Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Juil - 8:42

181 résultats trouvés pour humour

René Daumal

Le Mont Analogue − roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques

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Théodore, le narrateur est l’auteur d’une « fantaisie littéraire » parue dans la Revue des Fossiles, un article de spéculation sur « la signification symbolique de la montagne dans les anciennes mythologies », qui a été pris au sérieux par le père Pierre Sogol, un étonnant professeur d'alpinisme, mais aussi chercheur dans les sciences les plus diverses, « un Mirandole du XXe siècle ».
« "Pour qu'une montagne puisse jouer le rôle de Mont Analogue, concluais-je, il faut que son sommet soit inaccessible, mais sa base accessible aux êtres humains tels que la nature les a faits. Elle doit être unique et elle doit exister géographiquement. La porte de l'invisible doit être visible." »

Sogol détermine que cette montagne doit exister, qu’elle est invisible à cause d’une courbure de l'espace et qu’elle est située sur une île du Pacifique sud, en contrepoids de la masse continentale émergée et connue de la planète. Une expédition est décidée, avec huit membres (plus quatre hommes d’équipage), et Théodore devient le rédacteur de son journal lorsqu’ils parviennent au pied du Mont Analogue.
« Les explorateurs emportent en général avec eux, comme moyen d'échange avec d'éventuels "sauvages" et "indigènes", toute sorte de camelote et de pacotille, canifs, miroirs, articles de Paris, rebuts du concours Lépine, bretelles à poulies et fixe-chaussettes perfectionnés, colifichets, cretonnes, savonnettes, eau-de-vie, vieux fusils, munitions anodines, saccharine, képis, peignes, tabac, pipes, médailles et grands cordons, − et je ne parle pas des articles de piété. »

Ce continent "inconnu" est sous l’autorité de guides de haute montagne, et l’équivalent de l’étalon-or de la contrée est un cristal courbe, le péradam
Au fil du récit sont insérés des contes, comme Histoire des hommes-creux et de la Rose-amère
« Ils ne mangent que du vide, ils mangent la forme des cadavres, ils s'enivrent de mots vides, de toutes les paroles vides que nous autres nous prononçons. Certaines gens disent qu'ils furent toujours et seront toujours. D'autres disent qu'ils sont des morts. Et d'autres disent que chaque homme vivant a dans la montagne son homme-creux, comme l'épée a son fourreau, comme le pied a son empreinte, et qu'à la mort ils se rejoignent. »

… des mythes…
« Au commencement, la Sphère et le Tétraèdre étaient unis en une seule Forme impensable, inimaginable. Concentration et Expansion mystérieusement unies en une seule Volonté qui ne voulait que soi. »

… des descriptions de flore et faune locale…
« Parmi celles-ci, les plus curieuses sont un liseron arborescent, dont la puissance de germination et de croissance est telle qu'on l'emploie − comme une dynamite lente − pour disloquer les rochers en vue de travaux de terrassement ; le lycoperdon incendiaire, grosse vesse-de-loup qui éclate en projetant au loin ses spores mûres et, quelques heures après, par l'effet d'une intense fermentation, prend feu subitement ; le buisson parlant, assez rare, sorte de sensitive dont les fruits forment des caisses de résonance de figures diverses, capables de produire tous les sons de la voix humaine sous le frottement des feuilles, et qui répètent comme des perroquets les mots qu'on prononce dans leur voisinage ; l'iule-cerceau, myriapode de près de deux mètres de long, qui, se courbant en cercle, se plaît à rouler à toute vitesse du haut en bas des pentes d'éboulis ; le lézard-cyclope, ressemblant à un caméléon, mais avec un œil frontal bien ouvert, tandis que les deux autres sont atrophiés, animal entouré d'un grand respect malgré son air de vieil héraldiste ; et citons enfin, parmi d'autres, la chenille aéronaute, sorte de ver à soie qui, par beau temps, gonfle en quelques heures, des gaz légers produits dans son intestin, une bulle volumineuse qui l'emporte dans les airs ; elle ne parvient jamais à l'état adulte, et se reproduit tout bêtement par parthénogenèse larvale. »

… des considérations pseudo-ethnologiques, dialectiques, mathématiques, philosophiques, métaphysiques, ou plus générales :
« L'Animal, fermé à l'espace extérieur, se creuse et se ramifie intérieurement, poumons, intestins, pour recevoir la nourriture, se conserver et se perpétuer. La Plante, épanouie dans l'espace extérieur, se ramifie extérieurement pour pénétrer la nourriture, racines, feuillage. »

C’est donc une sorte de livre de science-fiction, entre Raymond Roussel et Jules Verne métissés de Poe, Vian et Jacques Abeille, et dans la lignée de Gestes et opinions du Dr Faustroll, pataphysicien (roman néo-scientifique), d'Alfred Jarry ; on pense même à Novalis !
On ne peut que déplorer que le récit reste inachevé, mais je pense aussi que d'autres histoires s’achèvent bien… platement, et que certaines gagnent à rester ouvertes.
À ce propos, l’allusion au titre du livre dans La Montagne de minuit de Jean-Marie Blas de Roblès faisait suite au dernier sourire de Bastien, à la vue d’une photo de mérou ; une allusion au mont Mérou des Hindous m’avait traversé l’esprit, mais je l’avais jugée trop capillotractée ! …
Car ce qui est prégnant dans ce livre, c'est surtout l'humour, même s'il est empreint d'alpinisme, de géométrie et de mysticisme, et que surtout il enflamme l'imagination.

\Mots-clés : #contemythe #humour #initiatique #lieu #spiritualité
par Tristram
le Jeu 18 Aoû - 13:03
 
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Sujet: René Daumal
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Claude Tillier

Mon oncle Benjamin

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Le récit commence par des considérations fort mélancoliques sur l’existence humaine, en contraste vif avec la suite, plus légère et surtout humoristique.
« Ce que vous appelez la couche végétale de ce globe, c’est mille et mille linceuls superposés l’un sur l’autre par les générations. »

Clamecy, au milieu du XVIIIe : Benjamin Rathery est le grand-oncle du narrateur qui rapporte quelques épisodes de la vie de ce dernier.
C’est l’histoire d’un jeune médecin (nombre de renvois à la médecine comme escroquerie ou science pour le moins incertaine), bon vivant (à crédit), élevé par sa sœur chez qui il vit dorénavant, et qui veut le forcer à se marier. Benjamin aime le vin, et banqueter dans la société de ses pairs ; il est cependant attentif aux humbles : par exemple, il ne fait pas payer les pauvres. Ce roman picaresque est aussi le prétexte d’attaques frontales contre la noblesse par privilège royal, la guerre, le clergé.
Une étonnante péripétie est celle où Benjamin se fait passer pour « M. le Juif-Errant » dans un village de naïfs ; on constate au passage qu’aucun antisémitisme ne semble exister à l’époque.
J’ai trouvé l’histoire datée avec ses poncifs sur l’ivrognerie rabelaisienne, ripaille et paillardise, mais une certaine philosophie de la vie s’en dégage cependant.
« Un autre que mon oncle eût déploré son sort sur tous les tons de l’élégie ; mais l’âme de ce grand homme était inaccessible aux atteintes de la fortune. »

« Pour lui le passé n’était rien et l’avenir n’était pas encore quelque chose. Il comparait le passé à une bouteille vide, et l’avenir à un poulet prêt à être mis à la broche. »

J’ai revu le film qui en a été tiré par Édouard Molinaro, et qui est aussi daté…

\Mots-clés : #humour #xixesiecle
par Tristram
le Sam 16 Juil - 11:40
 
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Sujet: Claude Tillier
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Thomas McGuane

La fête des Corbeaux


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Recueil de dix-sept nouvelles :

Un problème de poids
La maison au bord de Sand Creek
Ma grand-mère et moi
Les enjoliveurs
Sur une route en terre
Une vue dégagée vers l’ouest
Le ragoût
Un bon filon
Un vieil homme qui aimait pêcher
Une fille de la prairie
Le bon Samaritain
Les étoiles
Le shaman
Partie de pêche à Canyon Ferry
Camping sauvage
Une histoire lacustre
La fête des Corbeaux


Tranches de vie dans des ranches du Montana, mais aussi à la ville (et bien sûr pêche à la truite), qui tournent autour de rapports humains toxiques ou empreints de faiblesse, de l’enfance à la vieillesse. Perce aussi, souvent, une satire de la culture états-unienne contemporaine (l’argent, les banques), mais également des références à la nature.
J’ai particulièrement apprécié la première nouvelle, Un problème de poids (où le fils d’une « famille dysfonctionnelle » rejette l’idée d’une vie de couple), Les enjoliveurs (ou l’enfance morose d’Owen), Les étoiles (démêlés de Jessica avec les humains), Camping sauvage (deux vieux amis s’affrontent sourdement à propos d’une infidélité conjugale tandis qu’ils campent avec un guide assez instable) et la dernière, l’éponyme (deux frères ont placé leur mère veuve atteinte de démence sénile en maison de retraite, et elle évoque un amant Crow…)
« Il avait sombré dans la dépression, découvrant qu’il n’est pas de maladie plus brutale, plus profonde, plus implacable, et qui fait une ennemie de la conscience elle-même. »
Le bon Samaritain

« De même que les géologues s’émancipent dans le temps, pensa-t-elle, les astronomes s’affranchissent grâce à l’espace. »
Les étoiles

« La chienne, qui avait mordu son maître la première fois qu’elle l’avait vu soûl, le regardait désormais avec un détachement similaire à celui d’Owen. »
Les enjoliveurs

« Je ne vois pas bien ce que les écolos trouvent à tous ces arbres, dit Jack.
− La nature nous hait. On sera sacrément vernis de quitter ce trou et de retrouver la civilisation. »

« Mon père était boucher et moi, je suis chirurgien, dit Tony. Je suis sûr que tu as entendu pas mal de plaisanteries là-dessus en ville.
− Oui, en effet.
− Le plus bizarre, c’est que je ne voulais pas être chirurgien, mais boucher. L’accession classique de la seconde génération à un genre de stratosphère où on ne se sentira jamais à sa place. Où on ne sait jamais vraiment où l’on en est. »

« Il lui apparaissait que la nature et la vie étaient exactement pareilles, mais il n’arrivait à formuler la chose. »
Camping sauvage


\Mots-clés : #humour #Nouvelle #viequotidienne #xxesiecle
par Tristram
le Ven 3 Juin - 17:21
 
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Sujet: Thomas McGuane
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Théophile Gautier

Le Capitaine Fracasse

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Il est parfois risqué de s’aventurer des décennies plus tard dans un ouvrage découvert dans l’enfance – certainement dans une version « adaptée » - et qu’on avait adoré.
Pas de suspens : la relecture du « Capitaine Fracasse » m’a à nouveau ensorcelé ! Pour d’autres raisons, mais aussi de semblables (Ah, le personnage du Matamore, navré, perdu dans la neige !)
Le capitaine Fracasse, c’est le Matamore, la Capitan, le Scaramouche de la Commedia dell’arte, croqué par Jacques Calot et Abraham Bosse, héros du « Roman comique » de Scarron et de « L’Illusion comique » de Corneille, mais singulièrement transformé, non plus vantard mais modeste, non plus peureux mais courageux. C’est le baron de Sigognac.

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Inspiré de ses illustres devanciers, Corneille et Scarron, mais également très influencé par Rabelais, « Le Capitaine Fracasse » est un roman de cape et d’épée qui se passe sous le règne de Louis XIII et qui met en scène une troupe de comédiens. Théophile Gautier y fait preuve d’une qualité d’écriture exceptionnelle, alliant à la perfection le fantastique et le merveilleux. En particulier, les descriptions, souvent très développées, utilisent un vocabulaire précis, d’une grande richesse, avec parfois une touche de préciosité (on sent venir le courant symboliste !)  

Les premiers chapitres décrivant le château de la misère sont de petits bijoux :
« Les ronces, aux ergots épineux, se croisaient d’un bord à l’autre des sentiers et vous accrochaient au passage pour vous empêcher d’aller plus loin et vous dérober ce mystère de tristesse et de désolation. La solitude n’aime pas être surprise en déshabillé et sème autour d’elle toutes sortes d’obstacles. »


« Cinq ou six chaises recouvertes de velours qui avait pu jadis être incarnadin, mais que les années et l’usage rendaient d’un roux pisseux, laissaient échapper leur bourre par les déchirures de l’étoffe et boitaient sur des pieds impairs comme des vers scazons ou des soudards éclopés s’en retournant chez eux après la bataille. A moins d’être un esprit, il n’eût point été prudent de s’y asseoir, et, sans doute, ces sièges ne servaient que lorsque le conciliabule des ancêtres sortis de leurs cadres venaient prendre place à la table inoccupée, et devant un souper imaginaire causaient entre eux de la décadence de la famille pendant les longues nuits d’hiver si favorables aux agapes des spectres. »

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 2 Le_cha10


Les habitants du château : le baron de Sigognac, son serviteur Pierre, le cheval Bayard, le chien Miraud et le chat Belzebuth, sont tout aussi pittoresques :
« Un vieux chat noir, maigre, pelé comme un manchon hors d’usage et dont le poil tombé laissait voir par places la peau bleuâtre, était assis sur son derrière aussi près du feu que cela était possible sans se griller les moustaches, et fixait sur la marmite ses prunelles vertes traversées d’une pupille en forme d’I avec un air de surveillance intéressée. Ses oreilles avaient été coupées au ras de la tête et sa queue au ras de l’échine, ce qui lui donnait la mine de ces chimères japonaises qu’on place dans les cabinets, parmi les autres curiosités, ou bien encore de ces animaux fantastiques à qui les sorcières, allant au sabbat, confient le soin d’écumer le chaudron ou bouillent leurs philtres. »


Il en est de même des comédiens
« Eclairée par ce rayon, une assez grotesque figure se dessina sur le fond d’ombre ; un crâne couleur de beurre rance luisait sous la lumière et la pluie. Des cheveux gris plaqués aux tempes, un nez cardinalisé de purée septembrale, tout fleuri de bubelettes s’épanouissant en bulbes entre deux petits yeux vairons recouverts de sourcils très épais et bizarrement noirs, des joues flasques, martelées de tons vineux et traversées de fibrilles rouges, une bouche lippue d’ivrogne et de satyre, un menton à verrue où s’implantaient quelques poils revêches et durs comme des crins de vergette, composaient un ensemble de physionomie digne d’être sculptée en mascaron sous la corniche du Pont-Neuf. […] Cette tête de fantoche, servie sur une fraise de blancheur équivoque, surmontait un corps perdu dans une souquenille noire qui saluait en arc de cercle avec une affectation de politesse exagérée. »


Belles descriptions de tavernes, ainsi le Radis couronné » :
Quand Jacquemin Lampourde entra au « Radis couronné », le plus triomphant vacarme régnait dans l’établissement. Des gaillards à mine truculente, tendant leurs pots vides, frappaient sur les tables des coups de poing à tuer des bœufs et qui faisaient trembler les suifs emmanchés dans des martinets de fer. D’autres criaient « tope et masse » en répondant à des rasades. Ceux-ci accompagnaient une chanson bachique, hurlée en cœur avec des voix aussi lamentablement fausses que celles des chiens hurlant à la lune, d’un cliquetis de couteau sur les côtes de leurs verres et d’un remuement d’assiettes tournées en meule. Ceux-là inquiétaient la pudeur des Maritornes, qui, les bras élevés au-dessus de la foule, portaient des plats de victuailles fumantes et ne pouvaient se défendre contre leurs galantes entreprises, tenant plus à conserver leur plat que leur vertu. Quelques-uns pétunaient dans de longues pipes de Hollande et s’amusaient à souffler de la fumée par les naseaux. »


Ou d’auberges :
« Passez-moi la muscade ! disait l’un ! un peu de cannelle, s’écriait l’autre ! Par ici les quatre épices ! remettez du sel dans la boîte ! les clous de girofle ! du laurier ! une barde de lard, s’il vous plaît, bien mince ! soufflez ce fourneau ; il ne va pas ! éteignez cet autre, il va trop et tout brûlera comme châtaignes oubliées en la poêle ! versez du jus dans ce coulis ! allongez-moi ce roux, car il épaissit ! battez-moi ces blancs d’œufs en père fouetteur, ils ne moussent pas ! saupoudrez-moi ce jambonneau de chapelure ! tirez de la broche cet oison, il est à point ! encore cinq ou six tours pour cette poularde ! vite, vite, enlevez le bœuf ! il faut qu’il soit saignant. Laissez le veau et les poulets :
Les veaux mal cuits, les poulets crus
Font les cimetières bossus
Retenez cela, galopin. N’est pas rôtisseur qui veut. C’est un don du ciel. Portez ce potage à la reine au numéro 6. Qui a demandé des cailles au gratin ? Dressez vivement ce râble de lièvre piqué ! »


Dernier extrait : Isabelle découvre des armures dans le château de Vallombreuse
« … elle aperçut deux figures armées de pied en cap, qui se tenaient immobiles en sentinelle de chaque côté du chambranle, les gantelets croisés sur la garde de grandes épées ayant la pointe fichée en terre ; les cribles de leurs casques représentant des faces d’oiseaux hideux, dont les trous simulaient les prunelles, et le nasal le bec ; sur les cimiers se hérissaient comme des ailes irritées et palpitantes des lamelles de fer ciselées en pennes ; le ventre du plastron frappé d’une paillette lumineuse se bombait d’une façon étrange, comme soulevé par une respiration profonde ; des genouillères et des cubitières jaillissait une pointe d’acier recourbée en façon de serre d’aigle, et le bout des pédieux s’allongeait en griffe. »



Mots-clés : #aventure #humour #xixesiecle
par ArenSor
le Lun 30 Mai - 16:19
 
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Sujet: Théophile Gautier
Réponses: 9
Vues: 479

René Fallet

Le Braconnier de Dieu

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Grégoire Quatresous, dit "Vingt Centimes", fuyant les Allemands pendant l’occupation, tomba dans la Trappe en Bourbonnais. Mais, au bout de vingt-six ans de bonheur paisible, Frère Grégoire rencontra Muscade la marinière, fit l’amour avec elle (et non « œuvre de chair »), puis se défroqua (tout en gardant sa religion débonnaire). La péniche de Muscade est partie ; il retrouve son seul ami, Toussaint Baboulot, ouvrier agricole alcoolique et acoquiné depuis avec Stanislas, un Polonais au même penchant appuyé (il y aurait beaucoup à dire sur la représentation des Polonais…). Ils travaillent donc ensemble au domaine des Pédouilles.
« Le Polonais, plus polonais que jamais, n’alla pas loin, s’égara sur le terrain de football où, capturé par les filets d’un but tel un chevesne dans un trémail, il s’endormit, La Marseillaise aux lèvres. Baboulot pédala jusqu’à Treteau, chut dans un fossé et y ferma les yeux, tout fier d’avoir pu regagner son lit sans anicroche.
Quant à Grégoire, ce fut à l’intérieur du cimetière de Boucé qu’une tombe interrompit brutalement sa fuite. Il se remit en selle, heurta une autre sépulture, culbuta dans l’allée, sidéré par la quantité de dalles essaimées sur une route nationale. Il s’allongea sur un caveau, jugea ce matelas dénué de tout confort, sombra pourtant dans le sommeil. À l’aube, à la vue de ce gisant, une vieille qui passait par là en perdit la raison, ce dont personne d’ailleurs ne s’aperçut dans sa famille. »

Outre ses retrouvailles (avec le vin notamment), il tente de fuir le péché (mais vider chopine et « arranger » les bistrotes n’en font point partie), et de devenir un « pêcheur d’hommes ». Lui apparaît Jésus (qui ne crache pas non plus sur le Saint Pourçain).
« Garde-le pour toi, Grégoire, parce que c’était pas utile d’y marquer dans les Évangiles, mais ça vaut rien, l’eau changée en pinard. Rien. Pas un coup de cidre. C’est de la bibine. Le raisin, Grégoire, le raisin, y a que ça ! Faut pas sortir de là. Tout le reste, c’est coca-cola et compagnie. »

Grégoire baptise donc des moutons puis, pour le convertir, emmène Toussaint, victime d’une « crise de foie », de l’Allier à Lourdes dans une pérégrination qui semble écrite pour le cinéma (un film du même titre sera d’ailleurs tiré du livre ; je ne me souviens pas l’avoir vu, mais le genre rappelle Fernandel et consorts).
« On se racontait, derrière eux, le dernier miracle en date. Un cul-de-jatte avait perdu une roue de son chariot. Comme il ne pouvait plus se propulser sans culbuter, on l’avait apporté à Lourdes afin qu’il y récupérât au moins ses jambes. On l’avait plongé dans la piscine, où il avait coulé et s’était noyé, ne voulant pas lâcher ses fers à repasser. Lorsqu’on l’avait repêché, Dieu merci ! son chariot avait quatre roues et quatre pneus neufs, les médecins en avaient témoigné formellement. »

Toussaint miraculé à l’eau bénite et à l’Hepatoum, les inspirés compères ouvriront le monastère d’un nouvel ordre rabelaisien, le Saint-Litre…
C’est d’un anticléricalisme bonhomme (sans épargner tous les « gardes-pêche, gardes-chasse et garde-chiourmes », y compris les gendarmes).
« Aujourd’hui, tiens, les curés veulent se marier. Demain, ils voudront se marier entre eux ! »

« Le front bas du gendarme se plissa et, rétrécissant ainsi d’un centimètre, diminua de moitié [… »

Dédié à Antoine Blondin, ce roman rappelle évidemment Audiard, Brassens, Robert Giraud et ses autres proches en gouaille populaire des faubourgs, et ici du patois du bourbonnais, avec un humour parfois daté, mais qui reste savoureux.
« On y sait, que l’amour, ça empêche pas les sentiments. »

Mais c’est loin d’être comparable à Paris au mois d'août, Un idiot à Paris, ou Le beaujolais nouveau est arrivé

\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Mar 17 Mai - 12:31
 
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Sujet: René Fallet
Réponses: 16
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Thomas De Quincey

De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts

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En complément aux commentaires approfondis précédents, mais je retiens surtout l'aspect farcesque et provocateur.
« En tant qu’inventeur de l’assassinat et que le père de l’art, Caïn dut être un génie de premier ordre. Tous les Caïns furent des hommes de génie. Tubal-Caïn a inventé les tubes, je crois, ou quelque chose de ce genre. »

« En effet, pour peu qu’un homme se laisse aller à l’assassinat, il en viendra bientôt à boire et à enfreindre le sabbat, et de là il tombera dans l’impolitesse et la nonchalance. Une fois engagé sur cette pente, qui sait où il s’arrêtera ? Plus d’un homme a daté sa ruine de tel ou tel assassinat auquel, en son temps, il n’avait guère attaché d’importance. »

Le Post-scriptum (tenant plus de la moitié de l’ouvrage), commente principalement les fameux assassinats de John Williams à Londres.
« Mais dans la suite, cet étranger repoussant d’une lividité cadavérique, aux cheveux extraordinaires et aux yeux vitreux, qui s’était montré par intermittence de 8 heures à I l heures du soir, revint à la mémoire de tous ceux qui l’avaient fixement observé, avec à peu de chose près l’effet glacial que produisent les deux assassins dans Macbeth lorsqu’ils se présentent fumants du meurtre de Banquo, et qu’avec leurs terribles visages ils se profilent obscurément sur l’arrière-plan brumeux, à travers les pompes du banquet royal. »

Humour donc, mais aussi façon de pointer la fascination morbide des membres de toute société humaine pour les faits divers sanglants et la mort (amplifiée par la rumeur), à la racine de la peur de l’étranger, et donc du racisme…
« Un homme sur trois, pour le moins, y pouvait être tenu pour un étranger. On rencontrait à chaque pas des Lascars, des Chinois, des Maures, des Nègres. »

(Les lascars sont vraisemblablement des "matelots des Indes".)
Un pastiche à la Poe, qui raille aussi le ton didactique et grandiloquent en le caricaturant, et n’épargne pas même Coleridge, ami de l’auteur.
Pas étonnant que cet auteur figure dans l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton (dans laquelle il manque notamment Ambrose Bierce, qui s’apparente assez à de Quincey) !

\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Mar 26 Avr - 12:35
 
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Sujet: Thomas De Quincey
Réponses: 8
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John Irving

Les rêves des autres

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Les rêves des autres
Fred vient d’être quitté par sa femme (et sa fille), et découvre qu’il a le don de partager les rêves des personnes qui ont dormi là où il dort.

Un énergumène passe à table
Ernst Brennbar passe par une période post-prandiale plutôt chargée, et réagit à une conversation sur les discriminations comparées en intervenant pour soutenir les boutonneux ; il s’insurge au premier degré, mais sa femme transforme adroitement sa diatribe à titre personnel en métaphore de l’intelligence…
« C’est du racisme anti-boutonneux, voilà ce que c’est ! De l’acnophobie. »

« − C’est vrai que les gens intelligents constituent la minorité la plus infime. Il leur faut donc supporter la médiocrité bêlante et l’idiotie flagrante de tout ce qui est populaire. La popularité est probablement la pire insulte pour une personne intelligente. C’est pour ça, poursuivis-je avec un geste en direction de Brennbar, qui ressemblait à une nature morte, c’est pour ça que l’acné est une métaphore adéquate pour dire le sentiment d’impopularité qu’éprouvent les gens intelligents. Car l’intelligence est impopulaire, évidemment. Personne ne les aime, les gens intelligents. On ne leur fait pas confiance : leur intelligence cache peut-être une forme de perversité. C’est un peu comme de penser que ceux qui ont des boutons ne sont pas propres. »

Une facétie étrangement actuelle…

L’espace intérieur
Un urologue et sa femme passionnée d’aménagement intérieur, notamment de leur nouvelle maison, dont un beau noyer surplombe la toiture, ainsi que celle du voisin… La saison des noix arrive, tandis que le médecin tente de convaincre ses patients étudiants d’informer leurs conquêtes de leurs maladies vénériennes…

Dans un état proche de l’Iowa, ou l’itinéraire qui mène à l’état de grâce
Road trip d’un États-Unien qui fait équipe avec son véhicule, apparemment plus qu’avec son épouse…

Un royaume de lassitude
Minna, proche de la retraite, travaille dans un foyer de jeunes étudiantes ; ses confortables positions dans l’existence seront un peu chamboulées.

Faut-il sauver Piggy Sneed ?
Ce texte est peut-être celui qui m’a le plus touché, déjà à ma première (et ancienne) lecture : d’abord, Irving confie sa façon de fabuler à partir d’une expérience personnelle. Voici l’incipit :
« Ce qui va suivre est autobiographique, mais, entendons-nous bien, pour l’écrivain non dépourvu d’imagination, toutes les autobiographies sont truquées. La mémoire d’un auteur de fiction ne saurait lui fournir que des détails peu satisfaisants ; il nous est toujours possible d’en imaginer de meilleurs, de plus adéquats. Le détail juste est rarement ce qui s’est produit sans retouches ; le détail vrai, c’est ce qui aurait pu, ou qui aurait dû, se produire. Je passe la moitié de ma vie à me relire et, sur cette moitié, la moitié du temps à introduire de menus changements. La condition de l’écrivain exige qu’il sache allier l’observation minutieuse à l’imagination non moins minutieuse de ce qui ne lui a pas été donné d’observer. Quant au reste, il consiste à se colleter proprement avec le langage ; pour moi, en l’occurrence, travailler et retravailler les phrases jusqu’à ce qu’elles sonnent avec la spontanéité d’une conversation de niveau agréable. »

Ensuite, l’histoire est celle d’un misérable demeuré en butte aux blagues et moqueries de jeunes enfants, dont le narrateur-auteur, qui interroge la question du harcèlement des plus faibles d'une manière intimement liée à la démarche littéraire.

Mon dîner à la Maison-Blanche
Un deuxième texte apparemment autobiographique, une tranche de vie d’Irving dans le Vermont, et l’affirmation de sa position démocrate.
« Et, comme une soirée de fin d’année, mon dîner à la Maison-Blanche est suivi d’un bal − après tout, Hollywood est au pouvoir. »

Il me semble avoir toujours plus ou moins considéré Irving comme un auteur « gentil » ; malgré la connotation péjorative du terme, ce n’est pas si négatif, et ils sont plutôt rares dans ce genre…

\Mots-clés : #humour #nouvelle
par Tristram
le Dim 24 Avr - 13:16
 
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Sujet: John Irving
Réponses: 22
Vues: 2073

Raymond Queneau

Hazard et Fissile

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Début d’un roman non terminé, où on découvre avec grand plaisir Eleazard Hazard le vieux savant et Sulpice Fissile, secrétaire du banquier Minoff (qui est lecteur d’ouvrages d’occultisme), le clown (« clàoun ») Calvaire Mitaine, le magicien Funeste Agrippa, Adrien le domestique de Pierre Réussi (ce dernier rapidement trucidé), « le célèbre détective français » Florentin Rentin, Jim Jim le boxeur nègre à l’accent alsacien, Jacqueline Pi 1416, un orang-outan et un petit bonhomme de cristal qui, brisé, veut être enterré dans « un cercueil de chair »… et les pieuvres du golfe de Guinée.
« Et dire que ce salaud d’auteur a fait de moi une sorte de Paillasse ridicule. Il déteste les clowns, cet imbécile. Mais je lui revaudrai ça et je lui ferai rater les chapitres les plus palpitants. »

C’est désopilant, et les personnages, comme l’auteur, interviennent directement dans un récit dont ils ont conscience qu’il en sont un.
« "− C’est fou, Jacqueline. Mon revolver vient de disparaître.
− Qu’a-t-il emporté avec lui ?
− Rien, c’est ce qui m’inquiète. Et personne que je puisse soupçonner.
− C’est que vous manquez d’imagination."
(Je prie le lecteur d’apprécier les répliques de Jacqueline, spirituelles et pleines d’esprit. C’est bien une brave petite Française. Reprenons.) »

« Non, non, le moment n’est pas aux lieux communs. Là où le langage se soulage. »

Leurs aventures abracadabrantes sont fortement inspirées de Fantômas, et vers la fin seulement indiquées dans les notations cursives du work in progress :
« Et s’il me plaît à moi de changer le nom de mes personnages ?
Sulpice Fissile sera Clotaire d’Eu et Prosper Minoff sera Virgile Mieux. Adrien sera monsieur Fromage et Jacqueline se nommera Etiennette Cimetière.
D’autre part, je ne sais plus où j’en suis. Non merde. Voilà trois mois à peu près que j’ai arrêté les frais de ce petit roman. Alors où suis-je ? Je, donc, pense en être à une sorte de poursuite. »

L’imagination est rocambolesque, farfelue, et même surréaliste, un peu à la manière d’un Vian.
« Au Ve siècle, une beste fort redoutable ayant l’aspect d’un serpent fort long, mais ayant une sorte de parement de peau noire assez semblable à une soutane et une arête ronde comme un chapeau de curé, ravagea les environs de Limoges. Elle avait plusieurs centaines de kilomètres de long, un jour on la tua (méthode de la séparation du fondement) et on la plaça dans une glacière. Il y avait tellement à manger dedans que l’on déguste encore sa viande et, gratuitement, dans tout Limoges, et qu’il y en a encore pour plusieurs siècles. »

Un régal, malheureusement inachevé…

\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Mer 16 Mar - 12:12
 
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Jorn Riel

La Maison des célibataires

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Cinq célibataires vivent tranquillement dans une maison du Groenland, oisifs et grands buveurs. Mais l’un d’eux, capitaine d’un bateau transporteur de charbon, qui ne se lave jamais et assure avec son salaire la seule entrée d’argent de la maisonnée, s’inquiète de leur éventuelle dispersion lorsque l’âge de la retraite sera venu. Toujours avec humour, Riel rend compte du genre de vie dans cette contrée exotique.
« Elle les invita à entrer et leur servit café et schnaps dans des tasses. Avec le café, elle leur servit de longues lanières de viande de mouton séchée accompagnées de délicieux petits dés de phoque frits. »

En postface à cette novella, Riel parle de sa riche existence, qui ne se résume pas à l’Arctique, et confie :
« Un racontar, c'est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l'inverse ? »


\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Lun 14 Mar - 11:58
 
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Eduardo Mendoza

Le mystère de la crypte ensorcelée

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Effectivement picaresque, et qui m’a ramentu, outre Don Quichotte, Six problèmes pour Don Isidro Parodi, de Borges et Casares (et même Gadda, ce qui peut être douteux puisque j’ai aussi pensé à mes pommes de terre sautées qui mijotaient dans une marmite en fonte). On est en 1965, « ère prépostfranquiste », et c’est un régal désopilant de reprises des poncifs du genre comme de cette époque.
« Nous avons besoin pour cela d’une personne qui connaisse les ambiances les moins reluisantes de notre société, une personne dont le nom puisse être éclaboussé sans préjudice pour nulle autre, capable d’effectuer le travail à notre place et de laquelle, le moment venu, nous puissions nous débarrasser sans encombre. »

« Je me mis donc au lit avec cette idée consolante et tentai de m’endormir en ressassant l’heure à laquelle je voulais me réveiller : car je sais que le subconscient, en plus de dénaturer notre enfance, déformer nos attachements, nous rappeler ce que nous sommes anxieux d’oublier, nous révéler ce que notre condition a d’abject, en bref, nous démolir la vie, fait aussi office de réveil quand on en a envie, comme par une sorte de compensation. »


\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Jeu 20 Jan - 16:16
 
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Enrique Vila-Matas

Cette brume insensée

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Cadaqués et le cap de Creus, puis Barcelone, pendant la crise indépendantiste catalane de 2017. Le narrateur, Simon Schneider, piètre traducteur impécunieux et écrivain raté, est le frère d’un écrivain culte vivant incognito à New York (comme Salinger ou Pynchon), Rainer "Grand" Bros, qui exploite l’intertextualité de ses « archives de citations ». C’est sa passion…
« …] à accumuler des citations – plus il y en avait, mieux c’était –, une nécessité absolue d’absorber, de rassembler toutes les phrases du monde, un désir irrésistible de dévorer tout ce qui se mettait à ma portée, de m’approprier tout ce dont, dans des moments de lecture propice, j’envisageais de faire mon miel. »

« …] l’“art des citations” inventé – mais pas développé – par Georges Perec dans les années 1960. »

Comme d’ordinaire avec Vila-Matas, il y a plusieurs fils qui s’entrecroisent (voire s’entremêlent), et il est difficile, dans une première lecture, de dégager ce qui serait essentiel de l’accessoire – d’autant que les notions se reprennent en miroir (plus ou moins déformant) dans des volutes de mise en abyme avec effet rétroactif… Entr’autres récurrences, leur père récemment décédé (à « l’énergie née de l’absence »), la tante Victoria génie de la famille, « les cinq romans rapides » de Grand Bros qui (lui aussi) « ne poursuivait jamais un thème jusque dans ses derniers retranchements », « ce narrateur perdu dans le clair-obscur d’une matinée » de son présent brumeux comme dans l’œuvre que Simon envie tout en prétendant avoir conseillé sa « structure intertextuelle », et pour cela financièrement assisté comme Vincent Van Gogh par Théo, un tableau de Monet, l’espace infini, « ce tragique sentiment de l’existence » emprunté à Unamuno et autres questions métaphysiques, autant d’éléments d’une énigme narquoisement embrouillée en valse-hésitation autour d’une mystérieuse destination.
« …] la vie respecte un patron dont le tracé s’améliore au fur et à mesure que nous apprenons à nous éloigner des événements. Parce que prendre de la distance vis-à-vis des choses – ce qui pour moi revient à prendre de la distance vis-à-vis de la tragédie, ce qui, à son tour, est la même chose qu’être maître dans l’art de ne pas se laisser voir – s’apprend avec le temps.
N’est-ce pas, Banksy ? »

La littérature, mais aussi l’écriture, sont évidemment au centre du roman.
« La grande prose ne tente-t-elle pas d’aggraver la sensation d’enfermement, de solitude et de mort et cette impression que la vie est comme une phrase incomplète qui à la longue n’est pas à la hauteur de ce que nous espérions ? »

Rainer revient rencontrer Simon, et son alcoolisme digne d’Hemingway affronte la paranoïa de ce dernier.
Malicieux maestro, Enrique Vila-Matas nous embobeline comme de coutume.

\Mots-clés : #ecriture #humour
par Tristram
le Lun 20 Déc - 11:36
 
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Mark Twain

Nouvelles du Mississippi et d'ailleurs

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Vingt-deux nouvelles souvent brèves, pleines d’un humour parfois un peu daté : c'est un genre qui semble ne pas être immuable, du moins dans certaines de ses formes…
Ces récits sont généralement présentés comme vécus ou au moins véridiques, souvent rapportés par quelqu’un de rencontre, fréquemment dans un train.
La célèbre grenouille sauteuse du comté de Calaveras est le cas d'un conteur aussi farfelu qu'intarissable.
Une journée à Niagara relate une visite touristique aux célèbres chutes ; remarque d’autant plus comique qu’on ne faisait pas les selfies soi-même à l’époque :
« Il n’y a pas de véritable mal à faire de Niagara l’arrière-plan où exposer sa merveilleuse insignifiance à une bonne lumière bien claire, mais s’y autoriser requiert une sorte d’autocomplaisance surhumaine. »

Les tribulations de Simon Erickson est l’histoire d’un jeune cultivateur épris des navets, et surtout d’une curieuse lettre dont le texte se transforme absurdement…
Une histoire vraie, c’est celle d’une Noire qui retrouva son fils, vendu treize ans plus tôt, dans l’armée de l’Union.
Le marchand d’échos est un réjouissant exemple de la passion des collections, avec le cas loufoque de celle… d’échos !
Les amours d’Alonzo Fitz Clarence et Rosannah Ethelton est une intrigante histoire de temps déréglé, de maison où la saison est différente d’une pièce à l’autre, et finalement de conversations téléphoniques...
Ce qui sidéra les geais bleus est une amusante historiette de geais qui parlent, et font preuve d’humour.
Une bien curieuse expérience : espionnage pendant la guerre de Sécession ?
La famille McWilliams et les signaux d’alarme : il s’agit d’une burlesque alarme anti-intrusion ; Twain semble avoir beaucoup de problèmes avec les nouveautés technologiques…
« J’acceptai ce compromis. Je dois vous expliquer que lorsque je veux quelque chose, et que Mme McWilliams veut autre chose, et que nous nous prononçons finalement – comme nous le faisons toujours – en faveur de ce que veut Mme McWilliams, elle appelle ça un compromis. »

Le chasseur et la dinde machiavélique a un accent de souvenir d’enfance.

\Mots-clés : #humour #nouvelle
par Tristram
le Lun 13 Déc - 19:44
 
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Umberto Eco

Pastiches et Postiches

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Recueil de textes divers.
Dans Nous sommes au regret de ne pouvoir publier votre ouvrage…, des rapports de lecture à l’éditeur déconseillent le choix éditorial de quelques chefs-d’œuvre de la littérature mondiale ; pas assez ou trop de sexe, « gros travail d’editing » à prévoir, invendable, etc. : c’est désopilant !
Trois notes de lecture : sur les billets de banque, Histoire d’O « (projet de note de lecture pour "Marie-Claire") et L’Amant de lady Chatterley.
Nonita est un hilarant pastiche de Lolita, ou les confessions d’Umberto Umberto, jeune éphèbe épris de séniles « parquettes » ! La parodie met en abyme les démarquages d’autres auteurs que Nabokov, comme son modèle renvoyait à des références littéraires.
Fragments, ce sont ceux découverts après une catastrophe nucléaire là où se trouvait l’Italie, bribes de chansons populaires qui attestent d’une civilisation fantasmée dans d’érudites et hasardeuses extrapolations !
Les deux textes suivants sont dans le genre des Mythologiques de Barthes :
Platon au Crazy Horse :
« Si, psychologiquement, le rapport du strip-tease est sadomasochiste, ce sadomasochisme, sociologiquement, est essentiel au rite d’enseignement qui s’accomplit : le striptease démontre inconsciemment au spectateur, qui accepte et recherche la frustration, que les moyens de production ne sont pas en sa possession. »

Phénoménologie de Mike Bongiorno (le Guy Lux italien) :
« L’idéal du consommateur de mass media est un surhomme qu’il ne prétendra jamais devenir, mais qu’il se plaît à incarner en imagination, comme on endosse pour quelques minutes devant un miroir le vêtement de quelqu’un d’autre, sans même songer à le posséder un jour. »

Esquisse d’un nouveau chat : dans le genre de Robbe-Grillet et du Nouveau roman.
L'autre empyrée : témoignage sur l’immobilisme du Dieu de l’Ancien Testament face aux progrès scientifiques :
« Lucifer, on essaye maintenant de le faire passer pour un communiste, mais je veux être pendu s’il était même social-démocrate. Un intellectuel avec des idées réformistes, voilà ce qu’il était ; de ceux qu’on liquide ensuite, dans les vraies révolutions. »

La Chose : le professeur Ka a fabriqué le premier biface, et le général utilise la technologie pour massacrer.
De l’impossibilité d’établir une carte de l’empire à l’échelle de 1/1 : en référence à Borges.
Trois chouettes sur la commode : parodie de philologie d’un poème.
Industrie et répression sexuelle dans une société de la plaine du Pô : savoureuse étude du « village de Milan » par des anthropologues de Mélanésie et des îles de l’Amirauté ! Avec étrange interprétation du Risorgimento (le réveil national italien).
« Le fait de condamner les occidentaux comme peuples primitifs uniquement parce qu’ils s’adonnent au culte de la machine et sont encore loin d’un contact vivant avec la nature constitue un bel exemple de cet arsenal d’idées fausses qui a servi à nos ancêtres pour juger les hommes incolores et en particulier les Européens. »

« Et il n’est pas dit – on me l’accordera – que cueillir des noix de coco en grimpant pieds nus sur un palmier constitue un comportement supérieur à celui du primitif qui voyage en jet en mangeant des chips enfermées dans un sachet en plastique. »

« L’Église, d’après ce qui ressort des témoignages recueillis sur place, est une puissance laïque et temporelle, aspirant à la domination terrestre, à l’acquisition de terrains à bâtir, au contrôle du pouvoir politique, alors que l’Industrie est une puissance spirituelle visant à la domination des âmes, à la diffusion d’une conscience mystique et d’un mode de vie ascétique. »

Où allons-nous finir ? : Héraclite et « l’homme-masse », point de vue critique fort documenté sur la démocratie et sa soif d’information instantanée sous la coupe de « l’industrie culturelle » dans la culture attique, d’une magnifique mauvaise foi…
« Quant à Médée, la culture de masse nous offre là son morceau de bravoure, nous parlant des névroses privées d’une hystérique sanguinaire, à grand renfort d’analyses freudiennes, et nous fournissant un parfait exemple de ce que peut être un Tennessee Williams du pauvre. »

La découverte de l’Amérique : fabuleux reportage télévisé en direct de la découverte de l’Amérique sur le modèle du premier pas sur la lune, avec commentaires de Vinci et autres autorités de l’époque…
« Léonard – Très bien, excusez-moi. Voilà : la caravelle utilise le système de propulsion dit "wind and veil" et flotte en vertu du principe d’Archimède qui veut que tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé. La voile, élément essentiel de la propulsion, est répartie sur trois mâts : le grand mât, le mât d’artimon et le mât de misaine. Le beaupré a une fonction particulière : le foc et le clinfoc y sont fixés, alors que le perroquet et la brigantine interviennent dans l’orientation.
Telmon – La thalassonavette arrive-t-elle dans l’état où elle est partie, ou bien y a-t-il des éléments qui se détachent en cours de route ?
Léonard – Je vais vous dire : il y a un processus d’appauvrissement de la thalassonavette qu’on appelle couramment "kill and drawn". C’est-à-dire que lorsqu’un matelot se conduit de façon incorrecte avec l’amiral, il reçoit un coup sur la tête et on le jette à la mer. C’est le moment du "mutiny show-down". En ce qui concerne la Santa Maria, il y a eu trois cas de" kill and drawn", qui ont permis à l’amiral Colomb de reprendre le contrôle de la thalassonavette… En pareilles circonstances, l’amiral doit être très attentif et intervenir au bon moment…
Telmon – Autrement, il perd le contrôle du bâtiment. Je comprends. Et dites-moi, quelle est la fonction technique du mousse ?
Léonard – Très importante. On dit que c’est une fonction de "feeding back". Pour le public, nous pourrions traduire par "soupape de sécurité". C’est un problème technique dont je me suis longtemps préoccupé et, si vous voulez, je vais vous montrer quelques-uns de mes dessins d’anatomie…
Telmon – Merci, professeur Vinci, mais il me semble que le moment est venu d’établir la liaison avec le studio de Salamanque. À toi Bongiorno ! »

« Parodi – Putain con, Amiral, mais elles sont toutes nues !
Stagno – Qu’est-ce qu’il a dit, Orlando ?
Orlando – On n’a pas bien entendu, mais ce n’étaient pas les mots convenus. Quelqu’un me suggère ici qu’il doit s’agir d’un phénomène d’interception des communications. Il paraît que ça arrive souvent dans le Nouveau Monde. Mais voilà, l’amiral Colomb va parler !
Colomb – C’est un petit pas pour un marin, mais c’est un grand pas pour Sa Majesté Catholique… Bordel, mais qu’est-ce qu’ils ont au cou ?… Putain, c’est de l’or, ça ! De l’or !
Orlando – Le spectacle qui nous est transmis par la caméra est véritablement grandiose ! Les marins se mettent à courir vers les indigènes en faisant de grands bonds, des bonds immenses, les premiers bonds de l’homme dans le Nouveau Monde… Ils prennent au cou des indigènes les échantillons du minerai du Nouveau Monde et les fourrent dans de grands sacs en plastique… À présent, les indigènes aussi font de grands bonds en cherchant à fuir ; l’absence de pesanteur les ferait s’envoler si les marins ne les retenaient pas à terre avec de lourdes chaînes… Maintenant les indigènes sont tous bien sagement alignés en colonne, tandis que les matelots se dirigent vers les navires avec les lourds sacs chargés du minerai local. Ce sont des sacs vraiment pesants, et il a fallu beaucoup d’efforts tant pour les remplir que pour les transporter…
Stagno – C’est le fardeau de l’homme blanc ! Un spectacle que nous n’oublierons jamais. Aujourd’hui commence une nouvelle ère de la civilisation ! »

Do your movie yourself : variations autour du scénario-type de quelques cinéastes (Visconti est particulièrement gratiné).
Lettre à mon fils : curieux paradoxe qui défend le droit des parents à choisir un fusil, par rapport à d’autres jouets, pour leurs enfants.
« Vous pouvez les identifier dès maintenant. Les gros spéculateurs de l’immobilier, les spécialistes de l’expulsion en plein hiver, qui ont façonné leur personnalité sur l’infâme Monopoly, s’habituant à l’idée du commerce d’immeubles et de la cession désinvolte de paquets d’actions. Les pères Grandet d’aujourd’hui qui ont sucé le lait de l’accumulation et du gain en bourse avec les billets de tombola. Les planificateurs de l’extermination formés par le Meccano ; les morts vivants de la bureaucratie qui ont préparé leur mort spirituelle avec les albums de timbres-poste. »

« Stefano, mon fils, je t’offrirai des fusils. Parce qu’un fusil n’est pas un jeu. C’est le point de départ d’un jeu. À partir de là, tu devras inventer une situation, un ensemble de rapports, une dialectique d’événements. Tu devras faire "poum" avec la bouche, et tu découvriras que le jeu vaut par ce que tu mets dedans, et non par ce que tu y trouves de tout fait. Tu imagineras que tu détruis des ennemis, et tu satisferas une impulsion ancestrale que même la meilleure des civilisations ne réussira jamais à te masquer, à moins de faire de toi un névrosé bon pour les tests d’aptitude professionnelle de Rorschach. Mais tu comprendras que détruire les ennemis est une convention ludique, un jeu parmi d’autres, et tu apprendras ainsi que c’est une pratique étrangère à la réalité, dont tu connais bien les limites en jouant. Tu te libéreras de tes rages, de tout ce que tu réprimes en toi, et tu seras prêt à accueillir d’autres messages, qui n’ont pour objet ni mort ni destruction ; il sera important, au contraire, que mort et destruction t’apparaissent à jamais comme des produits de l’imagination, ainsi que le loup du petit chaperon rouge, que chacun de nous a haï sans que soit née de là une haine irraisonnée pour les chiens-loups. »


Belle dénonciation des jargons lettrés, et collection de loufoques contresens des doctes ! Ça rappelle par endroits l’OULIPO, et Queneau.
Bourré d’esprit et fort drôle ! Dommage de ne pouvoir saisir toutes les allusions, notamment celles en rapport avec la culture italienne.

\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Mar 16 Nov - 12:40
 
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Olivier Rolin

Suite à l’Hôtel Crystal

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43 descriptions de chambres d’hôtels occupées par Olivier Rolin lors de ses voyages dans le monde entier, et supposées avoir été retrouvées dans un bagage égaré par un auteur disparu (qui s’appelle aussi Olivier Rolin), fragments « consignés sur des supports disparates » d’un projet littéraire demeuré inconnu.
« Vient ensuite la porte épiscopale (mauve, à poignée dorée) de la salle de bains. »

Le mobilier et la décoration sont parfois « hideux » ; pour varier du « rose dentier » :
« La moquette rose piquetée de beige suscite assez fâcheusement l’idée d’un dégueulis d’ivrogne. »

À ces descriptions factuelles (genre Nouveau Roman, mais avec humour) se rattachent autant de bribes d’histoires, de personnages rencontrés. Les noms du colonel Grigor Iliouchinsk et d’Antonomarenko reviennent fréquemment, puis d’autres, dont celui de Mélanie Melbourne, son amour qui a le chic pour se jeter dans la gueule du loup, ou « Pavel Schmelk, l’ingénieux ingénieur » tchèque ; l’auteur, outre se saouler et se contempler dans les miroirs de passage, semble se livrer à des activités interlopes, type espionnage, escroquerie et/ou contrebande.
« Leur papa est accusé de posséder des ADM, armes de destruction massive, et il n’en a même pas. Il en a eu, mais il n’en a plus. Il les a dépensées. Ça ennuie beaucoup toute la famille. De quoi vont-ils avoir l’air ? De types bidons, de dictateurs en solde, de frimeurs du tiers-monde, voilà de quoi ils vont avoir l’air. Ils voudraient quand même être à la hauteur de leur réputation de dangers publics. C’est là qu’intervient le génie de Crook. Je résume à grands traits les discussions, qui se déroulent dans un petit salon de cet hôtel discret, dans un quartier périphérique, proche de l’université. Pour en avoir des vraies, des ADM, leur a-t-il expliqué, c’est trop tard maintenant, hélas. Il fallait y penser avant, au lieu de perdre son temps à torturer des opposants et à aller aux putes à Dubaï. Mais ils pourraient au moins en acquérir des fausses. Des qui donnent le change. Tout le monde y trouverait son compte. Le président Push va leur faire la guerre, c’est certain. Et il va les battre, c’est non moins certain (ils ouvrent quatre yeux ronds). Le problème n’est plus de sauver la mise, c’est de sauver l’honneur. Pas seulement le leur, mais celui des masses arabes (ils approuvent, froncent les sourcils, prennent deux airs terribles). »

Puis survient la chambre 211 de l’hôtel Crystal, à Nancy, qui n’est pas décrite mais revient plusieurs fois (l'auteur l'a mystérieusement oubliée).
Ce qu’il voit par la fenêtre est parfois dépeint, et au 18, une chambre à Mexico, une silhouette aperçue à l’extérieur le renvoie dans une chambre de Metz occupée précédemment, décrite et ainsi mise en abyme, celle-là même où Mélanie Melbourne le quitta.
Au 22 (soit au mitan des lieux de passage), l’auteur décide de mourir dans cette chambre de Bakou.
29, « Chambre des portes, hôtel Labyrinthe » constitue un curieux chapitre où plusieurs descriptions précédentes sont reprises, de façon confuse. 36, « Chambre des fenêtres, hôtel Bellevues », donne sur des panoramas incompatibles. 38, l’auteur, sur les traces de Malcolm Lowry, découvre des notes de la première version d’Under the Volcano dans une valise, autre mise en abyme de ce livre facétieux, aux nombreuses références littéraires (dont Michaux)…
43, dernière étape, « l’Hôtel du Point final », qui évoque une multitude bigarrée de chambres, entre fabulation et souvenir...
On retrouve un peu l’esprit cosmopolite de L’invention du monde dans ces notices « topautobiographiques », qui frôlent la fastidiosité sans y tomber vraiment, et explicitement inspirées d’un projet de Perec, Lieux où j’ai dormi dans Espèces d’espaces.
Si j’ai connu certains des hôtels cités, ce roman m’en a rappelé beaucoup d’autres ; un seul regret personnel, que manquent certaines piaules douteuses, de même que quelques suites de style remarquable...
Un bel exercice, qui ramentoit aussi Queneau !

\Mots-clés : #humour #voyage
par Tristram
le Jeu 11 Nov - 15:11
 
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Carlo Emilio Gadda

L'Adalgisa - Croquis milanais

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Dans la continuation de La Connaissance de la douleur, huit textes situés dans la Milan de l’entre-deux-guerres (et traduits par Jean-Paul Manganaro).
Nuit de lune
Brève description du crépuscule.
Quand le Girolamo a fini…
Ça commence avec les employés de la Confiance, cireurs de parquets, puis voilà Bruno le bellâtre en triporteur…
« Cette cassure, ce cracking des nénies et de la plainte procédurale, exerce une fascination incroyable sur le cœur des femmes : cric-crac sublime, giclement subit de la lame et de la pointe hors de sa coquille : du couteau à cran d’arrêt. »

Claudio désapprend à vivre
S’effondre le pont de l’oncle, ingénieur et professeur à Polytechnique…
Il eut quatre filles et chacune fut reine
Dans le nouveau logement du Nobilis Homo Cipriano de’ Marpioni, l’ample donna Giulia et leur turbulente progéniture, appartement amélioré de tomettes branlantes et de traîtresses marches pour rattraper les dénivelés dans le couloir-boyau, un régal de caricature farfelue.
Les moments perdus
Lectures d’un ingénieur encore, entre journal humoristique et ressources bibliothécaires.
Dans ce texte comme pour les autres, des notes de l’auteur, de bas de page ou renvoyées à la fin, explicitent didactiquement le projet littéraire, une métaphore, un point d’architecture locale ou d’histoire, l’étymologie d’un terme de dialecte, une notion scientifique…
« Les locutions et vocables empruntés à une langue étrangère (1928) sont destinés à reprendre le ton (autant dire à le singer) de certaine conversation cultivée − ou cultivée moyennement − du milieu et de l’époque : qu’on veuille bien ne pas les attribuer à une défaillance des possibilités lexicales de la part de l’auteur ou à une diminution de sa déférence pour la langue maternelle. »

Un « concert » de cent vingt professeurs
Valerio emmène sa jeune tante Elsa à l’opéra, où se presse la société mélomane (superbe scène du prélude de l’orchestre qui s’accorde !).
« Voilà, déjà tous, toutes, les regardaient. Certaines avec de longs regards de travers, plus forts que toute interdiction de décence, de ceux que les femmes dédient aux femmes, longs sillages d’éternelle envie. D’autres, debout, leurs grosses pattes dans les poches, balançant une gambette guillerette sous le globe du ventre, et savourant leur propre langue comme couenne bien grasse : enfermé, le globe, en un gilet de paon fat, "qui s’y connaît". »

« Un pot de brillantine avait été absorbé par leurs cheveux doucement ondulés : et qui distillaient la pureté du nard, comme, des broches du temps, un rôti ruisselant. »

« Ils semblaient farcis de petites pommes de terre rôties jusqu’au cou et aux amygdales comme le vide-ordures quand il est engorgé. »

Au Parc, un soir de mai
Donna Eleonora la mauvaise langue y est halée par son haridelle, et on retrouve Elsa, et on rencontre Adalgisa.
L’Adalgisa
L’ex-cantatrice est veuve avec deux enfants de Carlo, comptable entomologiste amateur.
« En douze ou quinze boîtes de bois, chacune pavée de son double fond de liège, et ce dernier, enfin, recouvert d’une feuille de papier blanc à coordonnées rectilignes, sur des épingles en nombre infini, devant les yeux écarquillés des deux enfants, le pauvre Carlo avait méticuleusement transpercé les scarabées et les dytiques en nombre infini de la nature, les cébrionidés, les curculionidés, les cérambyx, les buprestes, les élatéridés : les fuyantes cicindèles à l’odeur de rose et de mousse, luisantes comme Jeanne d’Arc dans leur cuirasse d’acier fermé, bruni : puis les infatigables ateuchus et les silphes, et toute l’engeance si salubre des croque-morts agrestes et sylvains. »

Puis l’auteur passe au « je », évoquant l’époque où il était énamouré de la belle tétonnière avant son mariage (hilarante séance photo).

Le riche enchevêtrement lexicographique de Gadda, qu’un italianisant érudit goûterait davantage ! En effet, cela déborde d’allusions et sous-entendus plus ou moins abscons…
Il y a du Federico Fellini, de l’Albert Dubout dans ces croquis, un impérieux besoin de rapporter le moindre détail, même accessoire, de saturer, densifier la description, et d’utiliser toute la palette lexicale.

\Mots-clés : #humour #viequotidienne
par Tristram
le Mer 10 Nov - 12:07
 
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Raymond Queneau

Les Œuvres Complètes de Sally Mara

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Incipit :
« Il n'est pas souvent donné à un auteur prétendu imaginaire de pouvoir préfacer ses œuvres complètes, surtout lorsqu'elles paraissent sous le nom d'un auteur soi-disant réel. »

Sally Mara est une jeune irlandaise qui apprend le gaélique pour écrire un roman dans cette langue ; mais, par goût pour son professeur de français reparti en France, elle rédige son Journal intime (1934 et 1955) dans la nôtre, qu’elle manie avec des méprises comiques et souvent vertes, voire salaces, alors qu’elle est encore bien niaise…
« …] moi qui ai toujours voulu mettre la forme bien au-dessus du fondement [… »

« C'est une épopée fantastique : Le Combat des Asperges contre les Moules, un peu dans le style de la Batrachomyomachie d'Homère, des Voyages de Gulliver de Lewis Carroll et de l'Ale maniaque de Vermot.
Maman l'a lu, elle a trouvé que ça n'avait ni queue ni qu'est-ce. »

Son journal retrace ses progrès dans une curieuse initiation sexuelle.
« Observé l'outil d'un âne. C'est quelque chose. Mais à quoi cela peut-il bien lui servir ? Pas à casser des noisettes tout de même. On n'attribue aucune industrie spéciale à cet animal. Ce n'est pas comme le castor qui fait des barrages avec sa queue. »

« Pourquoi ne m'a-t-il pas entraînée derrière un taillis ? S'il l'avait fait, qu'aurais-je fait ? Et si je l'avais fait, qu'aurions-nous fait ? »

« Si un type quelconque me tombait sous la main, je crois bien que je lui tirerais les oreilles. Et le paf. Non, le pif. Comme le français est une langue difficile. »

Caractéristiques d’une époque, l’érotisme passe par la fessée, le pince-fesses et autres claques sur la croupe.
« Encore un qui, sous prétexte de discipline et de morale, voulait me mettre la main au tutu.
Il recula sa chaise et m'ordonna de venir près de lui. Le con. Encore un général Dourakine à la manque. Et tout patriotard irlandais qu'il fût, encore un fanatique de l'éducation britannique. »

« À la messe (j'y vais de plus en plus rarement) ou dans le tramway, c'est bien rare que je ne me fasse pas pincer les fesses deux ou trois fois. »

Sally a un frère ivrogne (bière et ouisqui), une sœur plus jeune qui étudie pour être postière, un père longtemps disparu pour chercher des allumettes et une mère un peu simplette, qui tricote des chaussettes pour son mari, qu’il soit là ou pas.
Regard stéréotypé sur la verte Erin,
« Il y avait simplement un peu moins de brouillard sur Dublin, mais l'odeur de Guinness était plus intense. »

… et cuisine traditionnelle :
« On a mangé des harengs au gingembre, du lard aux choux, un disque de fromage de dix livres et une tarte aux algues. »

« …] il y avait un petit dîner, une soupe aux choux, quelques mètres de boudin avec des pommes de terre au lard, un disque de dix kilos de fromage et une tarte aux algues et à la margarine [… »

« Il y avait du merlan à déjeuner. Mary a eu la fantaisie de mettre un peu de sel dessus (d'habitude nous mettons du sucre, à l'anglaise). Ça a mis papa en fureur, il s'est jeté sur elle et l'a sévèrement corrigée. »

Journal intime est suivi de On est toujours trop bon avec les femmes, que j’ai lu et commenté auparavant, et de Sally plus intime, recueil souvent leste de calembours, contrepèteries, citations bizarres (vraies pour ce que j’ai pu vérifier) et autres jeux de mots, y compris une savoureuse Arithmétique affective.
« Prends l'humour et tords-lui son cul. »

« De l'usage des mots :

On aime le camembert et l'on ne dit pas à un camembert : je t'aime. »


\Mots-clés : #conditionfeminine #humour
par Tristram
le Lun 8 Nov - 11:54
 
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Raymond Queneau

Le Dimanche de la vie

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L’incipit tiré d’Hegel incite à suspecter un niveau philosophique à ce livre :
« …c’est le dimanche de la vie, qui nivelle tout et éloigne tout ce qui est mauvais ; des hommes doués d’une aussi bonne humeur ne peuvent être foncièrement mauvais ou vils. »

Dans les années trente à Bordeaux : des deux sœurs Ségovie, seule Chantal est mariée, et son aînée, Julie (ou Julia), mercière, décide d’épouser Valentin Brû, seconde classe depuis cinq ans, bien qu’il soit nettement plus jeune qu’elle. Valentin, curieusement absent des registres de l’armée, n’est pas trop futé, et accepte le mariage avec cette femme de caractère (mari obéissant, il partira seul en voyage de noces à Bruges-la-Morte, parce que c’est la haute saison en mercerie...). Puis il se met avec enthousiasme au commerce de l'encadrement dans la boutique parisienne que lui cède sa belle-mère avant de mourir ; il s’émancipe progressivement dans son oisiveté relative, s’instruisant grâce à Marie-Claire, « son magazine (féminin) ». Ses clients et autres familiers se confient à lui, alors qu’il ne sait pas encore que son épouse est devenue Madame Saphir, la diseuse de bonne aventure du quartier ; lorsque son commerce périclite et que Julie tombe paralysée, il la remplace…
« − T’en fais pas, dit Julia, quand les gens ont décidé de marcher y a plus moyen de les arrêter. C’est plus de la connerie, c’est de la rage. »

Valentin essaie de suivre la grande aiguille de l’horloge sans s’égarer dans une rêverie.
« Valentin suit toujours la marche de la grande aiguille, mais il sent bien qu’il n’ira pas loin, écrasé par le poids des mots et des images. »

« Le temps qui passe, lui, n’est ni beau ni laid, toujours pareil. Peut-être quelquefois pleut-il des secondes, ou bien le soleil de quatre heures retient-il quelques minutes comme des chevaux cabrées. Le passé ne conserve peut-être pas toujours la belle ordonnance que donnent au présent les horloges, et l’avenir accourt peut-être en pagaye, chaque moment se bousculant pour se faire, le premier, débiter en tranches. Et peut-être y a-t-il du charme ou de l’horreur, de la grâce ou de l’abjection, dans les mouvements convulsifs de ce qui va être et de ce qui a été. »

Valentin suit (toujours sans sa femme) un circuit touristique en Allemagne sur le thème des victoires napoléoniennes (dont Iéna). Son antienne a toujours été que la future guerre va arriver, et il est remobilisé, comme bien d'autres qui n'y croyaient pas...
Le langage populaire et les personnages remarquablement rendus, de la bêtise benoîte de Paul le beau-frère fonctionnaire pingre à grandes oreilles qui se pique le nez (il faut reconnaître qu’il doit pourvoir à l’avenir de sa fille Marinette, qui a une réputation de garce − mais n’apparaît jamais −, et qu'il se reconvertira comme cadre dans l'industrie des crosses de fusil) dont le nom de famille varie comiquement (de Butugra à Batugra en passant par Babagras, etc.), à un petit peuple plus vrai que nature (voir notamment le personnage de Jean-sans-Tête le simple d’esprit), donnent à ce roman une atmosphère franco-française (le bistro est incontournable, on est un peu médisant et/ou xénophobe) bourrée d’humour affectueux. Centrée sur le quartette des deux sœurs et de leur mari respectif, plus particulièrement Valentin, la vie est rapportée simplement, avec autant de bonhomie que d’esprit.
C’est drôle, du bon Queneau, gouleyant à souhait ! Tu devrais essayer, Bédoulène, ça se lit aisément, un pur plaisir !

\Mots-clés : #humour #viequotidienne #xxesiecle
par Tristram
le Mar 26 Oct - 14:17
 
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Graham Greene

Notre agent à La Havane

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Wormold, un Anglais qui tente de vendre des aspirateurs à La Havane, est recruté de façon burlesque par les services secrets de son pays. Il invente des informations et recrute des agents fictifs, dont il touche les émoluments. Mais les personnages qu’il a imaginés semblent prendre vie… pour être éliminés !
Son ami le vieux docteur Hasselbacher, sa fille Milly, sa "secrétaire" Béatrice Severn, le capitaine Segura (le « Vautour Rouge »), autant de personnes de son entourage qui participeront de près ou de loin aux imbroglios qui caractérisent cette dérisoire satire.
« Vous devriez rêver davantage, Mr. Wormold. Au siècle où nous vivons, la réalité n’est pas une chose à regarder en face. »

« Ils avancèrent à tâtons dans la pénombre du bar au Séville-Biltmore. Ils avaient vaguement conscience de la présence d’autres buveurs, assis et recroquevillés dans le silence et l’obscurité comme des parachutistes attendant sans joie le signal de sauter dans le vide. »


\Mots-clés : #espionnage #humour #satirique
par Tristram
le Mar 14 Sep - 19:56
 
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Isaac Babel

Récits d’Odessa et autres récits

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Évocation d’habitants d’Odessa au début du XXe, surtout des bandits, des soldats, mais aussi des prostituées, des commerçants, des ivrognes, juifs, musulmans, Russes, Polonais, Cosaques, Tsiganes, honnêtes ou pas mais hauts en couleur. Certains personnages reviennent d’une histoire à l’autre, notamment Bénia Krik, dit le roi, et Froïm Gratch, le borgne, truands célèbres.
« … J’étais devenu courtier. M’étant fait courtier à Odessa, je me suis couvert de verdure et j’ai déployé mes rameaux. Encombré de branchages, je me sentais malheureux. La raison ? La raison est dans la concurrence. Sans ça, je ne me serais pas mouché dessus, sur la justice. Mes mains ne renferment aucun métier. L’air se tient droit devant moi. Il brille comme la mer au soleil, ce bel air vide. Les rameaux veulent manger. Ces rameaux, j’en ai sept, ma femme est le huitième. Je ne me suis pas mouché sur la justice. Non. C’est la justice qui s’est mouchée sur moi. La raison ? La raison est dans la concurrence. »

(« La justice » est, aussi, une coopérative.)
Ces contes truculents valent beaucoup pour leur style, inspiré de leur origine traditionnelle.
« − Il n’est pas encore temps, répondit Bentchik, mais le temps passe. Écoute ses pas et laisse-le passer. Mets-toi de côté, Liovka. Et Liovka se mit de côté pour laisser passer le temps. »

C’est Nathan Zuckerman, rencontré il y a peu, qui m’a ramentu Babel ; pas de ségrégation positive chez eux !

\Mots-clés : #humour #viequotidienne
par Tristram
le Jeu 22 Juil - 16:33
 
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Luke Rhinehart

L'Homme-dé

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Dans sa brève préface, Luke Rhinehart présente son livre comme autobiographique :
« Un ingénieux chaos : voilà ce que mon autobiographie doit être. J’adopterai l’ordre chronologique, innovation dont bien peu ont l’audace par les temps qui courent. Mais mon style sera contingent, par la sagesse des Dés. »

Peut-être incité par son intérêt pour le zen, le narrateur, un psychiatre nommé Luke Rhinehart, constate que sa profession est vaine et son existence ennuyeuse.
« Freud était un bien grand homme, mais je n’arrive pas à me faire à l’idée que quelqu’un lui ait jamais efficacement flatté le pénis. »

« Notre vie à tous est une série limitée d’erreurs qui ont tendance à se figer, à se répéter et à devenir nécessaires. »

« Un homme sans habitudes, sans cohérence, qui ne se répète pas, donc ne s’ennuie pas, n’est pas humain. Il est fou. »

Par hasard, il s’en remet à un dé pour prendre une décision, ce qui met du piment dans sa vie ; il décide de dorénavant en appeler systématiquement aux dés (qui seront ses dieux, suppléeront ses tergiversations – et endosseront la responsabilité de ses choix et actes) pour chaque « dé-cision ».
Plus précisément, il a décidé qu’un as le conduirait à « violer » sa voisine, et qu’il irait se coucher avec sa femme pour tout autre tirage : l’option de départ est loin d’être anodine, et doit peu à la chance…
« La tendance générale des options que je leur proposais correspondait en gros à la moyenne de mes goûts et de ma personnalité. »

« …] je prenais comme options toutes sortes de choses que je n’avais jamais faites, et n’importe lesquelles, et les dés me projetaient de l’une à l’autre et me permettaient rarement de rester le même homme deux jours de suite. »

Luke érige en théorie ce qu’il considère comme une ouverture des possibles et une lutte contre les haïssables moi et habitudes.
« En vérité, l’homme doit s’efforcer d’éliminer l’erreur et de se libérer ainsi que ses enfants du sens du moi. L’homme doit arriver à se sentir à l’aise en évoluant d’un rôle à un autre, d’un ensemble de valeurs à un autre, d’une vie à une autre. L’homme doit se libérer des barrières, des modèles et des cohérences, de façon à devenir libre de penser, de sentir et de créer des choses neuves. Les hommes se sont trop longtemps contentés d’admirer Mars et Prométhée ; c’est Protée qui doit devenir notre Dieu. »

« L’homme de Hasard. L’homme imprévisible. J’ai l’impression de démontrer aujourd’hui que l’on peut venir à bout des habitudes. Un tel homme est vraiment libre. »

« Des acteurs capables de jouer un seul rôle : a-t-on jamais vu pareille absurdité ? Il nous faut créer des hommes de hasard, des dé-personnes. »

L’importance du « changements de rôles » social est central.
« J’étais censé développer mes capacités d’acteur, et peut-être même mettre à l’épreuve les limites de la malléabilité humaine. »

Le nouvel adepte de la « dé-vie » entreprend de faire école en promouvant la « dé-thérapie », créant des « dé-centres » pour « dé-tudiants », et constituant une nouvelle religion.
« Nous voulons créer un monde d’enfants adultes qui ignoreront la peur. Nous voulons faire exploser la multiplicité instituée en chacun de nous par notre société anarchique et contradictoire. Nous voulons que les gens se disent bonjour dans la rue sans se demander à qui, et qu’ils s’en fichent. Nous voulons les libérer de l’identité individuelle, de la sécurité, de la stabilité et de la cohérence. Nous voulons une communauté de créateurs, une abbaye de Thélème pour fous heureux. »

« Notre but est de détruire la personnalité. Nous voulons créer à la place une personnalité multiple : un individu incohérent, instable et de plus en plus schizoïde. »

La théorie est abondamment exposée, indépendamment de son extravagance ; c’est un peu longuet.
Évidemment son comportement imprévisible met en péril sa carrière et son ménage.
La psychanalyse, qui prête effectivement le flanc à la raillerie, est particulièrement tournée en ridicule. La religion chrétienne n’est pas épargnée. La sexualité (voire la salacité) prend une grande place.
« Nous plaçâmes la tête du dragon à l’orée de la grotte et l’exhortâmes à entrer. C’était comme de pousser un chien dans l’escalier de la cave pour lui faire prendre un bain. »

C’est aussi une observation grinçante de la société états-unienne (notamment au travers de la télévision).
« Américain de naissance et d’éducation, j’avais le meurtre dans la peau. La plus grande partie de ma vie d’adulte avait été marquée par une sorte d’agressivité en roue libre, pouvant s’emballer d’un instant à l’autre, qui me remplissait l’esprit d’un luxe de crimes, de guerres et d’atrocités chaque fois que je me trouvais dans une situation difficile, exemples : un chauffeur de taxi essayait de m’estamper, Lil me critiquait, Jake publiait encore un brillant article. »

Le style est brillant et plein d’humour, parfois un peu lourd.
« J’essaye de faire participer mes malades noirs à des méthodes de groupe pour leur faire voir que le monde blanc est malade, de façon à mettre fin à leur rancune et qu’ils se satisfassent soit de leur vie d’internés, soit de leur existence en ghetto. »

« Ç’a été grandiose. Un sentiment vraiment religieux, quelque chose de spirituel. J’ai été tout d’un coup libéré de tout ce qui me gênait pour violer des petites filles et enfiler des petits garçons. J’ai abandonné la partie et confié tout le bazar aux dés. Quand ils m’ont ordonné de violer, je violais. Quand ils m’ordonnaient de m’abstenir, je m’abstenais. Plus de problème. »

Un passage bien observé sur le rêve éveillé (chapitre 33).
À ranger sur l’étagère avec La fonction du balai de Foster Wallace, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes de Pirsig et Le dernier stade de la soif d’Exley.
@Tatie, Y as-tu vu la même chose ?

\Mots-clés : #humour
par Tristram
le Mar 29 Juin - 14:04
 
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Sujet: Luke Rhinehart
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