

  Ce qui veut dire que le talent de l'auteur pour la narration est tel qu'on ne se pose pas la question de savoir si l'on flirte avec la perfection ou non. De petit événement de la ferme en petite histoire de "Vieille Bega", Uggi notre gamin nous fait faire connaissance avec sa découverte du monde qui pour nous prend des allures de redécouverte.

  Il faut s'imaginer à lire une écriture mesurée, égale, fluide qui montre et raconte sans cesse pour dévoiler petit à petit un entourage et une naissance à soi. Les préoccupations sont d'enfant : être fort, à la hauteur du père mais juste et droit, s'amuser, imaginer mais bien montrées depuis l'adulte, sans niaiserie mais avec toute la douceur requise. Une nostalgie chaleureuse berce ces années qui font courir après un morceau de sucre, des fleurs ou un animal, la douceur du tissu familial au sens large et avec les "domestiques"... toute une confiance qui fait vivre un épanouissement chaleureux.

  D'autant plus précieux que tous ces événements et histoires si contés d'un ton léger n'en esquissent pas moins quelques dilemmes et questionnement moraux et les ombres de la vie et de la mort qui peuplent les aléas de l'existence terrestre. L'exercice de conscience se révélant d'autant plus touchant qu'aidé par la subtilité formelle de ces deux épisodes.

  Touchant aussi parce que ce regard conscient de lui-même et de ses rêves comme de ses très concrètes limites est fixé quand ce n'est pas sur ces vaisseaux dans le ciel que l'on n'entrevoit qu'assez tardivement en tant que tels sur l'entourage, les personnes, leurs beautés et leurs faiblesses et avec le plus souvent un voile sur les défauts. Et on s'amuse aussi à suivre ces tendres descriptions pleines d'empathie et de séductions diverses.

  Et dans la balance de l'expérience l'équilibre se fait entre les tensions et la sérénité, la confiance et la générosité du partage (par le récit, l'écriture) et sur un fond de nature omniprésente, rude et généreuse elle aussi, incertaine, méconnue. Quelque chose reste à portée mais méconnaissable et après il y a encore la mer.

  Et l'indéfectible amour pour cette figure de la mère qui sert d'ancrage à tous ces épisodes d'apprentissage parfois remuant, parfois silencieux et solitaire. Et quel plaisir que de pouvoir se plonger et replonger quelques jours dans une unité, une joie de lecteur comme neuf qui tout familiarisé et attaché qu'il devienne n'en finit pas lui non plus de tout simplement s'émerveiller.

  En conclusion je partage parfaitement l'enthousiasme pour cette petite merveille inestimable (comme souvent les petites merveilles). C'est une très belle façon de commencer son année de lecteur confiant.

 Très très beau, très subtil et pleinement élémentaire. J'associe ce genre de lecture au plus évident plaisir de lecteur, peut-être une des sensations qu'entre toutes je préfère. On est ailleurs le temps de la lecture, un peu ailleurs entre les moments de la lecture et encore ce n'est pas que ça.

(Récup).


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Message par tom léo Mar 7 Nov - 22:23

Nuit et Rêve


Originale : Natten og drømmen (Danois, 1926)

CONTENU : Il s'agit du troisième tome (de cinq dans l'originale) de la saga d'inspiration autobiographique de l'auteur islandais. De ces premiers tomes j'ai parlé plus haut. Le fil de narration reprend là, où le deuxième tome s'est achevé : après la mort de la mère, c'est l'arrivée d'une belle-mère dans la maison d'Uggi. Dans les premiers pages il décrit le matin de son neuvième anniversaire... et la narration va nous conduire jusqu'à ses 18 ans et son départ vers le Danemark, pour des études dans une école.

REMARQUES :
Le livre se divise en douze chapitres, qui sont encore sous-divisés par des unités de sujets, thèmes divers, indiqués par une séparation de quelques points (dans mon édition allemande des années 20).

Le roman autobiographique est très chronologique et construit simplement, sans trop d'artifices. L'histoire nous est raconté par un narrateur, parlant de son propre passé assez lointain, son enfance, sa jeunesse dans une Islande rurale, assez dure, simple.

Si les deux premières parties avaient été empreintes de souvenirs d'enfance presque romantiques, se terminant avec la mort de la mère, nous trouvons dans ce tome à la suite de ce recit des descriptions beaucoup plus marquées par des expériences dures, tristes. Ainsi la nouvelle femme du père va être difficilement adoptée par les enfants et Uggi doit se retenir fortement pour ne pas exprimer son malaise. Seulement après beaucoup d'années il semble reconnaître les efforts de sa belle-mère et commence à l'apprécier. Mais une certaine innocence a disparu et le deuil de sa mère, une solitude et le sentiment d'un monde perdu marquent ces années après sa mort. S'ajoutent encore d'autres séparations : le départ d'amis pour le plus ou moins lointain, le refus d'un premier amour.

On trouvera les descriptions des travaux plus ou moins quotidiens ou exceptionnels ; les achats dans la prochaine bourgade ; les cours temporaires à l'école de la ville et l’hébergement là-bas ; le naufrage d'un bateau et comment on videra la cargaison etc
Et à coté de tout ce travail très prenant le désir d'aller plus loin dans l'apprentissage qui est perçu comme une concurrence qui va enlèver des mains tant utiles de la ferme dans des périodes d’appauvrissement. Et les premières tentatives d'écriture, la découverte aussi de la lecture....

Et bien sûr nous continuons à trouver des descriptions impressionnantes de la (force de la) nature : on vit en et avec elle, des fois comme partenaire, des fois comme un jouet face aux éléments. J'ai lu en allemand, mais dans ces scènes il me semble que la langue de l'écrivain devient des fois grandiose et nous tire avec lui. Bon, certains pourraient la trouver un peu pathètique, contenant des anciennes tournures et idées, mais ce livre se meut souvent entre  nuit et rêve, entre réalité dure et espoir, lumière. Dans ce mélange de réalisme et d'humanisme Gunnarsson rappelle vraiment un peu un certain Maxime Gorki, ou aussi, de point de vue de style, de langue, des fois à l’œuvre de Knut Hamsun ou Ernst Wiechert.

Donc recommandation (de ma part) pour les amateurs de ces auteurs et un recit qui se situe dans l'environnement nordique, islandais !


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Message par Bédoulène Mar 7 Nov - 22:47

merci Tom Léo encore un livre qui me tente !

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Message par Invité Mer 8 Nov - 20:35

Oui, moi aussi, vraiment ! mais comment trouver le temps... Gunnar Gunnarsson 575154626

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Message par Aventin Sam 18 Nov - 6:39

Merci Tom Léo et Animal, sachez que je ne suis vraiment pas en-deçà de vous pour les compliments en ce qui concerne Le jeu des brins de paille et Vaisseaux dans le ciel, un grand bonheur de lecture, recommandons-le vivement, avec chaleur !

En attendant d'éventuelles autres traductions, disons tout le bien que Gunnarsson inspire !
Il est inouï que le travail prolifique d'un auteur de cette dimension-là, si talentueux et à aspects multiformes, du peu que je peux en dire, soit si absent de nos rayonnages en langue française: Il y a là une grande énigme.
Il a été prétendu qu'il était nobélisable dans les années 50, mais que le fait que le prix fut attribué à son compatriote Halldór Laxness en 1955 a rebuté les académiciens Suédois, peu enclins à saluer deux écrivains du même [petit] pays [à peine peuplé] en un aussi bref laps de temps.


Gunnar Gunnarsson Vaisse11
Pour ce qui concerne Le jeu des brins de paille et Vaisseaux dans le ciel, problème de riche, sélectionner des extraits est un casse-tête tant on voudrait citer un passage par chapitre au moins !

En voici trois:

Les matins lumineux se sont enfuis avec l'été. Quand je me réveille dans mon petit coin bien tiède entre mon père et le mur, ce n'est plus le soleil que je vois mais d'autres amis tout aussi éprouvés: l'obscurité et le clair de lune. S'éveiller dans l'obscurité, s'y trouver étendu, seul, tranquille, est tout aussi délicieux qu'écouter une histoire, et bien plus facile que la lire dans un livre. On peut, tout en fixant l'obscurité, découvrir les images les plus curieuses, on parvient presque à y voir ce que l'on veut. Non seulement on invente des histoires, mais on les voit encore se dérouler sous ses yeux.
Dans l'obscurité, l'incroyable devient croyable, l'impossible devient possible; en même temps que le monde visible, l'obscurité supprime toutes les limites. Je n'aime pas moins que le clair de lune dont la lumière pâle donne à tout l'aspect du rêve.
Par un beau clair de lune matinal et pur je revois la gelée et la reconnaît immédiatement.Elle a tapissé nos vitres d'un amusant réseau. Comment n'a-t'il pas fondu sous les rayons de la lune ? ...
Un autre matin, les vitres sont recouvertes d'une épaisse couche de givre: on dirait de la peluche. Les cristaux scintillent sur le verre, il ne reste plus que quelques îlots de verre libre entre la vitre et le cadre.
Le froid envahit progressivement notre étage, puis toute la maison.
Les jeux violents s'imposent alors et groupent davantage les enfants. Quand le temps et la neige le permettent, nous prenons nos luges et nous nous battons à coups de boules de neige.
(...) et aucun de nous n'hésite à préférer l'hiver à l'été.

Tout autour de moi chuchotait et clapotait l'herbe omnisciente, l'éternelle bavarde. Les tiges les plus longues, qui se dressaient comme des adultes dans un groupe d'enfants, courbaient la tête et s'inclinaient avec indulgence pour converser avec les brins les plus petits. Tout le champ murmurait et caquetait; les fleurs seules se taisaient. Elles ne parlent jamais, sauf lorsque le silence le plus complet règne autour d'elles. Mais l'herbe sait beaucoup, si elle sait tout, il faut croire qu'au fond elle ne sait rien, puisqu'elle ne peut rien raconter. Elle me laissait entendre évidemment un tas d'histoires sur Soffia et son frère, sur Disa et défunt Frédéric, mais elle emmêlait et embrouillait tout cela, et la seule histoire amusante était celle de Moldarbrunn, qui voulait jouer au cheval de bataille et qui, après de nombreuses aventures et de terribles fatigues, revint à la maison sans tête et sans queue. Cette histoire ne pouvait se prolonger indéfiniment. "Je n'ai nulle envie de prêter plus longtemps l'oreille à votre bavardage" m'écriai-je enfin, et aussitôt chaque brin d'herbe qui pouvait s'approcher de moi se mit à me chatouiller dans la figure, au cou et aux poignets. Je me retournai et me mis sur le dos, mais aussitôt les herbes me chatouillèrent la nuque et se glissèrent sous mon col. Je croisai mes mains derrière ma tête, que le ciel était donc d'un beau bleu !
Aujourd'hui on doit voir les vaisseaux...Je regardai et regardai toujours, éternuai, ma vue se brouilla, mais aucun vaisseau ne se montra. C'était véritablement ridicule qu'on ne pût jamais voir le moindre bout de ces vaisseaux. Si la terre est véritablement ronde, et il doit en être ainsi puisque tout le monde est d'accord là-dessus, le ciel doit être une mer, c'est-à-dire les eaux que Dieu avait fixées en les séparant, et dans ce cas, les vaisseaux, pour faire le tour de la terre, doivent traverser cette mer avec le sommet des mâts dirigés vers le bas, comme les mouches qui se promènent au plafond. Mais alors pourquoi ne pouvait-on pas les voir ? Pendant plusieurs jours j'avais observé le ciel; il est vrai qu'il avait souvent été masqué par des nuages. Mais Dieu a peut-être pris soin d'amener des nuages chaque fois que des vaisseaux passent au-dessus de la terre, pour que les gens ne soient pas trop effrayés et ne se laissent pas tomber d'ahurissement. Il semble peut-être aussi aux navigateurs du ciel que les pays de la terre défilent au-dessus de leurs têtes comme des nuages.

Vieille Begga se tut, puis elle ajouta d'un air de triomphe:
"quant à savoir si Egill a pu aussi bien sauver son âme du feu éternel, c'est ce que l'histoire ne dit pas.
-Crois-tu, Begga, que je puisse devenir un poète ? demandai-je craintivement.
-On ne devient pas poète, mon petit, on naît poète, ou on ne l'est jamais ! répondit Vieille Begga avec gravité, et c'est un destin bien lourd; laisse-moi voir ta langue, car une langue très longue est la première condition...Tire-la un peu plus...C'est tout ce que tu peux faire ? ...Relève-la encore un peu...Un peu plus, allons. Essaie d'attraper ton nez...Non, ma tête d'or, tu ne seras jamais poète...C'est-à-dire jamais un vrai...Mais réjouis-t'en, va ! Tous les poètes sont malheureux, ce sont de pauvres gens qui ne donnent rien de bon. Les jeunes filles n'en veulent pas, et l'eau-de-vie est tout ce qu'il leur reste pour les consoler. Ils meurent jeunes, ne laissent jamais que des jérémiades. Autrefois encore, ils chantaient les exploits, les leurs ou ceux des autres; maintenant ils ne parlent plus que de chagrins et de désappointements, c'est le plus malheureux qui est considéré comme le meilleur.
-Est-ce qu'Egill avait la langue très longue ? demandai-je. Tout ceci ne m'intéressait que très médiocrement.
- Egill ? reprend Begga, qui, du coup, me regarde avec attention. Avec des poèmes comme les siens, il faut aller loin pour trouver ses mots. Ensuite il faut savoir les arranger.
Pour faire un joli poème, c'est autant de travail que pour un joli dessin sur un tapis; alors tu peux imaginer quelle langue effilée et agile il faut avoir. Je ne sais pas comment était la langue d'Egill Skallagrimsson, mais je sais comment était sa figure.
Quand il n'était pas satisfait, il pouvait relever un de ses yeux jusqu'à la racine de ses cheveux, et baisser l'autre jusqu'au bout de son nez. Maintenant, tu peux penser la langue qu'il devait avoir avec une tête pareille. Je ne serais pas étonnée s'il eût pu lécher les coins de ses yeux avec sa langue.
-Est-ce qu'on ne peut pas faire pousser sa langue en la tirant un peu tous les jours ? demandai-je timidement.
-On n'imagine pas à quoi on peut arriver avec de la volonté, répond Begga, encourageante. En tous cas, je te conseille de ne pas risquer ta tête si tu n'as que tes poèmes pour la sauver."



(rafraîchi d'un message du 31 mai 2013)
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Message par oceanelys Sam 9 Déc - 20:59

Merci, je note cet auteur. J'ai decouvert des auteurs scandinaves et leurs styles me plaisent ☺️
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Message par tom léo Mar 20 Fév - 7:49

L'histoire de la famille Borg/Af Borgslægtens Historie

Gunnar Gunnarsson Gunnar11


Originale : Af Borgslægtens Historie  (Danois)

sous-divisé en 3 (ou 4, selon le comptage) livre :
Borgslægtens historie I-II (Ormarr Ørlygsson, Den unge Ørn) 1912/14 ;  7 chap.
Den danske frue på Hof, 1913 ; 8 chap.
Gæst den enøjede, 1913 ; 14 chap.

existe
en allemand : Die Leute auf Borg
en italien : La famiglia di Borg
en anglais : Guest the One-eyed  (seulement un des livres???)

CONTENU :
Drame, histoire d’une famille en Islande sur trois générations, vers la fin du XIXème (?). Ceci était le premier grand succès de Gunnarsson et deviendra rapidement un classique : une histoire entre des descriptions de paysages, des caractères nordiques, empreintes e gravité, attachement à la terre et à la foi, poussés sur un chemin entre l’inquiétude existentielle intérieure et la grande quête de son lieu de vie et la réconciliation avec son destin.

REMARQUES :
Le livre se sous-divise alors en trois, voir quatre livres, et comme ils se trouvent dans une ligne narratrice – malgré quelques sauts dans le temps - je ne pourrais pas ici dévoiler plus en avant les contenus des livres suivants. Je me contente donc de raconter la situation dans le premier livre et puis l’atmosphère général.

Au centre la famille d’Oerlygur sur Borg, pas seulement grand propriétaire de terrain et de troupeaux de moutons, mais aussi conseiller reconnu, aide des pauvres, vétérinaire et, à sa façon entre autorité et douceur, pacificateur. Les gens le reconnaissent volontiers dans cette autorité exercée avec responsabilité en le nommant même leur « roi » (plutôt honorifique). Les adversaires se trouvent plutôt chez les gens aisés, jaloux : le pasteur, le marchand, le docteur. Au début du livre il a 42 ans et deux fils d’âge différents : Ormarr d’une quinzaine d’années, rêvant malgré la perspectif de hériter de tout ces biens (et même du prestige) d’aller ses propres chemins. Et son père le soutient même dans son départ pour Kopenhague où il étudiera son passe-temps favori : la violine ! Et il acquiert une virtuosité, se trouve après une dizaine d’année auprès d’un maître devant le concert qui inaugurera certainement une carrière incroyable. Mais..., il ne peut pas ! Sa quête le pousse à retourner au pays, puis de monter, de retour au Danemark plus tard, de presque rien une société de transport entre le continent et l’Islande. Il contribuera à sa façon à des prix juste et un commerce florissant... Mais cela ne s’arrête pas là... Est-ce que son chemin le ramènera un jour chez lui ?

Le deuxième né, beau garçon, intelligent, a suivi l’appel pour devenir pasteur. Autorité spirituelle, morale ? On verra bien. Dans cette première partie il jouera encore un rôle moindre, mais cela se développera... L’histoire est loin d’être terminé ! Et elle nous mène via des trahisons, des déceptions vers ceux qui sont au bord du chemin. Fractures, des nouveaux commencements, des réconciliations... - comment Gunnarsson décrit ici l’être humain dans toute sa palette d’expressions, du plus obscur au plus lumineux, dans son cœur si souvent pleine d’une mélancolie, d’un désir (=Sehnsucht), chargé des fois par des fardeaux énormes marque et marquera encore le cœur du lecteur. On se sent face à des descriptions qui touchent aux plus profonds de l’homme.

Souvent la question surgit : dans quel mesure nous choisissons le destin ou nous suivons un destin, un appel ?! Qui finalement semble nous venir d’ailleurs, de Quelqu’un qui veut du bien pour nous.

On trouvera aussi ces personnes, ces caractères, chers à Gunnarsson (et pas mal d’auteurs nordiques?) qui allient en eux une foi simple, voir d’un enfant, avec un savoir dirait-on presque ancestrale, mystérieux. Ce sont – à coté des figures d’homme seulement apparemment au centre du roman - des femmes.

Un chef d’oeuvre absolu qui m’a profondément ému !

De « Af Borgslægtens Historie »  on avait fait en 1919 comme premier roman islandais de l’histoire une adaptation cinématographique.


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Message par Bédoulène Mar 20 Fév - 8:30

merci Tom Léo pour ce partage.

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Message par Aventin Lun 14 Déc - 18:19

Oiseaux noirs
(NB: se trouve parfois au singulier selon les éditions et traductions, L'oiseau noir).

Gunnar Gunnarsson Gunnar10
Titre original: Svartfugl. Écrit en Danois, parution en 1929. Sera traduit en Islandais en 1938 seulement.

Roman noir, donc.
Que de morts, et j'ajoute: que d'innocents morts de mort violente, enfants compris !
Je refuse à tenir le compte exact des cadavres qu'empile Gunnarsson. Et pourtant nous ne sommes pas dans la surenchère de violence et d'hémoglobine, telle qu'elle envahit nos écrans pour la plus grande délectation des populations contemporaines.
Tout, ici, est plus sourd.

Au niveau du genre, je souscris à peine à policier, même s'il y a beaucoup de thrill, et pas mal de suspense, une enquête, un jugement. Plutôt une mise en évidence de la condition humaine, beyond evil and good, au-delà du mal et du bien. Avec de belles pistes de réflexions sur la justice divine mise en vis-à-vis de la justice humaine.
Et, toujours, par petites touches, ces somptueuses descriptions de paysages islandais, de la vie rurale, et cet extraordinaire talent de portraitiste, où l'on retrouve le Gunnarsson de "Vaisseaux" et des "Brins", dans une entreprise romanesque complètement d'un autre ordre, d'un autre genre...

Pour un policier -si tant est que ce soit un polar- Gunnarsson n'use pas de développements digressifs, destinés, par exemple, à amener le lecteur à considérer certaines pistes comme possible. Même ce qui nous paraît éloigné du sujet finit par se retrouver, porteur de sens, de signification, à un moment donné de l'histoire.

Ainsi, le roman s'ouvre sur un chapelain, futur Pasteur, fraîchement nommé, le héros principal (Eyjolfur), du moins celui par (ou plutôt pour) qui l'histoire est écrite au "je" (voir post de Marko plus haut dans le fil).
Le prêche que vous lisez partiellement dans le post de Marko se rapporte à la mort (péri noyé en mer) du fils d'Amor Jonsson, Hilarius. Le héros épousera sa nièce, l"achètera" selon les termes utilisés par lui-même. Alors qu'elle préférait le propre frère du chapelain, Pall, avec qui elle flirtait, qui vit avec ledit chapelain et est, ni plus ni moins, son employé, son fermier:
Eyjolfur est là par une histoire d'héritage combinée à sa réussite scolaire. Mais sa vocation est sincère:
Chapitre I a écrit:Lorsque, après de longues études, je devins pasteur, ce ne fut pas seulement parce que j'avais émis le vœu de me consacrer à ce vieux sanctuaire qu'un vague parent m'avait laissé en héritage. J'ai voulu servir cette maison de prières, aussi bien par mes paroles que par mes actes.


Ainsi, on trouve le bloc mort-amour-argent-communauté de destinée-spiritualité déjà en cours d'échafaudage.


Au chapitre II entre Bjarni, peut-être le vrai héros, le personnage principal de cette histoire. Et quelle entrée, voyez plutôt:
Chapitre II a écrit:- Quel étrange cercueil ! criai-je brusquement, comme le ferait un gamin et non une soutane.
Le paysan me regarda attentivement et demanda:
- C'est vous, notre nouveau chapelain ? Quel est votre nom ?
Je fis semblant de ne pas avoir entendu.
- Qu'avez-vous dans ce cercueil ? dis-je d'un ton solennel. Peut-être était-ce la dépouille d'un homme voûté par l'âge et la misère, peut-être était-ce une de mes ouailles dont il n'avait pu étendre décemment le cadavre dans le cercueil, peut-être était-ce un malheureux estropié, un pauvre homme sans jambes. Mais aucune de ces suppositions n'expliquent pourquoi ce grand et solide paysan se montrait d'une telle avarice pour choisir ce cercueil.
Le g'ant à la barbe dorée hésita un moment.
- Je m'appelle Bjarni Bjarnason, fermier de Sjöundaà, de votre paroisse, dit-il avec grandiloquence.
Il avait déposé le cercueil sur le gazon d'une tombe toute proche.
- Dans ce cercueil se trouvent mes petits paysans...Oui je les appelais ainsi, Bjarni et Egill - ils avaient sept et huit ans. Ils ont commencé à tousser...comme ma femme a toujours toussé depuis que nous sommes mariés, il y a douze ans. Mais ces petits m'ont quitté brutalement. Des enfants, comprenez-vous...Ils n'ont pas pu résister au mal. Ne croyez surtout pas que c'est par avarice que je les ai mis dans le même cercueil...Est-ce qu'il y a du mal à ça ?
- Pas du tout, dis-je, honteux.

Sur le lieu, à présent, la toute petite paroisse de Raudasandur. La description est prestement menée et est somptueuse, vraiment la plume de Gunnarsson est exceptionnelle de puissance évocatrice concise:

Chapitre IV a écrit:De ma vie, je n'oublierai ce dimanche. Un soleil fatigué disparaissait derrière le fjord et la grève, jetant une lueur rougeâtre sur la blanche écume des vagues. Nous étions assis non loin du pré où je l'avais suivi, tandis que sa monture broutait l'herbe à nos pieds.
- Pourquoi t'évertuer à persuader les gens de Rausandur qu'une maison ne peut se construire sur le sable, me dit Amor Jonsson en riant. Nous avons douze fermes ici, et il y en a onze, y compris la tienne - avec l'église et son cimetière - qui sont bâties sur le sable rocailleux que le Bredefjord a jeté au rivage: c'est ainsi que cette terre s'est formée. Bjarni de Sjöundaà est le seul paysan de cette paroisse dont la maison fut bâtie sur la roche. Une maison qui se cache, solitaire, derrière le versant de Skor. Oui, cachée et solitaire. Et Dieu est seul à savoir si cette ferme est plus solide que les autres.
Sa voix le parut sombre et hallucinée, comme un feu couvant sous la cendre. Et je me souvins tout à coup qu'Amor Jonsson regardait souvent Bjarni mais ne parlait jamais avec lui. Oui, il le regardait d'un air attentif, presque curieux mais sans hostilité. Et lorsque je rapprochai cette attitude de ce qu'il m'avait dit à propos de la situation solitaire de la ferme, je frissonnai.
- Ce sont les loups marins qui, en mâchant, ont jeté, grain à grain, la base de Raudasandur, continua Amor Jonsson. Et si j'étais le pasteur, le prêche serait pour moi une excellente occasion de bénir leur éternel appétit. Regarde-les. Ils forment d'interminables files, ces loups qui mâchent leurs algues en regardant la terre. Leurs gueules mâchonnantes ressemblent à des lettres noires et prophétiques écrites sur l'abîme..gueules sombres, changeantes.
Il y eut un silence.
- Mais souviens-toi, mon fils, que sans les dents des loups, sans la rocaille des moules et leur éternel appétit, on ne parlerait point de Raudasandur. Et, se levant: dois-je emporter tes compliments vers Keflavik ?
Il parla ainsi, sans me regarder, et il n'attendit pas ma réponse. Les sabots résonnèrent sur le sol dur des champs, puis leur bruit s'adoucit et mourut dans l'ombre de la nuit.
Je regagnai la maison, mais je sentais mon âme rongée par des vers dont j'ignorais la provenance: sombres pressentiments, désirs assoupis, peur incertaine, haine mais surtout un amour jeune et sans limites.

La clef du titre nous est offerte dans le chapitre VIII (on vient d'enterrer Gudrun, l'épouse de Bjarni).
Chapitre VIII a écrit:Nous étions seuls, Bjarni et moi, car, lorsque Pall avait vu l'emplacement de la nouvelle tombe, ses yeux s'étaient troublés et il nous avait quittés brusquement.
- Deux ans ont déjà passés, Bjarni...
- Oui...deux années bien longues, murmura t-il sans me regarder. Puis il y eut un silence.
Après quelque temps, il s'épongea le front, se redressa et me regarda de ses yeux bleus et clairs.
- Tu te souviens de l'été passé, dans la "falaise des oiseaux" ? me dit-il en souriant. Tu te rappelles qu'un morceau de la roche s'est détaché et qu'il ne me restait plus qu'une main pour se cramponner à la paroi ? J'ai bien cru, alors, que s'en était fait de moi, et que ce serait mon cadavre qu'on ensevelirait ici, à côté de mes petits paysans.
Bjarni reprit son travail et dégagea de grandes mottes dures du sol gelé.
- Mais ce n'était pas mon destin...
Je me rappelais parfaitement la journée dont parlait Bjarni. La haute paroi de la montagne surplombant les vagues clapotantes. D'en bas, on eût dit que cette paroi se perdait dans le ciel. Et cette masse bruyante d'oiseaux, cette mosaïque mobile et étincelante d'oiseaux noirs nichant dans les falaises, papillonnant, voletant vers les roches pour aller s'évanouir dans la brume des hauteurs.
J'étais encore un gosse quand j'admirai ce spectacle pour la première fois. J'étais persuadé, alors, que de sombres esprits marins lançaient ces oiseaux contre la montagne. L'année précédente, j'avais de nouveau frissonné en revoyant ces falaises grouiller d'une vie impitoyable, cette mêlée ardente où la vie triomphait dans le vacarme et la puanteur, une vie jeune, fraîche et impétueuse à l'assaut d'une triste falaise.
Non, je n'avais pas oublié cette journée, et je me souvenais très bien de Bjarni et des autres chasseurs, groupe de petits insectes que je voyais ramper le long des rochers. Je me souvenais de la chute vertigineuse du grand bloc qui s'était détaché du rocher. Et de Bjarni, agrippé d'une seule main à la paroi, qui se balançait dans le vide...
Il avait donc songé à ses petits paysans à ce moment terrible ! Evidemment, il ne pouvait songer qu'à eux.
- T'a-t-on déjà parlé de l'oiseau noir, l'oiseau porte-malheur qu'on a vu au-dessus du village ? lui demandai-je.
Ne pas lire si vous comptez vous plonger dans ce roman:

Il y a quelque chose de l'univers Shakespearien dans ce roman. Je le ressens sans être capable de le qualifier. Il faudra que j'y repense.
Surtout je ne voudrais pas avoir suggéré un roman "no-futuriste", d'une noirceur extrême, macabre, morbide et même morbide aggravé d'un "s": sordide, donc.
Ni un roman traitant d'un monde médiéval ou quasi, et révolu.
Parce que c'est bien au-delà de ces considérations-là.
Et les problématiques, questions, pistes etc...soulevées sont contemporaines, puiqu'elles sont intemporelles.

Gunnar Gunnarsson Teikni10



Décongelé et lié de deux messages sur Parfum des 9 et 11 juin 2013.



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Message par bix_229 Lun 14 Déc - 19:46

Gunnar Gunnarsson Gunnar10

Gunnar Gunnarsson : Le Berger de l'Avent
Arlea

Dans un coin de montagne saisi par l' hiver islandais, un homme entreprend de défier la tempete et le blizzard pour sauver quelques moutons oubliés dans les alpages.

En fait, Benedict n' est pas seul. Avec lui, il a ses "amis les plus proches", Roc, le bélier et Leo, le chien. Cette "trinité-"-là est est nécéssaire et indissociable. Avec eux, grace à eux et malgré les pires difficultés, il revient indemne en ramenant quelques moutons.

Le jeu en valait-il la chandelle ? Benedict, le berger, ne se pose meme pas la question.

"Au milieu de cet univers livide, presque fondu dans l' obscurité, un homme se tenait avec ses amis les plus proches.Cet univers était le sien. Le sien et le leur. Il était un élément de de cet univers. Il pouvait le toucher de ses mains. L' atteindre avec ses yeux, sa pensée."

Et si vivre pleinement sa vie, c' était la risquer. Pour se prouver peut etre qu' un homme vivant n' est pas qu' un simple rouage. Sorti par hasard de l' ombre et condamné à y retourner...

"Il fut un temps où il craignait la mort. La vie aussi en fait. Surtout la vie. Il avait peur. C' était il y a longtemps. La peur, il l' avait laissée dans la montagne. Une grande quiétude, désormais régnait en lui et autour de lui."

..." Benedict leva les yeux vers le ciel. Le Charriot s' était déplacé de quarante cinq degrés depuis qu' il avait quitté la ferme... Il faisait bon accompagner les constellations en poursuivant comme elles, sa propre route. On se sentait en paix. Les montagnes couvertes de neige semblaient proches, douces au toucher dans la clarté lunaire. Les étoiles scintillaient sur la glace sombre du lac. Cette course était comme un poème magnifique, appris par coeur, il vous restait dans le sang."

Derrière la simplicité du propos et le dénuement extreme du personnage, il y a cette volonté, ténue, tetue, de transcender son existence dans un défi dérisoire et magnifique en meme temps.

"Si l' homme a un role à tenir, un seul peut etre, c' est de tenter de trouver un sens à ce qui n' en a pas, de refuser de jeter le gant, de combattre son destin, et meme la mort jusqu' à ce qu'elle le prenne et l' atteigne au coeur, définitivement."

J' aime bien ces gens de peu, ces gens de rien et qui semblent avoir renoncé à presque tout : l' ambition, le confort, la sécurité. Et qui pourtant, comme Benedict aiment tellement ce qu' ils ont. Ce sont des hommes de bonne volonté et c' est bien qu' ils existent.

J' imagine ce plaisir extreme qu' il connait après avoir affronté la tempete, à se sentir tellement vivant. Au plaisir rarissime de boire le meilleur café du monde et d' avoir ses "amis les plus proches" à coté de lui. Et je l' aime aussi pour la sympathie et l' amitié qu' éprouvent à son égard quelques hommes comme lui. Et pour l' affection sans mélange que lui prodiguent les enfants. Et les animaux.
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Message par Bédoulène Lun 14 Déc - 20:44

il est dans ma pal, je le lirai certainement (si j'ai du temps)

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
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Message par Nadine Lun 14 Déc - 21:26

Mais cet auteur m'avait échappé, tous vos commentaires donnent une envie forte de le découvrir !
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Message par Aventin Jeu 17 Déc - 17:57

Merci Bix ! Tu as si joliment présenté cet ouvrage, qu'ajouter ?

À noter une singularité, qui est qu'avec Gunnarsson on arrive à...plusieurs "titres originaux".
En effet, il a composé toute son œuvre en Danois, étant parti à dix-huit ans, petit paysan de l'Est de l'Islande, étudier "à la capitale", Copenhague (l'Islande faisait alors partie du Royaume du Danemark), avec, déjà, la volonté de devenir écrivain, mais devant se coltiner avec une langue qu'il maîtrisait mal: il sait lire le Danois, très peu le parler, encore moins l'écrire.
Ça changea ensuite, puisque dès les années 1920 il devint un des écrivains-phares de la littérature en langue danoise.

Puis, sur ses vieux jours, Gunnarsson a entrepris de traduire lui-même en Islandais son œuvre (laquelle avait déjà été presque en totalité traduite déjà, y compris par des "pointures", tel le futur Nobel de littérature Halldór Laxness).

Cas particulier, Le Berger de l'Avent résultait d'une commande venue d'Allemagne (pays de première publication, en langue allemande donc) après une première nouvelle, inspirée de faits réels qui se sont déroulés en 1925: un berger, Benedikt Sigurjónsson, a la tête d'un groupe d'hommes, a affronté l'hiver islandais pour aller chercher des bêtes égarées, et en est revenu vivant...  

Ces précisions, parmi tant d'autres, dans la riche postface de Jón Kalman Stefánsson.
__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________



Le Berger de l'Avent

Gunnar Gunnarsson Le_ber10
Nouvelle, 1936 en allemand. Titre original danois (1937): Advent. Titre original islandais (1939): Aðventa.


Beaucoup de profondeur dans une limpide sobriété !
C'est magnifique, pour tous âges et vite lu, lumineux de simplicité bien qu'aux antipodes de la mièvrerie.

Donc un trio, à la tête l'homme, Benedikt, et deux animaux, qui ne sont pas seulement des aides. Il s'agit d'un couplage de forces en trident, en quelque sorte. Par facétie, Gunnarsson le nomme "la sainte Trinité".
Un bien beau bref passage, à l'économie de mots:
Depuis des années, tous les trois étaient inséparables. Et cette connaissance profonde qui ne s'établit qu'entre espèces éloignées, ils l'avaient acquise les uns des autres. Jamais ils ne se portaient ombrage. Aucune envie, aucun désir ne venait s'immiscer entre eux.

Benedikt, "homme simple, homme de peine", 54 ans, 27ème voyage, comme un anniversaire...qui ne se fâche pas quand d'autres (la fermière de Botn, Sigridur) lui exposent qu'en fait d'autres guettent sa venue, pour qu'il se mette, lui, à prendre tous les risques pour retrouver leur bétail égaré dans la montagne hivernale en furie.
Oui, mais il y a ces bêtes en perdition, alors... ce berger, c'est la bonté auto-missionnée, qui trace droit au-dessus des petitesses et de la mesquinerie des intérêts.

Benedikt parle peu et juste, ne boit pas d'alcool, ne joue pas aux cartes.

Quant aux descriptions d'ordre météorologique et montagnard, elles sont remarquables, sonnent singulièrement réalistes et fouillées: souvenirs d'enfance du petit Gunnar, histoires de veillées dans l'Est islandais ?

Comme il y a union quasi fusionnelle entre l'homme, le bélier et le chien, il y a, dans le rapport au terrain enneigé et montagneux et les éléments (déchaînés, parfois), quand même pas une osmose, mais pas une lutte, en tous cas.
Du savoir et de la volonté, ceux d'un berger et de deux animaux, naît une compréhension/appréhension de la réalité, laquelle est inhumaine ou surhumaine, et une adaption à ce contexte-ci avec ces moyens-là, dérisoires à ce qu'il nous paraît, alors que quasi tout le monde périrait.
Benedikt et ses compagnons à quatre pattes, eux, avancent.
Vont de trous en refuges.
Ont le flair, ou l'expérience, pour savoir où le bétail a pu se remiser.
Benedikt est le berger de l'Aventure, au sens étymologique "ce qui doit arriver, se produire" autrement dit ad-venir.

Parmi les rares personnages secondaires, il y a un Benedikt, un jeune. On imagine un flambeau qui se transmet...

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Message par Bédoulène Jeu 17 Déc - 22:50

merci ! c'est doublement noté

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