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João Guimarães Rosa

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Message par bix_229 Ven 9 Déc - 0:02

João Guimarães Rosa  
(1908-1967)


João Guimarães Rosa Joaogu10

João Guimarães Rosa (Cordisburgo, Minas Gerais, 1908 - Rio de Janeiro 1967) est un médecin, écrivain et diplomate brésilien. Il est l’auteur d’une importante œuvre littéraire se composant de six recueils de nouvelles (dont deux posthumes) et surtout d’un monumental roman épique, à multiples strates, intitulé Grande Sertão: veredas (1956 ; paru en traduction française sous le titre de Diadorim).
Ses oeuvres, ayant la plupart du temps pour cadre le sertão, se signalent par leurs innovations de langage, souvent déroutantes, mélangeant archaïsmes, mots et tournures des parlers populaires, régionalismes, termes érudits, vocables empruntés aux autres langues (que l’auteur connaissait en grand nombre), néologismes, purismes, altérations de mots et d’expressions idiomatiques, etc., à tel point que l’on parla à propos de cette œuvre de revolução rosiana, de révolution rosienne.

Né à Cordisburgo le 27 juin 1908, João Guimarães Rosa était l'aîné de six enfants.
En 1925, âgé de seulement 16 ans, il entreprit des études de médecine à la Faculté de Médecine de l'Université du Minas Gerais. En 1930, il épousa Lígia Cabral Penna, âgée alors de seize ans, avec qui il eut deux filles : Vilma et Agnes.
Ayant cette même année 1930 obtenu son diplôme, il s’installa pour exercer sa profession à Itaguara. C’est dans cette localité qu’il se familiarisa avec le sertão qui plus tard constituerait une des références essentielles de son œuvre littéraire. En effet, sa fonction de médecin de campagne, l'amenait à parcourir à cheval, une région caractéristique de cet espace de la haute vallée du fleuve São Francisco. Il y acquit une certaine réputation de médecin compétent, et fréquenta notamment un guérisseur local, qui probablement le mit en contact avec le spiritisme.

Entre-temps, il s’adonna à l’étude de ce qui, dès l’enfance déjà, le passionnait : les langues étrangères (en commençant d’ailleurs par le français, qu’il se mit à étudier dès l’âge de sept ans); d'après ses déclarations, il se serait familiarisé avec plus d'une dizaine d'entre elles, dont le hongrois et le hindi. Dans le même temps, il recueillait de la bouche des habitants illettrés du lieu, dans des carnets, les dénominations de toutes sortes d’animaux et de plantes, à côté d’une multitude d’expressions et de tournures régionales.

En 1934, après avoir été reçu deuxième au concours d’entrée au Ministère des Affaires Étrangères, il entama une carrière diplomatique, qui l'amena à exercer pendant plusieurs années en Europe et en Amérique latine. Il renonçait ainsi à la profession médicale, une décision que, dans une lettre de mars 1934, il justifiait en ces termes : « Premièrement, tout travail matériel me répugne ; je ne puis m’épanouir que sur le terrain des théories, des textes, du raisonnement pur, des subjectivismes. Je suis un joueur d’échecs ; je ne pourrais jamais, par exemple, jouer au billard ou au football ».

La première fonction qu’il assuma à l’étranger fut celle de Consul adjoint du Brésil à Hambourg, en Allemagne, de 1938 à 1942. Pour aider des Juifs à fuir vers le Brésil, il fit octroyer, aidé de sa seconde épouse Aracy de Carvalho Guimarães Rosa, des visas en nombre bien supérieur au quota fixé légalement. Cette action humanitaire lui valut après guerre la reconnaissance de l’État d’Israël  ; Aracy est du reste la seule femme honorée dans le Jardin des Justes parmi les nations, au Musée de l’Holocauste, en Israël. Lorsqu’en 1942 le Brésil rompit ses relations diplomatiques avec l’Allemagne, il fut, avec d’autres diplomates, interné pendant quatre mois à Baden-Baden. Revenu la même année au Brésil, il occupa divers postes diplomatiques.

L’homme Guimarães Rosa, dont l’œuvre pourtant regorge de violence, de passion, d’outrance, de questionnements métaphysiques, de poésie intense, d’écarts langagiers, était à la ville un homme affable et méthodique, prévenant, de haute stature, toujours impeccablement mis, avec son inséparable nœud-papillon et ses grosses lunettes. Il évitait la presse et la publicité, se soustrayant autant que possible à la cohue des journalistes ; il est significatif qu’il n’accorda, de toute sa vie, que deux entretiens importants : en 1965, au critique allemand Günther Lorenz, et en 1966 au journaliste Fernando Camacho.

Oeuvres traduites en français :

Buriti
Les nuits du Sertao (Buriti, tome 2)
Hautes plaines
1946 : Saganara : Page 2
1956 : Diadorim : Page 1
Mon oncle le jaguar : Page 1
Toutaméia





Joao Guimaraes Rosa, (1908-1967) est pour moi l'un des grands romanciers
du 2Oe siècle. Né à Cordisburgo, dans le Minas Gerais au Brésil.
Et Diadorim est un de ces livres comme il n'y en a qu'une poignée par décénnie. Comme Au dessous du volcan, Le bruit et la fureur et quelques autres que vous pouvez ajouter vous-meme.
Diadorim, c'est une épopée, une chanson de geste, un livre profondément lyrique, visuel, musical, poétique. Total.
Comme tous les grands livres Diadorim ne se réduit pas à une seule interprétation...
Mais on peut le lire, pour le plaisir pur et simple de lire. C'est ce que j'ai fait et j'en suis sorti complètement ému. Je devais avoir un peu plus de 2O ans.
On peut dire que c'est l'histoire d'un ancien bandit repenti, la confession
sous la forme d'un monologue d'un vieil homme toujours bouleversé par ce qu'il a vécu sans jamais l'oublier.
Je me souviens avoir repris le livre et noté le nom de tous les personnages inouis qui peuplent ce livre unique. Ils me hantaient la nuit.
J'en revais. J'en parlais aussi à mon ami et voisin qui aimait ce livre autant que moi.
En fait nous l'aimions tellement que nous avons acheté des exemplaires
pour en faire cadeau à des amis...
Joao Guimaraes Rosa fut médecin, puis ambassadeur. Il vécut à Rio la plus grande partie de sa vie et pourtant je ne connais personne qui ait mieux parlé de la nature et notamment du sertao, cette zone de végétation si particulière.
La sienne, c'était celle de l'état du Minas Gerais, plus verdoyante que
dans le Nord Est du Brésil.
Il faudrait évidemment parler de sa prose absolument somptueuse et qui
brasse la langue officielle autant que la langue orale.
Guimaraes Rosa était une sorte de prodige linguistique qui apprit une vingtaine de langues.
Il écrivait :

"Je veux tout le mineiro, le brésilien, le portugais, le latin, peut etre meme l'esquimau et le tartare.
Je voudrais la langue qu'on parlait avant Babel".


A présent, oubliez tout ce que je viens d'écrire et lisez le et si vous le pouvez dans la langue originale !

MAJ le 12/10/2024
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Message par bix_229 Mar 20 Déc - 16:20

João Guimarães Rosa Captur85

Diadorim

J'ai lu deux fois Diadorim et j'aimerais bien le relire une fois encore.
C'est un roman qui a marqué ma vie de lecteur et même d'humain.
Une épopée, une chanson de geste, un roman d'amour déchirant. B

Le seul roman du Brésilien Guimarães Rosa (1908-1967) se déroule dans le sertão. Un bout du monde, qui est aussi celui de la langue.
Bienvenue au pays de l'aliboufier, du buruti et du sassafra ! Vous voici dans le sertão, autrement dit un ensemble de régions semi-arides situées à l'intérieur du Brésil (un territoire d'un million de kilomètres carrés environ, où vivent la onça, ce félin aux allures de jaguar, et l'urubu, ce vautour noir qui traque la charogne). Mais le sertão n'a pas qu'une existence géographique ; son identité varie en fonction de l'être humain qui le foule : pour l'un, il est " là où le plus fort, à force d'astuces, fait la loi ", pour l'autre : " vous le laissez derrière vous ; mais tout à coup, il revient vous entourer de tous côtés ". Nul doute que pour Guimarães Rosa il soit Diadorim, cette épopée qui tient autant du document ethnographique que de la fable carnavalesque.
Diadorim, c'est le monologue d'un seul homme : Riobaldo. Un monologue peu ordinaire : une véritable diarrhée verbale qui s'écoule sur plus de 600 pages, sans qu'aucune pause ne permette au lecteur d'y reprendre son souffle (vous n'aurez là ni chapitre ni blanc, mais seulement l'alinéa des paragraphes). D'emblée, on est d'ailleurs très surpris par le caractère oral du roman : on a l'impression que Riobaldo dialogue avec le lecteur, même si dialoguer c'est quand même forcer les choses, puisque le conteur ne lui laisse jamais l'occasion d'une réplique. Et pourtant, il s'adresse à lui, l'apostrophe, lui demande conseil, sollicite son avis -~ bref, il le met à contribution.

Une épopée qui tient à la fois du document ethographique que de la fable carnavalesque

Quant à ce Riobaldo, c'est peu dire qu'il est fêlé : il voit le diable partout (chaque homme étant un Judas qui s'ignore) et s'efforce, par tous les moyens (dont la prière), de le maintenir à distance respectable. Les conseils qu'il profère sont ceux d'un homme de bon sens : dans le feu de l'action, il encourage ses camarades d'armes à ne tuer que les vivants, afin d'économiser les munitions. Il a également un ami, Diadorim, lequel ne s'appelle d'ailleurs pas Diadorim (mais c'est une autre histoire, ou plutôt une excroissance de l'histoire principale, laquelle n'est pas non plus tout à fait une histoire...). Une drôle d'amitié finalement ; presque une relation amoureuse. C'est à ses côtés qu'il va vivre cette odyssée, qui se résume, pour l'essentiel, à des mois de discordes et de guerres fratricides pour le contrôle du sertão (on y trouve donc maints récits d'embuscades, d'assauts, de replis et de prises de pouvoir : l'ultime, mais pas la moins spectaculaire, sera celle de Riobaldo lui-même, qui aspire soudain à devenir chef). La guerre semble être le poumon du sertão : dès qu'une confrontation s'annonce entre deux factions rivales, chacun revient brusquement à la vie.
Diadorim
est un roman difficile à saisir dans sa totalité. Guimarães Rosa a confié sa narration à un personnage qui ne sait pas raconter dans les règles de l'art, qui prend parfois de l'avance dans son récit, au point de devoir revenir plusieurs fois en arrière : " Raconter à la suite, en enfilade, ce n'est vraiment que pour les choses de peu d'importance ". Riobaldo n'entend d'ailleurs pas s'en tenir à la seule vie d'un homme du sertão (qu'il s'agisse de Diadorim ou de lui-même). Son ambition souffre de démesure (qui est la marque d'une authentique ambition) : ce qui l'intéresse, lui, c'est " la matière qui déborde " (on a d'ailleurs l'impression qu'elle prolifère dans sa voix). Et que peut le lecteur contre celui qui raconte tout parce qu'il juge que " c'est sérieux, nécessaire " ? Et pour qui oublier un seul détail, ce serait comme perdre de l'argent ? Rien, sinon l'écouter, le suivre au gré de phrases souvent cousues à la va-vite, avec leur syntaxe à l'emporte-pièce et leurs créations lexicales. Lui emboîter le pas même quand il dresse, sur trois bonnes pages, la liste de ses camarades, en prenant soin d'accorder à chacun quelques lignes descriptives. Le suivre encore, quand il évoque la faune et la flore du sertão. En un mot : boire ses paroles jusqu'à la lie.
À quarante pages de la fin, on sent Riobaldo devenir scrupuleux, comme s'il redoutait d'avoir épuisé son lecteur : " Pourquoi est-ce que je vous relate tout, d'autant de moments ? ". Peut-être pour le seul plaisir d'en arriver au mot fin, pouvoir déclarer cette histoire finie, quitte à le répéter trois fois de suite...
Diadorim
est un roman qui revisite les lois du genre. S'il n'épuise pas son lecteur, c'est peu dire qu'il le malmène. Il en est souvent réduit au rôle de pantin, ne sachant jamais précisément où on l'entraîne, ni si l'épisode qu'il découvre va le rapprocher de la fin ou le ramener en arrière. Un roman qu'il ne faut sans doute pas prendre exagérément au sérieux, et avec lequel il faut accepter de rire (la farce n'est jamais bien loin), y compris de cette étonnante expérience de lecture."

Diadorim de João Guimarães Rosa
Traduit du brésilien par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, 10/18, 640 pages

Le Matricule des anges


mots-clés : #nature
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Message par bix_229 Mar 20 Déc - 16:29

Dans une lettre à un ami, Joao Condé, Guimaraes Rosa explique le projet du livre :

J'avais pressenti que ce livre ne pouvant être un recueil de poèmes, devait être un ensemble de nouvelles, et étant de moi, une série d'Histoires adultes de Ma Mère l'Oye, par conséquent.
J'ai prié pour de vrai, afin de pouvoir oublier, complètement qu'un jour avaient existé limitations, cloisons, préjugés relatifs à des normes, modes, tendances, écoles littéraires, doctrines, concepts, actualités et traditions. Et ce, parceque dans la casserole du pauvre, tout est condiment...

Il me fallait choisir le terrain où localiser mes histoires...
Le bout de Minas Gerais qui était davantage à moi, c'est ce que j'ai préféré. Car j'en avais des saudades. Parce que j'en conaissais un peu mieux la terre, les etres, les animaux, les arbres.
Parce que les gens de la campagne -sans conventions ni poses- fournissent de meilleurs personnages de paraboles : là on voit bien les réactions humaines et l'action du destin ; là on voit bien un fleuve dévaler en cascade ou contourner la montagne, et se briser les grands arbres frappés par la foudre, et chaque brin d'herbe humaine renaître avec la pluie ou se calciner avec la sécheresse.

Alors j'ai passé des heures et des jours enfermé dans ma chambre, à chanter des chansons du sertao, à dialoguer avec des bouviers de vieille mémoire, revoyant des paysages de ma terre natale et conduisant un magnifique troupeau. Une fois la "machine" prête, je suis parti.

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Message par Tristram Sam 19 Jan - 23:23

« Le Brejão do Umbigo, Le Grand Marais du Nombril. […] Ce n’est que chaos, ce n’est que fange. Le soir, la fièvre rôde et la nuit se fait plus fraîche, tandis que paresseusement les bulles montent lentement crever à la surface et les étoiles déchues, les feux-follets s’allument. C’est effrayant et répugnant. »

« La nuit, c’est ce qui tient pas dans le jour. »
João Guimarães Rosa, « Les nuits du Sertão »

_________________
« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram
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Message par ZeBebelo Lun 27 Juin - 9:23

Bonjour bix_229 !

Je vois que comme moi, Diadorim vous a complétement bouleversé. Je vois que comme moi, vous achetez des exemplaires pour répandre la "Bonne Parole".
Diadorim doit être le livre que j'ai le plus acheté, pour ensuite les laisser dans toutes les Boites à Livres qui croisent ma route, en espérant à chaque fois faire un nouveau roséen !

Me sentant très proche d'un Riobaldo (même si ce n'est pas mon personnage favori comme mon pseudo l'indique d'ailleurs) car ayant les mêmes préoccupations et questions existentielles, cherchant un abri contre le Temps passé et perdu, cherchant à justifier mes choix pas toujours assumés... Son récit m'a complétement happé et depuis, il ne me quitte plus !
Les personnages font partie de mon existence comme s'ils étaient tangibles et en chair et en os ! Quand je ne suis pas en pleine lecture de ce roman (six en quatre ans), je me sens complétement esseulé et vide. Le WE dernier, j'ai achevé ma sixième lecture et ne trouvant pas d'autres écrits qui me contentent, je pense déjà en commencer une septième...

"Diadorim dans le rue, au milieu du tourbillon..." pourrait-ont dire...

Mais l'oeuvre roséenne, ce n'est pas que Diadorim.
D'autres textes sont très marquants aussi comme l'Heure et le tour d'Augusto Matraga (extrait de Sagarana), les Nuits du Sertão, Lélio & Lina et le Message du Morne (extraits de Corpo de Baile), Paramo (extrait de Mon oncle le Jaguar et autres Histoires, dernière oeuvre traduite en date) et diverses petites historiettes des Premières Histoires et Toutaméia.
Dans un tout autre registre, Mon oncle le Jaguar, le Retour du mari prodigue et Corps Cousu (extraits de Sagarana pour les deux derniers) sont aussi à lires.

Roséennement.
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Message par Bédoulène Mer 29 Juin - 17:06

ZeBebelo, Bix aurait beaucoup aimé partager avec toi sur cet auteur, j'en suis convaincue, malheureusement notre ami nous a quitté il y a quelques mois pour un autre monde.

Je salue ton initiative et comprends ton envie de faire découvrir l'auteur.

Merci de partager ton sentiment "Les personnages font partie de mon existence comme s'ils étaient tangibles et en chair et en os ! Quand je ne suis pas en pleine lecture de ce roman (six en quatre ans), je me sens complétement esseulé et vide. "

J'espère que tu pourras alimenter ce fil d'auteur pour ton et notre plaisir. Wink

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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia



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Message par ZeBebelo Jeu 30 Juin - 7:35

L'année dernière, j'avais contacté son dernier traducteur en date, Michel Riaudel, afin de lui poser quelques questions. Ce dernier m'avait répondu brièvement mais très chaleureusement. Notamment en me disant, en guise de conclusion, qu'il était très heureux de mon message et ravi que la "guilde" ait gagné un nouveau membre.

Bien que je connaissais pas Bix, bien que je n'ai jamais communiqué avec lui, apprendre son décès m'a fait beaucoup de peine. La guilde roséenne perdant un fervent et passionné membre... car dans le récit qu'il fait de son expérience "diadorimesque", je m'y suis reconnu. C'est d'ailleurs cela qui m'a poussé à m'inscrire sur ce forum.

La relève est assuré et j'espère que là où il se trouve désormais, il a retrouvé JGR et qu'il a le bonheur d'entendre (car il parlait couramment le français) l'histoire du second roman que l'auteur n'a pas pu/voulu finir !

En ce qui concerne mon sentiment :
Je vais utiliser une image qui va parler à tout le monde. On a tous organisé une fête d'anniversaire, un réveillon, une réunion de famille etc. chez soi. On a tous aussi connu ce sentiment de vide quand tous les invités sont partis, qu'il ne reste plus que le désordre et le silence après les discussions et les rires. Voilà ce qu'il se passe quand je lis les derniers mots de ce roman qui se termine d'ailleurs par une lemniscate, le signe de l'infini.
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Message par Bédoulène Jeu 30 Juin - 7:41

merci ZeBebelo pour tes mots !

Une image très juste pour ce sentiment de vide.

J'espère que tu trouveras d'autres raisons pour rester avec nous !

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Message par ZeBebelo Jeu 30 Juin - 8:29

Le membre Quasimodo est en train de lire, je pense qu'il viendra ici en parler quand il l'aura terminé ! Ce topic peut devenir vivant sous peu !
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Message par Dreep Ven 1 Juil - 17:53

Mon oncle le Jaguar

João Guimarães Rosa 978-2-36732-122-6

João Guimarães Rosa est l’écrivain du sertão (l’arrière-pays brésilien). Dans le sens où, en tant que médecin, il a dû parcourir la région en long et en large, et ces personnages d’y errer ou d’y galoper pour je-ne-sais-quelle aventure. Troupeaux en déroute, des échanges compliqués, des troubles sociaux-politiques générant des situations explosives. Il y a en quelques sortes une mise à l’épreuve au niveau de la tension narrative (soit elle s’intensifie, soit elle se perd) puisque Guimarães Rosa dilate le temps ou le distord. Les histoires que racontent ses personnages ne sont pas forcément linéaires, et puis leurs pensées envahissent le récit en digressions ou en parenthèses. En fait, tout se passe au niveau de la langue : l’oralité ne suffit pas à João Guimarães Rosa qui s’est imprégné d’une belle quantité de dialectes de langues. Il y a une rencontre (ou dérencontre, ahah !) assez heureuse entre ces néologismes et ce style très imagé (voire cinématographique histoire de balancer du lourd ― de longs arrêts sur des émotions visibles sur un visage ou selon une attitude) avec ce style parfois abstrait sinon abscons. Assez différente pour être signalée (là on ne parle plus de paysans mais plutôt de hobereaux) la nouvelle intitulée Les chapeaux itinérants est peut-être la meilleure dans sa manière de donner un tour comique à l’enterrement du tyran d’une famille.


Dernière édition par Dreep le Ven 1 Juil - 21:01, édité 1 fois
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Message par ZeBebelo Ven 1 Juil - 18:52

Très belle critique !
Bien que fanatique et premier apôtre de la Sainte Église roséenne, je n'aurais pas pû décrire aussi bien mon ressenti sur ce livre, qui est pour moi l'un des moins bon. Sentiment partagé par le traducteur, Mathieu Dosse, qui m'a confié être surpris du succès de livre. Dans un sens tant mieux même si le fait qu'il soit au sujet de l'agrégation ait beaucoup aidé à faire "exploser' les ventes.

J'ai beaucoup aimé "Paramo". Ce texte, très probablement autobiographique car on se doute que la ville en question est Bogota, est très poignant et m'a beaucoup touché en ces temps de confinement/solitude.

C'est vrai que les "Chapeaux Itinérants" est très drôle tout comme la nouvelle phare du recueil, "Mon oncle le jaguar".
Dans le "Don des pierres brillantes", on reconnaît bien le style indolent de l'auteur, qui d'apparence peut lasser mais qui est au final très agréable à suivre. Rythme que l'on retrouve dans énormément de nouvelles d'autres recueils. Mention spéciale à "Lunes-de-miel" du recueil "Premières histoires".
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Message par Dreep Sam 2 Juil - 1:02

J'admire ta passion pour cet auteur, ZeBebelo. J'avais lu Diadorim avant cela (il y a sept ans...?), mais je n'en souviens plus assez bien, sauf que j'avais beaucoup aimé. C'est pour cela que j'ai voulu en lire un autre, j'ai aussi Sagarana qui traîne dans ma bibliothèque.
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Message par ZeBebelo Sam 2 Juil - 8:04

Je te conseille Sagarana !

Il y a des pépites en terme de burlesque comme "Le retour du mari prodigue" et "Corps cousu". De très belles nouvelles aussi comme "Les miens" et un de mes textes favoris de l'auteur : "L'heure et le tour d'Augusto Matraga".

On y retrouve un thème récurrent chez JGR. La présence, voir même la prépondérance du temps passé dans notre existence. Quoiqu'on fasse, il est là. On tente de l'oublier, il revient d'une façon ou d'une autre. On l'oublie naturellement mais un fait nous le rappelle et on replonge. On pense qu'on a trouvé mieux ailleurs mais finalement, la nostalgie nous prouve le contraire !
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Message par ZeBebelo Jeu 14 Juil - 14:43

Une relecture de certaines nouvelles me conforte dans mon idée et fait vraiment ressortir une des obsessions de JGR, le temps. le temps passé, le temps qui passe. Pas étonné pour un auteur qui a clos son chef d'oeuvre par une lemniscate !

Quoiqu'on fasse, le temps passé nous rattrapera toujours, que ce soit en bien ou en mal d'ailleurs, un bon souvenir peut donner autant le cafard qu'un mauvais. Notre passé est-il notre pire ennemi ? Voué à nous hanter même quand notre situation actuelle est meilleure que celle d'autrefois, voué à nous rappeler nos choix, nos oublis etc.

Comme ce personnage, qui après une vie de vagabondage parsemée d'escroqueries en tout genre, s'installera dans une petite bourgade du sertão et montera un commerce tout à fait licite et florissant. Mais au hasard d'une rencontre, son passé resurgira et...
Marche aussi avec le gros bras, frôlant la mort après une trahison, qui profitera de sa survie pour choisir la voie de la rédemption... Mais encore, le passé tentateur s'en mêle...

Ou ce personnage, frappé de saudades de sa terre natale et de tout ce qu'il y a laissé, après être parti sur un coup de tête à la Capitale pour vivre la vie qu'il prétendait mensongèrement avoir mené. La vie simple convenait-t-elle mieux à ce mythomane que la vie rêvée qu'il vit pourtant comme souhaitée ?
Idem pour ce personnage qui a fuit à la grande ville après une affaire d'honneur qui a mal tourné. Mais le temps qui passe veut-il dire qu'il nous oublie ?

Ou ces amours manqués par couardise ou bêtise, qui ne cessent de nous tourmenter...

Une des plus belles allégories du temps qui passe, de ce recueil, est quand l'auteur décrit une course-poursuite entre deux ennemis mortels, dont l'un fuit en ligne droite et le second use de détours et de raccourcis, ce qui fait que la droite est coupée de tangentes trop longues ou de sécantes trop courtes. Parfois, on arrive trop tard, parfois on monte dans le train trop tôt.

Enfin, c'est ce qui rend la Vie belle. On sait ce qu'on a, on devine ce qu'on a loupé. Peut-être ce qu'on possède est ce qu'on l'on pouvait rêver de mieux ou peut-être que nos mauvais choix nous ont fait passé à côté de la vie qu'on aurait mérité. Et l'inverse est vrai aussi.
On le saura de toute manière jamais donc autant vivre notre vie telle qu'elle est!

Sagarana est le premier texte publié de l'auteur. Son style est loin d'être "diadorimesque" mais reste malgré tout très agréable à lire. Et on découvre un vrai talent humouristique de JGR.

Je conseille de débuter l'oeuvre roséenne par ce texte avant de tenter Diadorim.
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Message par Bédoulène Ven 15 Juil - 7:25

merci ZeBebelo !

perso Bix m'avait conseillé Diadorim, j'ai donc lu ce livre, je compte lire un autre de ses livres.

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Message par ZeBebelo Ven 29 Juil - 9:46

Si vous n'êtes pas réfractaire aux livres d'occasion, je vous conseille Sagarana dans un premier temps.

Triste de ne pas l'avoir connu, il semble avoir fait autant de "propagande" que moi João Guimarães Rosa 1f603
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Message par ZeBebelo Ven 29 Juil - 12:33

DIADORIM

João Guimarães Rosa 97822510

936 pages

Quatrième couverture de l'éditeur :
À travers amours et guerres, envoûté par l'énigmatique Diadorim, évoquant toutes les aventures qui firent de lui un preux jagunço, un gardien de troupeaux, Riobaldo, raconte les journées encore brûlantes passées de bataille en bataille, les longues chevauchées à méditer sur la vie et la mort, dans le décor aride du sertão, lieu de l'épreuve, de la révélation et de la confrontation à l'infini.
Unique roman et chef-d’œuvre du plus grand écrivain brésilien du XXe siècle, Diadorim apparaît d'ores et déjà, au même titre que Don Quichotte, La Chanson de Roland ou Faust pour la tradition européenne, comme une œuvre mythique de dimension universelle.

"Un véritable tour de force sur le plan de la langue. Une des œuvres formellement les plus abouties du siècle." Mario Vargas Llosa.

"Une œuvre d'une dimension rare en littérature... L'un des plus grands livres qu'on ait jamais écrits. Brutal, tendre, cordial, sauvage, vaste comme le Brésil lui-même."
Jorge Amado.

-----------------------------------------

Ma présentation :

Ceci n’est pas une critique à proprement parler, Diadorim, un peu comme la Bible ou le Coran, n’est pas le genre de texte que l’on peut critiquer. Pas dans le sens que c’est un chef-d’oeuvre et que personne n’est habilité à le faire mais juste parce qu’il est très difficile de cerner ce texte et d’exprimer ce que l’on ressent à son propos. C’est pour moi impossible malgré la passion que je lui porte ! Donc voici une petite présentation :

Grande Sertão : Veredas, est le seul et unique roman de João Guimarães Rosa. Publié en 1956, son succès fut instantané et ne s’est toujours pas démenti dans son pays d’origine, le Brésil. Il s'agit d'un long monologue où le narrateur, Riobaldo, raconte sa vie à un voyageur de passage. C'est peut-être un texte autobiographique car je cite JGR : "[Diadorim] est une "autobiographie irrationnelle", ou plutôt, mon auto-réflexion irrationnelle."

Il a depuis été traduit en plusieurs dont l’anglais (une seconde traduction est en cours), l’allemand (idem), l’italien, l’espagnol, l’espagnol d’Argentine, le catalan, le néerlandais, le suédois, le danois, le norvégien mais aussi, et plus récemment, l’hébreu !

Traductions françaises :

Ce roman a été traduit deux fois en français. Une première fois dans les années 60 par Jean-Jacques Villard (version plus éditée à ce jour) et une seconde fois, dans les années 90 par Maryvonne Lapouge-Pettorelli (MLP), version que vous êtes plus susceptible d’avoir entre les mains un jour. Une troisième traduction est en cours mais j’ignore quand elle sortira et même si elle sortira un jour.
Les traductions françaises ont la particularité d’avoir un titre qui n’a rien à voir avec le titre original : Diadorim. Diadorim est le nom d’un personnage. Plus le temps passe, plus je me dis que ce titre a influé et impacté ma lecture étant donné que l’on sait dès le départ qu’il va falloir se focaliser sur ce personnage, qui sans cela, est plutôt secondaire. Je me demande si ma lecture aurait été la même avec un autre titre ? Enfin bref…
Ayant lu les deux versions, je trouve celle de MLP meilleure. Celle de JJV souffrant d’ailleurs d’une erreur de traduction assez dommageable mais pas rédhibitoire !

Le roman en lui-même :

C’est un roman fourre-tout, roman-somme, un roman-monstre par le nombre de thème abordé mais aussi par la possibilité de l’interpréter comme bon nous semble !

En effet, nous pouvons le prendre comme un roman d’aventure, telle l’Odyssée d’Ulysse ou l’Enéide auquel il est comparé, car nous suivons les pérégrinations guerrière de Riobaldo dans le sertão (arrière-pays brésilien plus ou moins désertique selon l'Etat). Diverses factions de guerriers se battent en poursuivant des idéaux différents avec tous les renversements  d’alliances, intervention de l’Armée typiques de ce genre de conflits. Les récits de batailles sont très captivants et le suspens est très bien géré ! Et on y retrouve aussi tous les lieux-communs des récits épiques de l’Antiquité et du Moyen-Âge. Cet aspect reste malgré mineur, comme un fil rouge choisi par l’auteur pour exprimer ses pensées !

Il est aussi possible de le voir comme un roman initiatique où le jeune Riobaldo (du temps de ses aventures) comme le vieux Riobaldo (du temps où il raconte l’histoire à un voyageur de passage) se pose tout un tas de questions existentielles sur Dieu, le Démon, le Temps qui passe irrémédiablement et les conséquences de nos actes sur notre Présent et Futur mais aussi pour les personnes qui nous entourent, l’Amour, le sens de la Vie. Ce roman est un peu comme un recueil d’aphorismes à la Nietzsche (si on fait abstraction des digressions) où certaines phrases, sorties de nulle part, peuvent nous chambouler et nous faire réfléchir un bon bout de temps. Certains passages m’ont fait penser à du Hesse (notamment Demian) et à du Rilke (JGR appréciait ce dernier et avait d’ailleurs un certains nombres de livres d’auteurs de langues germaniques).

Il y a aussi de l’amour ! D’ailleurs, c’est pour cette raison que Riobaldo s’en va en guerre alors qu’il est destiné à une vie bien rangée ! L’amour "normal", l’amour interdit et impossible, l’amour charnel… Tout y abordé ! Toutes personnes qui a connu un amour interdit et/ou impossible ne peut que se reconnaître dans ce roman et éprouver de la compassion pour Riobaldo.

C’est un roman aussi très picturale car JGR se permet énormément de digressions en décrivant la faune (il a une forte appétence pour les oiseaux), la flore (avec son fameux arbre totémique, le buriti) et surtout l’environnement qui l’entoure ! La plupart des oiseaux et arbres n’existant pas dans nos contrées, il faudra user de google images pour les plus curieux, mais il n’est pas utile à la compréhension du texte de s’attarder sur ces informations. Je trouve qu’elles sont plus là pour nous faire souffler qu’autre chose !

Voilà, je ne peux en dire plus sans mettre en péril certains temps forts du roman.

En conclusion :

Tentez-le !!
Et n'abandonnez pas car le style d'écriture est vraiment très complexe. Pour vous rassurez, ce livre m'est tombé un bon nombre de fois des mains avant d'en être complétement gaga !
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Message par Tristram Ven 29 Juil - 12:48

J'ai trouvé le livre en version papier, la seconde traduction, et me le réserve au cas d'une panne de liseuse. Enfin, après l'avis de Bix et le tien, ZeBebelo, je ne sais pas combien de temps je vais encore attendre pour le découvrir...

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Message par ZeBebelo Ven 29 Juil - 13:53

Et ne l'ai jamais trouvé en format liseuse de mon côté ! Même sur mes sites de téléchargement les plus obscurs !
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Message par Tristram Ven 22 Sep - 13:06

Diadorim

João Guimarães Rosa Captur85

Le titre original est Grande Sertão : veredas. Le sertão désigne les vastes régions semi-arides de l’intérieur du Brésil, où une population clairsemée vit surtout de l’élevage ; les chapadas, plateaux désertiques, sont parsemées de veredas, verdoyantes dépressions où l’eau se concentre, et donc la vie.
Riobaldo, surnommé Tatarana, ancien jagunço devenu fazendeiro (propriétaire d’une fazenda, ou vaste ferme), évoque devant le narrateur sa vie passée dans le sertão (les jagunços sont les hommes de main des fazendeiros, vivant en bandes armées et se livrant au brigandage, aussi considérés comme des preux).
« Vous le savez : le sertão c’est là où est le plus fort, à force d’astuces, fait la loi. Dieu lui-même, quand il s’amènera, qu’il s’amène armé. Et une balle est un tout petit bout de métal. »

« J’ai ramé une vie libre. Le sertão : ces vides qu’il est. »

« Le sertão est bon. Tout ici se perd ; tout ici se retrouve… disait le sieur Ornelas. Le sertão c’est la confusion dans un grand calme démesuré. »
Le sertão est hostile, mais a ses beautés, et les descriptions qui en sont données constituent un intérêt supplémentaire. À ce propos, l’emblématique buruti, c’est le palmier-bâche qui vit les pieds dans l’eau, le bem-te-vi, c’est le quiquivi, oiseau également fréquent en Guyane.
Riobaldo, comme beaucoup, ne connaît pas son père (en fait, à la mort de sa mère, il est recueilli par son parrain, qui serait son géniteur).
« L’homme voyage, il fait halte, repart : il change d’endroit, de femme – ce qui perdure c’est un enfant. »
Riobaldo parle de ses pensées qui l’obsèdent à propos du démon (qui a d’innombrables noms, dont « celui-qui-n’existe-pas ») : peut-on faire pacte avec lui ? Il parle aussi de Diadorim, son ami et amour, et des femmes qu’il aime. Il digresse, reprend le fil de son monologue : il évoque leur lieutenant, Medeiro Vaz, qui brûla sa fazenda, éparpilla les pierres de la tombe de sa mère pour aller mener une guerre de justice dans les hautes-terres, et leurs ennemis, les deux Judas félons (Hermὀgenes, protégé des enfers, et Ricardo) qui ont tué Joca Ramiro (père de Diadorim), et les soldats qui les combattent, et Zé Bebelo, stratège enjoué qui rêve de batailles et d’être député, puis remplace Medeiro Vaz à sa mort (et de qui Riobaldo fut percepteur, avant d’être dans le camp adverse, ce qui le tourmente). Car ce dernier narre dorénavant son existence depuis son enfance : comment il rencontra Reinaldo et fut séduit (ses amours sont plus généralement féminines, notamment la belle Otacilia, ou encore Norinha), Reinaldo qui lui confie s’appeler Diadorim.
À propos de la sensualité féminine, un passage qui rappelle Jorge Amado dans ses bonnes pages :
« L’une d’elles – Maria-des-Lumières – était brune : haute d’un huitième de cannelier. La chevelure énorme, noire, épaisse comme la fourrure d’un animal – elle lui cachait presque toute la figure, à cette petite mauresque. Mais la bouche était le bouton éclos, et elle s’offrait rouge charnue. Elle souriait les lèvres retroussées et avait le menton fin et délicat. Et les yeux eau-et-miel, avec des langueurs vertes, à me faire croire que j’étais à Goïas… Elle avait beaucoup de savoir-faire. Elle s’occupa aussitôt de moi. Ce n’était pas qu’une petite péronnelle.
L’autre, Hortense, une très gentille oiselle de taille moyenne, c’était Gelée-Blanche ce surnom parce qu’elle avait le corps si blanc ravissant, que c’était comme étreindre la froide blancheur de l’aube… Elle était elle-même jusqu’au parfum de ses aisselles. Et la ligne des reins, courbes ondulantes d’un ruisseau de montagne, confondait. De sorte que sa longueur exacte, vous n’arriviez jamais à la mesurer. Entre elles deux à la fois, je découvris que mon corps aussi avait ses tendretés et ses duretés. J’étais là, pour ce que je sais, comme le crocodile. »
Ce qui vaut surtout, c’est le monologue noté par son auditeur :
« Nous vivons en répétant, et bon, en une minime minute le répété dérape, et nous voilà déjà projetés sur une autre branche. »
Son récit décousu se commente lui-même, et sans doute l’auteur s’exprime-t-il lui-même par moments :
« Je sais que je raconte mal, je survole. Sans rectifier. Mais ce n’est pas pour donner le change, n’allez pas croire. […] Raconter à la suite, en enfilade, ce n’est vraiment que pour les choses de peu d’importance. De chaque vécu que j’ai réellement passé, de joie forte ou de peine, je vois aujourd’hui que j’étais chaque fois comme s’il s’agissait de personnes différentes. Se succédant incontrôlées. Tel je pense, tel je raconte. […] Et ce que je raconte n’est pas une vie d’homme du sertão, aurait-il été jagunço, mais la matière qui déborde. »
Riobaldo n’a jamais connu la peur, mais…
« Je sentis un goût de fiel sur le bout de ma langue. La peur. La peur qui vous coince. Qui me rattrapa au tournant. Un bananier prend le vent par tous les bords. L’homme ? C’est une chose qui tremble. Mon cheval me menait sans échéance. Les mulets et les ânes de la caravane, Dieu sait si je les enviais… Il y a plusieurs inventions de peur, je sais, et vous le savez. La pire de toutes est celle-ci : qui d’abord vous étourdit, et ensuite vous vide. Une peur qui commence d’emblée par une grande fatigue. Là où naissent nos énergies, je sentis qu’une de mes sueurs se glaçait. La peur de ce qui peut toujours arriver et qui n’est pas encore là. Vous me comprenez : le dos du monde. […] Je n’y arrivais pas, je ne pensais pas distinctement. La peur ne permettait pas. J’avais la cervelle embrumée, la tête me tournait. Je bus jusqu’à la lie le passage de la peur : je traversais un grand vide. »

« La peur manifeste provoque la colère qui châtie ; c’est bien tout ce à quoi elle sert. »
Le ton est celui du langage populaire, volontiers proverbial, traversé de fulgurances condensées voire lapidaires, très inventives et souvent poétiques, à l’encontre d’une rédaction rationnelle et claire. Allers-retours dans le temps de la remémoration (étonnamment riche, précise et détaillée), à l’instar des chevauchées et contre-marches de la troupe.
« Veuillez m’excuser, je sais que je parle trop, des à-côtés. Je dérape. C’est le fait de la vieillesse. Mais aussi, qu’est-ce qui vaut et qu’est-ce qui ne vaut pas ? Tout. Voyez plutôt : savez-vous pourquoi le remords ne me lâche pas ? Je crois que ce qui ne le permet pas c’est la bonne mémoire que j’ai. »

« Ah, mais je parle faux. Vous le sentez ? Si je démens ? Je démens. Raconter est très, très laborieux. Non à cause des années, passées depuis beau temps. Mais à cause de l’habileté qu’ont certaines choses passées – à faire le balancier, à ne pas rester en place. Ce que j’ai dit était-il exact ? Ça l’était. Mais ce qui était exact a-t-il été dit ? Aujourd’hui je crois que non. Ce sont tant d’heures passées avec les gens, tant de choses arrivées en tant de temps, tout se découpant par le menu. »

« Non, nenni. Je n’avais aucun regret. Ce que j’aurais voulu, c’était redevenir enfant, mais là, dans l’instant, si j’avais pu. J’en avais déjà plus qu’assez de leurs égarements à tous. C’est qu’à cette époque je trouvais déjà que la vie des gens va à vau-l’eau, comme un récit sans queue ni tête, par manque de joie et de jugement. La vie devrait être comme dans une salle de théâtre, et que chacun joue son rôle avec un bel entrain du début à la fin, qu’il s’en acquitte. C’était ce que je trouve, c’est ce que je trouvais. »

« Nous sommes des hommes d’armes, pour le risque de chaque jour et toutes les menues choses de l’air. »

« Mais les chemins sont ce qui gît partout sur la terre, et toujours les uns contre les autres ; il me revient que les formes les plus fausses du démon se reproduisent. Plus vous allez m’entendre, plus vous allez me comprendre. »

« On ne se met pas en colère contre le boa. Le boa étranglavale, mais il n’a pas de venin. Et il accomplissait son destin, tout réduire à un contenu. »

« La vie en invente ! On commence les choses, à l’obscur de savoir pourquoi, et dès lors le pouvoir de les continuer, on le perd – parce que la vie est le boulot de tous, triturée, assaisonnée par tous. »

« Tout cela pour vous, mon cher monsieur, ne tient pas debout, n’éclaire rien. Je suis là, à tout répéter par le menu, à vivre ce qui me manquait. Des choses minuscules, je sais. La lune est morte ? Mais je suis fait de ce que j’ai éprouvé et reperdu. De l’oublié. Je vais errant. Et se succédèrent nombre de petits faits. »

« Je sais : qui aime est toujours très esclave, mais ne se soumet jamais vraiment. »

« Qui le sait vraiment ce qu’est une personne ? Compte tenu avant tout : qu’un jugement est toujours défectueux, parce que ce qu’on juge c’est le passé. Eh, bé. Mais pour l’écriture de la vie, juger on ne peut s’en dispenser ; il le faut ? C’est ce que font seuls certains poissons, qui nagent en remontant le courant, depuis l’embouchure vers les sources. La loi est la loi ? Mensonge ! Qui juge, est déjà mort. Vivre est très dangereux, vraiment. »
La dernière phrase revient comme un leitmotiv dans le récit de Riobaldo :
« Vivre est très dangereux, je vous l’ai déjà dit. »
Apprécié en tant que bon tireur, Riobaldo parcourt donc le sertão qu’il aime, malgré les vicissitudes de cette existence itinérante, chevauchant de peines en batailles. Il médite sans cesse, sur la vie, l’amour, et par un curieux défi, dans sa haine d’Hermὀgenes qui aurait signé un pacte avec « l’Autre », décide d’en faire un lui aussi, bien qu’il ne croie ni à cette puissance maléfique, ni même à l’âme. Le démon ne se présente pas à la « croisée des chemins de Veredas-Mortes ».
« Alors, je ne sais ou non si j’ai vendu ? Je vous le dis : ma peur c’est ça. Tous la vendent, non ? Je vous le dis : de diable il n’y en a pas, le diable n’existe pas, et l’âme je la lui ai vendue… Ma peur, c’est ça. À qui l’ai-je vendue ? C’est ça, monsieur, ma peur : l’âme, on la vend, c’est tout, sans qu’il y ait acheteur… »
Cependant Riobaldo change. Lui, pour qui il n’était pas question de commander, devient le chef, Crotale-Blanc. Il reprend avec succès la traversée du Plan de Suçuarão, où avait échoué Medeiro Vaz, pour prendre à revers la fazenda d’Hermὀgenes.
Il y a encore les « pacants », rustres paysans croupissant dans la misère, victimes d’épidémies et des fazendeiros obnubilés par le profit, ou Siruiz, le jagunço poète, dont Riobaldo donne le nom à son cheval, ou encore le compère Quelémém, de bon conseil, évidemment Diadorim qu'il aime, et nombre d'autres personnages.
Ce livre-monde aux différentes strates-facettes (allégorie de la condition humaine, roman d’amour, épopée donquichottesque, geste initiatique – alchimique et/ou mythologique –, combat occulte du bien et du mal, cheminement du souvenir, témoignage ethnographique, récit de campagnes guerrières, etc.) est incessamment parcouru d’un souffle génial qui ramentoit Faust, mais aussi Ulysse (les deux).
Il est encore dans la ligne du fameux Hautes Terres (Os Sertões) d’Euclides da Cunha, par la démesure de la contrée comme de ceux qui y errent. L’esprit épique m’a aussi ramentu Borges et son exaltation des brigands de la pampa.
Sans chapitres, ce récit est un fleuve formidable dont le cours parfois s’accélère dans les péripéties de l’action, parfois s’alentit dans les interrogations du conteur : flot de parole, fil de pensée, flux de conscience. Et il vaut beaucoup pour la narration de Riobaldo ou, autrement dit, pour le style (c’est la façon de dire) rosien.
Le texte m’a paru excellemment rendu par la traductrice (autant qu’on puisse en juger sans avoir recours à l’original) ; cependant, il semble être difficilement réductible à une traduction, compte tenu de la langue créée par Rosa, inspirée du parler local et fort inventive.

\Mots-clés : #amour #aventure #contemythe #criminalite #ecriture #guerre #historique #initiatique #lieu #mort #nature #philosophique #portrait #ruralité #spiritualité #voyage

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