Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Mar 7 Mai - 15:03

63 résultats trouvés pour spiritualite

Mariusz Wilk

Dans les pas du renne

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 97828810


(avec des éléments de la présentation de l'éditeur)

Avide de découvrir la vie du peuple mystérieux des Saamis - ou Lapons -, Mariusz Wilk a séjourné parmi eux sur la presqu'île de Kola à partir de Décembre 2005, dans le Grand Nord russe. Il en a fait connaissance pendant son séjour sur les îles Solovki (raconté dans « Le Journal d ‘un loup »), à travers les vestiges de leur présence, il y a des millénaires : des labyrinthes mystérieux …Ils constituent probablement le plus ancien peuple nomade de l’Europe. Assoiffé de rencontres et de découvertes, il raconte son arrivée dans la ville de Lovoziéro, ses explorations de la toundra et des montagnes environnantes, et ses longues marches guidées par les pâtres de rennes. Il mêle à ses réflexions des détails sur la vie quotidienne des Saamis, sédentarisés de force par le pouvoir soviétique, et leurs tentatives de préserver malgré tout leurs traditions, leur mythologie et leurs croyances chamanistes. Pour illustrer leur riche imaginaire, l'auteur va jusqu'à nous rapporter une légende saami, Le Conte de la piste écarlate. Les rennes sauvages sont une véritable clé pour comprendre l'âme saami. En suivant leurs traces, Wilk se fraie son propre chemin, cette voie que chacun doit découvrir pour soi-même. L'écrivain voyageur s'aventure dans les antichambres de l'autre monde, dans des paysages qui recueillent les rêves de la Terre, où l'on partage ses propres rêves avec le frère renne. Mais dans cette description de la relation entre l’animal et l’homme, vécu autrefois par les Saamis, on se demande à quel point un retour à ces sources paraissent/deviennent aujourd’hui artificiel. Car il y avait bien eu un éloignement de l’ancienne culture. Est-ce que un retour, même souhaitable, est encore possible ? Est-ce qu’il y a encore des vrais détenteurs de rites etc ?

J’étais ravi de retrouver Mariusz Wilk dans la suite de ses récits précédents, présentés en haut. Oui, il est vrai qu’il y a un fond d’apocalypse ressenti dans certains passages, comme par exemple quand il décrit les conséquences de la sédentarisation forcée des Saamis sous Staline : un nombre incroyable n’arrivait pas à s’y adapter, commettait du suicide ou mourrait de perte de vitalité…

Peut-être est-il normal que Wilk lui-même est devenu aussi un peu, disons, extravagant, sinon même marginal. Il est vrai que nous avons de la peine des fois de comprendre comment on peut s’immerger dans un univers apparemment si déprimant en grande partie. Cela est mystérieux… Et peut s’élever des réactions, des voix un peu « jugeant », par exemple l’Européen « moyen ». Cela est d’un coté compréhensible, d’un autre pas souhaitable.


Mots-clés : #nature #spiritualité #traditions #voyage
par tom léo
le Jeu 23 Mai - 8:08
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Mariusz Wilk
Réponses: 17
Vues: 1463

Felix Timmermans

La harpe de Saint François

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Cvt_la10
Titre original: De harp van Sint Franciscus, paru en 1933, roman, 245 pages environ, 15 chapitres, traduction et avant-propos par Camille Melloy.


Que l'exercice de l'hagiographie soit particulièrement ardu, le fait est peu contesté.
Histoire, peut-être, d'ajouter encore de la difficulté, Timmermans choisit celle d'un des saints les plus notoires, l'un de ceux dont l'intercession est toujours invoquée avec la même constance depuis des siècles, et sur lequel il a énormément été écrit (et qui, lui-même, nous a laissé des écrits, et un Ordre toujours bien vivant et actif de nos jours).

Tout ces écrits, Timmermans les a lus, médités. De cette somme de lecture, il dit avec une humilité toute...franciscaine, en guise de conclusion à l'ouvrage:
Ainsi me suis-je représenté ces choses après avoir lu les livres que les savants ont écrits sur cette belle vie.
Ainsi les ai-je vues s'accomplir. Et ces images, je les ai dédiées à ma femme et à mes enfants, au Révérend Giuseppe Pronti, prêtre d'Assise, et à quelques humbles gens de notre rue, en l'honneur de saint François.

Complétons un peu cet assaut de grande modestie (normale, vu le sujet):

- Tenter d'appréhender la mystique à l'approche de François ne l'effarouche guère, il n'élude pas le thème, ni le réduit à une observation clinique, encore moins à un foisonnement cédant au merveilleux, au fantastique, à l'imaginaire (bref lles travers les plus pénalisants sont évités).

- L'historicité comme discipline technique n'est pas le but de l'ouvrage, toujours est-il qu'autant qu'il me soit donné de pouvoir en juger, Timmermans reste toujours en phase avec celle-ci, comme un cadre imposé, mais ne réduit jamais son propos à l'"approche historique de...".
Peut-être un point ou deux (mineurs) me font tiquer, comme le fait que la mère de François était provençale et non française, ce qui était très distinct à l'époque, et que donc lorsque, jeune, il s'envisageait troubadour (et non trouvère comme indiqué) c'était en provençal et non en français qu'il chantait, langue dans laquelle il entonnera psaumes et cantiques par la suite.

- Tendresse, délicatesse, poétique rurale et naturaliste, humilité, petites gens, pauvreté -grande qualité des cœurs simples, sont les grands ingrédients de sa recette (autant de qualificatifs qui jalonnent, si j'ai bien compris son œuvre). Seul bémol sur son approche, à mon humble avis, elle est à tout le moins doloriste (à l'excès ?).

- Quand Timmermans veut bien desserrer le frein à main du lyrisme (il ne le fait jamais longtemps, du moins jamais assez longtemps à mon goût), le peintre qu'il est aussi n'est jamais loin, et nous avons là des passages de haute tenue qui donnent envie de se plonger plus avant dans ses écrits, comme:

Chapitre 8, Une couronne de roses et d'épines a écrit:
Un tournoi venait de finir, un autre allait commencer. Les trompettes allaient sonner, lorsque tout à coup, sans être invité ou attendu, un petit moine se tint debout au milieu de l'arène. Les spectateurs étaient surpris, mais avant qu'on eût pu crier un mot pour ou contre, François se mit à chanter la strophe d'une ballade, puis à prêcher sur la grande valeur d'une vie pénitente. Il était là, hirsute, émacié, déguenillé, - parlant et criant à toute cette noblesse et tous ces maîtres du pays. Ses gestes étaient vifs, sa voix aigüe, et par moments son ardeur l'emportait à tel point qu'il dansait presque. Et tous l'écoutèrent - comme on écoute le tonnerre et la musique, dans un silence tel qu'on entendait frissonner les bannières et les oriflammes dans l'air. Il y eut des larmes, des paupières baissées, des cœurs battants,  des soupirs. Et lorsqu'il s'en alla, ce fut dans un grand enthousiasme d'ovations et de voiles agités.  


Sur la richesse de sa palette descriptive, richesse contenue, non foisonnante, précise, efficace, Timmermans-peintre ne faisant qu'un avec l'écrivain - comment ne pas évoquer les peintres flamands, surtout lesdits "primitifs":

Chapitre 6 Des poètes par douzaines a écrit:
La nuit tombée, la pluie redoubla. Les gouttes égrenaient d'interminables rosaires à travers le toit sur leurs capuchons, sur leurs pieds nus, dans le petit feu fumant de bois humide. À certains moments, la fumée était si épaisse dans la cabane qu'il valait encore mieux se tenir dehors, sous la pluie. Mais frère Genièvre agitait son manteau pour dissiper la fumée. François proposa une belle méditation sur la pauvreté de la Sainte Vierge; ils récitèrent et chantèrent ensuite quelques psaumes; enfin, ils se couchèrent: il leur suffisait, pour être au lit, de s'étendre où ils se trouvaient. L'âcre fumée du petit feu demeura suspendue sous le toit. Par les fentes, l'eau tombait, avec un bruit mat, sur leur bure mince. La nuit grimpait lentement sur la terre.  






Mots-clés : #biographie #historique #moyenage #religion #spiritualité
par Aventin
le Sam 27 Avr - 16:15
 
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Sujet: Felix Timmermans
Réponses: 10
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Louis Owens

Même la vue la plus perçante
(en exergue : Invisibles, les flèches de la mort volent en plein midi ; même la vue la plus perçante ne peut les discerner. Jonathan Edwards)
Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Meme-l10


Une histoire qui débute par la recherche d’un corps, la victime et de l’assassin. Mais en fait deux des personnages, le shérif-adjoint Mundo Morales et le frère de la victime, Cole Mc Curtain  découvriront leur « identité »  dans leurs  recherches.

Savoir d’où l’on vient, quelles sont nos origines, notre culture   :  c’est ce qui changera à jamais la vie de ces deux hommes.

Quelle part  colore la peau d’un être ? signe distinctif dans ce pays et ces régions où la couleur de peau est incriminée, rejetée.  

Quelle part de nos ancêtres dans notre âme ?

La spiritualité des Choctaws est particulièrement complexe, vivante alors que paradoxalement les morts semblent réclamer mais aussi offrir plus.


C’est une histoire empreinte de spiritualité, celle des Choctaws et de tous ceux, métis notamment de cette ethnie  indienne ou autres, dont les racines s' y retrouvent.

Les morts s’invitent dans la vie  des  vivants auxquels ils apportent leur sagesse,  car « même la vue la plus perçante » ne peut voir si le cœur et l’âme ne voient pas ;  savoir vivre c’est avant tout savoir regarder et voir.


Je vois aussi dans ce livre une critique sur la guerre, là particulièrement celle du Vietnam  d’où sont revenus abimés  psychiquement  beaucoup de soldats et  plusieurs des personnages sont des anciens soldats.

C’est une lecture intéressante  sur  l’identité et la spiritualité des indiens Choctaws et plus particulièrement sur leur respect et manière de traiter leurs morts.
L’auteur a puisé dans sa vie, sa famille, dans son vécu, pour ce livre (mon premier de l’auteur) c’est évident.

Je prévois une autre rencontre avec l’auteur.

mots-clés : #amérindiens #guerre #identite #polar #spiritualité #traditions
par Bédoulène
le Mer 2 Jan - 14:19
 
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Sujet: Louis Owens
Réponses: 3
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Jérôme Ferrari

A son image

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 A_son_12


Originale: Français, 2018

CONTENU :
Le point de départ est rapidemment raconté : Antonia a 38 ans, elle est photographe avec des expériences lors de la guerre en Ex-Yougoslavie. Après une dizaine d’années elle rencontre en Août 2003 à Calvi/Corse à nouveau Dragan, un soldat serbe, et prolonge son séjour court. Tôt le matin, fatigué, elle veit rentrer vers le Sud de l’île, chez ses parents, mais elle aura un accident mortel.

Das la forme d’un Requiem pour la morte des morceaux et images de la vie et du faire de la décédée viendront dans la tête du prêtre célébrant, son parrain. Et on se rappelle aussi du nationalisme corse, de la violence de guerres différentes et des relations au moins ambigues et multiples entre photographie, image, réalité et mort...

REMARQUES :
Ce nouveau roman de Ferrari est à nouveau à multiples couches et niveaux, agilement conçu. Mais derrière une apparente multitude de sujets et de lieux d’action on retrouve quelques fils conducteurs, quelques accents communs, liés entre eux d’une façon assez impressionnants.

Lieu et aussi cadre temporaire principaux de nombreux chapitres sont le jour de l’enterrement d’Antonia. Nous prenons en large partie la perspective du prêtre, son cousin et parrain de 17 ans plus âgé qu’elle. Il était depuis toujours proche d’Antonia, et ses pensées retournent à différents moments clés de la vie de sa cousine : comment elle recevait à travers lui sa première caméra, dirigeant à la suite sa vie comme d’abord journaliste locale, pis reporter de guerre en Bosnie. Y sont intercalés par exemple deux chpitres historiques sur des photographes de guerre du Xxème siècle, avec leurs questionnement autour de la reconstitution de la « vérité/réalité », un service imposé par les autorités ET aussi la mise à nu des violences, des absurdités qui resulte en accusation et refus. Et toujours, par rapport à la photographie, et au-délà, la question de la relation entre réalité et image, peut-être aussi : entre vie en mouvement et instant gelé (=mort), entre exigence et réalité.

Autre sujet fort du livre (on admire quand même le culot de Ferrari…) les relations complexes d’Antonia avec le nationalisme corse, montré dans ses contradictions, voir sa ridiculité...

Et mine de rien, en prenant le Réquiem comme guide extérieur de l’assemblage des chapitres, et les pensées du prêtre célébrant comme point de vue, nous approchons une autre vie complexe dans sa lutte avec l’absurdité, le non-sens de la mort innocente d’Antonia : face à la foi, il ne trouve pas de réponses, mais un immense lassitude. La description de la vie intérieure de ce prêtre est – à mon avis – encore un signe de la complexité des questionnements de Ferrari, et aussi d’une forme de « spiritualité » qu’il faudrait pas trop vite nommer et vouloir coincer dans des définitions. Très fort ! Dans ce contexte on pourrait peut-être comprendre le titre aussi comme un rappel discret à l’énoncé sur la création « à son image »…

Il est probablement impossible de rendre toute la complexité et richesse du roman dont je fus conquis ! Bravo !

mots-clés : #guerre #spiritualité
par tom léo
le Mar 23 Oct - 18:58
 
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Sujet: Jérôme Ferrari
Réponses: 13
Vues: 1279

Edmond Jabès

Le Livre des questions

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Livre_11

C’est encore une nouvelle découverte de hasard à Emmaüs. Une édition originale, Blanche de Gallimard, avec dédicace de l’auteur. Surtout, il y a ce plaisir sensuel de glisser le coupe-papier entre les feuilles, d’entendre le bruit feutré du papier déchiré (ça vous intéresse monsieur Freud ?) ; gestes qui scandent à merveille la lecture de ce livre qui se déguste à petites gorgées. Hélas, les publications actuelles avec leur papier glacé, leurs pages massicotées, leur texte reproduit numériquement, nous ont ôté ces sensations qui s’accordaient tellement avec le plaisir de la lecture.

Jabès a écrit sept recueils sous le titre de Le Livre des questions, le premier portant ce nom dont il sera question ci-dessous, Le Livre de Yukel, Le Retour au livre, Yaël, Elya, Aely et El, ou le dernier livre.

Le premier opus se présente comme une succession d’aphorismes, de dialogues et de commentaires, de fragments de journaux, de sentences et de réflexions émises par de faux rabbins. Une histoire cherche parfois à s’élaborer, puis se perd, retrouve son fil, par fragments, entre rêve et réalité. Mais qu’importe puisque tout se transmue en poésie.

Il y est question de Yukel et de Sarah, deux jeunes amants revenus de la Shoah, non sans dommages, Sarah Schwall, aux initiales S.S., ayant perdu la raison dans le camp.

Le livre de Jabès est un livre particulier, la référence au verbe divin est explicite, livre unique car écrit par l’auteur mais aussi écrivant celui-ci dans l’espace et le temps, relation particulière entre l’écrivain et son texte.

Le livre de Jabès est empreint de mysticisme et de religiosité juive, ce qui pourrait paraître rebutant pour certains. En fait son discours et de portée universelle. Au travers du peuple élu c’est toute l’humanité qui est concernée.

Pas de trop longs discours lorsqu’il s’agit de poésie, place aux citations :

Enfant, lorsque j’écrivis, pour la première fois, mon nom, j’eus conscience de commencer un livre
Reb Stein


Le présent, pour toi, est ce passage trop rapide pour être saisi. Ce qui reste du passage de la plume, c’est le mot avec ses branches et ses feuilles vertes ou déjà mortes, le mot projeté dans le futur pour le traduire.
Tu lis l’avenir, tu donnes à lire l’avenir et hier tu n’étais pas et demain tu n’es plus.
Et pourtant, tu as essayé de t’incruster dans le présent, d’être ce moment unique où la plume dispose du mot qui va survivre.
Tu as essayé.


Il y a les vainqueurs, disait le rabbin prisonnier, disait le saint prisonnier, avec leur arrogance, leur éloquence, et il y a les vaincus sans paroles et sans signes.
La race des muets est tenace.


Je crois à la mission de l’écrivain. Il la reçoit du verbe qui porte en lui sa souffrance et son espoir. Il interroge les mots qui l’interrogent, il accompagne les mots qui l’accompagnent. L’initiative est commune et comme spontanée. De les servir – de s’en servir – il donne un sens profond à sa vie et à la leur dont elle est issue.


Tu ne te doutais pas, mère, qu’en me concevant, tu léguais au jour des feuilles de chair et de lumière pour toutes les phrases qui sont des tatouages que j’allais être appelé à défendre ; pour toutes les phrases qui sont des banderoles et des insectes.
Tu taillais, à vif, dans le cri.


Mon pouce est un gardien sauvage, disait Reb Hakim. Mon index fut le plus prompt à reconnaître l’étoile du berger. Mon médius, le plus lointain, est le rêve qui éconduit les rives. Mon annulaire porte, à sa base, nos serments et nos chaînes. Les sons habitent et habillent de diamants mon auriculaire.
Mais l’index est mon préféré, car il est toujours prêt à sécher une larme.


L’intransigeance du croyant est pareille à une lame de rasoir dont le souci est d’être tranchante


Je vous parlerai des divers passages que l’être se fraie dans la nuit des songes jusqu’au verbe.
Il y a, d’abord, ce tracé à peine visible de la lettre à la lettre, de l’ombre à une ombre moins sombre ; puis cette percée déjà consciente du vocable ; enfin cette route pavée du discours et des récits domptés.
Mais ne croyez pas que la folie nous ait jamais quittés ; comme la douleur, elle nous guette à chaque étape, je veux dire à chaque fois que nous butons à la parole cachée dans la parole, à l’être enfoui dans l’être.
Pauvres que nous sommes de ne pouvoir frôler la démence sans risquer de ne plus recouvrer la raison.


Une page blanche est un fourmillement de pas sur le point de retrouver leurs traces. Une existence est une interrogation de signes.


Quelle différence y a-t-il entre l’amour et la mort ? Une voyelle enlevée au premier vocable, une consonne ajoutée au second..
J’ai perdu à jamais ma plus belle voyelle.
J’ai reçu en échange la cruelle consonne.


Mots-clés : #genocide #mort #poésie #religion #spiritualité
par ArenSor
le Jeu 11 Oct - 19:18
 
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Sujet: Edmond Jabès
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Christian Dedet

Au royaume d'Abomey

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Sans-t10

Christian Dedet, ce passionné de l’Afrique, nous emporte, dès les premières pages, dans son royaume. Il a passé quelques années à parcourir les routes et chemins du Bénin. C’est depuis la région d’Abomey, de Grand-Popo, de Porto-Novo, du lac Ahémé ou du lac Nokoué, du fleuve Ouémé… qu’il nous adresse ses notes, un journal remanié, revu et corrigé pour en faire un récit riche, et nous faire partager son expérience, en particulier les rituels vaudou et la religion animiste.

« Les œuvres missionnaires ayant l’aval du Vatican y rivalisent toujours avec méthodistes et adventistes de toutes nationalités. Le fait nouveau, depuis l’ère moderne, réside en des Églises d’inspiration chrétienne fondées par les Africains eux-mêmes. […] L’Église apostolique africaine se signale souvent par des sorties de haut-parleurs, en ville, à percer les tympans, par une littérature vindicative à l’égard du vaudou, distribuée aux carrefours. »


Les rituels vaudous au royaume d’Abomey, sont un sujet passionnant pour qui s’y intéresse ou s’intéresse aux phénomènes de transe. J’ai souvent souri en lisant ses descriptions, qu'il brosse avec un humour certain, voire aussi une certaine naïveté et un certain regard occidental, les deux lucides et conscients.

« Certains de ces couvents comptent de nombreuses femmes dans leurs rangs. Matrones, pour la plupart, avec leurs cent kilos et leurs seins à proportion, pris dans un filet à grosses mailles ou basculés par-dessus la toile de lin. »


Il n’existe pas qu’un seul vaudou mais un nombre infini. Rien que dans la région d’Abomey on en dénombre autant que de villages. À chaque couvent sa pratique, ses dieux, ses danses, sa musique, son accoutrement. La religion animiste est aussi matinée de religion catholique, ce qui présente un avantage non négligeable ! Dans le vaudou, religion animiste (considéré tantôt comme une religion tantôt comme une secte), ce sont les dieux qui descendent dans le corps de l’impétrant qui s'exprime au nom de ce dieu, qui le chevauche, et l'aide dans sa vie quotidienne, et l’avantage est terre à terre, autrement dit bien terrestre : les récoltes doivent être bonnes, la nourriture abondante… ; quant aux avantages de la religion catholique, elle promet les cieux et le salut de l’âme, alors autant concilier les avantages des deux !

Maléfices, mauvais sorts, sacrifices animaux (avant, les sacrifices étaient humains) en sont le corolaire : avec le vaudou on ne rigole pas ! (même si Christian Dedet semble souvent s’amuser !) :

« Ce personnage est le garde du corps du vaudou Agbo. Il veille à ce que nul affront ne soit perpétré envers le dieu son maître, mais également à ce qu’aucun maléfice ne soit jeté sur ceux ou celles qui dansent sur la place. Un mauvais sort – le cakato – est si vite parti… Il y a des gens si pervers, si malfaisants et qui ont un tel pouvoir, au cours de ces réunions pour pactiser avec les forces du mal. »


À propos des rituels vaudou et des transes des danseurs, si Christian Dedet a osé faire une petite comparaison avec l’hystérie de conversion décrite par Charcot, il ne semble pas en être convaincu. Bien au contraire, plus loin il vend la mèche non sans un frisson, et nous confie son saisissement, ce constat de la puissance incroyable de certains sorciers et fétichistes, des maîtres en la matière. Car la magie opère. Celui qui assiste, de l’extérieur, ou qui vient étudier ces rituels, pourrait n’y voir que des croyances archaïques que n’importe quel ethnologue pourrait démonter. Mais si toutefois l’un d’eux était initié, il devrait en garder le secret. Il n’aurait pas le choix, c’est une question d’éthique, mais aussi cela pourrait se retourner en maléfice contre lui. Ces pratiques puissantes et parfois dangereuses ne s’adressent qu’à des initiés et celui qui ne l’est pas n’a pas accès à cette connaissance et n’en décrira que les aspects superficiels et visibles. Il est donc quasiment impossible de trouver un livre qui dévoilerait de tels secrets.

Plus loin encore, il parle des universitaires béninois, donc du cru :

« Les professeurs de l’enseignement supérieur de Cotonou, les hauts fonctionnaires de Porto-Novo savent à quoi s’en tenir sur l’existence des sorciers. Ils leurs consacrent des thèses dont le moins qu’on puisse dire est que l’objectivité scientifique n’en exclut pas le frisson. Quant aux hommes politiques, même à l’époque où leurs discours se devaient de fustiger les “superstitions”, ils n’omettaient pas pour autant de se prémunir contre l’effet dévastateur des magies. »


Dedet est médecin, et son regard se porte bien sûr aussi sur cet aspect des choses, cet envers du décor qui ne lui échappe pas :

« L’envers du décor est une situation sanitaire effroyable. Paludisme. Dysenterie amibienne. Hépatites A et B. La pathologie la plus meurtrière est représentée par la bilharziose, cette parasitose dont l’agent se trouve dans les eaux stagnantes, pénètre dans l’organisme de l’être humain à travers la peau de la plante des pieds avant de s’attaquer au foie et aux reins où il crée des lésions irréversibles […]. Les figurines fétiches sont en nombre, aux carrefours de canaux. »


Et plutôt qu'en toile de fond, un rappel de la politique de ces dictateurs qui se sont succédé.

Un récit passionnant, à mettre dans la pile des références ethnographiques. Une très belle aventure de lecture, je vous le dis !


mots-clés : #lieu #science #spiritualité #voyage
par Barcarole
le Mer 29 Aoû - 16:00
 
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Sujet: Christian Dedet
Réponses: 5
Vues: 1216

Steve Tesich

Commentaire, impressions plutôt écrits pour ceux qui ont déjà lu le livre !

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 51wlqu10

Karoo


A mon avis derrière un récit d'une apparente simplicité (dans toutes ses détours), se cachent plusieurs niveaux de lectures et de compréhensions possible. Et cela m'était un bonheur d'essayer de voir plus loin que le bout du nez : ces abords possibles vont du récit, roman d'un simple cynique, via l'auto-dérision, via une vraie détresse jusqu'à une possible lecture métaphysique, existentielle d'une recherche et des observations très justes de l'être humain...

Saul est un personnâge qui au même moment vit des choses apparemment loin de notre expérience, et pourtant incarne (sujet qui revient) un homme d'aujourd'hui : séparé, mais pas encore divorcé, tiraillé, fuyant, mais lucide... Et aussi toutes les descriptions sur ces fuites et problèmes : à voir de plus près on reconnaît des motivations de beaucoup de nos contemporains, voir l'absence de vraie motivation et tout simplement … : la fuite. Cela me semble dominer dans ce caractère. Même l'alcool est une recherche éperdue de fuite, de l'oubli.
Ou la fuite de l'intimité. Cela semble presque contraire à ce qu'on dirait de soi et son désir; pourtant n'est-ce pas profondement vrai qu'aujourd'hui, comme Saul, on n'est pas (ou plus) capable de bien nous affronter nous-mêmes dans une certaine solitude ET l'autre dans une vraie intimité (il ne se sent à l'aise que devant un public...)? Karoo va, dans un certain sens, au bout d'une logique qui anime la plupart des gens dans leurs rapports avec les drogues, l'argent, les autres, la liberté, l'espace privé etc. Comment affronter la réalité : de soi-même, des autres (« La simple pensée à faire face à mes soucis me donnait la nausée. ») ? Pendant une large partie du roman Saul est la narrateur de son histoire. Cela ne change que vers la fin dans une narration apparemment plus distancée par un narrateur omniscient.

Constamment on se meut entre un cheminement d'évitements ET une grande lucidité, car ce Karoo  est derrière ces évitements très lucide, capables de se voir dans ses motivations. Et cela n'est pas un titre de gloire, mais constamment ou souvent une vraie source de frustration : Il ne fait pas ce qu'il veut et il fait ce qu'il ne veut pas. Pourtant en racontant dans l'Imparfait et le passé il a alors une distance vers ce qu'il raconte et nous sous-entendons la possibilité d'un vrai changement pour un avenir, soit pour un « aujourd'hui autre ». A voir.

Ici on s'approche sur une possible signification du choix du prénom : Saul. Ce premier nom de l'apôtre est associé avec Paul (vous vous souvenez du jeu de noms que le Père de Saul fait avec son fils?!), figure (dans l'imaginaire universel) de la conversion. Car finalement notre Saul ici aussi attend une redemption, un changement, une conversion. Bien sûr cela ne correspond pas complètement à la vie de Saint Paul, mais on ne peut pas s'empêcher de faire le rapprochement. Dans la réalité biblique et aussi ici, il s'agit pas juste d'une coupure si nette que les tranches de vie avant et après n'ont pas de lien. Non, il y a une forme de dédoublement, voir de coexistence d'une conscience de ce qui est juste au milieu de ce vie presque... ratée. Figure/symbole de conversion – chez le Père et Saul on trouve la mention des deux noms pour lui ! J'approche cette remarque d'une citation : « ...malade comme je l'étais, j'avais toujours un fragment intact de bonté au fond de moi ».

Certaines pierres d'achoppements, des rencontres faites dans la vie, des questions incontournables sont comme des invitations d'une mise en question de soi-même, des possibilités de saisir une occasion de changer. On peut les fuir.

En ce qui concerne son travail de découpeur de films des autres, voir des chef-d'oeuvres, on peut relèver tant de choses... Certes, il s'agit de détruire l'oeuvre d'un autre. Au-délà encore, un moment donné, la vie de Saul « consiste de ces bouts de graisse, d'inutilités coupées dans le film ». Combien des choses non-essentielles occupent la place ? Qu'est-ce qu'on enlève de notre vie pour trouver la cohérence d'une banalité attirante (mots très directs qui viendront plus tard)...  

Encore une fois : Karoo est lucide et proche de présentir que ce que d'autres appèllent la liberté est associé pour lui à « la fuite ». « Parler de changement était admirable. Esayer de changer était héroïque. » Le flot des paroles, ici et là : et on parle, on parle, pour immerger l'autre, pour « le  baiser » (rôle de Cromwell, presque diabolique, dans les yeux de Karoo, derrière certains accès d'apparente bien-veillance). Et où est la différence avec certains moments de la vie de Saul ?

Même si la première moitié pourrait être pris comme une introduction dans le caractère de Saul, je trouvais cela passionant. Dès un certain moment (Pittsburg ? Espagne?) la catastrophe entre les trois semble annoncée. Pas de surprises pour moi. Peut-être là l'histoire s'étire pour mon goût un peu trop.
Et inclus en cela : la catastrophe existentielle intérieure à venir. Et puis ? Saisira-t-il la chance ou pas ? Hésitations... Quel besoin de pardon... ! D'un coup, avec sa mère il arrive à se lâcher. Puis, physiquemment, chez Cromwell, puis la décision intérieure... : se débarasser de toutes excuses.

La fin me semble magnifique : le questionnement jamais abouti d'une histoire d'un Ulysse moderne dans lequel se retrouve Saul. Et il devient évident quelle est l'enjeu. Quelles sont les questions essentielles qu'il a fui toujours. Magnifique !

On a appelé les derniers pages – si je comprends bien – comme une chute vertigineuse ! Eh bien, qui a écrit ce commentaire ? Il me semble que l'ensemble se tient et est mu d'un grand réalisme. Bien sûr, je n'ai pas « prévu » les détails des derniers chapitres, néanmoins il y a là un « réalisme existentiel » qui tient la route. A voir de plus près, tout le roman, tout le cheminement de Karoo visait un issu. Et qui sera surpris que la question essentielle est métaphysique, existentielle, « réligieuse » ? Cela était sous-jacent sous toute l'histoire.

Un livre qui invite presque à une lecture commune !

On sent un auteur, proche de sa propre mort, interrogé par la sincerité des vraies questions. Splendide !

mots-clés : #addiction #contemporain #identite #spiritualité
par tom léo
le Sam 18 Aoû - 8:01
 
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Sujet: Steve Tesich
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Søren Kierkegaard

La reprise

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 La_rep10

« Essai de psychologie », certes, mais avec tant d’esprit et d’ironie qu’elle confine au facétieux (sans oublier la certaine misogynie d’époque).
« Il est assez rare de trouver en pareil état une jeune fille abandonnée. Quand je la vis, quelques jours après, elle était encore vive comme un poisson tout frais péché ; d’ordinaire, une jeune fille est alors plutôt hâve, affamée comme un poisson qui a séjourné dans un vivier. »

« Quand le malheur atteint une jeune fille, aussitôt surviennent tous ces monstres affamés qui veulent assouvir leur faim et leur soif de psychologie ou écrire des nouvelles. J’oserai donc me précipiter pour éloigner du moins ces œufs de mouches de ce fruit qui m’était plus doux que tout, plus délicat, plus tendre à regarder qu’une pêche, à l’instant le plus favorable, quand elle se pare avec la plus grande magnificence de soie et de velours. »

Vu, écouté, lu et conseillé par le narrateur-observateur, le personnage de composition (et d’origine autobiographique) du jeune amoureux que cela rendit poète et inéluctablement malheureux fuit l’aimée. Il y a une vision idéalisée de la femme-leurre à garder à l’esprit lorsqu’on lit des auteurs du XIXe, aussi la notion d’honneur, la mélancolie de rigueur, les adjurations peu ou prou religieuses, etc., et toutes ces exaltations forment le moteur d’un mode de comportement pour le moins daté (nous parlerions peut-être de sens de la responsabilité, culpabilité, dépression). Après l’examen approfondi de ces transes et tourments (malentendu, culpabilité, etc.), non sans une longue digression sur la farce théâtrale, et encore des affres et lamentations entre romantisme allemand et Baudelaire,
« Les nuages vont et viennent,
Ils sont si las, ils sont si lourds ;
Voilà qu’ils s’abîment à grand bruit,
Et le sein de la terre devient leur tombe. »

(le personnage de) Kierkegaard en vient à s’identifier à l’épreuve transcendante de Job, évite une solution religieuse et enfin, dans un glissement de sens des mots qui ramène à la reprise, au retour, à la duplication du même, parvient à une sorte de renaissance à se consacrer à la pensée
« dans le for intérieur, là enfin où, à chaque instant l’on met sa vie en jeu, pour, à chaque instant, la perdre et la gagner de nouveau. »

Ouvrage assez décousu (dans le fond comme la forme), où la part existentielle est assez réduite :
« Comment ai-je été intéressé à cette vaste entreprise qu’on appelle réalité ? Pourquoi dois-je être intéressé ? N’est-ce pas affaire de liberté ? Et si je suis forcé de l’être, où est le directeur ? J’ai une remarque à lui faire. N’y a-t-il aucun directeur ? Où dois-je adresser ma plainte ? L’existence est assurément un débat ; puis-je demander que mes observations soient prises en considération ? Si on doit prendre l’existence comme elle est, ne serait-il pas bien mieux de savoir comment elle est ? »

La part "philosophique" et/ ou "spirituelle" est encore plus congrue, et c’est dans les exégèses qu’on cherchera l’approche du concept de répétition/ reprise dans toutes ses acceptions, comme le renouveau.
« …] la reprise est le terme décisif pour exprimer ce qu’était la « réminiscence » (ou ressouvenir) chez les Grecs. Ceux-ci enseignaient que toute connaissance est un ressouvenir. De même, la nouvelle philosophie enseignera que la vie tout entière est une reprise. »

Ici, on en parle beaucoup plus clairement.
Sinon, il m’a semblé que cette étude de la fuite d’un homme devant sa fiancée éclaire le cas Kafka.


Mots-clés : #amour #philosophique #psychologique #spiritualité
par Tristram
le Sam 11 Aoû - 20:31
 
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Sujet: Søren Kierkegaard
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Walker Percy

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Le dernier gentleman


Originale: The last gentleman (anglais, USA, 1966)

Contenu:
William Barrett, d’origine des Etats du Sud, vit apparemment sans but précis et sans soucis à New York, si ce n’est que l’éternelle recherche de soi-même. Un jour il observe au Central Park des faucons pèlerins par un télescope et il est témoin comment une femme cache un message dans un banc du parc. Son intérêt est réveillé et voilà que peu de temps après la „boîte à lettres“ est vidé par une autre jeune femme. William en tombe follement amoureux dès le premier regard! Plus tard il retournera avec la famille de la jeune femme et comme accompagnateur de son frère malade, dans son pays natal. Mais „la recherche de la vérité“ n’est pas terminé pour autant: Dans les possibilités partiellement attrayantes et superficielles, il doit dans toute sa simplicité garder le cap, pour ne pas se perdre soi-même. (Description du produit chez Amazon,de; traduction de mes soins).

Remarques:
Quel plaisir de découvrir ici un va-et-viens entre des réflexions sérieuses et puis partiellement une langue, des descriptions d’une drôlerie splendide, entre d’un coté des caractères typiquement „modernes“ et de l’autre coté un peu farfelues, originaux.
Le „téchnicien“ – comme il s’appelle – Will Barrett a suivi une psychanalyse et vit dans un léger décalage avec l’Ici et le Maintenant. Merveilleusement libre d’un coté, il est aussi comme un jouet dans la main des hommes qui l’envoient tantôt ici, tantôt là-bas. Pour moi ce n’était pas pur hasard si le titre allemand (je ne sais pas pourquoi on n’est pas resté plus près de la langue d’origine?) parle de „l’idiot du Sud“ au lieu du „gentleman“ de la version anglaise (et française). Ce qui semble à nos yeux quelques fois impossible, Percy le réussit: Ce Will réunit en sa personne la parfaite innocence et aussi l’imbrication dans la dette, la culpabilité. Il est exemplaire tout en semblant être un „idiot“, comme on le dit une fois explicitement dans le texte. Et on ne peut pas s’empêcher de se demander, si Percy comme un amateur et connaisseur de Dostoïevski ne voulait pas écrire comme une version moderne et sudiste de „L’idiot“. Le voyage vers le Sud, accompagnant un garçon malade, devient comme un „road movie“ à la recherche de sa propre vérité. Admirablement Percy ouvre à la fin de son roman à l’homme moderne une porte vers le „salut“, et c’est à dire: comment vivre d’une minute à une autre“. Et on parvient à un duel d’ordre mythique à un lieu symbolique „O.K.Corral“: Comment vivre dans un monde „sans Dieu“ (avec Dieu)? Les propos du livre me semblent une fascinante réconciliation d’auteurs comme Albert Camus, Dostoïevski ou alors le théologien et résistant allemand Dietrich Bonhoeffer!

Très impressionnant, mais probablement pas pour tous les gouts?

Mots-clés : #spiritualité
par tom léo
le Mar 20 Fév - 7:34
 
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Sujet: Walker Percy
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Robert Maynard Pirsig

Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes

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Road trip de biker du Middle West au Montana en traversant les Grandes Plaines : le narrateur et son jeune fils sur une motocyclette, et un couple sur une autre. Le narrateur philosophe en roulant, se faisant son mental équivalent des Chautauquas, « spectacles ambulants », « causeries populaires à l’ancienne mode, conçues pour édifier et divertir, pour élever l’esprit par la culture » (soit une sorte d’équivalent d’origine amérindienne des contes à la veillée ‒ et le fil de ce récit).

« Et nous voilà repartis sur la route déserte. Je ne demande rien à ces prairies, je ne veux pas non plus les changer, je ne veux pas m’y arrêter, je ne tiens même pas à les traverser. Elles sont là simplement, et nous roulons. »

« "Tu essaies de voir où tu vas, où tu en es, et cela n’a pas de sens. Mais quand tu regardes d’où tu viens, une sorte de schéma général de ta vie semble se dessiner. Si tu extrapoles à partir de ce schéma, quelquefois, tu arrives à quelque chose. »

« On se préoccupait surtout de se nourrir, de s’habiller, de se loger ‒ et la technologie veillait à tout. Maintenant que ces besoins sont à peu près satisfaits, la laideur du monde devient de plus en plus criante. »

« La lame de l’instant délimite, ici et maintenant, la totalité de ce qui est. »


Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Pirsig11

Il se base sur l’entretien de sa motocyclette pour imager (avec une application et une rigueur qui ne sont pas anecdotiques) ses considérations sur les intelligences « classique » et « romantique », ou science (et son corollaire la technologie) versus « humanisme » (bizarrement les termes "sentiment", "ressenti" ou "émotion" n’apparaissent pas). Et il est poursuivi par Phèdre (celui de Platon, pas celle de Racine), fantôme de la structure interne rationnelle, Roi des Aulnes goethien, qui semble être le narrateur lui-même ‒ avant la folie.
On passe par une utopie pédagogique (on est en haute époque babacool), il achoppe sur la définition de la notion de Qualité, continue sa rhétorique en gravissant une montagne avec son fils et situe cette Qualité-Tao-Bouddha (ou valeur, vertu, Bien, dharma, excellence) à l’articulation du subjectif et de l’objectif, de la pensée et de la matière… pour sortir de la dualité (science-art ‒ et religion ?) :

« La morosité. Voilà le fond du problème. Quand on retire du monde la Qualité, on trouve un monde morose. L’absence de Qualité, c’est la morosité. »

« Tout objet conçu intellectuellement est toujours situé dans le passé ‒ et, par conséquent, irréel. La réalité n’est que l’instant de la vision qui précède la conscience. Il n’y a pas d’autre réalité. Cette réalité préintellectuelle n’est autre que la Qualité. Phèdre sentait qu’il avait touché juste en la définissant ainsi. Puisque tous les objets identifiables par l’intelligence émergent nécessairement de cette réalité préintellectuelle, la Qualité est la source et l’origine de tout sujet et de tout objet. »

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C’est aussi un manifeste anticonformiste :

« Démolir une usine, se révolter contre un gouvernement, refuser de réparer une moto, c’est s’attaquer aux effets et non aux causes. Et tant qu’on ne s’attaquera qu’aux effets, rien ne changera vraiment. Le vrai système, c’est notre système de pensée, c’est la rationalité elle-même. Qu’on détruise une usine en laissant debout le système de pensée qui l’a produite, celui-ci reconstruira une nouvelle usine. Qu’une révolution détruise un gouvernement en laissant intacts les modes de pensée qui lui ont donné naissance, on les retrouvera dans le gouvernement suivant. On parle beaucoup de système, mais on ne sait pas de quoi on parle. »


Habile et agréable alternance de la réflexion et du voyage, les démonstrations abstraites lassent cependant. On passe par Hume et Kant, Einstein, Locke, Hegel, Lao-Tseu, Poincaré, Riemann, puis Aristote, Platon et les présocratiques dont les sophistes (une fois arrivés en Californie). Il serait intéressant d’avoir l’avis de quelqu’un avec un bagage philosophico-logique pour apprécier la valeur de ce développement ; c’est une condition utile pour lire ce livre, si le lecteur ne veut pas se débattre dans une sorte de panachage de raccourcis spécieux et d’assertions sans lien entr’elles. Le procédé est hasardeux dans la mesure où les prémisses, postulats, définitions et conditions de base de ses exposés ne sont pas explicités (par exemple, le vocable de "qualité" a plusieurs acceptions) ‒ bref, manquent les conventions de départ (sur lesquelles l’auteur s’étendra arrivé à la moitié du livre…) ; ce n’est pas présenté comme un essai ou un texte scientifique, mais on se retrouve dans un flou pas loin de l’amphigouri. Les raisonnements sont douteux quand on n’a pas les références. Curieusement, ce défaut est reproché à l’Université (l’auteur règle manifestement ses comptes avec l’enseignement) :

« Mais ce qu’il y avait de plus étonnant, c’était une prolifération exubérante de concepts abstraits, qui semblaient chargés d’une signification très particulière, mais jamais explicités. Ces concepts s’accumulaient dans un tel enchevêtrement que Phèdre comprit vite qu’il ne saisirait jamais le fond de la pensée ‒ et qu’à plus forte raison il était incapable d’en discuter les thèmes essentiels. » (IV, XXVIII)


En prime, des incohérences et contradictions légères mais agaçantes augmentent la confusion (impression donnée de n’avoir pas relu son texte !) ; en plus il y a l’écran de la traduction (ici par Maurice Pons, Andrée et Sophie Mayoux).
Il y a d’autres limites à l’exercice, comme la foi totale dans le progrès, qui serait plus nuançable aujourd’hui (livre publié en 1974) : affirmer qu’ « Une technologie qui produit des détritus peut trouver aussi ‒ et trouve en effet ‒ les méthodes nécessaires pour s’en débarrasser, sans bouleversement écologique » (I, XI) est en effet assez "daté".
Le tout est teinté de zénitude hippy-orientale :

« Tout n’est qu’invention de l’homme ‒ y compris l’idée que les lois existent en dehors de l’homme. En fait, le monde n’a aucune existence réelle en dehors de l’imagination humaine. »


On y trouvera aussi l’esquisse d’une méthodologie du dépannage que je n’ai jamais trouvée ailleurs, qui à ma connaissance n’est pas enseignée (et qui se rapproche de la démarche expérimentale de Poincaré telle qu’elle nous est présentée). Ce type de théorie serait adaptable à de nombreux domaines, pas forcément techniques, comme l’aide à la décision, au choix (je regrette de ne pas m’y être penché lorsque mon expérience était fraîche) :

« Le véritable but de la méthode scientifique est de s’assurer qu’on ne s’imagine pas savoir ce qu’en fait on ignore. Il n’y a pas un mécanicien, un technicien ou un savant qui n’ait été victime de cette illusion, et qui ne se tienne maintenant sur ses gardes. »


On aboutit à l’éloge de la sérénité et du zèle (variante de l’enthousiasme), à un panégyrique de la belle ouvrage (artisanale, individuelle).
En plus de sa "schizophrénie", l’auteur/ narrateur a un problème relationnel avec son fils ‒ et tout paraît s’arranger à la fin.
Cette lecture m’a ramentu celle, bien lointaine, d’Alan Wilson Watts (sans surprise).
Last but not the least, Pirsig se demande si la gravitation universelle existait avant Newton : voilà peut-être un jalon archéologique du fameux défi existentialo-métaphysique : les arbres font-ils du bruit en tombant quand personne n’est là pour les entendre ?


mots-clés : #spiritualité
par Tristram
le Lun 29 Jan - 1:13
 
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Sujet: Robert Maynard Pirsig
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Henri Vincenot

Le pape des escargots

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 51ipsh10

.
Sans la chaine de lecture de cette fin d'année , il est fort probable qu'il aurait accumulé des années de poussière à venir encore car il ne m'a jamais tenté .
Et au final , grâce à cet engagement j'en ressors plutôt contente .
Même si point trop n'en faut , au risque d'indigestion .
A travers un personnage haut en couleurs comme on le devine aisément avec le titre , Vincenot , avec son talent de conteur inimitable , nous balade dans les Hauts lieux de Bourgogne , dans la verte campagne , dans les cathédrales et les églises romanes , dans le parler du cru qui râpe aux encoignures , qui chante dans l'outrance d'une voix d'ivrogne-prophète-Gazette druidique syncrétique , poête troubadour , prophète en son pays , fou du roi mais pas de la reine ( misogynie atavique oblige ), hors du temps et de la raison des temps modernes , visionnaire , "entourloupeur" parce c'est plus marrant , érudit d'un mélange bizarrement digéré d'une science venue du fond des âges , de celle qui ne s'acquiert pas dans les livres mais se transmet dans un cercle fermé , mythomane une chouille ou plus  , manchot quand ça lui chante (souvent , ça protège de la pioche ) , lyrique plus qu'il n'en faut , sorcier -joueur- hâbleur -mendiant -troubadour .
Alors non ce n'est pas juste une histoire de terroir .
Non plus un conte initiatique .Ni une fable pour faire rêver rêver au coin du feu .
C'est une potée Bourguignonne , qui tient au corps , en apparence foutraque , mais puissamment enracinée dans divers savoirs , loin de notre inculture numérique , surgie de ces sources cachées que seuls les initiés peuvent interpréter .
Amateurs d'architecture et de sculpture , précipitez-vous , c'est le fil directeur de cette fable trublionne .
Et puis quand même les miracles Lève toi et marche sont au rendez-vous , qu'on en appelle à Dieu ou à Diable ou à La Vouivre , il serait dommage de passer son chemin !
J'essaierai de vous recopier des extraits , c'est décoiffant .

mots-clés : #historique #initiatique #nature #spiritualité
par églantine
le Mer 6 Déc - 13:02
 
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Sujet: Henri Vincenot
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François Sureau

Inigo
Portrait, 150 pages environ.  
Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Inigo11

Ouvrage de portraitiste, l'auteur y tient, agrémenté de quinze pages d'apostilles finales. Inigo est bien sûr le prénom -en basque- de Saint Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus (les Jésuites).

Les derniers mots du livre sont, à cet égard, assez parlants:
Sans doute ai-je espéré, en m'approchant de ce domaine mystérieux, attirer sur mes proches et sur moi, au-delà du temps, l'amitié de mon objet d'étude, et en recueillir des bienfaits insoupçonnés



Cette écriture est à la fois concise et experte, l'art de faire lever une matière riche sur une pâte légère. Vocabulaire parfois emprunt de sophistication, par nécessité de la peinture du temps et de cet homme-là, mais jamais poseur, affecté: le plus souvent d'une grande limpidité.
En outre les recherches bibliographiques vont autrement plus loin que quelques clics sur la Toile additionnés d'un farfouillage du premier rayon de bibliothèque jésuite venu.

Le sujet est la conversion, qui n'est pas une bisounourserie mais un combat, le plus gros qu'ait jamais dû livrer ce hobereau soudard qu'était Ignace de Loyola avant.
Sureau cite Rimbaud: "le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes".

Loin d'une douce confiture en dévotion. Ou d'une ascension lente mais régulière vers quelque sommet d'azur et d'éther.
Peut-être l'auteur livre aussi, en lui-même, une lutte identique ou identifiable du moins, avec des similarités, je n'ai pas les moyens de le lui demander, mais voir la première citation, ci-dessus.

Au reste, que le commentaire s'efface au profit de larges extraits, plus adéquats qu'un long verbiage pour peindre ce... portrait, permettez que j'y ajoute toutes mes recommandations: foncez, livre à lire, vraiment:
entame du chapitre II a écrit:La veille de la bataille, Inigo voulut se confesser. Mais il n'y avait pas de prêtre parmi les soldats. Il aborda au hasard un de ses compagnons d'armes, qui se réchauffait près d'un brasier de poutres et de chaises, débris d'une maison pillée, et lui demanda de lui rendre ce service. L'homme était un Navarrais au visage fermé, aux gestes lourds, qui accepta d'un hochement de tête, puis se signa.



chapitre II a écrit:Il parla longuement des années d'Arevalo, pendant lesquelles il avait oublié Dieu. Arevalo -la ville et ses prestiges- l'avait conquis. Il n'avait connu jusqu'alors que la campagne autour de Loyola, les jeux dans les pommeraies avec les petits paysans de son âge, l'eau fraîche et odorante des outres en peau, quand battent les tempes où coule la sueur après les longues courses dans la montagne. Ses camarades portaient les mêmes chaussons de corde que lui, mais n'oubliaient jamais qu'il était le dernier fils de Loyola, dont le grand château de pierre grise dominait le village. On voyait, gravé dans la pierre, le blason d'une famille âpre et généreuse et qui se croyait d'une espèce à part: deux loups affrontés à un chaudron de même couleur. Rien ne décourageait ces deux bêtes efflanquées et féroces: ni que le chaudron soit brûlant, ni qu'il soit trop haut pour qu'elles puissent l'atteindre, le renverser. Elles étaient l'image même d'une violence désintéressée.


chapitre II a écrit:Il se leva brusquement. Le reître avait compris que la confession s'achevait. Il prit un peu de la poussière grise du sol, terre et cendres mêlées, et la répandit derrière Inigo. C'était le geste que faisaient les lansquenets allemands avant la bataille et par lequel ils s'interdisaient de reculer. Inigo sourit à cette étrange absolution, lui frappa l'épaule et regagna la capitainerie. Le Navarrais regarda s'éloigner cet homme dur, dont on disait qu'il avait empêché la reddition de la ville. Il n'avait presque rien compris à ses paroles, mais l'avait trouvé plus tourmenté qu'un soldat ne doit l'être. Il haussa les épaules et étendit les mains vers le feu.
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chapitre III a écrit:Il se devait de guérir, de reprendre les armes et sa vie d'avant Pampelune. Aucun autre choix ne lui était laissé. Et si cette chimère qui l'oppressait ne quittait pas ses épaules, il apprendrait à s'en accommoder. Mais lorsqu'il eut pris la résolution de guérir au plus vite, il s'aperçut aussitôt que c'était impossible. Les os de sa jambe droite étaient ressoudés de travers, et se chevauchaient. Il ne pourrait plus galoper ou combattre. Il resterait infirme. (...) Les deux hommes avaient examiné la veille Inigo, l'avaient trouvé très faible, et, craignant qu'il ne mourût, avaient même défendu qu'on le fît lever. Et voici qu'à présent il demandait qu'on l'opérât. Ils se récrièrent. Il faudrait lui briser la jambe à nouveau, puis attendre qu'elle se consolidât. Le choc serait violent, la souffrance terrible. La seule douleur pourrait l'emporter, sans parler même des hémorragies, de la gangrène. Quelque chose dans la détermination du blessé les effrayait. Ils y voyaient de l'orgueil - qui pouvait se croire capable de supporter une telle épreuve ? - une vanité presque folle, une forme de blasphème.

chapitre IV a écrit:Les séductions du monde qui, il y avait peu, lui étaient apparues incomparables s'étaient évanouies. Elles qui lui avaient toujours paru peser leur poids de chair, avoir partie liée avec ses goûts les plus vifs, les plus intimes, une brise légère les avaient réduites à néant. Il s'en étonnait. Jamais il n'aurait cru possible de se passer de ce monde envoûtant et tentateur, où la familiarité des grands, la beauté des femmes, le talent et les vertus personnels, le service du roi, la musique et le goût des chevaux, formaient le seul ensemble harmonieux où il lui eût semblé possible d'occuper les premières places, et d'accomplir toute sa destinée. Et s'il n'en restait rien, c'est à cause de ce Christ dont il s'apercevait maintenant qu'après toutes ces messes, toutes ces processions, tous ces offices il ne le connaissait pas (...)

chapitre V a écrit:Il passa ainsi plusieurs semaines. Les prières et la messe n'avaient plus de saveur. Pire, elles le dégoûtaient, d'instinct. Il priait comme on accomplit une chose répugnante, par le seul effet de la volonté. Parfois, cependant, il lui semblait qu'une puissance invisible le portait, et il se sentait à nouveau léger et aimant Dieu d'un amour partagé, dans lequel il suppliait en pleurant qu'on le laissât vivre. L'alternance de ces états l'effrayait. Nul ne pouvait vivre ainsi. Il y perdrait la raison.



chapitre V a écrit:Puis il s'évanouit. Le portier le trouva quelques heures après, gisant dans la poussière. Il parvint à lui faire boire un peu d'eau. Mais dès qu'il eut tout à fait repris conscience, Inigo ne voulut rien manger et partit en boitant vers l'hôpital.
Ce fut ce jour-là qu'il décida de s'en remettre entièrement à Dieu. Ce serait l'épreuve décisive: il jeûnerait, sans boire ni manger, jusqu'à ce que Dieu lui vînt en aide, ou bien qu'il meure.
Il y mit la force qui lui restait, pendant toute une semaine, sans cesser d'aller aux offices ni à l'hôpital, en se réveillant à minuit pour la prière douloureuse et sèche à laquelle il se tenait. Il était maigre, hirsute, mais ses yeux brûlants donnaient malgré tout une étrange impression d'énergie. Il s'évanouit deux fois. La première, les enfants des rues qui étaient ses amis le ranimèrent, et il s'accorda tout un après-midi pour jouer avec eux. La seconde, ce fut à l'hôpital, où un frère prétendit le sermonner sur les mortifications qu'il s'infligeait et fut réduit au silence par le vieux soldat mutilé de Noain.


chapitre V a écrit:Une immense fatigue le prit. Il ne pouvait plus rien vouloir, plus rien décider. Il se laisserait porter quelque temps, puis il abandonnerait cette vie. Il était aussi las qu'un vaincu. Il se retrouvait à Pampelune, le soir de la défaite, sans plus d'espoirs qu'alors, et sans nul endroit où aller. Des larmes amères coulaient dans sa barbe hirsute. Il marcha au hasard dans les rues, et les enfants n'osaient pas l'aborder. Dans une ruelle qui descendait vers le Cardoner, il s'assit sur une borne, et un lourd sanglot lui souleva la poitrine. Comme il frottait machinalement sa jambe endolorie, ses larmes tombaient dans la poussière. Le soir venait. Il n'entendait plus les cloches ni la rumeur de la ville. C'était la fin. Il vivrait désormais comme un mort jusqu'à la mort, sans rien attendre. Il fit appel à ce qui lui restait de courage pour se lever et regagner sa chambre. Ce fut alors que Dieu s'empara de son âme.
Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Saint-10



(Pérégriné d'un message sur Parfum du 16 mai 2013)


mots-clés : #biographie #spiritualité
par Aventin
le Mar 5 Déc - 17:05
 
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Sujet: François Sureau
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Iouri Bouïda

Le Train zéro

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Train_10

L’action se passe après la dernière guerre dans un lieu perdu de Russie, à l’occasion de la construction d’une gare le long d’une ligne de chemin de fer, la station 9, accompagnée de tout l’équipement nécessaire à son fonctionnement : usine pour le travail de l’acier, menuiserie pour les traverses et leur traitement, centre de transmissions, ferme pour l’alimentation. Quelques « colons » viennent peupler cet établissement. Leur mission : tout mettre en œuvre pour que le passage quotidien à minuit du train zéro se fasse sans encombre :
" Cent wagons aux portes bouclées à mort et plombées, deux locomotives à l’avant, deux à l’arrière – tcouk-tchouk…hou-ou ! Cent wagons. Lieu de départ, inconnu. Lieu de destination, secret. On tient sa langue. Votre boulot n’est pas sorcier : les voies doivent être en état. De là à là. Ric-rac. »


Car le train zéro, c’est la Patrie !
Et chaque nuit, le train passe à la même heure, toujours identique, avec une régularité de métronome. Et les années passent…    
Ivan Ardabiev, le héros de l’histoire, droit dans ses bottes, assume son rôle avec beaucoup de sérieux. Il s’autorise bien quelques virées au bar, chez les prostituées, dérivatifs en pensant à la belle Fira, celle qu’il avait vue un jour :

« debout dans une minuscule cuvette de rien du tout, avec une cruche dans une main, tenant de l’autre ses cheveux relevés, et le soleil qui entrait par la fenêtre la traversait de part en part, il avait vu distinctement son cœur qui palpitait comme un oiseau, la masse brumeuse de son foie, la clochette azurée et translucide de sa vessie, ses os bleus qui flottaient dans la compote rosée de sa chair. »

Mais la raison d’être d’Ivan est bien le train :

« Et tant qu’il est ce combattant, tant qu’il est vivant, le train zéro est vivant, la Ligne est vivante, la Russie est vivante, le monde est vivant. »


En effet, Ivan est de plus en plus isolé. Une étrange malédiction semble toucher la petite communauté, les enfants meurent souvent à leur naissance. Beaucoup de colons commencent à s’interroger sur la nature de ce train, ce qu’il transporte. Malheur à ceux qui veulent en savoir plus. Ils disparaissent, meurent ou sombrent dans la folie. Qu’importe les mots, c’est tout comme. Même les rares qui reviennent ne mènent plus qu’une existence machinale, comme Fira qui a perdu au retour sa belle transparence au soleil.
Les années passent, les plafonds se lézardent les herbes envahissent les voies. La plupart des colons ont disparu, morts, partis, c’est tout comme… Mais Ivan est toujours là
Un soir, le train zéro passe à son heure habituelle, mais stupeur, quelques minutes plus tard, un deuxième train s’annonce, puis un troisième…

L’une des forces de ce récit réside dans le passage d’un registre réaliste à une tonalité fantasmagorique en suivant une progression qui tient en haleine le lecteur pour aboutir à un final hallucinant. L’auteur, avec une maîtrise implacable, joue sur différents registres d’arrière-plan qui donnent à son ouvrage une dimension allégorique et métaphorique. Bien sûr, on pense au « Désert des Tartares », à ces références à la shoah, au goulag, au désastre du rêve soviétique, à ces villes et industries en déshérence, à Tchernobyl, à la dictature… On pourrait multiplier les résonnances à l’envi, selon la culture et l’histoire de chacun d’entre nous.  
Plus largement, le train zéro nous parle de l’absurdité de la vie, de sa recherche de sens, de Dieu, pour employer de grands termes. Pour l’illustrer, ce dialogue entre Ivan et Fira, plus clair que tout commentaire :

« -Tout au bout. Il voulait aller jusqu’au bout. Pour regarder, voir, comprendre ce qu’il y a là-bas, à quoi ça sert, tout ça. Jusqu’au terminus. Il espérait que là-bas, il apprendrait ce qu’il y a dans ces maudits wagons. Alors il y est allé.
- Bon sang, quel imbécile ! gémit Ardabiev. Quel triple idiot ! Et s’il n’y a rien là-bas, hein ? Juste une plaine nue ? Un désert ? Je ne sais pas moi. Rien, tout simplement. Et dans les wagons aussi, rien. Alors ?
Fira  secoua la tête
- Ce n’est pas possible, Vania ! Il y a quelque chose, là-bas. Sinon, pourquoi la Ligne, pourquoi le train zéro, pourquoi nous, pourquoi tout ça ?
- Je n’en sais rien. Peut-être que tu as raison. Peut-être qu’il y a quelque chose là-bas. On ne peut jamais jurer de rien. Mais il peut tout aussi bien ne rien n’y avoir du tout, et la Ligne est quand même là, la voilà, elle est, elle existe, et le train passe, et nous vivons, et tout cela a un sens, lequel, on n’en sait rien, c’est tout. Comme dans la vie. C’est possible, non ?
- Vania… dit Fira, désemparée. Mais c’est de Dieu que tu es en train de parler, Vania…
- Quel Dieu ? dit Ivan, étonné.
- Ce que tu viens de dire sur la Ligne, ça fait des millénaires que les hommes disent ça à propos de Dieu… »


« Le Train zéro » d’Iouri Bouïda n’est peut-être pas un chef d’œuvre, mais on n’en est pas loin à mon avis. Sans conteste l’une de mes lectures les plus fortes de cette année.  Very Happy


mots-clés : #regimeautoritaire #solitude #spiritualité
par ArenSor
le Lun 6 Nov - 21:00
 
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Sujet: Iouri Bouïda
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Marilynne Robinson

Lila

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Image120

On est à Gilead, ce village où se situent  les trois livres de la trilogie de Marilynne Robinson dont Lila est le troisième volet, cet oasis de douceur dans un monde hostile.

Gilead était ce genre de ville où les chiens dormaient au milieu de la route pour profiter du soleil, puis de la chaleur qui persistait après la tombée de la nuit, et les rares voiture devaient s'arrêter et klaxonner jusqu'à ce que ces bêtes se lèvent pour les laisser passer. Comme si le fait d'avoir dû quitter leur position confortable les avait estropié, ils boitillaient vers le bas-côté, puis se réinstallaient exactement à la même place. Gilead, c'était à peine une ville. Où que vous vous trouviez, vous entendiez le froissement des feuilles de maïs, tant les champs étaient proches, si grand était le silence. « Tu te plairas ici, murmura-t-elle à l'enfant. Au moins pendant un moment. »


C'est là qu'a atterri Lila, après de multiples pérégrinations. Enfant, elle a été enlevée  par Doll à ses parents mal-traitants. Cet événement   ne lui laisse comme souvenir que l’impression qu'un ange l'a doucement soulevée, et, alors qu'elle était affaiblie par les mauvais traitements, lui a dit "Vis". Et s’est battu pour elle au fil des années, l'a nourrie et aimée. Cette femme bienfaisante, Doll, outre le rapt, traîne  un passé sombre qui l'oblige à fuir sur les routes . Elles vivent, survivent parfois, dans une misère crasse, parfois avec un autre groupe de "vagabonds" dans une solidarité compliquée, parfois seules. Lila, avec Doll, pourtant si fruste, vit l'expérience d'une profonde empathie, d’une attention forcenée et intelligente, pleine de rires et de tendresse. Mais la crise est là, la misère est de pire en pire, Doll est rattrapée par son passé, Doll est perdue, morte sans doute.
Après de nombreuses errances, dont un passage par un bordel,  Lila échoue  pas loin de Gilead dans une cabane abandonnée. Très curieusement cette sauvageonne inculte, sale et affamée exerce une fascination incompréhensible sur le vieux pasteur veuf, comme s'il l'avait connue depuis toujours. Ils finissent, au terme d'un long chassé croisé par s'épouser dans un compagnonnage tout à la fois bancal et prodigieusement solide, plein de douceur, de respect, d'attention à l'autre et de discussions spirituelles.


C'est un livre dont il est difficile de rendre compte car il vaut surtout par une ambiance, celle d'une paisible douceur entre gens particulièrement bons et bienveillants, alors même que la vie autour d'eux est violente et ne les a pas épargnés. Si violente qu’elle sème perpétuellement le doute. Lila vit dans un bain permanent  de réminiscences, qui l'amènent à se remettre en cause, à se questionner sur le sens de la vie, du péché, de la religion. Tous deux partagent leurs émotions, leurs questionnement dans un couple disparate mais d'une force exceptionnelle. Ils partagent aussi, vieil homme et jeune épousée, une sensualité timide et touchante. Lila reste la sauvageonne qu'elle était, mais elle est aussi une autre, qui s'épanouit auprès d'un homme religieux en perpétuelle remise en cause, bon et tolérant. Jusqu'au bout, ils s'interrogent sur ce bonheur aussi complet qu'inattendu, pas si immérité qu'ils voudraient bien le croire.

J'ai beaucoup aimé ce livre lent, méditatif, plein de répétitions obsédantes, où la bonté est le principal protagoniste. On va et vient entre passé et présent selon les pensées de Lila, cette femme sauvée par une autre, dont elle n'admet pas qu'on la considère comme une  pécheresse.

- J'ai pas mal roulé ma bosse avec les païens. Et pour ce que j'en ai vu, ils sont pas pires que n'importe qui d'autre. Ce qu'est sûr, c'est qu'ils méritent pas de brûler en enfer.


Cet univers de douceur alors que rôde la Grand Dépression, cette misère matérielle compensée par l'attention à l'autre, cette douceur mêlée d'âpreté m'ont fait penser à Une mort dans la famille de James Agee. C'est un livre moelleux comme un bon vieux fauteuil râpé.

Mots-clés : #solitude #spiritualité #vieillesse
par topocl
le Jeu 21 Sep - 21:37
 
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Sujet: Marilynne Robinson
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Walker Percy

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 97828610

L’amour parmi les ruines


(anglais/USA: Love in the ruins, 1971)

CONTENU:
La Louisiane dans le Sud des E.-U., 1983. Dr Thomas More, un descendant du saint anglais, médecin névrotique et alcoolique, qui se désigne lui-même comme « mauvais catholique », vit avec trois belles femmes dans la petite ville de Paradise, où il attend la fin du monde. More pense pouvoir arrêté, soigner les souffrances de l’âme de ses contemporains par son invention du « lapsomètre ». A travers lui il peut mesurer le degré d’aliénation dans différentes zones du cerveau et prendre de l’influence en changeant l’apport d’énergie. Mais comment rendre accessible à tous son invention ? C’est en ce moment d’incertitude et de doutes qu’apparaît la figure d’Immelmann, Méphisto moderne, tentateur dans les habits d’un ami et conseiller.
(à partir de la description de l’éditeur allemand, Suhrkamp)

REMARQUES:
Ecrit au début des années 70, Percy situe le roman dans un contexte de tensions et difficultés sociales, raciales, politiques et religieuses dans le Sud profond des E.-U. Son « héro » est de nature loufoque, typique peut-être pour l’œuvre de Percy : derrière les apparences d’un certain échec, d’une pauvreté, d’un état perdu, nous allons trouver un homme en recherche. Dans toutes sa culpabilité et aussi dans l’absence de remord, il se confesse « mauvais chrétien et homme », et pourtant nous reste l’impression d’un homme honnête et saint à sa façon. Dans ce sens là il s’agit bien de nouveau d’un œuvre existentielle qu’on ne va pas lire pour l’abondance d’actions, mais pour certaines réflexions et surtout dialogues profonds et splendides.

Quel beau titre, n'est-ce pas, qui donne une idée des "opposants" que Percy fait se recontrer?!

J’ai lu ce roman en allemand, donc je ne peux rien dire sur la traduction française. La langue est certainement assez drôle, voir innovatrice ou, disons, spéciale. Ici et là, au moins en allemand, j’avais l’impression que la traduction butait sur certains passages…. Ce qui ne change en rien l’impression générale positive !

mots-clés : #sciencefiction #spiritualité
par tom léo
le Mer 13 Sep - 22:04
 
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Sujet: Walker Percy
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Nicolas Leskov

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 51be5b10

L'ange scellé


Originale : Запечатленный ангел (Russe, 1872 ; publié 1873 dans le «Русский вестник»)

CONTENU :
Marc Alexandrov est membre d'un groupe de vieux-croyants et ensemble avec ses parents adoptifs et des membres masculins ils traversent le pays à la recherche de travail (montage, construction en bois...) Du bon travail et une prière commune et régulière marquent la vie de la petite communauté. C'est à cause des agissements de prétention et d'avidité que le groupe va être agressé par un fonctionnaire entreprenant et de quelques compagnons de celui-ci. Toutes leurs icônes, si importantes pour la liturgie et la prière personnelle, vont être confisquées. Cela est vécu comme un sacrilège et provoque un désarroi profond.

Marc et Levontij seront envoyé pour trouver un peintre d'icône qui, dans les règles de l'art, pourra exécuter , faire une copie conforme de l'icône spécialement précieuse : celle d'un ange miraculeux, mais à moitié détruite. Cette copie – ainsi le projet – pourrait être avec audace échangée contre celle confisquée...

Est-ce que le projet va réussir ? Vers où ira la communauté ?

REMARQUES :
Dans le premier de seize chapitres nous est présenté dans un style classique une situation de narration : la semaine après Noël, quelque part dans les vastes étendues près de la Volga. Il règne un froid coupant,une tempête de neige fait rage, et une multitude de gens et voyageurs ont trouvé un refuge provisoire chez un paysan, remplissant sa maison partout. Dans une situation de dialogue entre les présents l'un d'eux est amené de raconter de sa rencontre « avec un ange ». Ce qui sera le cas à partir du deuxième chapitre qui continue maintenant dans une narration dans la première personne et sera seulement brièvement interrompu des fois, puis à la fin définitivement pour revenir au narrateur omniscient.

La nouvelle est encadré dans un contexte historico-religieux qui peut nous paraître loin et étrange. Après des réformes dans l'église orthodoxe dans le XVII siècle il y avait eu une séparation de groupes en désaccord, et puis un schisme (voir plus ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vieux_croyants ). Des tensions, voir des inimitiés marquaient parfois la relation entre ces deux groupes. Les vieux-croyants étaient connu (jusqu'à aujourd'hui partiellement) pour une vie communautaire forte, des fois même éloignée du monde (un peu me rappelant des Amish ou des Quakers « russes »). Un groupe pieux de ces vieux-croyants se trouve ici dans le centre d'intérêt. Leskov – on le sait pas seulement par ce récit – était très impressionné par leur style de vie si conséquent.

Ici, ils vivent comme simples artisans de construction ambulants, cherchant du travail à travers l'Empire et vivant au même moment intensément une vie de prière dans une grande piété. Cela peut nous être un peu lointain, mais sous la plume de Leskov, me semble-t-il, cela gagne en crédibilité. Et on aura peut-être pas besoin de soussigner à toutes les implications rituelles, certains préjugés ou présentations... , cela est soumis aussi à des changement d'époque. Et je me pose parfois avec amusement la question ce qu'on pensera alors de nous en quelques siècles, si on nous jugeait avec ce même mépris que nous utilisons des fois envers des expressions anciennes, approximatives, et dépendantes de leur époque aussi.

Mais là où ce récit si pieux revêt un caractère fortement intéressant et actuel c'est quand notre narrateur Marc met fortement en question la recherche exagéré du miracle, la superbe, l'avidité – et ceci pas juste « chez les autres » mais dans ses propres rangs. Car c'est là les dangers qui nous guettent : chez nous mêmes et notre inconséquence. Ainsi la lecture devient enrichissant et nous interrogeant spirituellement.

Entre les lignes nous apprenons beaucoup sur la piété populaire, les traditions de la culture de l'époque (il y en a encore des échos aujourd'hui, dans la Russie actuelle). Ainsi cela devient intéressant et digne de découverte pour tout un chacun intéressé par la Russie.

Je ne vais pas (voir contenu) parler de la fin de l'histoire, juste : elle ne semble pas avoir plu ultérieurement à Leskov car elle semble avoir unilatéralement jugée comme justes les uns, comme malfaiteurs les autres.

On trouvera à la lecture des petites perles comme : « Je me suis raidi dans mon opposition et parlait le plus grand non-sens... »....

Donc : à découvrir !


mots-clés : #historique #religion #spiritualité #traditions
par tom léo
le Dim 10 Sep - 9:06
 
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Sujet: Nicolas Leskov
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Yukio Mishima

  Neige de printemps

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Md218310


J'ai eu beaucoup de plaisir avec Neige de printemps  : les grands thèmes de l'écrivain sont bien là , sa soif d'absolu , sa fascination pour la mort et la transcendance en toute chose , sa sensualité puissante , douloureuse et mélancolique .
Malgré la traduction d'une traduction que je redoutais énormément , je n'ai pu que me laisser emporter par le souffle de Mishima , d'un esthétisme rare , comme une sorte de lame de couteau d'argent brillant au soleil ,hypnotisante , pureté ascétique et érotisme confondus ....C'est unique .

Riche en portraits psychologiques , peinture sans concession d'une société très hierarchisée codifiée dans son carcan féodal , réflexions philosophiques orientales ( bouddhisme , métempsychose), et occidentales ( rationalisme , philosophie du droit ...)se chevauchant , se complétant , s'annihilant l'une l'autre , magnifique histoire d'amour d'un romantisme porté à son paroxysme ,esthétisme pur et force introspection probablement grands fils directeurs de l'oeuvre de Mishima ,  ce premier opus de la tétralogie La mer de la fertilité ne peut qu'inciter le lecteur à poursuivre sa découverte avec  les "Chevaux échappés ".


mots-clés : #spiritualité #traditions
par églantine
le Ven 8 Sep - 0:00
 
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Sujet: Yukio Mishima
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Walker Percy

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 7f96d810

Le cinéphile

Aïe. Comment parler de ce livre qui frôle le journal intime tout en se révélant élusif ou évasif. Binx, comme les gens l'appellent, ça marche pour lui avec son bon petit boulot, une famille qui a des sous, ses routines et la ville de la Nouvelle Orléans qu'il habite de façon à conserver de la distance, de ne pas se retrouver contraint à vivre au cœur obligatoire des choses. Il est en quelque sorte très décidé et en quête (pour reprendre le vocabulaire même du livre) ou en attente d'un événement ou d'une compréhension particulière.

On comprend vite qu'il a fait la guerre (2ème ou Corée ?) et a été blessé. Et l'évidence est que dans la famille nombreux sont ceux à avoir fait la guerre. Le drame, la blessure à l'origine de sa possible rupture d'avec le monde se trouve aussi comme l'a dit tom leo chez sa cousine qui a perdu son futur mari dans un accident de voiture.

Autre personnage important la tante qui régente la vie de la famille et guide les uns et les autres en entretenant l'élévation d'une vie 'typée Vieux Sud' dans laquelle langueur et tradition ne vont pas sans action.

Une forme de conformité qui n'est pas sans avoir son poids et qui se parallélise avec le cinéma présent par intermittence. Par intermittence seulement pour des ressemblances de personnes croisées avec des acteurs ou pour des situations ou des attitudes. J'ai vu dans cette cinéphilie la réponse partielle à l'attente, un rituel réconfortant délivrant des images qui éclairent sur la façon de de devoir se comporter. Même si ça n'était que pour des détails ce serait déjà important.

Il y aussi des passages plus étranges encore avec la virée en MG avec la secrétaire, le court séjour dans le bayou ou l'aller-retour à Chicago, en variation de la personnalité très sensorielle du livre.

Tout ça pour dire ou arriver aux questions spirituelles effectivement présentes. Je ne m'aventurerai pas aussi loin que la chute et la rédemption mais il y a bien un sentiment de libération dans le geste conscient et volontaire puisse-t-il aller dans le bon sens et surtout s'intéresser à l'essentiel plutôt qu'être intéressé.

Mais vous ne trouverez pas de paroles définitives ou de recettes, pas plus pour ça que pour la science d'ailleurs ou que pour les fractures de puzzles familiaux. Il faut accepter ces zones d'ombres et ses attentes irrésolues (de lecteur) de même que tous les manques de repères cinématographique (je me pose la question de passage qui seraient des échos de scènes de cinéma ?) et culturels de "mentalité" américaine.

Un roman riche et prenant, particulier, qui m'a surpris par la place laissée à l'environnement, à la ville, au ressenti de la vie dans le lieu.

Belle découverte grâce à tom léo (une de plus). Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 1252659054

mots-clés : #lieu #spiritualité #viequotidienne
par animal
le Dim 27 Aoû - 13:51
 
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GAO Xingjian

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 4165f310

La montagne de l'âme :

Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 Auteur10

Le regard (l'auteur est aussi peintre)

(lu après un retour du Sichuan ... Tag spiritualite sur Des Choses à lire - Page 3 3123379589 )
Je n'ai pas été perturbé par la narration particulière. Au contraire j'ai trouvé le style très plaisant. Je me suis laissé porté au gré de ces histoires, sans chercher à tisser un lien entre elles.
J'ai eu l'impression que l'auteur était constamment dans la métaphore, dans l'introspection. Cette quête de la montagne est surtout une quête personnelle, un chemin invisible, un appel dans la nuit.
Ce livre m'a particulièrement parlé, peut-être car les lieux me sont souvent familiers, et me ramènent à certaines émotions, et que les questionnements rejoignent les miens.
C'était le bon moment pour lire ce livre, qui traînait depuis fort longtemps sur mes étagères. Je continuerai avec Le livre d'un homme seul.

Tu marches droit devant toi sur le sentier sinueux. Dans ta vie, tu n'as jamais eu de but précis, les objectifs que tu t'étais fixés se sont modifiés avec le temps, ils n'ont cessé de changer et finalement tu n'en a jamais eu. Si l'on y réfléchit, le but ultime de la vie humaine est sans importance, il est comme un essaim d'abeilles. Le laisser provoque des regrets, mais le prendre entraîne le plus grand désordre chez les insectes, mieux vaut l'abandonner là où il est et l'observer sans y toucher. A cette pensée, tu te sens plus léger, peu importe où tu vas, à la seule condition que le paysage soit beau.


Je suis incapable de faire la cour à une jeune fille aussi candide, en fait je suis sans doute incapable d'aimer vraiment une femme. L'amour, c'est trop lourd, je veux vivre avec légèreté et gaieté, sans avoir à assumer des responsabilités. Le mariage et toutes les tracasseries et rancœurs qui s'ensuivent sont trop épuisants. Je deviens de plus en plus distant, personne ne pourra plus provoquer mon enthousiasme. Je suis déjà vieux, et il ne me reste de goût que pour quelque chose qui ressemble à de la curiosité, sans toutefois chercher à obtenir un résultat qui est parfaitement prévisible et, de toute façon, trop pesant. Je préfère errer de-ci de-là, sans laisser de trace. Dans ce monde immense, il y a tellement de gens, tellement de destinations, je n'ai aucun lieu où m'enraciner, installer un petit nid pour vivre tranquillement, rencontrer toujours les mêmes voisins, leur dire les mêmes choses, bonjour, bonsoir, et replonger dans les minuscules imbroglios de la vie quotidienne. Avant même de commencer, je suis déjà dégoûté. Je le sais, je ne peux plus donner le bonheur.


Toi, tu continues à gravir les montagnes. Et chaque fois que tu t'approches du sommet, exténué, tu penses que c'est la dernière fois. Arrivée au but, quand ton excitation s'est un peu calmée, tu restes insatisfait. Plus ta fatigue s'efface, plus ton insatisfaction grandit, tu contemples la chaîne de montagnes qui ondule à perte de vue et le désir d'escalader te reprend. Celles que tu as déjà gravies ne présentent plus aucun intérêt, mais tu restes persuadé que derrière elles se cachent d'autres curiosités dont tu ignores encore l'existence. Mais quand tu parviens au sommet, tu ne découvres aucune de ces merveilles, tu ne rencontres que le vent solitaire.


mots-clés : {#}autobiographie{/#} {#}contemythe{/#} {#}spiritualité{/#}

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par Invité
le Dim 20 Aoû - 10:29
 
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Sujet: GAO Xingjian
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Ernst Wiechert

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Les enfants Jéromine


Il restera parmi les plus forts moments que j'ai pu vivre dans ma vie de lectrice . Une lecture qui m'a fait un bien fou !
Certains pourront être rebutés  par la musicalité toute chrétienne de cette oeuvre exceptionnelle .
Pour ma part j'y ai trouvé un immense réconfort et plaisir ....C'est mon âme d'enfant qui s'est réveillée à travers ce long chant , hymne à la terre , à l'amour et à la foi . Et qu'un homme puisse être capable d'un tel souffle littéraire porté par tant d'humanité , à travers ces 1124 pages d'un lyrisme puissant et enivrant ...oui ... tout cela dans un seul homme , c'est extraordinaire .Et en ce sens pour moi c'est un chef-d'oeuvre . Même si je n'adhère pas forcément à tout ,je pense que l'essence , le fond de cette réflexion réunit l'humanité toute entière au delà des clivages et des appartenances politiques ou religieuses .
Je cherchais  une petite lumière ces dernièrs temps , je l'ai trouvée dans Les enfants Jéromine . Merci Ernst Wiechert .
Je déplore ne pas l'avoir découvert avant , lorsque mes filles étaient petites ; je leur aurais lu le soir , comme j'ai pu le faire avec certains écrits d'Hermann Hesse ou d'autres encore .

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mots-clés : #religion #spiritualité
par églantine
le Mer 25 Jan - 19:12
 
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Sujet: Ernst Wiechert
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