Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

La date/heure actuelle est Jeu 2 Mai 2024 - 4:43

135 résultats trouvés pour guerre

Alessandro Manzoni

Les Fiancés (I Promessi Sposi)

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 70331010

L’histoire se déroule en Lombardie à la fin des années 1620. Deux jeunes villageois, Renzo et Lucia veulent convoler. Hélas, un seigneur local, Don Rodrigue, à la suite d’un pari avec un parent, a jeté son dévolu sur la belle. Il va tout faire pour empêcher ce mariage, en premier lieu faire pression sur le curé du lieu. Cette situation va entraîner nos deux promis dans une série d’aventures toutes plus périlleuses les unes que les autres entre malfrats repentis, religieuse traîtresse, foule en colère, sans oublier la grande peste de Milan de 1630.  

Quel plaisir de lecture ! Pourtant, j’ai horreur des romans historiques ! Mais justement, le livre de Manzoni est bien plus que cela. Toutefois, sous ce simple aspect, le lecteur ne devrait pas être déçu. En effet, les péripéties s’enchainent les unes aux autres et maintiennent sans difficulté l’attention. Quel spectacle un Visconti, par exemple, aurait pu tirer de ce roman ! Ce qui m’a beaucoup plus intéressé est la psychologie des personnages qui n’a rien de caricaturale. Manzoni nous livre de beaux portraits d’hommes et femmes dont parfois les décisions sont surprenantes, le secours ou la détresse ne viennent pas forcément de ceux que l’on pense. Surtout, l’auteur en fin politique analyse remarquablement les relations sociales de l’époque. Dans un monde où les règlements ne sont pas respectés, ce sont de petits potentats locaux qui font la loi aidés de quelques hommes de main. Par leur parentèle plus élevée en noblesse, par quelques hommes de loi corrompus, ils arrivent toujours, ou presque, à leur fin. Don Rodrigue en est un parfait exemple. Heureusement, parfois un grain de sable déjoue leurs pronostics. Certaines situations sont clairement expliquées par Manzoni ; ainsi les causes de la disette à Milan liée à de mauvaises récoltes, et aggravée par une taxation du blé imposée par quelques « populistes » afin de calmer le peuple mais qui ne mènent qu’à l’émeute. Sur cela vient se greffer la fameuse épidémie de peste qui ravage le Milanais à la suite de la descente des troupes de lansquenets sur Mantoue. Nous retrouvons cette litanie de l’époque « a peste, a fame, a bello, liberere nos domine ». Manzoni montre parfaitement l’enchaînement de ces trois fléaux. « Les Fiancés », c’est aussi comment les appétits de puissance de quelques individus provoquent des ravages parmi le peuple ; heureusement, c’est aussi quelques hommes dévoués qui avec des moyens dérisoires tentent de remédier au pire, tentent de secourir et de soulager dans une ville de Milan ravagée par la peste dont Manzoni donne une description apocalyptique, mais malheureusement véridique. « Les Fiancés » est un très très grand livre.
Rien de mieux pour vous donner envie, je l’espère, que deux passages qui montrent toute la finesse d’analyse de l’auteur et aussi son humour, comme le souligne Quasimodo.
 
« Quant à ce qui forme la masse, et comme le matériel du tumulte, c’est une mixture accidentelle d’hommes qui tiennent plus, ou moins, selon une gradation infinie, de l’un ou de l’autre extrême : un peu échauffés, un peu fripons, un peu enclins à une certaine justice, telle qu’eux-mêmes l’entendent, un peu curieux aussi du spectacle d’une grosse affaire, prompts à la férocité et à la miséricorde, à détester ou à adorer, selon que se présente l’occasion de ressentir avec plénitude l’un ou l’autre sentiment ; avides à tout moment d’en apprendre, ou d’en croire de belles, avec le besoin de vociférer, d’applaudir quelqu’un ou de le conspuer. »


«Ayant tout bien pesé, le comte invita un jour à dîner le père provincial, qui trouva là un cercle de convives assortis entre-eux avec une intention raffinée. Quelques parents, des plus titrés, de ceux dont le seul nom patronymique était un titre , et qui par leur seul maintien, une certaine assurance native, une nonchalance hautaine, une manière de parler de grandes choses en termes familiers, réussissaient, sans même le faire exprès, à imprimer ou à rafraîchir, à tout moment, l’idée de la supériorité et de la puissance ; et quelques clients, liés à la maison par une dépendance héréditaire, et aux personnages par une servitude de toute leur vie ; lesquels, commençant, dès le potage, à dire oui, de la bouche, des yeux, des oreilles, de toute la tête, de tout leur corps, de toute leur âme, vous avaient, au dessert, réduit un homme à ne plus savoir comme on peut faire pour dire non. »
(traduction Yves Branca)




mots-clés : #guerre #historique #social
par ArenSor
le Mar 2 Mai 2017 - 19:06
 
Rechercher dans: Écrivains Italiens et Grecs
Sujet: Alessandro Manzoni
Réponses: 28
Vues: 2038

Atticus Lish

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 97822810

Parmi les loups et les bandits

Ce premier roman d'Atticus Lish se construit autour de la rencontre imprévisible, dans une ville de New York blessée et amère, de deux solitudes : Zou Lei, jeune femme d'origine ouïghoure, se débat pour espérer obtenir des papiers et une légitimité personnelle alors que Skinner, vétéran revenu d'Irak, affronte quotidiennement ses cauchemars, toujours au bord d'un effondrement.

L'écriture est sombre, souvent sèche et brutale tant l'existence ne semble être qu'une question de survie, reflet d'une lutte permanente contre une adversité presque invisible. Le lien fragile entre Zou Lei et Skinner porte cependant en lui un immense motif d'espoir, au-delà d'une souffrance qui hante chaque personnage et précipite le récit vers le drame. Le contraste entre une violence anonyme, enfouie, et un amour sans illusions mais qui représente une forme d'absolu révèle une sensibilité poignante et brièvement idéalisée. Le titre original du roman ("Preparation for the Next Life") semble montrer un passage, esquisser des promesses démesurées pour combler un vide et un accablement.

Parmi les loups et les bandits est parfois inégal tant l'ambition d'Atticus Lish est élevée, mais des temps forts et un épilogue bouleversant restent longtemps en mémoire.


mots-clés : #immigration #guerre
par Avadoro
le Ven 28 Avr 2017 - 21:31
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Atticus Lish
Réponses: 2
Vues: 495

Atiq Rahimi

Terre et cendres

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Tylyc110

Un pont, une rivière asséchée dans un paysage grandiose et désolé, la guérite d'un gardien mal luné, une route qui se perd à l'horizon, un marchand qui pense le monde, un vieillard, un petit enfant, et puis l'attente. Rien ne bouge ou presque.

Nous sommes en Afghanistan, pendant la guerre contre l'Union soviétique. Le vieil homme vient annoncer à son fils qui travaille à la mine, le père du petit, qu'au village tous sont morts sous un bombardement. Il parle, il pense : enfer des souvenirs, des attentes, des remords, des conjectures, des soupçons... Cette parole nue dit toute l'horreur d'une souffrance qui cherche sa raison.


Toujours ce silence et ces paysages qui défilent , aussi beaux qu'ils sont souffrance.
Un texte d'une pureté magnifique qui nous mène vers un trouble indescriptible , un hommage à la vie, initiatique , au temps qui passe sur le non-dit , sur les âmes confuses en plein désarroi quand gronde l'agitation d'un l'Afghanistan secoué et ébranlé.
C'est en accompagnant ce grand-père et ce garçon que naît l'émoi et l'éblouissement au cœur d'un texte remarquable sous fond de malaise vertigineux.
Fascinant.


mots-clés : #guerre #psychologique
par Ouliposuccion
le Sam 4 Fév 2017 - 8:37
 
Rechercher dans: Écrivains du Proche et Moyen Orient
Sujet: Atiq Rahimi
Réponses: 9
Vues: 1510

Harry Parker

Anatomie d'un soldat

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image328

L'histoire, c'est celle véridique de Harry Parker: jeune soldat britannique engagé au Moyen-Orient, meneur d'hommes qui souhaite être le meilleur en tout, qui a sauté sur une mine, et a été amputé des deux jambes.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Avt_ha10

On assiste donc aux interventions et combats de ce jeune homme nommé BA5799, à ses contacts avec la population locale (sévère mais juste avec les rebelles, droit et honnête avec la population qui collabore). S'ils sont parfois pleins de boue et de sueur, ses camarades sont tous parfaitement polis, courageux, respectueux, convaincus de la justesse de leur rôle de «pacificateurs».

L'autre versant du livre s'appuie sur le traitement et la rééducation réussis de celui qui est devenu Tom Barnes. Son implication, sa persévérance, sa capacité à surmonter les épreuves. L'équipe médicale est formidable, ses parents sont merveilleux, sa détermination est sans limite. L'aboutissement de tout cela : il marche, il court, il est un homme HEUREUX et qui ne regrette rien.

Tout cela a un petit côté « Avance, mon petit gars et ne te pose pas de questions, la force c'est ce qu'il y a de mieux» qui m'a un peu gênée. J'aurais été sensible à quelques questionnements, quelques hésitations, quelques moments de fragilité.



Mais finalement, l'intérêt est ailleurs. Car ce sont les objets qui nous font le récit de ses aventures, et c'est sacrément bien foutu : 45 objets pour 45 chapitres, qui prennent la parole l'un après l'autre et nous livrent ce qu'ils voient et entendent.  Vous le savez, s'ils ont des yeux et des oreilles, les objets n'ont pas d 'âme. Alors, évidemment, pas de pathos, mais un décryptage chirurgical, seconde après seconde, du décor, des gestes, des paroles…
Il y a des objets du quotidien (vélo, tapis, chaussures), des objets militaires et aussi des objets médicaux (canule d'intubation, sonde urinaire, prothèse…). Ils montrent le quotidien tel qui est dans la vie et non dans les livres, les gestes répétés dont on ne parle jamais, les mouvements inaperçus , les respirations, les objets déplacés...toutes choses infimes qui deviennent cruciales.

Malgré l'absence d'implication émotionnelle des objets, et la distance (ou peut-être justement grâce à elles), certains chapitres  sont totalement émouvants (le premier rasage du jeune homme rentré en Angleterre par son père). D'autres rébarbatifs quoique instructifs notamment les scènes de guerre, très spécialisées qui sont même parfois difficiles à suivre. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché (la description scrupuleuse d'interventions chirurgicales, du parage des plaies etc...) et on vit un moment de terreur absolue sur une dizaine de pages quand le héros saute sur la mine, la douleur,  l'angoisse, le temps qui passe sans passer, la solitude immense.

Les objets sont multiples dans notre environnement, on ne les voit pas, mais eux nous voient. Chacun raconte son histoire, dans un éclatement temporel. Le suspense s'installe quand  la personne  sort de la pièce, car, l'objet, bien souvent, ne suit pas…  Et c'est  l'occasion de revivre plusieurs fois la même scène sous un angle différent : il est saisissant de ne pas voir le côté anglais et le côté afghan (Afghanistan jamais nommé ?), mais plutôt le point de vue de la brouette qui transporte le cadavre du paysan local face au dollar  d'indemnisation dans la poche de l'officier anglais.


L'élément central est donc  ce point de vue à la fois original et évident, cet ici et maintenant scrupuleux, qui émousse le côté par trop édifiant d'une histoire néanmoins poignante. Cela constituait un pari, largement gagné (d'ailleurs Harry Parker ne semble pas être le genre de gars  à perdre ses paris). Foin de la trame, on garde quand même de cette lecture l'impression d'une expérience assez fascinante.


mots-clés : #guerre #pathologie
par topocl
le Mar 31 Jan 2017 - 10:45
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Harry Parker
Réponses: 6
Vues: 571

Joseph Andras

De nos frères blessés

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 41pseu10

En 1956, à Alger, Fernand Iveton, ouvrier communiste dévoué à l'indépendantisme, pose une bombe dans son usine, à une heure et dans un endroit choisis pour ne faire aucune victime. Il est arrêté avant même qu'elle n'éclate, torturé, condamné à mort dans l’urgence par un tribunal militaire. Le parti communiste détourne courageusement les yeux, son pourvoi en cassation est rejeté, la grâce du Président Coty (dont le Garde des Sceaux était François Mitterrand) est refusée: il est guillotiné.
Parce que l'ambiance est à la haine et qu'il incarne le traître,  parce  qu'il ne faut montrer où est la force et ne pas chagriner l'opinion publique.

Joseph Andras dresse le portrait de cet homme habité par une cause, et décrit, un peu superficiellement du fait de la forme "roman"  l'implacable machine à broyer. En alternance, pour montrer que ce dénommé "tueur" ou "terroriste" fut avant tout un homme, il raconte sa rencontre avec Hélène , sa future femme dans une bluette sans surprises.

C'est solidement écrit (mais cède par moments à la facilité de phrases "bellement obscures") et la dénonciation de l'innomable fait suivre les péripéties avec intérêt.



mots-clés : #biographie #guerre #politique
par topocl
le Sam 28 Jan 2017 - 21:05
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Joseph Andras
Réponses: 1
Vues: 630

David Grossman

Une femme fuyant l'annonce

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 41pbmq10

Ora, une femme séparée depuis peu de son mari Ilan, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle tant redoutée : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté volontaire pour « une opération d'envergure » de vingt-huit jours dans une ville palestinienne. Comme pour conjurer le sort, elle décide de s’absenter durant cette période : tant que les messagers de la mort ne la trouveront pas, son fils sera sauf. La randonnée en Galilée qu’elle avait prévue avec Ofer, elle l’entreprend avec Avram, son amour de jeunesse, pour lui raconter son fils. Elle espère protéger son enfant par la trame des mots qui dessinent sa vie depuis son premier souffle, et lui éviter ainsi le dernier.

À travers le destin bouleversant d’une famille qui tente à tout prix de préserver ses valeurs et ses liens affectifs, l’auteur nous relate l’histoire de son pays de 1967 à nos jours et décrit avec une force incomparable les répercussions de cet état de guerre permanent sur la psyché des Israéliens, leurs angoisses, leurs doutes, mais aussi la vitalité, l’engagement, et l’amour sous toutes ses formes.  


Dès le prologue, on constate une puissance narrative, David Grossman ne fait pas qu’écrire et conter, il transbahute son lecteur sur un terrain miné qui tord les tripes. Il ressort de chaque personnage une extraordinaire humanité, une sensibilité singulière, un esprit divin.   Je n’ai pu me détacher de ce chef d’œuvre à la construction si parfaite qu’elle en est bien rare. Comment aborder le conflit Israélo-Palestinien sans tomber dans une gigantesque lourdeur ? C’est un homme ayant perdu son enfant tombé au Liban qui nous offre ce texte colossal, sans trébucher dans le sentimentaliste, juste un hymne admirable, une éloquence  de toute beauté. Un conflit abordé au travers d’une mère, Ora, fuyant de chez elle afin d’éviter l’éventuelle annonce des messagers de la mort alors que son fils s’est porté volontaire pour se battre, une manière de conjurer le sort  ne pouvant se résoudre à l’attendre. Pas d’annonce, pas de mort. C’est en ayant le ventre lacéré par ses entrailles que débute une élégie maternelle lors de son voyage en Galilée avec l’un de ses  amours de jeunesse, une introspection du destin de trois personnes brutalisées par un combat survivant dans la noirceur des sévices moraux et physiques. Ora  ou l’aura absolue, souveraine dans son royaume d’Israël fait de cendres et de  poussières, d’une force  admirable, les étincelles  d’une souffrance immarcescible. De cette guerre qui consume, incendie les âmes, calcine les espérances jaillit ce roman flamboyant , éblouissant.
Un livre  monumental et d’une profonde maîtrise dont on ne ressort pas indemne face à l’évidence que la guerre coule dans les veines, nourrit dès la plus jeune enfance  ceux d’une « terre promise », mais à qui ?


" En l’écoutant bredouiller des explications, les yeux baissés, Ora découvrit avec horreur que personne ne lui avait demandé de rempiler. Officiellement, il était libéré de ses obligations militaires et redevenu un civil. C’était son initiative, admit Ofer, le front buté, virant à l’écarlate, il n’allait pas manquer l’aubaine ! Pas question ! « Durant trois ans, j’en ai bavé pour me préparer à ce genre d’opération. » Trois années de barrages et de patrouilles, au cours desquelles il s’était fait matraquer à coups de pierres par les gamins des villages palestiniens ou des colonies, sans parler du fait qu’il n’était pas monté dans un tank depuis six mois, et maintenant, avec la déveine qui le caractérisait, il allait louper une expédition pareille avec trois unités blindées ! Il en avait les larmes aux yeux. On aurait dit qu’il lui demandait la permission de rentrer tard d’une soirée avec ses camarades de classe. Comment pourrait-il se prélasser à la maison ou se promener en Galilée pendant que ses camarades iraient au casse-pipe ? Bref, elle comprit qu’il s’était porté volontaire de son propre chef, pour vingt-huit jours."






mots-clés : #conflitisraelopalestinien #guerre #psychologique #voyage
par Ouliposuccion
le Mar 24 Jan 2017 - 17:23
 
Rechercher dans: Écrivains du Proche et Moyen Orient
Sujet: David Grossman
Réponses: 15
Vues: 1675

Zeina Abirached

Mourir, partir, revenir - Le jeu des hirondelles.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Index513


Zeina Abirached a écrit:    En avril dernier, sur le site de l’INA, qui venait de mettre ses archives en ligne, je suis tombée sur un reportage sur Beyrouth en 1984. Les journalistes interviewaient les habitants d’une rue située sur la ligne de démarcation. Bloquée à cause des bombardements dans l’entrée de son appartement – l’entrée était souvent la pièce la plus sûre car la moins exposée –, une femme au regard angoissé dit une phrase qui m’a donné la chair de poule. Cette femme, c’était ma grand-mère. J’étais à Paris et tout d’un coup, sur l’écran de mon ordinateur, ma grand-mère faisait irruption et m’offrait un bout de notre mémoire. Ça m’a bouleversée, je me suis dit que c’était peut-être le moment d’écrire enfin le récit qui me travaillait depuis un moment déjà.
   “Je pense, qu’on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité ici”
   C’est la phrase qu’a dit ma grand-mère en 1984.
   C’est une phrase qui s’interroge sur la notion d’espace et de territorialité.
   C’est une phrase qui résume la raison pour laquelle beaucoup d’habitants sont restés « chez eux » malgré le danger.
   C’est aussi la première phrase mon futur album.




C'est donc la petite fille Zeina Abirached, celle qui vivait à Beyrouth en 1984 avec son frère et sa famille, qui raconte.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Index127

Les francs tireurs, les combats, les bombardements.
 
Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Jeu-hi10   Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Hirond10

En cas d'alerte, tout l'immeuble se retrouvait dans le vestibule de leur appartement, considéré comme le lieu le plus sûr, où trônait, depuis toujours, une tenture  représentant la fuite d'Egypte de Moïse et des Hébreux.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Indx2110

Cette tenture est comme un fil rouge dans le récit, une sécurité qu'on retrouve en arrière plan de case en case, et qui ne manque pas de faire quelques clins d’œil au lecteur.

Tous les habitants de l'immeuble se regroupent peu à peu.

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Inde1010

Chacun a sa personnalité, son histoire, ses angoisses. Chacun apporte quelque chose: du whisky, une recette de cuisine, une histoire pour détendre, une caresse pour apaiser. il y a des silences, des bavardages, des digressions. Il y a l'angoisse commune sous jacente et l'effort de chacun pour donner un sens aux relations et aux instants.

Le graphisme parait au début un peu enfantin, et figé, il est au contraire au fil des pages inventif, malicieux et terriblement attachant.

(commentaire récupéré)



mots-clés : #bd #biographie #guerre
par topocl
le Dim 8 Jan 2017 - 21:09
 
Rechercher dans: Bande dessinée et littérature illustrée
Sujet: Zeina Abirached
Réponses: 4
Vues: 1017

Lao She

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 51afdz10  Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 513oyd10  Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 51bp-k10

Quatre générations sous un même toit

Le vieux monsieur Qi ne craignait rien ni personne. Les guerres ne l'avaient pas effrayé, la paix le réjouissait. Il avait seulement  la hantise de ne pouvoir célébrer son quatre-vingtième anniversaire. (…) Il menait une vie honnête, sans chercher à sortir de  sa condition, n'aspirant qu'à jouir d'une vie paisible débarrassée des soucis matériels ; la guerre même ne le prendrait pas au dépourvu. Il gardait toujours chez lui des réserves de farine, de riz et de légumes salés, de quoi nourrir sa famille durant des mois. Les obus pouvaient percer le ciel, les soldats galoper dans les rues, il fermerait sa porte en la calant avec une grande jarre ébréchée remplie de pierres. Cela suffirait à le préserver de tout désastre.


1942. Les Japonais on envahi Pékin. Durant de longues années, ils vont tenir la population sous leur joug. L'action se déroule quasi exclusivement dans la rue du "Petit bercail", hutong populaire comme il n'en existe quasiment plus aujourd'hui. Dans cette ruelle cohabitent de nombreuses familles issues de milieux sociaux très divers. S'y côtoient des érudits, des artisans et de pauvres gens. Ils s'aiment, se querellent, s'entraident ou se dénoncent les uns les autres. Et surtout, tentent de survivre au jour le jour…

Depuis des décennies, la Chine n'est plus "qu'un simple morceau de lard que tout le monde se partage". Mais l'occupation japonaise se montre particulièrement cruelle : rien n'est épargné aux Pékinois impuissants. Les persécutions, les privations et le climat de peur permanents révèlent les caractères, la résistance active et la collaboration la plus abjecte cohabitant parfois au sein d'une même famille. Mais même les plus viles compromissions ne peuvent garantir fortune et sécurité...

Lao She décrit le peuple de Pékin comme personne, de son style inimitable et savoureux qui, selon moi, atteint ici sa plénitude. Il fait revivre sous nos yeux la Chine des années 40, ses petits métiers, ses spécialités culinaires, ses rites ancestraux, tout un mode de vie en apparence immuable, mais en apparence seulement... Lao She nous narre son déclin avec un mélange de nostalgie et d'appétance pour les idées nouvelles.…
Lao She a l'art de croquer en quelques traits des personnages qu'il approfondit ensuite par petites touches, nous faisant partager leurs émotions et questionnements les plus intimes. S'il ne craint pas d'user parfois de la caricature, c'est pour mieux retomber dans une sensible évocation des tourments humains.
L'auteur affectionne les métaphores originales, souvent animalières ou végétales. Elles surgissent au détour d'une phrase, alors qu'on ne les attendait pas ; elles peuvent surprendre, mais leur pertinence nous arrache immanquablement un sourire… Car l'humour est l'une des caractéristiques de l'écriture de Lao She. Grinçant, bon enfant, outrancier ou plus subtil… il en maîtrise toute la palette.

Le récit alterne moments de tendresse familiale, disputes animées entre voisins, pensées et projets des uns et des autres, mais aussi descriptions terribles des multiples exactions commises par les occupants. De plus en plus sombre au fur et à mesure que l'étau japonais se resserre, le roman ne tombe pourtant pas dans la désespérance. Lao She est avant tout un auteur de la vie, la vie qui continue coûte que coûte. Et c'est superbe.

Il m'est impossible de décrire ce que j'ai ressenti durant cette lecture, tant elle m'a marquée. 1900 pages qui se lisent d'une traite et auxquelles on repense longtemps après avoir, à regret, refermé le dernier tome. Assurément l'un des plus gros coups de coeur de ma vie de lectrice !

N'étant jamais allée en classe, elle n'avait pas de vrai prénom ; en effet, on ne donnait alors un prénom aux enfants qu'à leur entrée à l'école. Ce fut donc son mari qui, après leur mariage, lui donna le prénom de Yun Mei, un peu comme on décerne le titre universitaire de "docteur". ("yun" signifie charme, "mei" "prunier")
Ces deux caractères, Yun Mei, ne furent jamais bien accueillis dans la famille Qi. Les beaux-parents n'avaient pas l'habitude d'appeler leur bru par son prénom, pas plus que le grand-père ; d'ailleurs ils n'en voyaient pas la nécessité. Les autres la considéraient un peu comme la bonne à tout faire et ne voyaient rien en elle qui puisse évoquer le "charme" ou les "fleurs de prunier". Comme les deux caractères Yun Mei se prononcent exactement de la même façon que deux autres caractères qui signifient "transporter le charbon", le vieux Qi croyait qu'ils étaient synonymes.
"Eh bien, elle est déjà bien occupée du matin au soir, et en plus on a la cruauté de lui faire transporter le charbon?"
Du coup, son mari n'osa plus l'appeler par son prénom.


(Ancien commentaire très remanié)


mots-clés : #corruption #famille #guerre #traditions #romanchoral
par Armor
le Mer 4 Jan 2017 - 11:30
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Lao She
Réponses: 16
Vues: 1919

Tim O'Brien

A propos de courage

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image228

Alors qu’il n’avait pas encore 20 ans , Tim O’Brien après avoir bien réfléchi, décida de partir au Vietnam avec les autres. Il se dit qu'il ne pourrait plus regarder en face ses parents, ses amis, les gens de son village s'il ne le faisait pas. Il n'est pas sûr que cette décision lui ait réellement éét dictée par le courage…

À 43 ans, devenu écrivain et père de famille, Tim O'Brien nous livre sa guerre à travers de petits récits précis et oniriques. Ou plutôt l'histoire de sa guerre, car il a bien notion des distorsions que le temps, la volonté, la mémoire apportent à son récit. Il nous parle de l'ambiguïté de la guerre, cet enfer, cette terreur, et pourtant, l'étincelle du défi de l'aventure ; cette période insoutenable de sa vie qu'il a tant de mal à quitter. Il nous parle des amis qui ont partagé son quotidien, de l'insoutenable humour macabre qui seul leur permettait de tenir, de joies douces et éblouissantes au milieu de l'horreur boueuse, et surtout, surtout, de l'émerveillement d'être encore en vie après le combat.

   Une blessure devrait être une expérience dont on puisse retirer quelque fierté. Je ne veux pas parler de machisme. Tout ce que je veux dire c’est qu'on devrait être capable d'en parler : l'impact brutal de la balle, comme un coup de poing, la manière dont elle vous fait perdre le souffle et tousser, comment le bruit du coup de feu vous parvient environ 10 ans plus tard, et la sensation de vertige, l'odeur de soi-même, les choses que l'on pense et que l'on dit et que l'on fait immédiatement après, la manière dont le regard se focalise sur galet blanc ou sur un brin d'herbe et comment on se met à penser : Mon Dieu, c'est la dernière chose que je verrai jamais, ce galet, ce brin d’herbe, et ça vous donne envie de pleurer.


   Quelque chose était allé de travers. Quand j'étais arrivée dans cette guerre, j'étais une personne calme et réfléchie, diplômée d'une université, appartenant à la fraternité Phi BetaKappa et titulaire du tableau d'honneur, j'avais toutes mes lettres de créance mais, après sept mois dans la jungle, je réalisais que tous ces grands honneurs de la civilisation avaient été plus ou moins écrasés sous le poids de la banale réalité du quotidien. J'étais devenue méchant à l'intérieur de moi-même. Si ce n'est parfois un peu cruel. En dépit de toute mon éducation, de toutes mes excellentes valeurs libérales, je ressentais maintenant une immense froideur, quelque chose d'obscur et au-delà de la raison. C'était difficile à admettre, même pour moi, mais j'étais capable de faire du mal.


   C'était une plaisanterie éculée. D'ailleurs, tout était éculé. Le film, la chaleur, l'alcool, la guerre


   Ensemble nous comprenions ce qu'était la terreur : vous n’êtes plus humain. Vous êtes une ombre. Vous glissez hors de votre propre peau, comme lors d'une mue, abandonnant derrière vous votre propre passé et votre propre futur, laissant tout ce que vous avez jamais été ou souhaité ou cru. Vous savez que vous allez mourir. Et ce n'est pas un film et vous n’êtes pas un héros et tout ce que vous pouvez faire, c'est gémir et attendre


   Nous sommes maintenant en 1990. J'ai quarante trois ans, ce qui aurait semblé impossible à un élève du huitième, mais cependant lorsque je regarde des photos de moi tel que j'étais en 1956, je réalise que dans les grandes lignes je n'ai pas changé du tout. On m’appelait alors Timmy ; maintenant on m’appelle Tim. Mais l’essence reste la même. (…). À l'intérieur du corps ou à l'extérieur du corps, il y a quelque chose d'absolu et de constant. La vie humaine est une chose cohérente, comme une lame traçant des arabesques sur la glace : un gamin, un sergent d'infanterie de vingt trois ans, un écrivain entre deux âges ayant connu la culpabilité et le chagrin.



Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image268

(commentaire récupéré)


mots-clés : #autobiographie #guerre
par topocl
le Dim 1 Jan 2017 - 17:21
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Tim O'Brien
Réponses: 6
Vues: 1147

Isaac Babel

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Cavale10

CAVALERIE ROUGE

Ces récits sont fragmentés et on comprendra peut-être mieux pourquoi si l'on dit que Babel, alors enthousiasmé par la révolution russe devint correspondant de guerre.
Pas nimporte où, mais dans la fameuse cavalerie rouge de Boudieny qui faisait campagne contre la Pologne à la poursuite des armées "blanches" de Denikine.

Une guerre atroce qui marquera Babel à jamais. Babel est un écrivain en mouvement, mais si son oeil est celui d'un reporter, tel John Reed, il est aussi celui d'un écrivain et d'un peintre, et là, on pense un peu à Chagall.
On comprend que Boudieny n'ait pas apprécié ces récits-là...
Les jours de Babel étaient comptés. Il fut probabement éxécuté et quand on lit ce livre merveilleux, on ne peut s'empêcher de penser à toute cette génération d'écrivains magnifiques et sacrifiés...
Et on a mal.

Message récupéré


mots-clés : #guerre #journal #nouvelle
par bix_229
le Mer 28 Déc 2016 - 20:56
 
Rechercher dans: Écrivains Russes
Sujet: Isaac Babel
Réponses: 14
Vues: 1533

Antonio Lobo Antunes

Le cul de Judas

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image151


   En effet, selon les prophéties de ma famille, j'étais devenu un homme : une espèce d'avidité triste et cynique, faite de désespérance cupide, d'égoïsme et de l'urgence de me cacher de moi-même, avait remplacé à jamais, le plaisir fragile de la joie de l'enfance, du rire sans réserves ni sous-entendus, embaumé de pureté, et que de temps en temps il me semble entendre, voyez-vous, la nuit, en revenant chez moi, dans une rue déserte, résonnant dans mon dos en cascades moqueuses.


Echoué dans la nuit d'un bar lisboète, un homme vieillissant drague une femme inconnue à la recherche d'une brève étreinte consolatrice. Dans son paquetage, bien au fond, sa jeunesse embrigadée dans le conformisme d'une famille bourgeoise, et par-dessus 27 mois de guerre en Angola, dont il revient étranger au monde, dévasté, errant.. Et curieusement ça marche,comme le lecteur, l'auditrice muette  suit jusqu’au bout  cet « irrémédiable naufrage »  l’égrènement logorrhéique de cette  inhumaine absurdité, la confession violente et crue de cette désespérance.

   Parce que c'est cela que je suis devenu ou qu'on m'a fait devenir : une créature vieillie et cynique qui rit d'elle-même et des autres du rire envieux, maigre, cruel des défunts, le rire sadique et muet des défunts, le rire répugnant et gras des défunts, et en train de pourrir de l'intérieur, à la lumière du whisky, comme pourrissent les photos dans les albums, péniblement, en se dissolvant lentement dans une confusion de moustaches.


Ce livre a réveillé en moi le souvenir de Meroé, d'Olivier Rolin, pour l'Afrique, et du Crabe Tambour de Pierre Schoenoerffer pour la guerre qui ne vous lâche pas.  Ce sont des  mondes d'homme cassés par la vie, avec ce que cela implique de cynisme, d'amertume, d'autodérision, de haine de soi et des autres : « la farce tragique et ridicule de ma vie. », j'ai été envoûtée par cette litanie d'obsessions lancinantes.

   janvier se terminait, il pleuvait, et nous allions mourir, nous allions mourir et il pleuvait, il pleuvait,et assis dans la cabine de la camionnette, à côté du chauffeur, le béret sur les yeux, la vibration d'une infinie cigarette à la main, j'ai commencé mon douloureux apprentissage de l'agonie.


Là comme souvent la femme est le refuge nourricier, l'espoir d'un havre, son avilissement n’empêchant pas une adulation . Il y en a beaucoup,  de la légitimes aux putains noires.

   J'en avais marre, Sofia, et tout mon corps implorait le calme que l'on ne rencontre que dans les corps sereins des femmes, dans la courbure des épaules des femmes où nous pouvons reposer notre désespoir et notre peur, dans la tendresse sans sarcasme des femmes, dans leur douce générosité, concave comme un berceau pour mon angoisse d'homme, mon angoisse chargée de la haine de l'homme seul, ce poids insupportable de ma propre mort sur le dos

.

Le style d'Antunes est souvent magnifique, lyrique, dérangeant, drôle, poétique, sublime dans l'exaltation de la noirceur et des abîmés de l'âme – un peu trop, parfois, ai-je trouvé, lassée de reprendre mes phrases au début pour en retrouver la cohérence.

Et je  chipoterai encore en disant que le chapitrage par lettres de l'alphabet ( et dieu sait si j'aime les alphabets !) m'a paru vaguement maniéré (comme s'il avait besoin de ça!)

Quoiqu'il en soit, j'arrête mes remarques critiques car Le cul de Judas est un livre très fort parce qu'il nous parle de la vie, de la mort et de l'amour, il nous les crache magistralement à la figure, partagés que nous sommes entre le dépeçage de l'Afrique par de jeunes Portugais hagards et l’atmosphère lugubre de ce bar où se reconnaissent les solitudes.


(commentaire récupéré)


mots-clés : #colonisation #guerre #vieillesse
par topocl
le Jeu 22 Déc 2016 - 16:37
 
Rechercher dans: Écrivains de la péninsule Ibérique
Sujet: Antonio Lobo Antunes
Réponses: 41
Vues: 6296

Beppe Fenoglio

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Lembus10

L'EMBUSCADE

L'objet de cette histoire est un épisode de la guerre civile qui opposa les partisans italiens aux fascistes au cours de l'été 1944.
Ces partisans sont des "badogliens", proches des  anglo-américains. Par opposition aux communistes.
Leur petit groupe cherche à s'emparer de la ville de Valla, dans les collines des Langhe (Piemont).
Dans une période d'attente pesante, se succèdent des temps morts et des moments paroxysmiques.

Avec Fenoglio, on est loin des clichés guerriers, de l'héroïsme. Les hommes sont tous des jeunes gens embarqués dans une guerre, particulièrement horrible puisque elle oppose des italiens à d'autres italiens. Même si les allemands sont occupés ailleurs.
La plupart des partisans ont eu des membres de leur famille exécutés par les fascistes. Et donc, leur mobile principal est d' abord la vengeance. Si l'auteur a participé à la résistance dans les rangs des badogliens, c'est par nécessité vitale, par opposition à toute dictature.
Pour ses personnages aussi bien que pour lui-même, il ne s'agit pas de voir triompher telle ou telle vision du monde.

Le regard que Fenoglio a sur eux est d'une impitoyable lucidité. Beaucoup sont courageux et exemplaires au combat. Mais quand ils sont faits prisonniers, ils sont prêts à tout pour survivre.
Perez, celui qui les commande n'exerce son pouvoir que parce qu'il est unanime. Parce qu'il essaie aussi de respecter des valeurs de dignité humaine et de respect. Dans un moment grave, l'un des partisans lui dit :

«Tu t' en sortiras, Perez. Si les gens propres comme toi ne s'en sortent pas, ça veut dire qu'il n'y aura pas de victoire. Qu' il n' y aura plus rien.»

Et il y a aussi Milton, qui a de hautes exigences personnelles. Sans être un franc-tireur, il dédaigne le commandement et les responsabilités, et ne s'impose que par un charisme naturel mais tout à fait exceptionnel.

Le roman progresse par flash back qui donnent du rythme au récit. Et si le livre est resté inachevé, il garde une structure solide, avec un commencement et une fin bien définis. Et la globalité de lecture du livre n'en  est pas vraiment affectée.
Le style de Fenoglio est précis, suggestif, tout à fait particulier et il impressionna tous ses contemporains.

Message récupéré
mots-clés : #guerre (civile) #politique
par bix_229
le Mer 21 Déc 2016 - 18:26
 
Rechercher dans: Écrivains Italiens et Grecs
Sujet: Beppe Fenoglio
Réponses: 6
Vues: 1389

Chaïm Potok

Je suis l’argile

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image169

La guerre de Corée du côté des populations. Un vieil homme et sa femme, dont nous ne saurons jamais le nom, fuient les Chinois, «les démons du Nord», dans la grande colonne des réfugiés qui brave le glacial hiver coréen. Ils recueillent un garçon blessé, bouche à nourrir supplémentaire, ou cœur à aimer?. Les objectifs sont : avancer, faire un feu, manger une soupe, dormir, donner satisfaction aux esprits pour gagner leur protection. Peu d'action, mais cela grouille dans la tête des 3 personnages, dont on suit les pensées et les associations d'idées :les douceurs et regrets du passé, les angoisses du présent, les questionnements de l’avenir. Ils sont trois, mais s’ils se soutiennent mutuellement, chacun est seul. C'est assez répétitif, il ne se passe pas grand-chose, mais cela a un charme douloureux auquel je ne suis pas restée indifférente.

(commentaire récupéré)

mots-clé : #guerre
par topocl
le Mer 21 Déc 2016 - 13:40
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Chaïm Potok
Réponses: 7
Vues: 788

Mario Rigoni Stern

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Index110

Le sergent dans la neige

Je viens de finir ma lecture, et je dois dire que je suis un peu déçue.
Mais c'est souvent un peu comme ça dans les récits de guerre, aux ingrédients si atrocement communs (commun au sens de partagé). Ma réserve ne leur enlève absolument pas leur caractère indispensable, et d'ailleurs  je continue à en lire ces récits tout à la fois semblables (cette horreur collective)  et dissemblables (chaque narrateur porte sa propre vision), comme un hommage à ceux qui ont vécu cela, puis l'ont  écrit...

Disons que ça m'intéresse en tant que témoignage,   mais qu'en tant que littérature, je suis vite déçue, je n'y trouve pas beaucoup d'autre message que la guerre c'est moche, on y a froid et faim, on y a peur, heureusement il y a les copains. C'est une hérésie de dire ça, je le comprends bien, mais qu'y puis-je? C'est sans doute aggravé ici par le fait que Mario Rigoni Stern reste dans le factuel, ne s'autorise aucun jugement, et met de la distance dans ses émotions.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #guerre
par topocl
le Mar 20 Déc 2016 - 17:47
 
Rechercher dans: Écrivains Italiens et Grecs
Sujet: Mario Rigoni Stern
Réponses: 19
Vues: 2144

Abdelaziz Baraka Sakin

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 51dsu410

Le messie du Darfour

Originale : Arabe/Soudan, écrit entre 2008 – 2012
CONTENU :
Comment résumer une histoire qui rassemble pas mal de bribes d'histoires qui forment en fin de compte un tout?
- on trouve un bataillon de 66 soldats à la recherche d'un soi disant « Messie ». A leur tête : Charon, un homme sans compromis qui a changé de cotés (comme tant d'autres) soit par force, soit par réorientation et intérêt personnel
- parmi eux deux soldats qui sont devenus amis: Ibrahim et Shikiri, tous les deux capturés le même jour, enrôlés par force, mais s'orientant doucement dans des directions différentes
- Abdehraman, la belle, séduit Shakiri, en fait son mari. Plus tard elle, la victime et survivante d'un terrible massacre où le reste des siens avaient été tué, va suivre son mari auprès des rebelles en vue de se venger : « tuer dix Janjawid». Et elle commence bien ! Et devient une guerrière.
- Ibrahim, le pacifique, avait jamais tué personne, même en dix ans de service, il n'a pas tiré une seule fois vraiment vers l'ennemi.
- et puis : le « Messie », un certain Jésus, fils de Marie, cousin d'un certain Yoann, un homme beau, noir et élancé qui dit des mots pleins de sagesse et de douceur. Il attire des gens de partout, juste les Janjawid cruels, incarnation du mal, ne trouvent aucune pardon chez lui.


REMARQUES :
Oui, on peine des fois (moi au moins) de voir toujours le fil, mais pourtant, toutes ces bribes, morceaux forment immanquablement un tout. Il y aura donc une forme de chronologie, un récit qui se complentarie, mais au même moment j'ai eu l'impression d'être avec chaque chapitre – il y en a 16 de 3 – 27 pages – devant une espèce de tableau. On pourrait dire que l'auteur brosse des portraits « typiques » de gens dans ce pays si terriblement marqué par la guerre, les conflits, la famine… Et pas seulement d'individus (voir en haut) qui vont compter tout au longue du récit, mais aussi certains aspects de l'Histoire qui marquent la culture, le vécu :

- qu'il faille éviter de catégoriser les gens ! Des combattants se melangent, sont pas à distinguer des fois. On change de coté, on se retrouve comme membres de différents ethnies ensemble. Et on pourrait se demander quelle est encore la motivation ? La faute à qui ? Des soldats même, soit de coté du gouvernement, soit des rebelles, ont été pris de force, enrôler où ils ne le voulaient pas

- ne pas voir juste des groupes, mais derrière eux des individus, des histoires uniques et individuelles, des gens aspirant finalement presque tous à la paix. Ce n'est pas l'homme simple à l'origine des conflits. Chaque guerre est une guerre fratricide, entre frères de sang.

- les terribles descriptions de massacres, viols et autres horreurs devraient nous enseigner de ne pas taire la situation  au Soudan...

- le temps des conflits est une période d'avénements de prophètes, voir ici : d'un Messie. Condamné par les autorités à la crucifixion, il porte déjà bien une croix. Et est-ce que le livre se referme avec une lueur d'espoir ?

- ceux que l'auteur et le « Messie » condamne ici de toute force, ce sont les Janjawid (voir aussi :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Janjawid ). Et on souligne qu'il s'agit des gens qui ont choisi de tuer, piller, massacrer…

Quel roman riche et aussi étouffant. Si la 4ème de couverture de l'édition française dit : « ... le Messie du Darfour est une histoire d'aventure et de guerre, une histoire d'amitié et de vengeance qui donne la part belle à l'humour et à la magie du roman », j'ai vraiment d'autres associations avec cela. Non pas qu'il y a absence complète de scènes un peu cocasses, loufoques ou phantastiques, mais de parler ici comme s'il s'agissait d'une fiction pure et simple, c'est probablement ignorer toute la dure réalité au Soudan. C'est par proximité de réfugiés soudanais ici dans la région, et par des bribes de récits qu'ils ont lâché ici et là, qu'on comprend que toutes cette horreur que Sakin décrit ici ne sont pas comparables avec des cauchemars d'un roman de vampir, et des inventions d'un esprit un peu tordu, mais vraiment du vécu, ou très proche de la réalité. Par ailleurs Sakin disait dans un entretien que d' »écrire était pour lui une façon de chasser les souvenirs ». Il y a deux, trois passages dans le roman qu'on pourrait bien interpèter comme une présence discrète de l'auteur : un oncle d'Abdehraman s'appelle Sakin ; la ville d'Ibrahim est Kassala, qui est aussi le lieu de naissance de Sakin. En plus (voir bio en haut) on comprendra qu'un auteur n'est pas poussé vers l'exile pour un roman sans lien avec la situation : le regime sait ce qu'il fait. Et hop ! Sakin a du quitter le pays, et ses œuvres se retrouvent interdites dans son propre pays.

Le roman est bien écrit. Comme j'ai mentionné, certains liens entre chapitres, passages, me semblaient à moi pas tout-à-fait clair. Je me perdais un peu dans la chronologie ? Mais quelle façon pour nous d'entendre une voix vraiment authentique d'un pays dont on voit arriver des gens, des réfugiés, sans connaître rien de leur pays.

Attention: âmes sensibles s'abstenir !


mots-clés : #guerre
par tom léo
le Lun 19 Déc 2016 - 22:24
 
Rechercher dans: Écrivains d'Afrique et de l'Océan Indien
Sujet: Abdelaziz Baraka Sakin
Réponses: 1
Vues: 638

Joydeep ROY-BHATTACHARYA

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Produc11

Une Antigone à Kandahar

Un avant-poste, quelque part en Afghanistan. Et des soldats américains sur le qui-vive, après des affrontements qui ont vu tomber plusieurs des leurs. La chaleur étouffante, la crasse, le manque de sommeil, la douleur de la perte, et les nerfs à fleur de peau… Les réminiscences d'une vie de famille qui soutient, ou qui détruit quand soudain elle s'effondre sans qu'on puisse retenir la femme aimée qui s'éloigne à jamais…  
Ce quotidien âpre, l'auteur nous le fait toucher du doigt à travers le vécu de quelques uns de ces hommes. Un fragile équilibre soudain mis à mal quand apparaît une silhouette, toute branlante sur une petite charrette. Une femme, seule, qui réclame le corps d'un frère mort pour l'enterrer dignement. Corps qu'on lui refuse car le haut commandement a décidé de l'exhiber comme "preuve" à la télévision.
Mais la femme s'obstine, refuse de partir, et reste là, sous le soleil implacable, à la porte du fort militaire. Une Antigone face à Créon.

Au début, au tout début, je me suis dit que l'auteur en faisait trop, avec son Antigone aux moignons ensanglantés. Cela ne suffisait-il pas qu'elle ait vu sa famille décimée lors de l'attaque aveugle d'un drone, fallait-il aussi l'handicaper à jamais et oser certaines références appuyées à Sophocle ? Oui, j'ai un temps pensé que Joydeep Roy-Bhattacharya allait jouer sur la corde sensible et me perdre. Sauf que ce livre n'est que pudeur, intelligence et sensibilité.

Face à la cruelle réalité du terrain, les soldats tiennent par la certitude qu'ils ont de mener une guerre "juste", d'être le symbole d'une société progressiste et le dernier rempart contre la barbarie. Pour ne pas flancher, ils ont déshumanisé chaque jour un peu plus l'adversaire.
L'attitude d'Antigone, si digne, ne peut que fissurer la barrière mentale soigneusement érigée. Comment, alors, ignorer encore la légitimité de ses sentiments ?  Est-il juste de lui refuser une réclamation qui serait aussi la nôtre ? Est-il décent de la laisser cuire en plein soleil sous prétexte que de l'avis du chef, elle pourrait n'être qu'un leurre, un appât à la solde des Talibans ?

Les doutes, qui étaient sous-jacents, s'expriment désormais au grand jour. Et si les soldats étaient tentés de les faire taire, la petite silhouette sur sa charrette, à elle seule, se chargerait de les leur rappeler ; elle est le symbole des mensonges et des faux-semblants d'un gouvernement américain qui prétend protéger les civils, mais dont les bombes tuent et mutilent chaque jour des innocents… Un gouvernement qui prétend apporter la justice, et qui pactise avec son homologue corrompu.

Nous n'avons pas fini de nous interroger sur la guerre, et tout ne sera jamais dit sur le sujet. Au fond, tous ces hommes, qu'il s'agisse des américains, de leur interprète ou de leurs adversaires pachtouns _ je ne parle pas ici des talibans_, sont là pour une même motivation : venger la mort de leurs proches innocents. C'est en cela que leur humanité les rapproche, et pourtant les sépare à jamais dans deux camps irréconciliables.
Nous aurons toujours besoin de livres pour nous rappeler combien certaines sociétés asservissent les femmes et prônent l'obscurantisme. Mais nous aurons aussi besoin de livres pour interroger l'arrogance d'une culture qui arrive en conquérante imposer sa loi, avec une ignorance crasse et un mépris des coutumes du pays conquis qui entraînent les pires erreurs d'interprétation. Et perpétuent par là-même, encore et toujours, le cycle infernal de la violence…
Une lecture qui interroge, et qui marque pour longtemps...

« C'est la spirale ancestrale de l'attaque et de la riposte.
La seule différence entre eux et nous – et elle est d'importance – c'est que nous sommes des visiteurs. Notre place n'est pas ici ; nous ne sommes pas enfermés dans l'histoire locale, cette piteuse chronique d'échecs, cet avenir incertain. Cela rend d'autant plus essentiel que nous fassions ce que nous sommes venus faire, que nous le fassions vite et que nous partions. Que nous partions avant d'être aspiré dans ce cycle d'échecs et de violence. Que nous partions avant de n'être qu'une tribu vaincue de plus. »


(Ancien commentaire remanié)


mots-clés : #terrorisme #guerre
par Armor
le Lun 19 Déc 2016 - 22:02
 
Rechercher dans: Écrivains d'Asie
Sujet: Joydeep ROY-BHATTACHARYA
Réponses: 6
Vues: 562

Phil Klay

Fin de mission
Redeployement, Traduit de l'américain par François Happe

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Cgbxno10

12 nouvelles pour décrire une guerre, celle d'Irak, et parler des soldats, douze marines qui n'ont réellement en commun que d'en être revenus. Et à  chaque histoire personnelle,  au delà de cette extraordinaire solidarité d'avoir participé au même combat, d'avoir eu les mêmes peurs et les mêmes ennemis, partagé les mêmes cuites,  la singularité de chacun, ses aspirations, ses modes de défense, son possible ou impossible retour. Des jeunes héros qui ne sont que des hommes (ou des enfants?), qui s'interrogent,  qui ne savent plus se regarder ou accepter le regard des autres (dans une analogie indiscutable avec Refus de témoigner).

Phil Klay mêle action et réflexion, violence et tendresse, cynisme et humour, dans une interrogation aussi indispensable qu'elle n'a pas de réponse. Chacun des douze soldats est là, prend aux tripes, la guerre c'est tous les stéréotypes qu'on s'est construits, mais aussi ce n'est jamais ce que l'on croit.  Quelques moments de flou dont je ne sais s'ils sont dus à mon incompétence guerrière ou à la traduction n'ont pas suffi à détruire l’emprise puissante et poignante de ce roman d'une guerre qui est peut-être plus largement le roman d'une génération.

(commentaire récupéré)

mots-clés : #nouvelle  #guerre
par topocl
le Dim 18 Déc 2016 - 15:48
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Phil Klay
Réponses: 1
Vues: 597

Jérôme Ferrari

Où j'ai laissé mon âme

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 Image153

Beau livre, très fort, très dense, très remuant.

« seul compte ce qu'il a fait, non ce qu'il a voulu. »


La guerre d'Algérie et la torture : une guerre de plus dont les hommes sont revenus muets, marqués à vie. Sans doute pouvaient-ils refuser, mais bien peu l'on fait. Une chose est sûre, à la lecture  de ce roman, c'était quasiment infaisable. On le lit terrorisé en se disant : j'aurais pu en être, j'aurais pu être confrontée à ce choix-là, en fait à ce non-choix là.
Au delà des idées, Ferrari nous offre un petit roman parfait, de concision, de qualité littéraire. Roman du doute, magistral de maîtrise. Quel est le pire des tortionnaires, du chrétien tourmenté, du terroriste charismatique ou du va-t-en-guerre droit dans ses bottes ? Dans ce trio fascinant et diabolique la violence avance triomphante, l'homme est toujours perdant, et Dieu semble s'en laver les mains.

Il a le pouvoir de faire apparaître ou disparaître une paire de chaussures, de décider qui doit rester nu et combien de temps, il peut ordonner que le jour et la nuit ne franchissent pas les portes des cellules, il est le maître de l'eau et du feu, le maître du supplice, il dirige une machine, énorme et compliqué, pleine de tuyaux, de fils électriques, de bourdonnements et de chair, presque vivante, et il lui fournit inlassablement le carburant organique que réclame son insatiable voracité, il la fait fonctionner mais c'est elle qui régit son existence, et contre elle, il ne peut rien. Il a toujours méprisé le pouvoir, l'incommensurable impuissance que son exercice dissimule, et jamais il ne s'est senti aussi impuissant.

(commentaire récupéré)


mots-clés : #guerre #violence
par topocl
le Sam 17 Déc 2016 - 16:03
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Jérôme Ferrari
Réponses: 13
Vues: 1279

Sorj Chalandon

Le quatrième mur

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 97822414

Quand on a lu Mon traître et Retour à Killibegs, on s’attend à trouver du lourd. Là aussi ça va parler de guerre, et de l'amitié, qui tente d’illuminer le monde, mais  ne suffit pas à sauver les hommes. On va parler de croyances et de destins.

Ici, on se trouve au Liban, en 1982, dans  une des périodes les plus cruelles de son histoire. Et là encore, un petit Français naïf arrive avec ses gros sabots, croit que c’est simple, découvre que c’est tragique et sans solution. Après son cycle irlandais, Chalandon cherche une dimension supérieure, inscrit son héros dans le siècle, un jeune homme qui a vécu d’espoir un jour, au point de pas mal déconner, puis s’est calmé, c’est tellement simple et beau d’aimer une femme et son enfant. Et l’histoire va le rattraper, sous les traits de son ami Sam, un grec dont la révolte de jeunesse n’était pas un loisir mais une nécessité, et qui, donc, n’a pas abandonné le combat.  A l’article de la mort il lui confie donc la tâche de monter Antigone d’Anouilh dans Beyrouth en feu, avec des acteurs issus des différentes communautés. L’idée qu’à défaut d’une paix, un acte de rapprochement, même durant une seule heure, c’est déjà ça. Et qu’une tragédie grecque, ça a un sens,  et raconté par Anouilh, c’est, cerise sur le gâteau, sublimement beau (idée que je partage depuis longtemps). L’occasion de rejoindre l’intemporel.

Et on retrouve aussi le style de Chalandon, ses phrases brèves, comme frappées, qui ne laissent pas reprendre haleine, qui n’autorisent aucun répit. C’est un récit haletant, dense, implacable. Les dialogues sont ceux d’une pièce de théâtre, épurés, sans concession (n’y cherchez aucun naturel, Chalandon assume à fond sa tragédie libanaise). Donc, globalement, c’est du très bon.

Seulement par moments s’est immiscée en moi  cette question qui m’a souvent tarabustée : il n’en fait pas un peu trop, là ? Pas tout le temps, mais par moments. Un peu trop lourd, un peu trop beaux les personnages, un peu trop ciselés les dialogues, un peu trop parfaites les situations ? un peu insistante sa description du massacre ? Tout en sachant qu’il a sans doute raison, qu’il a choisi de ne pas se voiler la face et de nous emporter dans ce récit implacable, qu’il a vu tout cela et ne peut rien taire. Mais un doute a plané tout au long de ma lecture. D’autant plus déstabilisant  que de quel droit je déciderais qu’il doit être elliptique pour décrire ça.

(commentaire rapatrié)


mots-clés : #guerre
par topocl
le Ven 16 Déc 2016 - 18:47
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Sorj Chalandon
Réponses: 6
Vues: 1248

Sergio Alvarez

35 morts

Tag guerre sur Des Choses à lire - Page 6 97822111


Le héros de 35 morts ne demande pas grand-chose d'autre à la vie que de se partager entre l'amour et le sexe - dont il n'arrive pas à savoir lequel il aime le plus - , d'être d'autant plus sympa avec ses potes que ceux-ci se soucient de lui, et d'adoucir les difficultés avec les bières et la drogue.


   Je ne te crois pas, dis-je quand elle me raconta combien de gens elle avait tués. Moi, je te crois, dit-elle quand je lui racontai combien de femmes m'avaient plaqué. On rit beaucoup.



Un gars plutôt sympa, seulement voilà, il est né en Colombie, un pays où l'on peut dire :

   Tu es devenu vieux sans avoir compris comment fonctionne ce pays. Et comment il fonctionne, pour voir ? Grâce aux morts, vieux, dans ce pays, celui qui n'a pas tué ou fait tuer quelqu'un n'avance pas. Je le regardais, impressionné. Crois-moi, vieux, c'est la mort qui commande, et celui qui ne tue pas ou qui ne fait pas tuer, il n'est personne, il ne vaut rien.


La Colombie,  où on n'a guère le choix que de flirter avec la révolution, les militaires, les narcotrafiquants, de pratiquer la violence, les arnaques et la corruption. Un pays où les poings et les armes sont les vrais outils de communication.
Et où il ne reste donc pas beaucoup d'autres solutions que de jouir à fond de l'instant, pour mieux pleurer quand le bonheur vous est ravi – on pleure beaucoup dans ce livre, les filles, les copains, les puissants, les méchants, tous sont de gros sentimentaux fleur-bleus.

À côté, il y a plein d'autres petites histoires, d'autres trajectoires de vie, d'autres destins ballottés par la violence, qui alternent avec le principal, tous à la première personne du singulier,  des personnes qu'on identifie ou qu'on n'identifie pas, qui interfèrent avec l’histoire principale ou pas, comme autant de nouvelles coup-de-poing enchâssées dans le récit.

Au sein de ces petites séquences à l'alternance rapide,  toutes annoncées par une phrase d'une chanson populaire, le style trouve une singularité qui captive, en ne s'autorisant aucun paragraphe, aucun alinéa, aucun retour à la ligne, y compris dans les dialogues, tout s'enchaîne sans pause pour  une impression de rapidité, de dévastation, de naturel haletant : le lecteur est emporté et submergé : la violence, le monde et la vie qui grouillent, l'impasse existentielle...

35 morts est le roman brillant et palpitant d'un personnage attachant, de son destin déterminé par un lieu de naissance aimé et honni tout à la fois, pris en otage par on ne sait qui, des politiques, des décideurs, des bandits, des riches, des filous qui ont réussi à annihiler les espoirs d'un peuple tout entier, à le faire renoncer au bonheur et à la sérénité, à le faire toujours courir, toujours cacher sa peur, toujours grappiller son  plaisir au plus vite. Un peuple romantique et désespéré qui ne renonce pas à vivre mais n'en finit pas de pleurer.


   J'étais un vrai fumier,
   j'ai cogné, violé, tué.
   J'ai mis le feu aux fermes,
   me suis cru invincible
   en regardant les flammes
   éclairer les cadavres.
   J'ai dégommé comme on tire à la cible
   le corps de tous mes ennemis,
   j'ai bu leur sang, jonglé avec leur tête,
   et débité à la machette
   ou à la tronçonneuse.
   J'ai encaissé du fric,
   on m'a donné  campo,
   et j'ai filé à la fête,
   j'ai dansé,
   salué les potes.
   Pris une bonne cuite.
   Je suis tombé amoureux.
   Elle m'ont donné plein de baisers
   leur chaleur et leurs corps.
   Cet amour m'a donné la force
   de continuer,
   de ne jamais faiblir,
   de bien faire le boulot.


(commentaire rapatrié)


mots-clés : #guerre #mort
par topocl
le Ven 16 Déc 2016 - 9:14
 
Rechercher dans: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
Sujet: Sergio Alvarez
Réponses: 2
Vues: 558

Revenir en haut

Page 6 sur 7 Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6, 7  Suivant

Sauter vers: