Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Mar 7 Mai - 1:52

69 résultats trouvés pour ecriture

Christine Montalbetti

Expérience de la campagne

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 41qni-10

Méditation solitaire et d’abord vague où, par associations et glissements analogiques dans les « géographies » du monde se mettant peu à peu en ordre, des fragments d’autobiographie s’organisent. On pense au Nouveau Roman (Claude Simon ?), à Perec (ses puzzles dans La vie mode d’emploi et Penser/Classer).
L’image récurrente du ciel-page de livre mène à une intéressante définition de la littérature que ce bref texte/ exercice n’a fait qu’illustrer avec des échos sémantiques plus ou moins signifiants, notamment avec les cases du « motif de la toile cirée » (qui renvoie à L'Image dans le tapis d’Henry James, voir ici). Ainsi, interférence d'une lecture romanesque (pour analyse littéraire par déformation professionnelle ?) :
« Le flegme des héros de Murakami [plus vraisemblablement Haruki que Ryu] leur était à la fois le moyen de survivre aux situations fantastiques, mal compréhensibles et terrifiantes qui leur étaient imposées, et une forme évidente, quoique toujours implicite, de désespoir, mais, Simon se résumait la chose, d’un désespoir sauvé en quelque façon par leur matérialisme, par leur goût pour les détails tangibles du monde ; car le caractère microscopique de ces détails tangibles, qui aurait pu sembler participer de la formulation de cette sorte de démission, constituait précisément les points d’accroche par où le héros se reliait au monde, y trouvait plaisir, s’en nourrissait. »

« Vous vous dites, oui, qu’il vous serait possible, à partir de l’évocation de chacune de ces cases, et du dévidage, en somme, de la pelote de fil que chacune contenait, du lent dépli des séquences qui s’y lovaient, de résumer, pour ainsi dire, votre vie même, ou du moins de grands pans de vos enfances, ou encore votre enfance elle-même, dans sa totalité, qui en vérité tenait dans ces motifs, qui s’en déduisait.
À la fin il n’était pas exagéré de penser que, mises bout à bout, les cases de cette toile cirée, à leur manière, formaient le récit lisible de cette enfance. »

« C’était bien cela, toutes sortes de contenus latents, de souvenirs, paraissaient sommeiller dans ces cases, qui sollicitaient votre attention comme si elles avaient la capacité de vous tenir un discours sur vous-même, comme si elles recelaient des détails de votre existence, qui ne vous revenaient pas communément à l’esprit, et dont elles détenaient, ainsi, la formule. »

« Il semblait à présent à Simon avec assez d’évidence (mais était-il près à entamer un travail d’une telle ampleur) qu’il aurait été possible de construire un texte entier qui aurait été l’évocation de sa vie à partir de ces cases, en faisant émerger de chacune sa kyrielle de souvenirs enfouis. Un récit qui ne ferait rien d’autre que traduire leur présence tapie, cette manière d’hibernation en quoi ils s’étaient enfoncés. »

« Vous réfléchissez de nouveau à cette histoire des images intérieures que l’on reclasse. […]
Vous vous dites que Murakami, en racontant cette expérience du savant, n’a peut-être pas fait autre chose que de parler du travail de l’écrivain.
Vous n’entendez plus seulement par là le geste autobiographique, tel que Simon aurait pu l’entreprendre à partir des motifs de la toile cirée, allant rechercher ce que chacun contenait de souvenirs enfouis. Mais aussi le travail de la fiction. Précisément ces histoires qu’on invente, qu’on croit inventer, et qui ne sont peut-être qu’une mise en ordre de choses déjà là depuis bien longtemps.
Vous vous demandez, fugitivement, si, oui, dans une certaine mesure, écrire un roman, ce n’est pas justement cela, classer ses images intérieures sans les reconnaître, de manière à fournir une suite lisible. »

Sinon, français châtié, non dénué d’humour, voire de moquerie :
« S’étant ainsi interrompu de toutes sortes de manières, Simon avait chaque fois corné la page à laquelle il s’était arrêté (il disposait d’une édition de poche, et si ce n’est pas votre cas, je vous conseille de ne pas l’imiter mais de préférer un signet, glissé peut-être par votre libraire, ou tel morceau de papier, afin de préserver le beau lissé de la page), si bien que les plis qui demeuraient ensuite des coins précédemment relevés, l’oblique inscrite désormais dans le haut des pages, témoignaient des pauses qu’il avait faites et auraient permis de retracer l’histoire du rythme de sa lecture – si par hasard quelqu’un s’était intéressé à produire une telle histoire. »


Mots-clés : #ecriture
par Tristram
le Dim 25 Aoû - 23:35
 
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Sujet: Christine Montalbetti
Réponses: 37
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Carlos Liscano

Le rapporteur et autres récits

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 Le_rap10

Un mendiant défend sa place face à un vigile.
Ayant été ramassé ivre par la police, le narrateur a donné un faux nom. Emprisonné jusqu’à ce qu’il avoue son vrai nom, d’ailleurs connu de la justice, un juge lui rend visite chaque année, et des rapports très courtois les unissent au fil des ans ; ainsi, le prisonnier s’apprête avec humour à écouter les confidences du magistrat :
« Ce qui se dira ici ne sortira jamais de ces murs. »

Une réunion en bonne société engendre ou pas « un petit animal social » utile aux relations humaines.
Dialogue beckettien de Ku et Ke, qui jouent aux idiots, l’un entraînant l’autre, puis l’inverse.
Une famille où l’on se vend, de père en fils et réciproquement.
Synopsis (austerien) :
« Si nous pouvions voir la nuit depuis les hauteurs, nous constaterions que nous somme maintenant quatre et que nous n’avons besoin que d’être quatre : celui qui tue, le mort, celui qui écrit, celui qui lit. Deux hommes se sont cherchés dans la nuit. Lentement, ils ont marché sous la pluie en dessinant avec leurs pas une figure secrète. Quand cette figure trouvera sa forme définitive, la nuit sera finie pour l’un d’entre eux. Et l’histoire sera finie. Nous ne serons plus que trois. »

L’auteur chez le dentiste en Suède (Liscano s’est réellement exilé là au sortir de prison dans son pays, où il a été torturé) : son dentiste, « la tentation des ténèbres », le martyrise longuement (d’ailleurs il tue le premier ministre suédois). Un texte plus long, kafkaïen, qui témoigne excellement de la perception transformée du vécu.
Un onirique étendage de linge devient universel.
Le récit éponyme, lui aussi assez long, mais bizarrement gouailleur par moments, rapporte l’arrestation, la séquestration avec sévices de qui pourrait être l’auteur, contraint à parler, puis à écrire… des rapports… Il semble que ce soit une sorte de journal justement consigné en prison pour conjurer le dénuement, le non-sens et la folie qui le guette au moyen de l’écriture, que Liscano interroge elle-même.
« Les chemins sont déjà plus ou moins tracés. Par d’autres qui sont passés avant nous, et on les prend à notre tour. On ne choisit pas tout ce qu’il y a sur le chemin. Ce sont les chemins qui s’imposent à nous. Moi, mon chemin m’a amené jusqu’ici. Je ne proteste pas, mieux vaut un chemin que pas de chemin du tout, mais il aurait pu être meilleur. »

« Je demande qu’on me prenne comme je suis, avec mon style particulier, pas avec celui d’un autre type, du premier cochon venu qui écrive dans le coin.
Qu’il me soit permis de développer un peu cette idée, de lui apporter des nuances, un peu de relief, de faire qu’il y ait des tenants et des aboutissants. On a son style et les autres ont le leur, chacun le sien. Si on n’avait pas de style propre, on ne serait pas comme on est, on serait quelqu’un d’autre, avec un style différent. Alors le style est quelque chose de fondamental, c’est ce que je suis en train d’expliquer. J’ai mon style, qu’on le croie ou non, mais c’est la vérité. Et je m’efforce de garder le style qui me caractérise, sinon rien n’aurait de sens, rien ne vaudrait la peine, nous perdrions notre temps. »

« C’est le Blond qui commande et il disait que je devais parler. Et après que je devais écrire. Voilà le problème, c’est comme ça qu’il se posait.
De quoi puis-je parler ? me demandais-je. De quelque chose. Il voulait savoir, ça n’avait aucune importance pour moi. Ce n’est pas que je ne savais pas, ou que je savais et que je ne voulais pas répondre, ou quelque chose comme ça. Non, c’était que, me disais-je, à quoi bon parler quand tout a déjà été dit ? »

« C’est cela, on essaye de tirer le meilleur parti de la vie. Si mauvaise que soit votre vie, vous essayez d’en tirer le plus possible. Il n’y en a pas d’autre. »

Dans ce recueil de nouvelles qui jouent de plusieurs registres, tout est étrange, et difficile à partager...

Curiosité : mon exemplaire porte la mention suivante : ÉPREUVES NON CORRIGÉES. Je ne garantis donc pas l’exactitude des extraits que j’en ai cité.

Mots-clés : #absurde #captivite #ecriture #nouvelle #solitude
par Tristram
le Mer 14 Aoû - 16:36
 
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Sujet: Carlos Liscano
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Rick Bass

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 410jam10

Sur la route et en cuisine avec mes héros

quatrième de couverture a écrit:Rick Bass a quitté sa vallée sauvage du Montana afin de rendre visite à ses mentors, disséminés à travers les États-Unis et l'Europe, pour leur cuisiner un repas raffiné, en guise de remerciement, car ces héros lui ont appris non seulement à écrire, mais aussi à vivre. C'est parfois un dernier hommage puisque le pèlerin ne reverra pas certains d'entre eux, ainsi Denis Johnson, John Berger ou Peter Matthiessen, disparus peu après.


Sur la route et en cuisine est un exercice d'admiration, une succession de portraits intimistes et d'épisodes drôles, truculents, voire hilarants : une dinde explose chez Thomas McGuane, des chiens de prairie pestiférés hantent un camping par une nuit d'orage, Rick Bass remarque des traces de sang à l'aéroport de Londres, Joyce Carol Oates s'offusque d'être photographiée, certains dîners se transforment en d'inénarrables fiascos.


Hum, il y aurait eu le choix entre la liste exhaustive des noms, de larges extraits avec ou sans élan, des anecdotes de seconde main et... quelques impressions. Heureusement pour la découverte, dommage pour le reste c'est la deuxième option que je retiens.

Autant le dire tout de suite j'en attendais plus. Plus d'émerveillement ? plus sur les oeuvres de ces auteurs/personnages ? Une écriture un petit peu plus développée ? Je ne sais pas.

Ceci dit Rick Bass conserve tout son capital sympathie et cette idée de s'inviter chez ses mentors, comme il les appelle, pour leur préparer des repas de compet', si possible en incluant de la viande chassée par ses soins, en est une manifestation inspirante.

Tout comme choisir de se faire accompagner si possible par la génération suivante fait partie du plan. Les tribulations d'un Rick Bass qui se remet difficilement de son divorce et écume les kilomètres c'est amusant et met l'eau à la bouche. C'est aussi le regard de l'écrivain sur sa vie, son écriture, son parcours et "sa" nature et un peu plus loin un petit panorama, quelques liens entrevus, sur la littérature américaine. Malgré tout. Pour la rubrique people alternative c'est pas mal non plus.

Pas une grande révélation mais agréable et plutôt inspirant. L'impression qu'il lui manque un petit truc à ce pauvre Rick en plein tournant et résolu à aller de l'avant.


Mots-clés : #amitié #autobiographie #creationartistique #ecriture #nature #peinture #universdulivre
par animal
le Mar 23 Juil - 21:16
 
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Sujet: Rick Bass
Réponses: 66
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Ernesto Sábato

Avant la fin

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 Avant_11


Ce sont les mémoires d’Ernesto Sábato, rédigées à 86 ans.
Dans la première partie, l’auteur suit la chronologie. Jumeau d’un mort-né, traumatisé par un père autoritaire, le monde lui apparaît très tôt comme une noire source de terreur dans le malheur du manque d’amour. Après les misère et rigueur d’une triste enfance de pauvres immigrés dans la pampa, « cette métaphore du néant », il passe du communisme à l’anarchisme sans jamais renoncer à l’humanisme, de la physique dans les laboratoire Curie et MIT au surréalisme, de la pureté absolue des théorèmes mathématiques et du rationnel à l’art (il est aussi peintre).
Ayant abandonné la science et sa position confortable, il retourne à Paris pour travailler à l’UNESCO :
« L’édifice où était situé l’UNESCO avait été le siège de la Gestapo, et dans cette atmosphère raréfiée de paperasseries bureaucratiques je sentis une fois encore se fissurer autour de moi cet univers kafkaïen où je me mouvais. Sombrant dans une grave dépression, face aux eaux de la Seine, je fus submergé par la tentation du suicide.
Un roman profond surgit quand notre existence affronte des situations limites, douloureuses croisées des chemins où nous sentons la présence inéluctable de la mort. Dans un tremblement existentiel, l’œuvre est notre tentative, jamais tout à fait réussie, de reconquérir l’unité ineffable de la vie. Torturé par l’angoisse, je me suis mis avec fébrilité à écrire, sur une machine portative, l’histoire d’un peintre qui cherche désespérément à se faire comprendre [Le Tunnel].
Égaré comme je l’étais dans un monde en décomposition, parmi les ruines d’idéologies en banqueroute, l’écriture a été pour moi le moyen fondamental, le plus absolu et puissant, qui m’a permis d’exprimer le chaos dans lequel je me débattais ; et j’ai pu ainsi libérer non seulement mes idées, mais surtout mes obsessions les plus secrètes et inexplicables.
La véritable patrie de l’homme n’est pas l’univers pur qui fascinait Platon. Sa véritable patrie, à laquelle il revient toujours après ses détours dans l’idéal, c’est cette région intermédiaire et terrestre de l’âme, ce territoire de déchirements où nous vivons, aimons et souffrons. Et dans une époque de crise totale, l’art seul peut exprimer l’angoisse et la désespérance de l’homme, parce que, à la différence de toutes les autres activités de la pensée, c’est la seule qui capte la totalité de son esprit, et tout spécialement dans les grands romans qui réussissent à pénétrer jusqu’au domaine sacré de la poésie. La création est ce début de sens que nous avons conquis de haute lutte contre l’immensité du chaos.
"Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer." Vérité absolue, cher, admiré et douloureux Artaud ! »

Cet aspect cathartique de l’écriture n’est pas propre à Sábato ; c’est même sans doute l’un des principaux moteurs de la création littéraire.
Pessimisme et doute métaphysiques, proximité avec Camus dans une sorte d’existentialisme humanitaire, conscience de la tragique condition humaine et de l’avenir compromis de la planète, dans une seconde partie Sábato expose sa vision de l’illusion du progrès civilisationnel compromis par la technique et la raison aveugles et orgueilleuses, en fait régression et involution dues à la croissance économique qui exclut l’humanité, l’argent qui a remplacé les valeurs, le pouvoir entre les mains de quelques-uns.
Sábato cite, à cinquante ans d’écart, son premier essai (1951), Hommes et engrenages :
« Ce paradoxe, dont nous subissons actuellement les ultimes et plus tragiques conséquences, a été le résultat de deux forces dynamiques et amorales : l’argent et la raison. Ce avec quoi l’homme s’empare du pouvoir séculier. Mais ‒ et c’est là que le paradoxe prend ses racines ‒ cette conquête se fait sous les espèces de l’abstraction : du lingot d’or au clearing, du levier au logarithme, l’histoire de la maîtrise croissante de l’homme sur l’univers a été aussi l’histoire des abstractions successives. Le capitalisme moderne et la science positive sont les deux faces d’une même réalité dépourvue d’attributs concrets, d’une fantasmagorie abstraite dont fait partie l’homme lui-même, non plus désormais l’homme concret et individuel mais l’homme-masse, cet être étrange à l’aspect encore humain, doté d’yeux et de larmes, de voix et d’émotions, mais devenu en réalité un engrenage d’une gigantesque machine anonyme. C’est là le destin contradictoire de ce demi-dieu de la Renaissance qui avait revendiqué son individualité, qui s’était soulevé avec orgueil contre Dieu, en proclamant sa volonté de dominer et transformer les choses. Il ignorait qu’il finirait lui-même par se transformer en chose. »

C’est chose faite sur ce forum… Mais si ce discours n’est pas nouveau de nos jours, je vois presque de la prophétie dans cette progression de l’artificiel "hors-sol", qui se prolonge si symptomatiquement aujourd’hui dans le virtuel : une sorte de confirmation de l’analyse de Sábato.
« …] malheur des hommes, destinés à la beauté mais condamnés à survivre dans la banalité de cette culture où ce qui autrefois avait un sens a dégénéré en une grossière diversion, en excitants et en pathétiques objets décoratifs. Triste épilogue d’un siècle déchiré entre les délires de la raison et la cruauté de l’acier. »

Là, je ne peux que penser aux "substances" et aux récupérations "ethniques" (et mercantiles) actuelles…
Rappel avec à propos d’un titre de gravure de Goya :
« Les rêves de la raison engendrent des monstres »

Sábato parle aussi de la commission nationale (argentine) sur les disparus de 1976, qu’il présida, et son rapport Nunca Más (Jamais plus) ‒ cette surenchère du « terrorisme d’état » qui n’a pas pu trouver l’apaisement…
Dans la troisième partie, toujours par courts textes regroupés selon une thématique, Sábato évoque ses grandes douleurs, comme la perte d’un fils, la détresse de la jeunesse actuelle, l’ombre du suicide, soit ce « testament spirituel » de sa quête de vérité et de sacré. L’épilogue est une adresse aux jeunes gens, aux enfants déshérités : un message d’espoir, d'ouverture et de solidarité, un appel aux « héros, saints ou martyrs » nécessaires.
Voici ses derniers mots (cervantesques), avant la fin de sa vie, ou du monde :
« Seuls ceux qui se montreront capables d’incarner l’utopie pourront mener le combat décisif, celui dont l’enjeu est de recouvrer toute l’humanité que nous avons perdue. »

L’auteur étant un grand lecteur, les références et citations littéraires sont nombreuses : Dostoïevski, « ce diabolique Rimbaud » et bien d’autres, notamment Cioran, avec qui Sábato se trouve des affinités :
« Comme la nécessité de démythifier un rationalisme qui ne nous a apporté que la misère et les totalitarismes. »

Je dois signaler que ‒ en tout cas dans la traduction française ‒ ce livre est entaché par endroits de poncif, de pathos et d’un certain passéisme, ce qui ne retire rien aux convictions de l’auteur, ni à la valeur de son témoignage.

Voici un passage qui résonne particulièrement en moi (mais pas pour le style), sans doute compte tenu de ce que j'ai pu observer de mon côté :
« Dans la ville de Resistencia, j’ai fait une expérience qui me paraît déterminante. C’était au début de l’année, pendant les grandes inondations du Paraná. J’ai été alors bouleversé de voir une telle pauvreté et à la fois une telle humanité. Comme si elles étaient inséparables, comme si l’essentiel de l’homme se révélait dans l’indigence. »


Mots-clés : #autobiographie #creationartistique #ecriture #essai #temoignage #vieillesse #xixesiecle
par Tristram
le Dim 14 Juil - 16:23
 
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Sujet: Ernesto Sábato
Réponses: 27
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Anna Maria Ortese

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 Dscn3410

Les beaux jours

(Italien: Poveri e simplici, Firenze, 1967)

La narratrice, Bettina, se souvient des « beaux jours » quand au début des années 50 elle vivait comme jeune femme dans une « commune », marquée par la gauche. Cette période est sous le signe de la pauvreté et la recherche constante de travail, mais aussi un moment de partage des mêmes idéaux. Elle essaie de travailler l’écriture et reçoit, un moment décisif pour elle et ses amis, un prix important. Puis une histoire d’amour prendra le dessus : d’abord dans la distance, avec un journaliste et qui au cours de deux ans deviendra une relation d’amour qui « date jusqu’à aujourd’hui ».

J’ai lu avec joie ce livre, un peu trop romantique à mon goût un moment donné. En cela il pourrait être de la plume d’une jeune fille. Mais le livre fut publié en 1967 et Ortese avait déjà ses 50 ans! J’ai fait une grande gaffe en regardant pendant la lecture dans une biographie de l’auteur. Là, elle disait que « Poveri e simplici » était son plus mauvais livre. Comment contredire un auteur ? Ou est-ce que cela parle alors pour la qualité des autres œuvres ? Surtout dans le premier aspect d’une vie communautaire, à la recherche permanente de travail, elle arrive à donner une image à cette époque, peut-être aussi à un part autobiographique. Et la critique de son pays fut pas d’accord avec son avis, car elle obtenait le Prix Strega.


Mots-clés : #amour #ecriture #social
par tom léo
le Sam 15 Juin - 18:44
 
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Sujet: Anna Maria Ortese
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Joan Didion

Joan Didion
Née en 1934


Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 Rich_110

Joan Didion, née le 5 décembre 1934 à Sacramento en Californie, est un écrivain américain, connue comme journaliste, essayiste et romancière. Elle est considérée comme une muse et un auteur culte par des écrivains américains tels que Bret Easton Ellis ou Jay McInerney.

Son premier roman ‘Run River’ paraît en 1963 et l’année d’après elle épouse John Gregory Dunne, écrivain, avec qui elle retourne s’installer en Californie. Elle est surtout connue pour ses deux recueils d’essais ‘Slouching toward Bethlehem’ (1968) et ‘The White Album’ (1979), dans lesquels elle observe la culture et la politique américaines et les changements de cette période-là, dans un style journalistique mélangeant ses réflexions personnelles et l’observation sociale.
‘Political Fictions’ (2001) rassemble des essais publiés dans le New York Review of Books et son récit ‘Where I Was From’ (2003) analyse sa relation avec sa Californie natale ainsi que celle avec sa mère.
Elle est également l'auteur de plusieurs scénarios pour le cinéma avec l'écrivain John Gregory Dunne auquel elle a été mariée pendant quarante ans. Son dernier livre, "L'année de la pensée magique", qui relate le décès de celui-ci survenu à la suite d'une crise cardiaque, a remporté le National Book Award.

Elle était la mère de Quintana Roo Dunne, qu'elle avait adoptée à la naissance avec son mari et qui est également décédée, quelques mois après son père, d'une pancréatite aiguë à l'âge de trente neuf ans.

Joan Didion vit à New York.


Ouvrages traduits en français :

Romans :
- Une saison de nuit (Run, River, 1963)
- Maria avec et sans rien (Play it as it lays, 1970)
- Démocratie (Democracy, 1984)

Essais
- L'Amérique 1965-1990 - Chronique, traduction partielle des ouvrages Slouching Towards Bethlehem(1968), The White Album (1979), et After Henry (1992)
- L'année de la pensée magique (The year of magical thinking, 2005)
- Sud et Oust : Carnets (South and West : from a notebook, 2017)

Théâtre :
- L'année de la pensée magique (The Year of magical thinking, 2006), version pour la scène de son essai.

source : Wikipédia




Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 51ch0410

L'année de la pensée magique

Un livre sur le deuil...

Quatrième de couverture
:
Une soirée ordinaire, fin décembre à New York. Joan Didion s'apprête à dîner avec son mari, l'écrivain John Gregory Dunne - quand ce dernier s'écroule sur la table de la salle à manger, victime d'une crise cardiaque foudroyante.
Pendant une année entière, elle essaiera de se résoudre à la mort du compagnon de toute sa vie et de s'occuper de leur fille, plongée dans le coma à la suite d'une grave pneumonie.

La souffrance, l'incompréhension, l'incrédulité, la méditation obsessionnelle autour de cet événement si commun et pourtant inconcevable : dans un récit impressionnant de sobriété et d'implacable honnêteté, Didion raconte la folie du deuil et dissèque, entre sécheresse clinique et monologue intérieur, la plus indicible expérience - et sa rédemption par la littérature.

L'année de la pensée magique a été consacré " livre de l'année 2006 " aux Etats-Unis. Best-seller encensé par la critique, déjà considéré comme un classique de la littérature sur le deuil, ce témoignage bouleversant a été couronné par le National Book Award et vient d'être adapté pour la scène à Broadway, par l'auteur elle-même, dans une mise en scène de David Hare, avec Vanessa Redgrave.


MON AVIS

Un peu mitigé... Je crois que j'attendais trop du livre... J'ai trouvé que Didion revenait trop sur le passé et insistait trop sur la maladie de sa fille (qui hélàs a "gelé" son deuil), j'attendais qu'elle donne plus de détails sur ses actes et ses pensées, à chaque étape du deuil. Une sorte de manuel de survie quand on est en grandes difficultés de la vie...

Stylistiquement, un livre très bien écrit, mais je n'ai relevé aucune citation...

Qui l'a lu?


Mots-clés : #autobiographie #ecriture #mort
par Plume
le Mer 15 Mai - 21:08
 
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Sujet: Joan Didion
Réponses: 6
Vues: 921

Olivier Cadiot

Histoire de la littérature récente – Tome I

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 41dogk10

Livre très intéressant et caustique qui sous couvert de donner des conseil pour écrire critique toutes les erreurs d'une littérature française mise en avant et si pauvre.
Des comportements, au propos tenus, aux marottes, aux idées pré-conçues le messages est finalement clair : tout ce qu'on dit sur les méthodes d'écriture, jetez cela à la poubelle et faites ce qui vous plait sans en attendre quoi que ce soit d'autre que ce que c'est réellement.
Jubilatoire, permettant d'exorciser nos propres doutes, l'ouvra est dynamique, goguenard et bien écrit.
En espérant que le tome 2 suive le même chemin.


****


Mots-clés : #ecriture #universdulivre
par Hanta
le Ven 3 Mai - 11:28
 
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Sujet: Olivier Cadiot
Réponses: 1
Vues: 489

Karel Capek

Le Météore

Tag ecriture sur Des Choses à lire - Page 4 Le-met10


Le traducteur, Alain Van Crugten, nous apprend dans une préface que cet ouvrage fait partie de…
« …] la trilogie parue en 1933 et 1934 et dont Le Météore constitue le deuxième volet, les deux autres étant Hordubal et Une Vie Ordinaire. »

(Cependant, les romans seraient indépendants.)
Un chirurgien et un interniste (l’œil du médecin est prépondérant dans ce roman), un poète et un voyant s’interrogent sur un agonisant tombé en feu d’un avion pendant une tempête.
Agonie à l’hôpital :
« Pouls insensible. Amenez un paravent, Mademoiselle, s’il vous plaît. »

« Comme ces oréodoxes déchiquetés sifflent et craquent ! »

Curiosité, ou lubie de traducteur, cet oréodoxe (-doxa, -doxe, du grec « gloire, splendeur »), qui serait un grand palmier américain, peut-être le palmier royal, palmiste montagne ou Prestoea
L’inconnu apparaît en rêve à la religieuse qui le veille, l’extralucide donne sa version de l’histoire de cet homme, et l’écrivain l’imagine de façon vraisemblable en partant d’hypothèses plausibles. C’est l’occasion pour Capek de formuler l’écriture comme nécessité, comme chasse des possibilités de la réalité, et aussi « passion du détective », enquête sur le mystère du vivant ‒ voire comme déconstruction de la perception du réel.
« Moi [le poète] je regarde continuellement, et pendant ce temps-là j’imagine continuellement des choses. Ou plutôt ça se passe ainsi : elles se mettent à s’inventer toutes seules en moi, elles se déroulent, elles commencent à vivre leur propre vie. Bien sûr, moi aussi je m’en mêle : je donne des conseils, je corrige, etc., vous comprenez ? »

« Je vais vous dire une phrase de démence métaphysique : la possibilité qui entre toutes serait seule possible serait la réalité. »

« Mon cher ami, le monde est grand, plus grand que notre expérience ; il est composé d’une poignée de faits et de tout un univers de possibilités. Tout ce que nous ne savons pas est là en tant que possibilité et chaque fait est un petit grain dans le rosaire des éventualités passées et à venir. »

« Je cours derrière quelque chose de vivant et je ne sais pas encore où cela me mènera. Croyez-moi, écrire des romans est une activité plus proche de la chasse que, par exemple, de la construction d’une église selon des plans préconçus. Jusqu’au dernier moment nous vivons dans l’attente de ce que nous allons rencontrer ; nous aboutissons à des endroits inattendus, mais seulement parce que nous nous accrochons avec un acharnement absurde à la trace de cette chose vivante. Nous chassons un cerf blanc et ce faisant, presque sans le vouloir, nous découvrons de nouvelles contrées. Écrire est une aventure – je ne vous dirai rien de plus à la gloire de cette vocation. »

« Je tente d’excuser la littérature et sa complaisance pour le tragique et le risible. Car ces deux choses sont les détours que l’imagination a inventés pour donner par ses expédients, par ses voies irréelles, l’illusion de la réalité. La réalité en elle-même n’est ni tragique ni comique ; elle est trop importante et infinie pour l’un ou l’autre. La pitié et le rire ne sont que des secousses passagères, à l’aide desquelles nous accompagnons et nous commentons les événements en dehors de nous. Suscitez d’une manière quelconque ces secousses et vous susciterez également l’impression que quelque chose de réel s’est passé en dehors de vous, d’autant plus réel que le choc sentimental a été plus rude. Mon Dieu, quels trucs et quels tours n’inventons-nous pas, nous les spécialistes de l’imagination, pour secouer convenablement et impitoyablement l’âme sclérosée du lecteur ! »

(Et là, dans le dernier extrait, j'ai fortement pensé à Kundera !)
L’auteur expose la genèse de l’ouvrage en abîme (chapitre 22 sur 39), puis narre les aventures de l’inconnu au fil de son imagination, celles d’un amnésique dans les Antilles coloniales (et racistes), surnommé Kettelring (qui pourrait traduire par "maillon de chaîne" ?) ‒ là encore, la présence du narrateur-auteur n’est pas discrète…
« Montrez à ces pauvres sauvages les bienfaits de la civilisation sous la forme de gens furieux, irritables, maladifs, qui se sentent ici en exil et comptent les jours et les sous qui leur permettront de retourner chez leurs tantes et leurs cousins. »

« (Quelle magnifique invention que les colonies ! Découvrir des terres qui ne sont pas le foyer de l’homme, mais seulement un espace à exploiter ! Comme cela a dû libérer ses aptitudes économiques !)

Il y a beaucoup d’observations et de remarques intéressantes au cours du récit :
« Si l’on y réfléchit bien, la morale sexuelle n’est-elle pas fondée sur le déplaisir causé par le plaisir que d’autres ont ensemble ? »

« Nos paroles sont des succédanés de nos sensations, elles sont dérivées de ce que nous voyons, entendons et touchons. Elles ne permettent pas d’exprimer précisément les choses qui ne sont pas accessibles à ces sens. »

« Quand vous vous représentez un fleuve, tout un fleuve, non pas comme une ligne en zigzag sur la carte, mais pleinement et globalement avec toute l’eau qui, lorsqu’elle coule le long de ses rives, contient aussi une représentation de la source et du fleuve qui coule et de la mer, de toutes les mers du monde, des nuages, de la neige et de la vapeur, le souffle des morts et l’arc-en-ciel, tout cela, tout le circuit de toutes les eaux du monde sera ce fleuve. »

« Il recherche la solitude pour qu’il n’y ait pas cette rupture entre lui et l’entourage. Il essaie de faire fondre comme un morceau de glace son abandon intérieur dans les mers infiniment solitaires ou les terres étrangères. Il doit sans cesse abandonner quelque chose pour que son abandon ait une cause extérieure. »

Une étonnante découverte, et plus qu’une intéressante curiosité, une véritable pensée métaphysique à la valeur intrinsèque.
« Que veux-tu, un homme n’est totalement lui-même que lorsqu’il est vaincu. C’est alors qu’il se connaît ; c’est infaillible et réel, c’est la réalité indiscutable. »



Mots-clés : #ecriture
par Tristram
le Mer 1 Mai - 23:39
 
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Dany Laferrière

Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer

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« C’est simple, c’est un type, un Nègre, qui vit avec un copain qui passe son temps couché sur un Divan à ne rien faire sinon à méditer, à lire le Coran, à écouter du jazz et à baiser quand ça vient. »

Voici le résumé du roman par l’auteur ; il faut juste ajouter que le type, qui est le narrateur, rêve de femmes blanches et d’écriture.
Il y a un petit côté Bukowski et Henry Miller (qu’il nomme d’ailleurs plusieurs fois) dans cette rengaine du futur écrivain avec sa machine à écrire d’occasion dans sa petite piaule crasseuse (ici dans la banlieue montréalaise) ‒ sans compter Hemingway, qui se situe en bonne place dans les références littéraires !
« Faut lire Hemingway debout, Bashô en marchant, Proust dans un bain, Cervantes à l’hôpital, Simenon dans le train (Canadian Pacific), Dante au paradis, Dosto en enfer, Miller dans un bar enfumé avec hot-dogs, frites et coke… Je lisais Mishima avec une bouteille de vin bon marché au pied du lit, complètement épuisé, et une fille à côté, sous la douche. »

« Je lis : Hemingway, Miller, Cendrars, Bukowsky, Freud, Proust, Cervantes, Borges, Cortazar, Dos Passos, Mishima, Apollinaire, Ducharme, Cohen, Villon, Lévy Beaulieu, Fennario, Himes, Baldwin, Wright, Pavese, Aquin, Quevedo, Ousmane, J.-S. Alexis, Roumain, G. Roy, De Quincey, Marquez, Jong, Alejo Carpentier, Atwood, Asturias, Amado, Fuentes, Kerouac, Corso, Handke, Limonov, Yourcenar. »

Humour potache (avec une dimension sarcastique, et provoquante), mais pour être facétieuse la pose est un peu facile. On a quand même l’impression que Laferrière profite d’une position lui permettant d’exprimer non seulement du politiquement incorrect, mais un bel éventail de poncifs, de phantasmes et d’opinions sexistes et racistes, sans qu’on puisse toujours y voir une caricature.
« DES BLANCHES COLONISÉES. Les prêtresses du Temple de la Race. Des droguées de Nègre. »

Ce premier livre (paru en 1985, date d’édition qui n’est pas anodine) racoleur (comme son titre) reprend comme une recette gagnante les susnommés Miller et Bukowski dans une mouture bohème-branchouille et frère ceci-cela. Contre-culture baba cool et/ou Hemingway à Paris.
Ça parle principalement de sexe, avec les « Miz » (miss successives), et c’est vrai que les scènes de baise respirent le vécu. Aussi ode à la paresse, au mysticisme oriental mal assimilé, c’est surtout le cri de l’envie, de la convoitise, sans même le cosmétique d’une revendication politique :
« Qu’est-ce que j’ai contre les riches ? Eh bien, je crève de jalousie, je meurs d’envie. Je veux être riche et célèbre. »

Apparemment, ça vient quand même après Carole Laure :
« Carole Laure dans mon lit. Carole Laure en train de me préparer un bon repas nègre (riz et poulet épicé). Carole Laure assise à écouter du jazz avec moi dans cette misérable chambre crasseuse. Carole Laure, esclave d’un Nègre. Qui sait ? »

Mais il n’y a pas que ça (quoi que) :
« Bessie Smith (1896-1937), Chattanooga, Tennessee. Pauvre Bessie. I am so downhearted, heartbroken, too. Me voici mollement couché au fond d’un fleuve (Mississippi Floods), doucement ballotté par les chants de cueillette du coton. Le Mississippi a inventé le blues. Chaque note contient une goutte d’eau. Et une goutte du sang de Bessie. "When it rained five days and the sky turned dark at night… It thundered and it lightened and the winds began to blow…"
Pauvre Bessie. Pauvre Mississippi. Pauvre fille d’eau. Pauvre Bessie au cœur lynché. Corps noirs ruisselants de sueurs, courbés devant la grâce floconneuse du coton. Corps noirs luisants de sensualité et ballottés par le cruel vent du Sud profond. Deux cents ans de désirs entassés, encaissés, empilés et descendant les flots du Mississippi dans la cale des riverboats. Désirs noirs obsédés par le corps blanc pubère. Désirs tenus en laisse comme un chien enragé. Désirs crépitants. Désirs de la Blanche.
‒ Qu’est-ce qui t’arrive, Vieux ?
‒ Quoi ?
‒ T’as peur ?
‒ Peur de quoi ?
‒ T’as peur de la maudite page blanche ?
‒ C’est ça.
‒ Tors-la, Vieux, prends-la, fais-la gémir, humanise cette saloperie de page blanche. »

« ‒ Tu viens d’où ? me demande brutalement la fille qui accompagne Miz Littérature.
À chaque fois qu’on me demande ce genre de question, comme ça, sans prévenir, sans qu’il ait été question, auparavant, du National Geographic, je sens monter en moi un irrésistible désir de meurtre. »

(« demander une question", c’était bien sûr avant l'Académie française, quand l’auteur était sous influence linguistique anglaise…)


Mots-clés : #ecriture #humour #racisme
par Tristram
le Dim 28 Avr - 1:40
 
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Sujet: Dany Laferrière
Réponses: 32
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