Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Jeu 2 Mai - 2:52

329 résultats trouvés pour Nouvelle

Patti Smith

Dévotion

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 41kcsx10


Encore un petit cabinet de curiosité qui s'ouvre sur la mélancolie quasi-pathologique de cette femme singulière.
J'ai eue le sentiment d'une écriture plus rapide, moins pesée, que M Train, plus altruiste du coup. Comme d'une âme moins esseulée en fait. Smith nous prend par la main, nous amène avec elle pour son voyage en France, et raconte avec grande finesse son voyage en filigranne à Paris alors qu'elle était toute jeune, en compagnie de sa soeur. C'est totalement beau.
On sent les ennuis, les poncifs, la sincérité.
On sent aussi son talent pour élever son quotidien. Vraiment, dans MTrain cela m'avait marquée, et bien là rebelotte. Elle sait respecter et élever son existence, la légitimer. Une grâce importante, non ?
Et puis elle nous raconte, dans un passage à vide à Sète, comment nait soudain, en partant le jet d'écriture cette fois fictionnelle. Et son récit s'achève. On tourne la page et on est invité à découvrir ce texte de fiction, tissé de tout ce qu'elle a dit avant. Le dit est romantique au diable, maladroit, pas toujours bien ficelé, brut. Une expérience de passage de la fiction au reel, et de la pensée abstraite à la fiction passionnante, intime. Qui trahit un imaginaire de midinette, dirait-on, mais qu'importe, du moment qu'elle est sincère.
On revient ensuite à un texte-récit, auprès de la veuve de Camus et sa fille. On devine comme Patti Smith maitrise ses doubles intimes, elle assoit encore une fois sa personnalité envers et contre tout, tout contre ce qu'on lui offre : elle se retire, elle écrit. Un beau voyage vers un égo réel mais fertile.


mots-clés : #autobiographie #creationartistique #initiatique #journal #nouvelle
par Nadine
le Dim 3 Fév - 14:49
 
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Sujet: Patti Smith
Réponses: 22
Vues: 2406

Nicolas Gogol

Les veillées du hameau, I

Nouvelles. Se trouvent parfois sous le titre: Les Soirées du hameau ou encore Les Soirées du hameau près de Dikanka.
Titre original: Вечера на хуторе близ Диканьки

Lues dans le Gallimard quarto "Nouvelles complètes":

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Gogol10

topocl, à propos de Tarass Boulba a écrit:même s’il n'est pas sûr que l'auteur y ait mis l’humour qu’on veut bien y mettre.

Un indice en tous cas: dans ces nouvelles-là, on est sûrs et certains que Gogol y a mis tout l'humour que l'on veut bien y voir.

La narration est assurée par un Pope plutôt truculent, Foma Grigoriévitch, et les histoires seraient rassemblées à l'écrit par un apiculteur, Panko le Rouge.  
Gogol, par ces biais, veut sans doute sonner plus authentique, faire vraiment pénétrer dans une ferme un soir de veillée, et aussi sans doute, par ce procédé, échapper à un certain formalisme, retrouver toute la vigueur de l'oralité en petit comité, autour d'une table.

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La Foire de Sorotchintsy
Titre original: Сорочинская ярмарка
Date présumée d'écriture: 1829 (?), 28 pages environ.

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 67363510


Joyeuse nouvelle, colorée, démarrant par le trajet vers une foire de village.

On découvre le père de famille, influençable et pusillanime, une jeune beauté jamais trop sortie de sa ferme, une marâtre acariâtre qui tient les rênes, des jeunes mâles délurés, un en particulier, assez entêté pour parvenir à ses fins, des tziganes prêts à toutes les manigances, un fils de pope courtisan, quelques autres caractères habilement croqués sur le vif.

L'histoire, un tantinet burlesque, un tantinet pantalonnade même, fait jaillir des superstitions, des peurs irraisonnées, au bout du compte la farce, et les défauts des caractères principaux croqués à vif, le tout dans une espèce de frénésie donnant beaucoup de vivacité à la nouvelle: Castigat ridendo mores, comme le veut la célébrissime devise...

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La Nuit de la Saint-Jean

Titre original: Вечер накануне Ивана Купала, parution: 1830, 16 pages environ.

Un jeune homme pauvre, un jolie jeune fille, un amour impossible...
Là-dessus, les diableries s'en mêlent, une rude évocation toujours sauvée par la légèreté du propos.
Soit dit en passant, ça illustre, ce me semble, toute la pertinence du procédé littéraire, de la veillée (exemple ci-dessous), surjouée peut-être sur cette nouvelle-là estimera-t-on, mon avis est que non, à preuve, elle porte encore beau toute sa fraîcheur depuis toute ses années qu'elle fut écrite.

Nouvelle de genre fantastique, comme une introduction à celles qui suivront (?).

Il y a de cela...pensez-vous ! cent ans et plus, disait mon défunt grand père, notre village, personne ne l'aurait reconnu: un hameau, tout ce qu'il y a de misérable ! Une dizaine de pauvres isbas, sans crépi, sans chaume, plantées çà et là au milieu de la plaine. pas de palissade, pas un hangar convenable pour y ranger le bétail ou la charette. Et encore, c'étaient les richards qui habitaient là; vous auriez vu les gens de notre espèce, les va-nu-pieds ! Une fosse creusée dans le sol, voilà leur maison ! À la fumée près, vous n'auriez pas reconnu la demeure d'une créature de Dieu. Vous allez me demander pourquoi ils vivaient ainsi ? Car pour être pauvres, ils n'étaient pas si pauvres que ça; à l'époque, presque tout le monde faisait le Cosaque et ramassait assez de bien dans les pays étrangers; c'était surtout parce qu'il n'y avait pas de raison de se monter une maison convenable.  


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Une nuit de mai ou la noyée

1830 ou 1832 (?) 30 pages environ, 6 chapitres.

D'une plongée dans le folklore (il y un lien avec l'apport du romantisme, qui a mis le folklore au goût du jour - voir dates d'écriture-), par le mode de l'oralité transcrite toujours, une nouvelle assez vive, humoristique.

Un jeune Cosaque courtise une jolie fille, s'en vient avec son instrument de musique sous sa fenêtre, la bien-aimée le rejoint, et, désignant une vieille maison:
Près de la forêt, sur la montagne, sommeillait avec ses contrevents fermés une vieille maison en bois ; la mousse et l’herbe sauvage couvraient le toit. Les pommiers s’étageaient devant les fenêtres ; la forêt l’enveloppant de son ombre, donnait à cette maison un aspect morne et farouche ; un petit bois de noyers s’élevait au pied de la colline et descendait jusqu’à l’étang.

La fille demande à Levko, le gars, de raconter l'histoire qui s'y rapporte.
De ce prétexte-là, le récit bascule dans le féérique, le légendaire.

Entrent ensuite dans l'histoire le père de Levko, autoritaire, imbu de lui-même, toujours vert et libidineux, il importune les jeunes filles du village.

Puis un ivrogne de village, s'ensuit un tour joué par les jeunes au maire,  un curieux distillateur, et la farce, mêlée de merveilleux et de folklore, éclate...  

— Hé ! Hé ! Laissez entrer le cochon dans la maison, et, immédiatement, il met ses pattes sur la table, dit le maire en se levant tout en colère. Mais, au même instant, une grosse pierre faisant voler la fenêtre en éclats, vint tomber à ses pieds. Le maire s’arrêta… — Si je savais, reprit-il, en ramassant la pierre, quel est l’échappé de potence qui l’a lancée, je lui apprendrais à tirer. Quelle coquinerie ! — continua-t-il en examinant le projectile d’un regard désespéré. Puisse cette pierre l’étouffer.

— Halte-là ! Halte-là ! que Dieu t’en préserve, compère, interrompit vivement le distillateur en pâlissant, que Dieu te préserve dans ce monde et dans l’autre de gratifier personne d’un pareil souhait !…

— Ne vas-tu pas encore prendre sa défense ? qu’il crève !…

— Loin de toi une pareille pensée, compère. Tu ne sais probablement pas ce qui est arrivé à ma défunte belle-mère. Oui ! à ma belle-mère. Un soir, peut-être un peu plus tôt qu’il n’est à présent, on soupait : Défunte belle-mère, défunt beau-père, un valet de ferme et une servante et une demi-douzaine d’enfants. La belle-mère avait versé des boulettes de viande de l’énorme marmite dans un plat pour qu’elles ne fussent pas aussi chaudes. Ce travail terminé, tous avaient grand faim et ne voulaient pas attendre qu’elles se refroidissent. En les piquant avec de longues aiguilles de bois, ils se mirent à manger. Soudain, survint on ne sait d’où, un homme (Dieu sait qui il était), demandant à ce qu’on lui fit place. Comment ne pas donner à manger à un homme affamé ! On lui donne aussi une aiguille ; mais l’hôte engloutissait les boulettes comme une vache le foin. Avant que les autres aient avalé une boulette et ne soient mis en mesure d’en prendre une seconde, le fond du plat était aussi net qu’une dalle d’église. La belle-mère le remplit de nouveau. Elle pensait qu’ayant déjà apaisé sa faim, l’inconnu procéderait moins vite. Pas du tout, il n’en dévora que plus fort et il vida le second plat. « Puisses-tu étouffer de ces boulettes ! pensa la belle-mère affamée. Lorsque tout à coup, il avala de travers ; il tomba. On s’empressa autour de lui. La vie n’y était plus ! il était étouffé.

— Il ne l’avait pas volé ! le maudit goulu !… exclama le bailli.

— Volé ou non ! depuis ce soir, ma belle-mère n’eut plus de repos. Aussitôt la nuit, le mort se dressait ; il s’asseyait à cheval sur la cheminée, le maudit, et tenait la boulette entre ses dents. Pendant le jour tout allait bien ; aucune trace de lui ; mais aussitôt qu’il faisait sombre… regardez le toit ; il enfourche déjà le tuyau, ce fils de chien !…

— Et la boulette entre ses dents ?

— La boulette entre ses dents.


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La dépêche disparue
Titre original: Пропа́вшая гра́мота, une douzaine de pages, 1830 ou 1832 (?)

Ne ratez pas cette courte nouvelle, vraiment la quintessence de l'art de l'auteur en matière de fantastique mêlé à la farce !



Un Cosaque est chargé de porter une lettre à la Tsarine Catherine, il la coud dans son bonnet et part sur le champ.
Il ne manque pas de rencontrer un Zaporogue, sur sa route, et il partent en ripaille et bamboche, avec un autre compagnon.
Dans une auberge, après libations, le Zaporogue explique qu'il a vendu son âme au diable, qu'il doit venir la récupérer cette nuit, et qu'il faut donc rester éveillé. Mais tous finissent par tomber de sommeil...

Le grand-père dormit longtemps ; ce ne fut que quand le soleil eut bien chauffé sa tonsure qu’il se leva vivement sur ses jambes. Après s’être étiré par deux fois et avoir gratté son dos, il remarqua qu’il y avait déjà moins de charrettes que la veille ; les Tchoumaks probablement étaient partis à l’aube. Il regarda du côté de ses compagnons : le Cosaque était là qui dormait encore, mais le Zaporogue avait disparu. Il se mit à questionner les gens, mais personne ne savait rien. Seule la svitka du Zaporogue était restée à la place où celui-ci s’était couché.

Effrayé, mon grand-père réfléchit un moment. Il alla voir les chevaux, mais il ne trouva ni le sien ni celui du Zaporogue. « Qu’est ce que cela pouvait bien être ? Admettons : la force maligne s’est emparée du Zaporogue ; mais qui a pris les chevaux ? »

Après avoir longtemps songé, le grand-père conclut que le diable était venu et, comme il y avait une longue trotte pour retourner jusqu’en enfer, il avait chipé son cheval. Il était très chagriné de n’avoir pas tenu sa parole de Cosaque.

— Eh bien, pensa-t-il, rien à faire ! j’irai à pied ! Peut-être trouverai-je sur ma route quelque maquignon retour de la foire et pourrai-je lui acheter un cheval ?

Il voulut mettre son bonnet, mais le bonnet lui-même avait disparu. Mon défunt grand-père joignit ses mains de désespoir, en se rappelant que la veille, il l’avait échangé contre celui du Zaporogue.



mots-clés : #nouvelle
par Aventin
le Sam 2 Fév - 6:24
 
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Sujet: Nicolas Gogol
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William Faulkner

Le gambit du cavalier
(Titre original: Knight's Gambit)

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Le_gam10


Nouvelles, 1937-1949 pour la parution, 1932-1949 pour l'écriture, 260 pages environ.
Lu dans la traduction d'André du Bouchet, ci-dessous les titres originaux + les dates originales de parution:
Hand Upon the Waters (1939) - Monk (1937) - Tomorrow (1940) - An Error in Chemistry (1946) - Knight’s Gambit (1949).

Ces cinq nouvelles sont narrées au "je" par Chick Mallison, et ont pour héros l'oncle de celui-ci, Gavin Stevens, le County Attorney de Jefferson (dans le Comté fictif de Yoknapatawpha, central aux œuvres de Faulkner).
Il est un peu étonnant que la sixième nouvelle (Smoke, 1932), mettant en scène le même héros, ne figure pas dans l'édition française.

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Une main sur les eaux

On connaît le goût prononcé de Faulkner pour les titres à référence biblique, avec une préférence marquée, quasi-exclusive, pour l'Ancien Testament; alors c'est une interprétation toute personnelle mais celui-ci fait penser au passage dit des sept plaies d'Égypte:
Exode 7:19 a écrit:Yahvé dit à Moïse : « Dis à Aaron : Prends ton bâton et étends la main sur les eaux d’Égypte – sur ses fleuves et sur ses canaux, sur ses marais et sur tous ses réservoirs d’eau – et elles se changeront en sang, et tout le pays d’Égypte sera plein de sang, même les arbres et les pierres. »

Un pauvre gars, Lonnie Grinnup, est retrouvé mort dans l'eau, attaché à ses lignes de pêche.  
Accident pour tout le monde, sauf pour Gavin Stevens, pour lequel un détail, paraissant infime, futile, cloche...

Extrait:
Chapitre II a écrit:Le dernier descendant des Holton, en effet, était mort était mort avant la fin du siècle, et ce Louis Grenier, dont c'était pour contempler le visage mort que Stevens faisait à présent 8 miles par une torride après-midi de juillet, n'avait jamais su qu'il s'appelait Louis Grenier. Il ne savait même pas épeler ce nom de Lonnie Grinnup par lequel il se faisait appeler - orphelin aussi, comme Stevens, d'une taille un peu au-dessous de la moyenne, âgé d'environ trente-cinq ans, connu de tout le monde dans le pays - un visage qui était presque délicat quand on le regardait une seconde fois, et d'humeur égale, constante, toujours gai, avec une barbe duveteuse, légère et dorée qui n'avait jamais connu le rasoir, des yeux paisibles et clairs - "touché" disait-on, par quoi ? mystère, mais touché à coup sûr de façon infiniment légère et sans avoir perdu grand chose qui eût valu la peine d'être regretté - vivant, bon an, mal an, dans la cahute qu'il s'était lui-même construite avec une vieille tente, quelques planches de guingois, et des bidons d'essence aplatis, en compagnie de l'orphelin sourd-muet qu'il avait, dix ans plus tôt, recueilli dans sa cabane, nourri, vêtu et élevé, mais qui n'avait jamais pu atteindre à un degré de développement mental même comparable au sien.

Et il se faisait que sa cabane, sa cordée et ses nasses se trouvaient presque au centre exact des mille arpents et quelques que sa famille avait jadis possédés. Mais il n'en sut jamais rien.    


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Monk

Aussi prodigieuse nouvelle qu'Une main sur les eaux, une savoureuse plongée parmi les grands tarés du Sud US de l'époque.
Voici comment la nouvelle débute, je laisse à votre réflexion le procédé littéraire tel que Faulkner l'expose (si, avec ça, vous n'êtes pas alléchés...):

Il faut que je tâche de raconter l'histoire de Monk. Oui, je pourrais seulement tâcher d'aplanir les incohérences que présente son histoire, assez brève pourtant, assez sordide et dépourvue d'originalité - d'en tirer quelque chose, par un effort délibéré, non seulement à l'aide des outils nébuleux de la conjecture, de l'inférence et de l'imagination, mais en travaillant avec ces outils nébuleux à même la matière nébuleuse, inexplicable qu'il a laissée derrière lui. Car c'est seulement dans la littérature que les épisodes paradoxaux de l'histoire d'un cœur humain, qui parfois même vont à l'encontre des uns et des autres, peuvent, grâce aux prestiges de l'art, se fondre ensemble et se recomposer de façon plausible et vraisemblable.

 C'était un demeuré, peut-être même un crétin; on n'aurait jamais dû l'envoyer au pénitencier.    


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Sans relâche

Gavin Stevens (et Chick Mallison) traversent tout le Comté pour essayer de comprendre pourquoi le membre d'un jury d'assises s'acharne à faire capoter l'unanimité de la décision de ce jury sur un cas de meurtre...
NB: Détail curieux, non, ce patronyme de "Bookwright" pour le coupable présumé, sous la plume d'un écrivain ?

Et l'histoire elle-même était vieille comme le monde, et tout à fait dépourvue d'originalité; la jeune fille de la campagne qui, à dix-sept ans, se laisse monter la tête par les vantardises, les fanfaronnades, les gageures, et les belles paroles; le père qui tâche de se faire entendre avec le succès qu'ont habituellement les parents; puis l'interdiction, les visites interdites, l'inévitable enlèvement à minuit; après quoi Bookwright tirait de son lit, à quatre heures du matin, Will Warner, juge de paix et premier magistrat du pays, et lui tendait son revolver en déclarant: "je viens me constituer prisonnier. J'ai tué Thorpe il y a deux heures".



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Une erreur de chimie

Comme dans Sans relâche, le coupable présumé, Joel Flint, vient lui-même annoncer son crime et se rendre à la police.
Comme dans Une main sur les eaux un détail, mais de dernière minute, va permettre à la vérité de s'établir.

Il n'était pas du pays; c'était l'étranger, le Yankee qui deux ans auparavant était venu dans notre comté avec une foire ambulante où il tenait une baraque foraine: un stand éclairé où il faisait tourner une roue au milieu d'une cuve garnie de pistolets nickelés, de rasoirs, de montres et d'harmonicas; il était resté au pays après le départ des autres forains, et deux mois s'étaient à peine écoulés qu'il épousait la seule fille qui restait à Pritchel, vieille fille bornée approchant la quarantaine, qui jusqu'alors avait vécu en ermite avec son irascible et sauvage père dans la ferme, petite mais prospère, qu'il possédait.



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Le gambit du cavalier

Un roman plutôt qu'une nouvelle, ça passe quand même les cent cinquante pages, divisées en cinq chapitres.
Le gambit est le sacrifice (volontaire) d'une pièce au jeu d'échecs, et, en l'occurrence, le cavalier un vrai cavalier, le Capitaine Gualdres, argentin.
Là on retrouve le Faulkner familier, celui des investigations prolongées dans les historiques des caractères, toutes les tensions psychologiques fouillées.

Belle occasion, par ailleurs, pour de fort goûteuses descriptions équines (Faulkner est un peintre de genre chevalin de tout premier ordre).  
Mais surtout belle occasion de camper la société d'une fortune locale, et d'aller plus en profondeur sur le personnage de Gavin Stevens.
Chapitre II a écrit:
Et pourtant, tels étaient les personnages - les marionnettes, les figurines de papier, la situation, l'impasse, la pantomime, la parade - comme on préfère - que son oncle avait tout à coup sur les bras, à dix heures du soir, par une nuit glacée, quatre semaines avant la Noël, et tout ce que son oncle se contenta ou crut bon ou même nécessaire de faire, fut de retourner à l'échiquier, de pousser sa pièce en disant "À ton tour", comme si rien ne s'était passé, comme si de rien n'était; non seulement écartant le sujet, mais le niant, refusant même de le considérer.  


mots-clés : #nouvelle
par Aventin
le Sam 26 Jan - 8:55
 
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Sujet: William Faulkner
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Fédor Dostoïevski

Le Rêve d'un homme ricidule, Bobok et La Douce. J'aime aussi ces trois nouvelles souvent réunies.
Si Dans mon souterrain est un livre en partie métaphysique, sa problématique est celle de la condition humaine. Et sur ce plan, il est étonnamment prophétique.

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 41d02p10

Dans La Douce, le personnage central interpelle lui aussi des interlocuteurs imaginaires. Mais contrairement au souterrain où le protagoniste cherche uniquement à se ronger et, finalement, à se détruire devant le corps de sa femme,  le mari de La Douce, lui, est hanté par des questions précises : que s'est il passé, et pourquoi serait-il responsable du suicide de sa femme ?
La quête angoissée d'une réponse, c'est le sujet même de la nouvelle.
"L'homme est est seul sur la terre", conclue t-il, ayant essayé  en vain de prier un Dieu absent.
C'est aussi un des premiers exemples de ce qu'on appellera plus tard "monologue intérieur."

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 51ydqk10

Le rêve d'un homme ridicule est un récit très curieux. Voilà un homme qui rentre chez lui désespéré et songe à se suicider.
Il s'endort et fait un rêve carrément édénique qui l'arrache à sa mortelle inertie.
Il a eu la révélation de l'amour et pense que sa mission désormais est d'apporter la bonne nouvelle aux hommes. Mais il se heurte à leur incompréhension. A leurs yeux, il est devenu plus ridicule encore. Pire, il est peut-être devenu dangereux.

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 51xbqu10

Quant à Bobok , c'est un exemple rare d'humour dans l'oeuvre de Dostoievski.
Un humour grinçant, méchant.
Voilà que les morts parlent entre eux dans un cimetière.
Quel est le sens de cette boufonnerie macabre, mélange de fantastique, de dérision et même d'érotisme ?
En tout cas, c'est un exemple d'une noirceur qui en surprendra plus d'un, habitué à une autre image de l'auteur.


mots-clés : #fantastique #humour #nouvelle #psychologique
par bix_229
le Mer 9 Jan - 19:00
 
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Sujet: Fédor Dostoïevski
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Ivan Sergueïevitch Tourgueniev

L'Abandonnée
(NB: parfois intitulée L'Infortunée)
Date de parution 1869

Suivi de:

Jacques Passinkov
Date de parution 1856

Et de:

Andreï Kolosov
Date de parution 1844

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 L_aban10



L'éditeur n'a pas rassemblé ces trois nouvelles tout à fait au hasard il me semble, bien que parues sur vingt-cinq ans, elles ont des correspondances, des points communs.

En préface, l'écrivain et critique littéraire Edmond Jaloux souligne que "chez Tourgueniev l'unité était grande entre l'homme et l'écrivain", ajoutant un peu plus loin, avec audace si ce n'est avec témérité:
"Je crois que Tourgueniev avait très peu d'imagination. Tout ce qu'il a écrit, il l'a certainement vu; (...)"  

J'aime à croire que ce recueil constitue un petit échantillonnage représentatif œuvre-vie...

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L'Abandonnée

Nouvelle (?) à mon avis plutôt court roman, puisque ça "pèse" tout de même ses 185 pages.
Moscou, 1835. Une amitié naît entre deux étudiants, sages jeunes hommes de bonne éducation, de familles aisées.
L'un est le narrateur, Pierre Gavrilovith, l'autre se nomme Alexandre Davidovitch Fustov.
De bon matin, le narrateur est chez son ami Fustov quand fait irruption un certain Ivan Demïanitch Ratsch, la cinquantaine, physique désavantageux, professeur à peu près universel, Tchèque d'origine, germanophone.

Quelques jours après, les deux amis s'en vont chez ce monsieur Ratsch, ce dernier et Alexandre Davidovitch interprètent un peu de musique, Suzanne, fille de Ratsch, fait une apparition et détonne du reste de la nombreuse famille de Ratsch:
La nature essentiellement aristocratique de celle-ci trahissait par mille symptômes je ne sais quelle mélancolie inquiète


Peu de temps après, le fils cadet de Ratsch, Victor, tendance mauvais garçon, joueur, bambocheur et poches-percées, croise la route de nos deux amis.

Il conte à Alexandre Davidovitch on ne sait quelle histoire, se dernier s'enfuit avec précipitation à la campagne. Suzanne paraît, désespérée, à une heure très tardive chez Pierre Gavrilovith, semblant au comble du malheur. Après une scène tout en attitudes sans postures et demi-mots, où elle enjoint Pierre Gavrilovith d'écrire à Alexandre Davidovitch en urgence, elle disparaît dans la nuit glacée et tempétueuse, après avoir remis à Pierre Gavrilovith un cahier...

Le "je" narratif passe à alors à Suzanne, et le procédé littéraire est assez bien troussé, c'est stylistiquement une réussite. Nous entrons alors dans le cœur de la nouvelle (ou roman), ne dévoilons pas...

Ce "je" narratif reviendra au final à Pierre Gavrilovith pour ce qui est, vous l'aurez deviné, un drame.  

Quelques, sinon longueurs, du moins temps faibles peut-être, mon ressenti est que 185 pages, on peut douter que ce soit la distance de prédilection de l'auteur: aussi peuplé de personnages qu'un roman plus long, certains sont restés à l'état esquissé (Michel, le "jeune premier") d'autres à peine crayonnés (la mère de Suzanne) alors que la "matière" promettait...

Tourgueniev joue beaucoup de l'extranéité afin d'obtenir du relief dans les caractères, et aussi dans les relations entre les caractères (remarque valable aussi pour les deux nouvelles ci-dessous), le résultat est plaisant, c'est vraiment réussi.

On peut se demander, dans cet ordre d'idée, si ce que je viens de qualifier de temps faibles ou longueurs n'appartient pas à un même procédé, qui consiste à mettre les faits saillants bien en relief, entourés d'étendues de texte plus aplaties: que le candidat à la lecture de L'Abandonnée soit rassuré, il s'agit d'assez brèves, somme toutes, sautes de rythme -à l'échelle de la nouvelle- que d'intempestives  tartines de remplissage !

Il s'ajoute aujourd'hui et ici ce quasi-exotisme, sociétal, temporal et de mœurs, de la Russie des années 1830, nécessairement imprévu lors de la parution:
L'intérêt en est accru, là où d'autres ouvrages, peut-être portés par un moindre talent, seraient ( et sont, sans nul doute) tombés en désuétude.


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Jacques Passinkov

Une amitié entre deux jeunes hommes toujours, épris de la même jeune fille, qui ouvrira son cœur à un troisième.

La nouvelle commence à Pétersbourg, l'hiver, "le premier jour du carnaval". Le narrateur dîne chez un ami, en compagnie d'un certain Constantin Alexandrovitch Assonov, d'un "petit monsieur aux cheveux blonds, un de ces éternels convives, comme il y en a tant à Pétersbourg, qu'on n'invite jamais et qu'on rencontre partout" , remplaçant au pied levé "un écrivain qui jouissait alors d'une certaine célébrité" (évocation de Lermontov  -cité dans la nouvelle- ?).

Assanov, après boire, se vante d'avoir un oncle éminent en ce sens qu'il est aimé d'une de ses filles, et jette, fanfaron, sur la table une collection de lettres de cette jeune fille: il se trouve que le narrateur la connaît d'autant mieux qu'il croyait, jusqu'à cet instant, en être aimé...

Quant au troisième, Jacques Ivanitch Passinkov, c'est sur son lit de mort qu'il révèlera au narrateur cet amour pour Sophie, la jeune fille en question, amour jamais déclaré, tenu hermétiquement secret...

Cette excellente nouvelle évite tous les écueils du mélo-pathos, ce qui constitue une gageure vu le thème, et permet une évocation, qu'on devine bienveillante et tendre mais sans réelle complaisance, du Romantisme via le personnage de Passinkov.  

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Andreï Kolosov

Celle des trois nouvelles dont le narrateur est le moins identifiable à Tourgueniev lui-même.

Cela commence par:
"Dans un petit salon meublé assez joliment, quelques jeunes gens se trouvaient assis autour de la cheminée. La soirée -une soirée d'hiver- commençait à peine; le samovar bouillait sur la table; (...)"
Intervient un homme petit, pâle, lassé des conversations, qui propose que chaque convive décrive une personne remarquable qu'il a rencontrée.

Le narrateur, qui le restera jusqu'au terme de la nouvelle, raconte alors son amitié pour un certain Andreï Kolosov, amitié qu'il a recherchée, puis le fait de tomber amoureux de la bonne amie de ce dernier, dès que celui-ci eut rompu, mais...

On ne voit pas très bien excepté un trait ou deux, surlignés d'abondance au reste, ce qu'il y a de remarquable en Kolosov: nouvelle qui détonne un peu, en-deça des deux précédentes, du moins est-ce mon ressenti.


mots-clés : #nouvelle #xixesiecle
par Aventin
le Lun 7 Jan - 17:53
 
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Sujet: Ivan Sergueïevitch Tourgueniev
Réponses: 19
Vues: 1247

Jim Harrison

Nageur de rivière

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Nageur10

Il s’agit en fait de deux novellas sans grand rapport entr’elles, Au pays du sans-pareil et l’éponyme.

Au pays du sans-pareil


Clive est un sexagénaire qui a renoncé à sa carrière de peintre vingt ans plus tôt suite à son divorce, et vit depuis des à-côtés de la culture à New York. Il retourne dans sa ferme d’enfance dans le nord Michigan pour s’occuper de sa mère, une femme encore très alerte et passionnée d’oiseaux, y retrouve un amour d’enfance, et surtout le goût de peindre.
« Clive ne portait jamais de cravate, car il croyait dur comme fer que tous les malheurs politiques et financiers de la nation étaient dus à des hommes qui en portaient une. »

« Il soutenait la liberté de chacun de faire ce qu’il avait envie de faire, à condition que tous ne fassent pas la même chose. »

« "Il est intéressant de voir ce qui arrive à l’art quand il descend le long de la chaîne alimentaire, déclara-t-il en se calmant.
‒ Que veux-tu dire ? demandèrent-elles ensemble.
‒ Je veux dire qu’historiquement l’art n’a pas forcément besoin d’inclure les maniques au point de croix ou les cache-pots en macramé. Eisenhower coloriait très bien en suivant les chiffres indiqués et Charlotte Moorman jouait du violoncelle toute nue. La thérapie du hobby prend vite la poussière. Essayer d’enseigner la créativité est la principale arnaque de notre époque, avec la guerre en Irak et la chirurgie esthétique. »

« Elle se contentait d’un bol de soupe d’orge qu’elle prenait au petit salon, à cause de son intense empathie pour le monde naturel, laquelle n’incluait pas l’espèce humaine sauf les Noirs et les Indiens. »



Nageur de rivière


Thad est un jeune nageur infatigable, fort proche de la nature, à la fois attiré par le monde et soucieux de sa liberté, qui se trouve confronté à l’univers cupide et violent des hommes.
Dans un style vif et un récit ramassé, il s’agit en fait d’une histoire fantastique, avec d’étranges bébés aquatiques d’origine indienne.
« Certains êtres doivent brûler s’ils ne veulent pas se liquéfier. »

« Une part de l’aspect le plus maléfique des hommes maléfiques, c’est qu’ils vous font les haïr. »

« Quand on n’est pas jaloux de sa liberté, qui le sera à votre place ? »

« Il se disait maintenant que le sentiment de la mort était partout présent dans le monde naturel. »

On retrouve les jubilations habituelles de l’auteur, déjà franchement septuagénaire : cuisine, cul, nature, réflexions percutantes sur la société états-unienne et sa principale valeur, la cupidité.


mots-clés : #nature #nouvelle
par Tristram
le Mer 26 Déc - 12:43
 
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Romain Gary

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 91z-yt10

Les oiseaux vont mourir au Pérou

Un ensemble de nouvelles assez courtes qui fait d'abord sentir un mélange sensible de mélancolie et de douceur. Juste une pointe de noirceur. Une écriture très fluide.

Le rythme, la régularité, le ton, tout ce qu'il faut pour reprendre le livre avec plaisir. La maîtrise de la nouvelle, son équilibre narratif, le ménagement de sa chute taquine la curiosité et stimule l'envie, une certaine curiosité, pas purement intellectuelle, pas uniquement motivée par un jeu de l'esprit ou alors par un jeu plus profond.

Et au fil des pages si la noirceur et les échos de grands drames humains et contemporains sont plus pesants, la variété des thèmes et des approches apparaît aussi. Lassitude et déjà vu impossibles...

J'étais très curieux de cette première incursion dans le monde de l'auteur et mieux que pas déçu, je suis conquis. Très belle découverte, qualités humaine et de langage qui font du bien pour aborder certains traits de l'âme humaine ?


mots-clés : #nouvelle
par animal
le Mar 18 Déc - 21:40
 
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Jean Giono

Prélude de Pan

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Przolu10


Nouvelle parue dans le recueil assez hétéroclite Solitude de la pitié, les nouvelles y sont courtes ou très courtes.

Elles furent écrites entre 1925 et 1932, publiées séparément dans diverses revues qui retouchèrent plus ou moins titres et textes, de là le malaise, ou le mal-être, que Giono conservera toujours envers les maisons d'éditions et "ceux qui publient" de façon générale.

Les dix-sept pages de Prélude de Pan furent publiées pour la première fois par Henri Pourrat dans la revue l'Almanach des champs, en novembre 1929. Précision: on peut trouver ce texte aujourd'hui tiré à part dans les fameux Folio - 2€ (couverture ci-dessus), sans acquérir le recueil Solitude de la pitié.

Le sujet:
Quelques signes avant-coureurs auxquels on ne prête pas attention précèdent une fête annuelle de petit village montagnard. Alors que la fête débute dans un des deux cafés du village, entre un "étrange étranger" qui intime l'ordre à un bûcheron de cesser de traumatiser un animal (une colombe) qu'il a capturée et désailée...

 Nouvelle que j'ai très très souvent relue - je n'ai pas le compte exact de mes relectures. On y trouve sur dix-sept pages tout un condensé de Giono:
D'abord, et le titre l'indique ainsi que l'histoire proprement dite (mais je ne dévoile pas !):
 On le sait épris de culture grecque classique, et même fin connaisseur - Prélude de Pan est un autre de ces renvois, ou clins d'œil, à la culture grecque antique, et dès lors peut se situer non loin de l'inclassable "Naissance de l'Odyssée" , et pas seulement parce que ces textes se suivent d'assez près dans sa biographie (ils se suivent d'autant plus qu'on sait que Giono travaillait sur plusieurs livres à la fois).
Oui c'est bien le Pan dont le nom a donné, en langue française, le mot panique.
Et il y a -ne pas en dire plus !- un rendu assez bacchique dans ces pages.

Condensé de Giono encore parce qu'on est toujours dans le registre rural et montagnard, terrien, mieux: tellurique.
Ensuite parce qu'on est en plein dans cette veine du réalisme magique dont nous avons parlé sur ce forum à propos de bien d'autres auteurs (Nabokov, Marcel Aymé, Asturias, etc, etc...).

Condensé de Giono par la charge poétique, et par la qualité des suggestions, du non-dit mais laissé deviner, et toujours par l'extrême soin de la mise en relief des situations (le procédé littéraire).

Du Giono, aussi, par l'instrument de musique et son rôle, il y a si souvent si ce n'est presque toujours un instrument de musique chez Giono, et c'est rarement juste un objet anodin du décor, mais quelque chose qui déclenche, quelque chose de décisif.
Comme la guitare dans Naissance de l'Odyssée, dans Le chant du monde et dans Les grands chemins, la "monica" dans Un de Baumugnes,  l'accordéon dans Ivan Ivanovitch Kossiakoff et ici dans Prélude de Pan, le piston dans L'iris de Suse, etc j'en oublie très certainement beaucoup !

Extrait:

Il pointa lentement son index vers Antoine et il lui dit:
"Va chercher ton accordéon".
Comme ça.

Et c'était, autour, le grand silence de tous, sauf dehors, où la fête continuait à mugir comme une grosse vache. Et, pour moi qui était là, je peux vous dire, c'était exactement comme si j'avais eu la bouche pleine de ciment en train de durcir, et pour les autres ça devait être pareil, et pour Boniface aussi. Personne ne fit un geste, même pas des lèvres. Il y avait sur nous tout le poids de la terre.
On entendait au-dessus du café le pas d'Antoine qui allait chercher son accordéon dans sa chambre, puis ce fut son pas dans l'escalier, puis le voilà.
Il était là, avec l'instrument entre les mains. Il était prêt. Il attendait le commandement.
"Joue", lui dit l'homme.
Alors il commença à jouer. Alors, ceux qui étaient près de la porte virent arriver les nuages.

Le gros Boniface laissa retomber lentement son bras. Et en ce même moment il levait la jambe, doucement, dans la cadence et l'harmonie de la musique qui était plus douce qu'un vent de mai. Pourtant ce que l'Antoine était en train de jouer c'était toujours la chose habituelle: le Mio dolce amore et sa salade de chansons qu'il inventait; mais ça avait pris une autre allure...
Puis, Boniface leva l'autre jambe, et il arrondit ses bras, et il se dandina de la hanche, puis il bougea les épaules, puis sa barbe se mit à flotter dans le mouvement. Il dansait.
Il dansait là, en face de l'homme qui ne le quittait pas des yeux. Il dansait comme en luttant, contre son gré, à gestes encore gluants. C'était comme la naissance du danser. Puis, petit à petit, toute sa mécanique d'os et de muscles, huilée de musique prit sa vitesse, et il se mit à tressauter en éperdu en soufflant des han, han, profonds. Ses pieds battaient le plancher de bois; il se levait sous ses pieds une poussière qui fumait jusqu'à la hauteur des genoux.

On était là, comme écrasés, à regarder. Pour moi, je n'étais plus maître ni de mes bras, ni de mes jambes, ni de tout mon corps sauf ma tête. Elle, elle était libre; elle avait tout le loisir de voir monter l'ombre de l'orage, d'entendre siffler le vent du malheur. Pour les autres, je crois, c'était la même chose. Je me souviens. On avait été tous empaquetés ensemble par la même force. Le plus terrible, c'était cette tête toute libre, qui se rendait compte de tout.    







Rénové d'un message sur Parfum du 30 mars 2014, nouvelle qui m'est à ce point virale que j'ai dû ajouter trois ou quatre lecture depuis...


mots-clés : #fantastique #nouvelle #ruralité
par Aventin
le Dim 16 Déc - 19:08
 
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Sujet: Jean Giono
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Juan Gabriel Vásquez

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 51th8y10

Les amants de la Toussaint

Originale : Los Amantes de Todos los Santos (Espagnol/Colombie, 2001)

Sept nouvelles de 10-44 pages

CONTENU:

-  Cachettes: Un écrivain colombien, se trouvant entre France et Belgique, deviendra témoin d’un drame familiale. Communiquer la douleur, ou la taire, en faire un secret ?

- Les amants de la Toussaint: La vie d’un jeune couple se trouve en crise. Brièvement l’homme cherche une consolation chez une veuve solitaire, craintive, marquée encore par des souvenirs de son mari défunt. Tandisque qu’il comprend de vouloir sauver son couple, sa femme prend une décision….

- Le Locataire : Pendant une chasse le vieux Xavier commet le suicide. Depuis longtemps il avait été amoureux de la femme de son meilleur ami. Il y a vingt ans, avec presque un enfant à venir de cette liaison, ils avaient même projeté de s’en aller. Et maintenant ? Comment Georges et Charlotte s’en sortent ?

- Le retour : Après quarante ans d’incarceration après l’assassinat de son beau-frère, Madame Michaud, presque 80 ans, retourne à la domaine immense et labyrinthique qu’elle avait été la seule à connaître comme sa poche auparavant. Mais les temps ont changé… Où est-ce qu’on trouve une « maison », un « chez soi » ?

- Au café de la République : Viviane et le narrateur en début de maladie grave sont séparé depuis six mois. Mais pour visiter son père à lui, le couple se reforme. Faire semblant ? Se donner une deuxième chance ?

- La solitude du magicien : Enceinte de son mari Léopold, Selma le trompe néanmoins avec le « magicien », homme presque sans histoire à lui ? Où est-ce que cela va finir ? Quel avenir ?

- La vie sur l’île de Grimsey : Grand héritier d’un harras, Oliviera passe une nuit avec une véterinaire et comprend pourquoi celle-ci a tellement peur du noir et de la solitude...

REMARQUES :
Toutes ces histoires jouent dans les Ardennes belges ou le Nord de la France. Certains motifs reviennent dans certaines histoires : des chevaux, la chasse, les noms de villages… Souvent y-at-il une sorte de vue en avant sur l’histoire avant que celle-ci ne soit reprise en détail, donc pas juste narration linéaire. Souvent il y a un narrateur actif.

Même dans leur diversité certains sujets reviennent en étant variés : Des histoires de couples, soit en « fin de relation », ou en situation éphémère, soit dans des constellations triangulaires avec des situations de tromperie. Les protagonistes semblent seuls et désireux de rompre cette solitude à la fois. Parfois la perte, le deuil, la question de culpabilité

Des sujets universels ? Ô, quand ils sont traités d’une certaine façon cela ne pourrait pas forcement m’attirer outre mesure, mais Vasquez en fait plus que du pur romance. Les personnes derrière ces histoires sont en recherche, elles apparaissent fragiles et parfois pauvre, presque toujours : seules même au milieu du couple. Certains restent dans la tête et dans le coeur dans leur désir et leur quête. Parfois il ne semble pas y avoir d’issue, ou seulement passagèrement. La solitude reste.

Bien écrit avec parfois des tournures inattendues.

mots-clés : #amour #nouvelle #solitude
par tom léo
le Sam 15 Déc - 8:01
 
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Hjalmar Söderberg

Dessin à l'encre de Chine et autres nouvelles


Originale : « Historietter », Suèdois, 1890-1941

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 41hm2b10


Dans cette nouvelle édition de nouvelles de Söderberg chez Cambourakis il s’agit de 31 morceaux, d’une longeur de deux à 10 pages. En fait, le recueil suèdois cité dans une des premières pages comme origine de ce choix en français, fût édité tel quel déjà en 1898. Mais dans les pages d’introduction (très instructifs) on parle d’une période beaucoup plus longue dans laquelle furent alors écrites certaines autres de ces nouvelles partiellement inédites jusqu'à maintenant.

Comme souvent, voir toujours (?) chez Söderberg, le lieu par excellence de ces flaneries, rencontres fortuites, rêves… - est Stockholm.  On rencontre pratiquemment toujours un narrateur impliqué. On trouvera presque toujours une atmosphère qu’on décrira difficilement comme joyeuse, mais plutôt comme liée à la mort d’une façon ou d’une autre. Parfois les premières lignes, paragraphes laissent encore penser à une possibilité lumineuse du récit, mais c’est quand même un certain pessimisme qui prévaudra. On baigne souvent entre rêve et réalité, entre cauchemar et reveil qui va plutôt confirmer les pires idées. Ce sera la plupart de temps l’impression d’un temps sombre de la journée, voir de l'année.

« Je ne saurai dire si j’aime ou je deteste la vie ; mais je m’y accroche de toutes mes forces. Je ne veux pas mourir. »

Le protagoniste constate un monde marqué par la mort, le vieillissement, le vide. Parfois il lutte encore contre ces constats. Souvent un désir de monde, de « vanité » l’habite.

Donc, on comprendra que ce n’est pas une douce proménade dans un pays rose. Néanmoins c’est si bien écrit, souvent avec une distance, une ironie qui nous fait comprendre que cet homme fût (est?) considéré en Scandinavie comme un tout grand, presque à l’égal d’un Strindberg.

Après le roman « Egarements » cela était mon deuxième contact avec Söderberg, peut-être moins leger et plus étouffant? Certains morceaux me rappelaient Léonid Andreïev...


mots-clés : #mort #nouvelle #vieillesse
par tom léo
le Mer 21 Nov - 19:19
 
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Sujet: Hjalmar Söderberg
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Sadegh Hedayat

L'homme qui tua son désir

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 L_homm10


Les nouvelles que l'on a réunies ici (provenant initialement de recueil épars) exprime de façon éloquente le pessimisme de Sadegh Hedayat. Dans une atmosphère propice à l'engourdissement ou à la crainte, voire dans une violence bien réelle, on a des personnages voyant leurs aspirations être contrecarrés par la société ou l'état, voire par eux-mêmes. Paix, liberté, connaissance, pureté ou sagesse, l'écrivain brosse leurs rêves ainsi que leurs traits, avant de commencer le récit de ce que la vie ou le destin leur oppose pour leur malheur. On voit dans le déroulement de ces histoires, là où le bât blesse selon Sadegh Hedayat, et par exemple les personnages sont prisonniers de leurs traditions, de leur ignorance ou d'un orgueil satisfait de quelques apparences de savoir.

Cette approche en deux temps, d'abord sur le personnage, puis ce qui lui arrive, ce contraste entre l'individu et les éléments extérieurs ― afin d'éviter toute binarité, l'antagonisme n'est toutefois pas toujours clair et net ― me rappelle un peu les nouvelles de Tagore (dans le recueil "Le vagabond et autres nouvelles" lu en septembre dernier), tous deux dans leur constat d'une dureté des circonstances, parviennent à rendre leurs personnages touchants même dans leurs faiblesses. Cependant, toutes les nouvelles de "L'homme qui tua son désir" ne suivent pas ce même schéma, on trouve un Hedayat plus ironique dans "Les croque-morts" dans "La légende de la création" sous forme de pièce de théâtre, et surtout de façon assez féroce ou amère dans la première nouvelle, "La griffe".


mots-clés : #nouvelle
par Dreep
le Lun 22 Oct - 23:02
 
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Sujet: Sadegh Hedayat
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Collectif : Le temps sauvage

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Marsf010

Un recueil/anthologie qui contient :
1 - Isaac ASIMOV, Sally (Sally), pages 5 à 30, trad. Hery FASTRE
2 - Clifford Donald SIMAK, Vous ne retournerez jamais chez vous (You'll Never Go Home Again! / Beachhead), pages 31 à 55, trad. Hery FASTRE
3 - Lyon Sprague DE CAMP, L'Œil de Tandyla (The Eye of Tandyla), pages 57 à 87, trad. Hery FASTRE
4 - Ray BRADBURY, Le Futur antérieur (Tomorrow and Tomorrow), pages 89 à 113, trad. Hery FASTRE
5 - Robert BLOCH, L'Œil affamé (The Hungry Eye), pages 115 à 140, trad. Hery FASTRE
6 - Theodore STURGEON, La Chambre noire (The dark room), pages 141 à 190, trad. Hery FASTRE
7 - John WYNDHAM, L'Ève éternelle (The Eternal Eve), pages 191 à 223, trad. Hery FASTRE
8 - Fritz LEIBER, Je cherche Jeff (I'm Looking for "Jeff"), pages 225 à 242, trad. Hery FASTRE
9 - Jean-Baptiste BARONIAN, Y a-t-il une science-fiction pure ?, pages 256 à 253, Postface

Et un coup d’œil encouragé à noosfere.org

Par quel chemin aborder le commentaire, quand on est peu lecteur de science-fiction... il y a le bon côté de la découverte de Theodore Sturgeon, quand on a découvert récemment Kurt Vonnegut ça un sens, l'envie de pouvoir tremper ou retremper une patte sans trop se mouiller dans l'univers de noms bien connus (Asimov, Simak,  Bradbury, (Leiber)), et puis logiquement c'est se confronter au point d'interrogation de la science-fiction.

Sans grande surprise c'est la nouvelle "fantasy", L'Œil de Tandyla, qui m'a le moins botté. Néanmoins c'est assez représentatif de la diversité qui habite ce petit livre qui voyage entre espace, futur et passé avec une aisance finalement impressionnante. Le petit article qui sert de postface insiste d'ailleurs à raison sur la narration, la volonté de raconter une histoire comme composante commune aux différents genres, sous-genres.

Par ricochet il n'est pas surprenant de retrouver de façon plus ou moins flagrante une attention portée par les auteurs à des sentiments ou comportements forts. Chaque texte apportant sa manière et sa couleur au regard du lecteur.

Une lecture décousue mais une lecture dans l'ensemble enrichissante, intéressante, avec ou sans la touche "vintage" (je pense notamment à Sally, la première nouvelle tournée vers les voitures). Vous ne retournerez jamais chez vous serait la plus typiquement SF avec voyage spatial et extra-terrestres mais avec pas grand chose l'esprit l'emporte de loin. Et c'est facile d'avoir un mot pour chaque nouvelle tellement le recueil est cohérent !

Tout simplement, ça fait du bien. Ce ne sont pas forcément les textes les plus subtils, les plus dégrossis, les plus fins mais ce qu'on y trouve mérite qu'on en profite. Oui, ça fait du bien, et la poésie humaine ténue mais vivante partagée par ces auteurs ne manque pas de sens.

Donc un SF, c'est vaste et pas forcément très technologique, voire pas technologique du tout.

Merci encore compère volatile ! Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 3481408968


mots-clés : #fantastique #nouvelle #sciencefiction
par animal
le Ven 19 Oct - 18:39
 
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Sujet: Collectif : Le temps sauvage
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Dimitris Hadzis

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Le-cah10

Le cahier du détective. 1 : Le testament du professeur. - Complexe

En Epire au pied des montagnes, il y a une petite ville, ou plutot il y avait.
Entre 1925 et 1945, la ville s' est épuisée, atteinte de vieillesse face à la modernité envahissante.
Atteints de sclérose, les corps de métiers n'ont pas pu, pas su ou pas voulu évoluer. Ils se sont aussi trop divisés entre eux, malades d'une mortelle fierté.
Hadzis y a vécu dans cette ville, il l'a violemment aimée.
Il a observé ses changements, son usure, son vieillissement pareil à celui d'un être humain.
Le nôtre ou celui du voisin.
Si les grecs ont tant aimé son livre, c'est qu'il en est un miroir.
Que l'image qu'elle donne soit désolante, certes, mais elle garde en même temps de quoi les consoler, en préservant un équilibre rare, miraculeux, entre l'inévitable désespoir et le besoin vital d'espérer.
Chacune des histoires traite du déclin, de la mort lente : chacune raconte la fin d'un groupe social, d'un ordre ancien.
Chacune est centrée autour d'un personnage coupé des autres, volontairement ou pas. Paradoxalement, l'espoir n'est jamais bien loin et qui les sauve, au moins un moment.
L'espoir, c'est les autres, l'amour, l' amitié. La fin des barrières qu'ils ont eux-mêmes dressées. Malgré la terre qu'ils ont dû quitter parce que trop faibles pour la défendre...
Hadzis montre pour eux la même tendresse dont ils peuvent faire preuve entre eux.
Seuls échouent, et d'une façon très amère, ceux qui se sont crus trop au dessus.
Un même personnage, Sabethai Kabilis est bourreau et martyr.
Un personnage inoubliable qui semble avoir échappé au jugement de l'auteur.

Chez Hadzis, il y a la même perception idéalisée d'un communisme impossible Et qui a tellement déçu des écrivains tels que Kazantzakis.
Et ses personnages, passionnés, excessifs ont quelque chose de slave, de russe.
Et lui, a reconnu la complexité des choses et des gens. Jamais sectaire, humain trop humain.
Oui, cet auteur, on l'aime et il est vraiment digne des autres grands auteurs grecs de l'époque : Kavvadias, Taktsis, Tsirkas.

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Ioanni10


mots-clés : #lieu #nouvelle
par bix_229
le Dim 14 Oct - 19:16
 
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Sujet: Dimitris Hadzis
Réponses: 3
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Rainer Maria Rilke

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 51phsa10

Histoires pragoises

Je suis un peu intimidé pour dire quelques mots sur ce livre : je n'ai fait qu'effleurer pour le moment son œuvre, avec ces deux nouvelles écrites avant Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, avant Les Elégies de Duino, en 1899... on a envie, après avoir lu un tel livre, de parler de ce qu'on ressent spontanément plutôt que de faire la moindre analyse. Rilke recréé la Prague de son époque, où l'antagonisme entre le peuple tchèque et la domination animait les conversations, mais semble laisser tout cela dans un arrière-plan confus et fantomatique. Des images saisissantes s'y superposent, et marquent davantage : des lieux plein de silences ou trop sonores, trop vastes, qui touchent les personnages dans ce qu'ils cachent au plus profond d'eux-mêmes.


mots-clés : #autobiographie #lieu #nouvelle #xixesiecle
par Dreep
le Dim 7 Oct - 16:14
 
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Sujet: Rainer Maria Rilke
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Lewis Carroll

La canne du destin

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 La-can11

Conte ou nouvelle (environ trente pages), d'extrême jeunesse, première trace de publication en 1849 dans la petite parution manuscrite de Lewis Carroll.

Il est assez intéressant de constater que la matière tire, déjà, énormément sur le cocasse doublé de merveilleux, d'imaginaire onirique fort bien trempé, très absurdisant.

Les tribulations de deux barons, d'un magicien et d'un certain Blowski, narrées via de courtes scènes déjà bien dans le style d'Alice.

Une dose certaine d'humour britannique, une charge de farfelu et de non-sense, l'exercice est si maîtrisé qu'on peine à croire que, si jeune, Carroll possédait à ce point les outils et ingrédients littéraires qui ont fait sa renommée mondiale:

Un bien brillant fin jeune homme, en somme, n'est-il pas ?


(Piètrement ravaudé d'un message sur Parfum du 8 mai 2014)"


mots-clés : #absurde #nouvelle
par Aventin
le Mer 3 Oct - 19:10
 
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Flannery O'Connor

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Les-br10

Les braves gens ne courent pas les rues

Le titre veut bien dire ce qu’il veut dire. Ou plutôt Flannery O’Connor a bien trouvé son titre. De surcroit, ce titre lui va bien, parce qu’il souligne bien son esprit, si observateur de ses contemporains et sa lucidité extrême à propos de leurs petits et grands travers. Ce qui n’exclut jamais la tolérance et la tendresse qu’elle ressent pour eux.

Certaines nouvelles peignent un personnage qui n’a rien de brave. Comme la première, qui décrit le départ d’une famille en vacances qui finira par rencontrer un homme pour le moins expéditif. Mais en contraste, bien que “Les braves gens ne courent pas les rues”, certains Braves, sont dans les rues, et dans ses nouvelles. Comme ce Grand-Père qui recueille le fils de sa fille, morte, et qui peine à l’élever.
C’est ce que je voulais dire par, “ce titre qui lui ressemble”. Si les braves gens ne courent pas les rues, pour les reconnaitre, il faut bien que par opposition, D’autres le soient, braves.  

Il y a bien sûr la maladie, les paons, les prédicateurs, les mégères, les enfants mal lunés. Tout y est, c’est encore elle.

mots-clés : #discrimination #humour #nouvelle #ruralité
par Pia
le Jeu 20 Sep - 12:55
 
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Sujet: Flannery O'Connor
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Rick Bass

La Vie des pierres

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Bass10

Ce recueil de nouvelles commence par Païens (qu’on peut lire intégralement ici https://www.christianbourgois-editeur.com/une-nouvelle.php?Id=191), un superbe texte où contrastent pollution extrême de l’environnement et vigueur de la jeunesse :
« Il restait peut-être un million, ou même seulement cent mille, en tout cas au moins dix mille endroits de ce genre dans le monde à ce moment-là. De minces veines de rêve encore envisageable, des lieux où aucune frontière n'avait été tracée ‒ des endroits avec des gisements de possible à ciel ouvert attendant d'être revendiqués par qui les voudrait, par qui serait prêt à retrousser ses manches, à faire preuve d'imagination. Des endroits encore riches et salubres, même au beau milieu des poisons qui vous pourrissent le cœur et vous dévorent les entrailles.
Pour la première fois cependant, Richard et Kirby commencèrent à se sentir en compétition. L'idée ne s'imposait jamais longtemps ; ils en avaient invariablement honte et réussissaient à la chasser sur commande : mais pour la première fois, elle était là.
L'aigrette tomba lentement en morceaux. Recuite au soleil, battue par les pluies, assiégée par les vents, rongée par les fourmis, elle perdit peu à peu du volume comme si la vie ne la quittait que maintenant ; puis elle continua de se désintégrer jusqu'à ce que ne subsistent que des tas de plumes délavées par le soleil entre les trous et les crevasses du tas de ferraille, et puis aussi quelques plumes éparses qui s'accrochaient encore à la carcasse spectrale de ses propres ossements, gisant tout là-haut au sommet des détritus.
Au fil de cette décomposition, apparurent également les proies qui se trouvaient à l'intérieur, le dernier repas qu'avait fait l'oiseau, et ils découvrirent dans la prison de la cage thoracique toute une collection de squelettes de petits poissons, avec des tas de poussière d'écailles autour qui brillaient comme des grains de sable. Il y avait des grosseurs et des tumeurs, de curieuses déviations dans l'arête centrale de ces poissons, et tandis qu'ils finissaient de pourrir (les mouches se repaissant de leurs restes dans cette cage thoracique ouverte aux quatre vents, comme prises au piège d'une bouteille mais libres d'aller et venir), le limon toxique de leurs cadavres finit de se déliter et laissa sur l'îlot une sorte de résidu métallique brillant, qui formait çà et là comme des traînées de peinture argentée. »

Après avoir lu les premiers textes, je me suis dit que, paradoxalement, chacun d’eux décrivait un état de grâce. J’ai tant goûté cette lecture que je me suis demandé à quel point elle profitait du contraste avec les précédentes, (inutilement ?) cruelles et malsaines.
J’ai particulièrement apprécié chez Bass l'approche sensible du monde vivant (y compris humain et tellurique), sa conscience de vivre la disparition de certaines espèces, la notion du temps géologique, l’absence de tout mysticisme.
Ces textes ne parlent pas directement d’écologie sauf, à mi-ouvrage, Fibre, qui est une sorte de diatribe militante et rageuse pour la survie des espèces sauvages nord-américaines. Le dernier, Géant, en est aussi imprégné :
« …] des grenouilles léopard, luisantes et si élégamment mouchetées, qui sont aujourd’hui en voie de disparition. A l’époque, on en trouvait partout, et personne n’aurait jamais pu imaginer qu’elles puissent un jour simplement ‒ enfin, pas aussi simplement que ça ‒ disparaître. Quel autre élément naturel va ainsi disparaître durant notre vie, n’être plus que souvenir, histoire, conte et héritage, puis fragment d’histoire et d’héritage, puis plus rien, seulement du vent ? »

« Je comprends la nature de l’avidité. Je suis persuadé que c’est là l’essence de la terrible vérité de notre temps : il ne reste plus tout à fait assez de quoi que ce soit. Sauf peut-être d’une chose ‒ douce, et déconnectée de tout ‒, mais je serais incapable de dire laquelle, d’en donner la nature exacte. »

Tous les textes sont poignants de l’enchantement d’univers bientôt disparus.

mots-clés : #nature #nouvelle
par Tristram
le Mer 5 Sep - 19:03
 
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Sujet: Rick Bass
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Langston Hughes

Histoires de blancs


Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 Gfhf10

Tout d'abord merci aux éditions Complexe car le livre est un bel objet, un joli papier, une couverture de qualité à un prix acceptable.
Recueil de nouvelles dont l'objet principal est la relation entre blancs et noirs avant la lutte pour les droits civiques.
Pas de temporalité, on est un temps dans les Etats du Sud, un temps dans Harlem, finalement les kilomètres ou les ans ne changent pas grand chose à la condition tragique des Noirs.
On est glacé par la fièvre raciste, qu'elle soit douloureusement élogieuse en prêtant une poésie animale à la population Noire qui ne demande pas cet éloge tout aussi insultant que la condamnation de réels abrutis par ailleurs.
J'ai eu mal durant tout l'ouvrage en me demandant comment cela avait pu se produire, un tel contexte et j'ai pensé à aujourd'hui et je me suis dit que malgré l'évolution des choses on n'avait pas bien avancé et pas très vite.

L'écriture est magnifique, les personnages sont tantôt poignants tantôt haïssables. Et l'histoire est tellement scandaleuse qu'il n'y a même pas de moraline.

L'on assiste au destin tragique d'une esclave domestique, d'un jazzman malade, de domestiques manipulés puis de musiciens. On peut être amusé par le point de vue Kierkegaardien sur l'artiste qui est déroulé dans la dernière nouvelle par l'un des personnages. Pas de morale binaire tous les blancs n'étaient pas affreux mais les belles personnes ne faisaient définitivement pas le poids.

mots-clés : #nouvelle #racisme
par Hanta
le Mar 4 Sep - 19:27
 
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Sujet: Langston Hughes
Réponses: 3
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Simonetta Greggio

L'odeur du figuier

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 L_odeu10


Cinq histoires dont le point commun est une odeur de figuier sauvage, une senteur d’été, d’enfance, de nostalgie, un parfum de délicieuse mélancolie, comme une chanson qui ramènerait à une époque oubliée. Et cette odeur, suspendue sur la vie des personnages, est là pour leur rappeler que la joie est admissible et recevable, qu’elle est tout près, qu’il faut la respirer, y croire, la laisser planer et s’en envelopper.

Quatrième de couverture.


Depuis le temps que je possède ce livre, je m'étais toujours promis de le lire en été pour mieux en savourer l'atmosphère. Et voilà, c'est chose faite ! Et quel beau moment ou devrais-je dire beaux moments puisqu'il s'agit d'un recueil de nouvelles qui ous font découvrir la vie de personnages dans l'italie ensoleillée et odorante.
Simonetta Greggio, que j'avais déjà lue à plusieurs reprises et qui m'avait enchantée, m'a epoustouflée par la maitrise de la forme "nouvelle".
J'adore cette forme d'écriture mais parfois on quitte la lecture déçu ou en attente de quelques lignes supplémentaires. Là, rien de tout cela, un bonheur à chaque début d'histoire qui se concrétise en un récit court mais complet.

Mention spéciale pour la nouvelle dédiée à Mario Rigoni Stern et celle nommée :Acquascura.

La maison sentait le romarin, le bois flotté et les vieux bouquins mouillés par la pluie et séchés par le vent : certaines pages avaient jauni et étaient devenues illisibles. Après avoir lu les livres qu'ils avaient emmenés avec eux, Chiara et Tsvi reprenaient ceux qui étaient restés dans la bibliothèque de la grande pièce.


Je me suis égarée en allant chez lui.b je n'y avais jamais mis les pieds, ces maisonnettes pimpantes de la proche banlieue ne m'ont jamais attirée. plutôt un loft décati. Plutôt un grand appart haussmannien vide. Plutôt un de ces endroits à la Modiano, une maison de campagne cossue où on ne peut emprunter l'escalier tellement il est envahi par les livres. Je suis une romantique post-moderne, cynique et gâtée, pauvre par goût presque autant que par nécessité.

mots-clés : {#}nouvelle{/#}
par Invité
le Mar 17 Juil - 17:36
 
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Sujet: Simonetta Greggio
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Russell Banks

Tag nouvelle sur Des Choses à lire - Page 9 L-ange10

L'ange sur le toit

Recueil de nouvelles que j ai trouvé assez prenant, mais sombre, très sombre. Et subtil.
L'une des choses les plus difficiles à dire à quelqu'un est celle-ci : J 'espère que vous m'aimerez sans raison particulière.


Beaucoup de ces textes posent la question du temps,et du rapport au souvenir, celui de la famille d'enfance, ou des premiers mariages; fréquemment ses personnages sont amenés, par une émotion, à se sentir étrangers à l'instant même, et renvoyés, malgré eux, au sentiment, à la certitude qu'ils n'ont rien à faire là, dans ce troisième mariage, qu'ils souhaitent juste être là, dans ce foyer quitté il y a dix ans, alors même qu'ils n'aiment plus la femme d'alors. Un truc bizarre, comme si ces personnages subissaient une vérité trop tard venue, comprise hors contexte, qui toujours aboutirait à un constat éludé : ils passent à autre chose. Il décrit bien comment, un jour, l'on peut avoir une conscience grave et bouleversante de vérité, et décider de la ranger aux oubliettes, volontairement.

Par ailleurs, mais c'est plus personnel et particulier à décrire, je balance entre le sentiment d'avoir à faire à une personnalité d'écrivain très riche, subtile, et celui d'être face au roi de l'imposture, au menteur habile, à l'entourloupe affect/intellect. Dans tous les cas, il est remarquable. Et laisse le sentiment troublant d'une intelligence qui ferait ses petits arrangements de grands fonds.


mots-clés : #famille #nouvelle
par Nadine
le Sam 7 Juil - 9:00
 
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Sujet: Russell Banks
Réponses: 42
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