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278 résultats trouvés pour social

Iceberg Slim

Pimp : Mémoires d'un maquereau

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Fghhfg10

J'ai adoré ce roman autobiographique. Je l'ai aimé pour trois raisons principales :
- le langage est cru mais jamais salace, et il est incroyablement varié ce qui nous fait contourner les stéréotypes du rappeur-racailleux qui parle avec ses mots et tant pis si l'on ne comprend rien. Et ce langage, ce style permet de s'imprégner du paysage dans lequel l'auteur nous propulse.
- l'histoire qui est passionnante, loin des clichés, ce n'est pas une glorification ni une rédemption, c'est le constat d'une évolution heureuse et malheureuse par d'autres moments et cette distance, cette absence de jugement fait du bien.
- la richesse des personnalités qui constituent l"histoire : mi-charismatiques, mi pathétiques, ils sont complexes et cela permet des péripéties plus subtiles qu'il n'y parait.

J'ai vraiment aimé ce livre et je le conseille.


Mots-clés : #autobiographie #conditionfeminine #criminalite #prostitution #segregation #social #violence
par Hanta
le Ven 18 Aoû 2017 - 10:38
 
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Sujet: Iceberg Slim
Réponses: 4
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Christos Tsiolkas

Jesus Man

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Ezrq1010

Roman choc s'il en est qui décrit les péripéties et drame d'une famille grecque en Australie. Ce récit est d'ailleurs un prétexte pour dresser un portrait au vitriol et une description sans concession de la société australienne. Emploi, racisme, chômage, sexe, moeurs, multiculturalisme non assumé, perte d'identité sont autant de thèmes que l'on pourrait transposer sans peine en France. Il est d'ailleurs intéressant de les voir traités pour analyser un autre pays et à la façon de Tsiolkas. Dialogues tranchants, avis tranchés, scènes sexuelles dérangeantes, rapports familiaux poignants et choquants ce roman suinte d'angoisse et de désespoir. On peut penser à du Larry Clark romancé, ou à du Irvin Welsh. C'est dans un style brut avec la volonté de nous planter dans les yeux un décor qu'on ne veut pas voir au quotidien, avec une vulgarité non feinte mais subtile que l'on se prend à réfléchir sur notre propre identité et nos propres pulsions, nos préjugés mais aussi nos attachements et nos réflexions. Un roman utile et vif.


mots-clés : #famille #immigration #social
par Hanta
le Ven 18 Aoû 2017 - 10:29
 
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Sujet: Christos Tsiolkas
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Louis Calaferte

Septentrion

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Sm_59510

Septentrion est un excellentissime récit, plein de vie avec un rythme que j'ai particulièrement aimé. En effet j'ai ressenti une écriture par saccade presque musicale tant le jeu des phrases courtes et des phrases longues est harmonieux. Les descriptions de situations ou de lieux sont riches mais pas exagérées et laissent la part belle aux pensées de l'auteur qui possède un cynisme assez jubilatoire.
Pour ce qui est du côté "hot" du roman je ne l'ai pas trouvé choquant mais comme je le disais quand on a lu Sade on est peu choqué par le reste. Ce qui est surprenant c'est que le rythme du récit varie selon la situation sexuelle décrite. Rapide et saccadé quand la situation s'enflamme ou lascif et lent quand la situation est plus érotique que sexuelle. C'est du moins l'impression que ca m'a laissé et c'est je pense pour cela que cela peut paraître choquant. un sentiment d'intimité s'empare de nous et l'on se pense concerné par la situation à cause du rythme imposé qui nous accompagne.
Le style est magnifique, clair mi-courant-mi familier par endroits, soutenu et presque poétique dans d'autres. Cela fait du bien une telle richesse de vocabulaire.

Un excellent livre qu'il serait dommage de louper.


mots-clés : #autobiographie #sexualité #social
par Hanta
le Jeu 17 Aoû 2017 - 15:04
 
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Sujet: Louis Calaferte
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John Dos Passos

J'avais moins trouvé mon rythme dans le suivant. Ils ont eu une jolie couverture les espagnols non ? Je l'ai lu en vf (je ne lis ni ne parle l'espagnol) mais comme elle est jolie j'empreinte :

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 51yqww10

1919

Je pourrais faire quasiment le même commentaire que pour 42e parallèle tant pour la forme que pour la facilité de lecture. Même alternance de personnages et d'actualités et de souvenirs. Mais on change de personnages pour traverser la première guerre mondiale.

Marine, croix rouge, journalisme. Le point de vue reste américain et évite assez soigneusement le pire du conflit dont les horreurs du front restent comme un lointain placage. A cette guerre s'oppose la teneur des récits qui ont pour la plupart comme objet les errances sentimentales des personnages... ou leurs laborieux parcours professionnels, ça dépend un peu des moyens qu'on a au départ pour aborder la vie.

C'est l'autre opposition du livre, cette différence des parcours, avec en autre toile de fond la répression des mouvements ouvriers et les espoirs déçus de révolte de part le monde. Mais même cette partie là finalement reste en "rappel historique" (cruel).

La guerre elle-même prend des allures de récréation entre Paris et l'Italie. Désespérée et très alcoolisée d'un côté, mondaine d'un autre et comme si les espérances et les idéaux venaient fondre, se dissoudre, dans ce moment historique. Un moment qui voit se révéler un visage d'ambitions et d'opportunités économiques et politiques : profits de l'économie de guerre, partages de gâteaux, etc.

Facile à lire quoiqu'un peu répétitif, possibles mous dans la traductions aussi (Quarto), provoquant un certain malaise par son ambiance discrète mais très particulière, c'est finalement un drôle de truc. Un drôle de truc dont il ne faut pas non plus exclure la part d'autobiographie et de souvenirs intimement mêlée à cette vision dure de l'histoire.

Un parfum de défaite dans la célébration.

(récup' again).


mots-clés : #social #premiereguerre
par animal
le Dim 6 Aoû 2017 - 22:26
 
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Sujet: John Dos Passos
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John Dos Passos

Je prépare le terrain comme j'approche de la fin de la trilogie U.S.A. :

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Bm_cvt11

42e parallèle (1930)

Première partie de la trilogie USA. Il y a deux choses qui frappent tout de suite le lecteur : ambition massive dans la densité et la forme composite particulière. Et ça se lit tout seul, 480 pages en poche qui passent comme un rien, fluidité radicale. Le récit fait suivre dans une alternance relative 4-5 personnages hommes et femmes, jeunes hommes et jeunes femmes en fait dans l'Amérique du tout début du XXème siècle, l'auteur revient donc quelques années après sur sa propre génération (une partie des parcours exposés ressemble d'ailleurs à sa propre histoire). Simples et factuelles ces histoires d'américains modestes qui s'insèrent dans la vie active assez jeunes et avec plus ou moins de bonheur. Unanimement les besoins urgent du travail suffisamment stable et rémunérateur pour s'assurer le gite et le couvert, juste après les amours et amitiés, et les consciences politiques... et la guerre qui se profile en Europe.

Cette trame qui laisse déjà de nombreuses pièces au portrait d'un moment historique et d'une civilisation (presque) est enrichie de "collages" d'actualités qui brouillent les pistes tout en complétant le tableau : aperçu des mœurs, des événements, d'un esprit du temps. Les bribes s’enchaînent très courtes, se fondent des unes avec les autres en un bruit de fond très évocateur qui à la fois renforce les histoires des personnages et se place en porte à faux, l'image d'actualité est un peu fausse... en double, les fragments de "chambre noire" passages d'une prose plus libre qui s'apparente au flux de conscience, ombres autobiographiques, esquisses, autres ? souvenirs d'instants de flottement de l'esprit au milieu du courant puissant de la vie et de l'histoire ? en tout cas ce sont sans impudeurs des aperçus de l'intimité d'une sensation. On trouve aussi des biographies condensées de grands personnages : Henry Ford, Woodrow Wilson ou Thomas Edison.

Ce portrait d'Amérique à la fois critique et engagé (à gauche) met donc en mouvement le mythe même du pays, son mythe fondateur moderne auquel se heurtent inconsciemment les personnages. Le pays qui laisse à chacun la liberté de son bonheur, le pays si vaste qu'on peut y changer de vie et le pays des opportunités qui sont les opportunités du travailleur et les opportunités des rencontres. Le livre témoignant sans non plus forcer le trait car le mécanisme est le même à plusieurs étages sur l'ascenseur social de la rencontre. Avec la recherche d'une conformité à un modèle aux contours incertains d'un état social convenable, état de morale et de classe (voire de race). C'est vis à vis de ce modèle que l'écriture du présent et la réécriture historique sont rendus pertinemment explicites. Action prise en faux, conscience émoussée par l'habitude, l'étranger, la classe (la vie de Mac, engagé socialiste qui se retrouve au Mexique devient très différente dans ce contexte et par sa réussite relative dans la voix trouvée/choisie). La réécriture est flagrante dans l'explication de la guerre et de l'entrée en guerre des Etats-Unis et dans le même mouvement du combat autour du travail, à savoir qui détient le symbole avec la mise en œuvre d'une "machine d'éducation".

Rien de trop simple, de quoi laisser planer un doute et entretenir l'attention, le besoin de chercher une limite, de situer le "libre arbitre".

Un roman puissant même si la fin qui n'est pas tout à fait finie (embarquement pour la France) laisse courir le propos dont la liberté de forme et la fluidité préfigurent a priori la génération suivante (quelque chose de Beat & co dans les vagabondages) mais nourrie de cette réflexion et de cette mise en œuvre historique qui marque la littérature du début du XXème. L'individu fait partie d'un monde, il y a un rapport actif à une entreprise quelque peu démesurée voire titanesque quand il s'agit ici d'un mythe de civilisation de liberté et des masses du capitalisme moderne et d'un socialisme encore fort de sa croyance en un avenir meilleur.

Très intéressant, très riche, un peu nébuleux car des références ou allusions historiques peuvent échapper, pas le morceau de génie mais un excellent livre qui porte beaucoup d'ambitions et s'en sort mieux que bien. Un des meilleurs livres que j'ai lus sur notre monde moderne avec l'influence de ce modèle économique et social, et sur ce grand pays composite. ça rend palpable dans la globalité un état d'esprit et précise beaucoup de ce que représente cette image de fond toute faite. ça parle beaucoup de notre conformité en général.

La suite va s'imposer.

(récup et ajustements).


mots-clés : #social
par animal
le Sam 5 Aoû 2017 - 9:39
 
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Sujet: John Dos Passos
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Gérard Noiriel

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Massac10


Je ne connaissais pas du tout l'auteur et son parcours, c'est le titre et le lieu qui m'ont attiré sur cette lecture. Bien m'en a pris.


Le massacre des Italiens


L’ auteur a choisi de faire l’analyse socio-politique de ce drame. Il présente le lieu où il s’est déroulé : Aigues-Mortes dans les Bouches du Rhône,  l’histoire de cette ville médiévale, construction, économie, démographie (tour à tour prospère, puis en récession, stagnante.)

Une ville isolée entourée de marais insalubres lesquels provoquent les fièvres, manque vital  d’eau, à l’époque. Donc un manque d’hygiène.

Ces marais salins sont avec les vignobles les deux économies actives de  la ville mais surtout  les prémices du capitalisme ; c’est la Compagnie des Salins du Midi qui exploite les marais, quant aux vignobles les propriétaires sont les notables de la ville.

Le travail des ouvriers dans les marais est  équivalent à celui d’un forçat : chaleur, sel qui imprègne tout, poids à manipuler, longue journée, mal nourris, mal logés, mal payés …………..

Cette photo illustre la difficulté de pousser les brouettes sur un passage étroit  qui s’élève au fur et à mesure que s’élève les pyramides de sel (c’est le levage)


Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Brouet10

La CSM  trouve intérêt à mettre en concurrence les ouvriers Français et Italiens, plus rentables, un affrontement meurtrier* se déroula les 16 et 17 août 1893. L’ auteur  en dresse la chronologie. Les victimes en sont les Italiens (morts et de nombreux blessés). Massacre auquel ont participé les ouvriers , les trimards (vagabonds, sans emploi, nomades : les plus démunis) et une partie de la population Aigues-Mortaise.

L’auteur a fait des recherches sur le parcours des personnages représentant l’autorité (le Maire, le Préfet, le Procureur, les gendarmes, l’armée… )et la CSM, tous niant leur responsabilité.

Pour expliquer cette féroce attaque l’auteur analyse l’affaire Aigues-Mortes, à travers  la situation de la France et de l’Italie pays  tous deux touchés par la Dépression.

- Social (l’ affaire des Fourmies  en France par exemple)

- Politique  dans les deux pays également  (En France la thèse nationaliste  exacerbée par les lois de l’immigration  (Barrès, Drumont…..), la thèse libérale…)

- La justice (dont l’indépendance n’est pas avérée dans cette affaire ; pression des groupes nationalistes, le jury de la cour d'assises d'Angoulême où a eu lieu le procès acquittera tous les accusés malgré des preuves accablantes. Ce qui constitue un scandale judiciaire)

- Les relations diplomatiques (résultant  de l’ affaire de Tunis, la guerre de 1870 etc….)

Cependant « L'intérêt national » a incité les gouvernements français et italiens à « enterrer l'affaire ». C'est pourquoi, malgré son importance, cet événement a été ensuite occulté de la mémoire collective.

- L' importance de la Presse (nationale et locale) et son impact sur la population

Remarque :  Les discours les plus nationalistes étaient tenus par les radicaux qui défendaient en même temps les « droits de l'homme » ! (grand écart !)

Rappel et incidence de l’affaire Dreyfus.

Viennent ensuite l’analyse par les experts, psychologues, anthropologues, sociologues…..

La mémoire, l’ oubli,  la résurgence de l’affaire de longues années après

C’est au centenaire qu’est apposée une plaque commémorative sur la place d’Aigues-Mortes.



Une lecture très intéressante qui  fait le lien entre l’immigration de l’époque (les Italiens) et celle d’ aujourd’hui  (les maghrébins), le racisme qui ne se nommait pas en 1893, non plus que le « pogrom ».
Le chapitre  sur la   presse montre bien le pouvoir des » médias », à l’époque déjà avec des extraits judicieux des éditoriaux.

La conclusion de l’auteur  aurait presque suffit à  relater l’affaire, car bien argumentée.

Personnellement j’ignorais ce massacre,  qui s’est déroulé dans ma région, à  Aigue-Mortes , je n’avais pas le sentiment que l’immigration des Italiens avait été si dure, même si bien sur j’avais une connaissance du rejet et des noms péjoratifs qui leur étaient donnés.

Les immigrés sont exploités par les patrons et servent à ces derniers à exploiter  également les ouvriers Français. (me semble que c’est encore d’actualité).

Il y a certaine lecture qui vous rappelle que c’est bien votre pays qui a adopté des lois qui ne l’honoraient pas. Il faut rester vigilent car certaines idées délatrices sont encore bien  vivantes.

*Succinct résumé du massacre

Spoiler:





PS j’ai trouvé dans cette lecture un éclairage  quant aux propos de Bernanos  sur les Républiques et la démocratie(les cimetières sous la lune)


Arensor ce livre devrait t’intéresser,  et d'autres je pense


mots-clés : #social #historique #immigration
par Bédoulène
le Sam 29 Juil 2017 - 15:41
 
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Sujet: Gérard Noiriel
Réponses: 7
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Anonyme : La scierie

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Scieri10

La scierie

héros-limite a écrit:A la suite de circonstances parfaitement indépendantes de sa volonté, un jeune bourgeois de dix-neuf ans se trouve dans l’obligation de vivre, pendant deux années pleines, la vie d’un ouvrier de scierie – genre de vie auquel rien, absolument rien ne l’a préparé.
C’est donc un récit réaliste, mais d’une originalité particulière, puisqu’il s’agit d’une plongée en milieu  «prolétarien», et d’une vraie plongée, sans tricherie aucune, effectuée sous la contrainte et en dehors de tout parti-pris idéologique.
Extrait de la préface rédigée par Pierre Gripari en 1975.


Pas simple déjà de "ranger" ce petit fil ouvert pour parler de l'ouvrage. Récit d'une expérience très personnelle et écrit de façon très brute, pourtant il y a la tentation de le ranger "littérature tout court", pourquoi ? Peut-être l'influence de la préface qui parle d'un ton manquant et d'un choc.

Choc qui peut se comprendre, la description du travail en scierie dans les forêts du Loir et Cher (on ne verra plus le département du même œil) est... brutale. Les Grandes gueules à côté ce n'est pas loin de Winnie L'Ourson. Travail exténuant, dangereux, aussi mal payé que désespérément indispensable.

L'à côté du travail,  qualifié dans la préface de "méchanceté" mérite aussi qu'on s'y arrête. Il n'y a pas de lyrisme du travailleur ou du gagneur. Les coups bas et renvois d'ascenseur du même acabit sont de la partie...

Le truc dingue pourtant c'est la force, la rage, la hargne et l'orgueil  qui font que ce jeune homme tient. Pas envie de s'écrouler devant des types à qui ça ferait trop plaisir, classe sociale oblige et un drôle de besoin "d'en chier", de s'éprouver, de faire l'impossible, de vaincre l'usure. Et pas qu'un peut, c'est fascinant et serait malsain si en filtre on ne sentait pas du recul et une conscience de la vanité de la chose, de même qu'un réalisme quant au gain.

Il n'est pas tout seul dans cette galère, on découvre une "élite" de forcenés fous furieux. Plus forts que les autres, sans répits pour un très mince espoir de s'en sortir mieux à terme dans un contre la montre démesuré.

C'est brut mais précis. Le regard sur le travail, ce rapport au travail, excessif certes mais rare dans la balance montrée entre la contrainte matérielle et le besoin quasi indépendant de faire les choses, de s'éprouver, de s'user (pour reprendre les mots déjà utilisés), une manière de se construire dangereuse, déraisonnée en fait. Un effet de jeunesse, ou pire. Ou alors un réflexe pour se mettre à l'abri au sens où pire que soi sera difficile à trouver.

Une lecture pas nette, le genre de machin qu'on ne lit vraiment pas souvent, rageur, sauvage, violent. Fascinant, avec malaise.


mots-clés : #initiatique #social
par animal
le Lun 24 Juil 2017 - 22:13
 
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Sujet: Anonyme : La scierie
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Mohammed El Bisatie

bix, je te remercie de m'avoir incitée à lire cet auteur. Même si, honnêtement, mon bilan est mitigé, l'authenticité et la force du propos sont indéniables.

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 97827410

La Faim

La Faim, ce sont trois tranches de vie. Trois épisodes narrés du point de vue d'un père, d'une mère puis d'un fils et qui, mis bout à bout, forment un récit parcellaire mais criant de vérité ; celui d'une vie démunie dans l'Egypte rurale. Une vie sous le signe de la Faim.

Zaghoul, le père de famille, est un être serviable et une force de la nature ; pourtant, il est incapable de garder un travail plus de quelques jours. Sa femme, Sakina, guette avec inquiétude ses retours, car elle sait qu'ils rimeront avec une nouvelle période d'une faim aussi intense qu'humiliante. Encore une fois, elle devra ravaler sa honte pour aller quémander du pain à ses voisines, accumulant des dettes dont le remboursement engloutira en quasi totalité la prochaine paie de Zaghoul…
Mais ces préoccupations quotidiennes ne semblent pas avoir de prise sur son époux, qui déambule à son gré. Un temps, il se plaît à suivre un groupe d'étudiants, se nourrissant des bribes de conversations qu'il parvient à saisir, et qui le plongent dans des abîmes de réflexion. S'il regrette de ne pas être instruit, il n'envisage pourtant pas un instant de mettre ses enfants à l'école. L'école, dit-il, "ça n'est pas pour les gens comme nous."

A deux reprises, la famille parvient à se faire embaucher par une famille de notables, et voit son sort s'améliorer. Pour nourrir ses enfants, Sakina est même prête à endurer vexations et moqueries. Mais la rude réalité se rappelle bien vite à eux : une fois inutiles, ils sont jetés dehors sans un regard en arrière. Le livre illustre de façon cruelle le fossé qui sépare les pauvres des nantis, et le mépris dont ceux-ci font preuve à l'égard de ceux qui les servent. Même les enfants sont impactés par cette condescendance qui tourne vite au rejet.
Invariablement, la famille retourne à sa misère. Sakina continue de compter sou à sou, pendant que son fils aîné apprend à déployer des trésors d'ingéniosité pour combler les exigences d'un corps en pleine croissance…

L'écriture de Mohammed El Bisatie est faussement simple, sans fioritures. Elle reste au plus près des émotions tout en jouant habilement de l'ellipse. L'auteur parvient à restituer la rudesse des campagnes égyptiennes, au fonctionnement quasi féodal, et il le fait sans jamais se départir de son empathie envers ses personnages.
Pourtant, quelque chose m'a dérangée dans ce texte. En effet, la misère extrême dans laquelle la famille est plongée tient surtout au comportement paternel : lorsque Zaghoul se décide à travailler, sa famille parvient à se nourrir et à se vêtir correctement (quoique chichement). Si l'on comprend aisément certaines  démissions par le refus de l'humiliation, il y a bel et bien un hic dans le comportement de cet homme, qui n'est jamais explicité. Comment comprendre qu'il reste sourd aux suppliques émises par les ventres de ses enfants affamés ?
Jusqu'au bout, Zaghoul m'est donc demeuré un mystère. La forme du récit, parcellaire, éclatée, n'aide évidemment pas le lecteur à remplir les blancs volontairement laissés par l'auteur. Si le talent de Mohammed El Bisatie est évident, cet étonnant parti pris de départ a quelque peu déroutée la lectrice que je suis. Et la férocité de la dénonciation s'en est hélas trouvée amoindrie...


mots-clés : #social
par Armor
le Ven 21 Juil 2017 - 21:25
 
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Sujet: Mohammed El Bisatie
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Didier Romagny

L'émietté

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 97820810

Livre assez étrange. L'auteur a semble t-il été travailleur social et grâce à cette expérience il traduit assez bien l'atmosphère des travaux précaires et des métiers besogneux, laborieux et peu reconnus.

Comme dit le héros de cette fresque socialo-existentielle on lui a proposé de choisir entre les vieux et les poubelles il a choisi le jetable inanimé.

cela m'a un peu fait penser à Egloff et son "Etourdissement". Cela commence gris, cela finit noir, mais l'on est pris dans cette sorte de tourbillon de la tristesse et finalement de la perte d'identité et de l'errance sans s'en rendre compte. Au point que l'on est assez perdus soi-même lorsque l'on repose le court mais riche ouvrage.

Le style est abouti en ce qu'il transparaît bien la perdition du héros, ainsi que la perte de cohérence des événements qui se suivent et s'ensuivent en un chemin long et inéluctable vers plus de tristesse.

Agréablement surpris. J'espère que l'auteur va continuer d'écrire il a un talent certain.

Une phrase qui m'a beaucoup plu et qui traduit bien et l'oeuvre et le contexte de notre société :
L'engagement des uns est acceptable tant qu'il n'empiète pas sur l'illusion des autres

mots-clés : #social
par Hanta
le Dim 16 Juil 2017 - 21:44
 
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Sujet: Didier Romagny
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Rana Dasgupta

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Unknow10

Delhi capitale

Rana Dasgupta ne connaissait l'Inde que parce que ce pays était celui de son père. Jamais il n'aurait imaginé quitter définitivement le confort de Manhattan pour la cité de Delhi. Et pourtant, il a été aspiré par le pouvoir d'attraction de cette ville dont il est, dit-il, tombé aussi amoureux qu'haineux… Et cette ville, il a eu envie de la comprendre, en se replongeant dans son histoire (récente et plus ancienne), et en allant à la rencontre de ses habitants, plus particulièrement ceux de la classe moyenne, qui sont au coeur de ce livre.

Maintes fois, Delhi a été détruite. Maintes fois, elle a su renaître de ses cendres. Le dernier traumatisme en date étant le drame de la Partition, dont les conséquences ont totalement changé le visage de la capitale indienne, donnant lieu à un vrai bouleversement culturel. L'empire moghol avait laissé en héritage une culture raffinée, un art unique et une langue célébrée des poètes. En exacerbant les antagonismes, la Partition a provoqué la mort de ce subtil sincrétisme hindo-musulman, que l'auteur évoque avec une certaine nostalgie. Cet extrait certes un peu long synthétise bien, je crois, la pensée de l'auteur :

Sans doute pense-t-on qu'un pays indépendant est plus porté à s'exprimer qu'un pays colonisé. Peut-être imagine-t-on l'Indépendance comme un moment où des voix jusque-là muettes se déversent tout à coup en conversation et en chants. Mais, dans l'Inde du Nord, la vérité était plus complexe. On ne lisait plus les ouvrages des grands auteurs en hindoustani, qui contenaient trop d'éléments désavoués et était écrits dans un alphabet qu'on ne pourrait bientôt plus déchiffrer.  Les maisonnées pendjabies, naguère si fièrement littéraires, se mirent à dédaigner les livres. La plupart, tous ceux qui ne servaient pas directement à promouvoir la carrière, représentaient une dépense sans retour sur investissement ; en fait, ils étaient une menace pour la maisonnée post-Partition, dans laquelle reconstruire la base matérielle de la famille était l'unique préoccupation légitime. (…)
Delhi mérita une fois de plus sa réputation de ville ou les langues viennent mourir. Si les réfugiés de la partition oublièrent l'ourdou en une génération, ils éprouvèrent les mêmes des difficultés à transmettre leur langue maternelle, le Pendjabi, dont leurs petits-enfants, dans leur immense majorité, ne connaissaient que des bribes. Beaucoup de membres de la classe moyenne finirent par ne parler correctement aucune langue – ni l'anglais, qui était, néanmoins, leur langue professionnelle, ni le hindi, qu'ils parlaient chez eux avec un vocabulaire limité aux besoins de la vie quotidienne. Le souci de la langue ? Vain et efféminé. La mode fut un certain relâchement dans l'expression, à une ignorance voulue de la grammaire.  (…) L'ancienne largeur de vue disparut. Les gens savaient de moins en moins ce que pensaient ceux qui n'étaient pas comme eux, l'isolement et la suspicion s'accrurent entre les castes.
Ce sont souvent les pauvres migrants des petites villes qui préservaient l'idée de la belle langue. Les réfugiés de la Partition, qui étaient propriétaires, comptaient leurs maisons et leurs économies, se repaissant de leur supériorité face à ces nouveaux venus dépenaillés ; mais parfois, ils entendaient parler les classes laborieuses venues d'autres lieux où l'on avait conservé les éléments poétiques, extatiques de l'hindoustani, et il s'apercevaient alors de tout ce qu'eux-mêmes avaient perdu.


La devise des années Nehru, "frugalité, service, nation", déjà mise à mal sous le régime d'Indira Gandhi, fut littéralement balayée par la dérégulation économique des années 2000. Aujourd'hui, la ville de Delhi se trouve dédiée tout entière à la rentabilité, à la réussite sociale et au consumérisme. L'opulence se doit d'être ostentatoire. Mais si le dynamisme de cette classe moyenne force l'admiration, il n'en cache pas moins des failles : une jeunesse désoeuvrée et en perte de repères, et des cellules familiales déstabilisées par la nouvelle indépendance des femmes, la (relative) libéralisation des moeurs, ou encore le recul de la spiritualité.
Et puis, le pendant de tout cet argent coulant à flot est, on le sait, la corruption endémique qui sévit dans le pays. Le système, loin d'être anarchique, est au contraire soigneusement planifié et entretenu par tous ceux qui y trouvent leur intérêt. Même le système médical est gangrené, les hôpitaux n'hésitant pas à faire payer des sommes ahurissantes des traitement totalement inutiles, voire dangereux pour les patients…
Delhi est en plein boom, Delhi s'enrichit, mais Delhi marche sur la tête…

Bien entendu, les pauvres sont comme toujours les grands perdants dans cette histoire. Les terrains où ils établissent leurs bidonvilles étant régulièrement convoités par les promoteurs, ils sont évincés manu militari, relégués dans les friches insalubres. Là, patiemment, de leurs propres deniers, ils reconstruisent des habitations, des écoles, et adjoignent un système de canalisation, avant d'être, de nouveaux, chassés comme des malpropres. Eternel cycle infernal pour ces déshérités ouvertement méprisés :

Le corollaire de tout cela était que, dans l'esprit de la classe moyenne, les domestiques ne méritaient pas leur salaire. Ce dernier n'était pas le reflet de leur contribution à la maisonnée, mais une espèce d'aumône qui leur était faite en dépit de leur incompétence. (…) Leur représentation des pauvres n'était pas celle d'une formidable force de travail, mais d'une meute de parasites qui vivaient au crochet de l'intelligence et du dur labeur de leurs supérieurs. C'était elle, la classe moyenne, qui boostait l'économie, et elle était déterminée à s'assurer que les fruits de la croissance lui reviennent en propre, et à personne d'autre. (…) « Se faire plumer » par les pauvres étaient quasiment une obsession (…)  Comme si, en réaction à la sempiternelle maxime de l'immédiat après indépendance – « Souvenez-vous des pauvres ! » –, Le temps était venu, semblait-il, de les oublier.


Pour dresser ce portrait contrasté de la ville, l'auteur a interviewé des gens très divers, arrogants, attachants, lucides, déroutants aussi, parfois, qui se sont livrés en toute sincérité. Mais Rana Dasgupta ne se contente pas de nous proposer des témoignages bruts, il fait un véritable travail de mise en perspective, aussi bien culturel que politique, analysant les mutations actuelles à l'aune du passé de la ville et du pays. C'est passionnant, parfois édifiant, et que l'on soit d'accord ou pas avec ses théories, on se plongera avec fascination dans cet essai de quelques 600 pages qui se lit aussi facilement qu'un roman, et livre de Delhi une vision aussi séduisante qu'effrayante.
A l'heure actuelle, Delhi est une ville à l'équilibre précaire, d'autant plus que son approvisionnement en eau est de plus en plus difficile à asssurer. Delhi pourrait donc bien s'auto-détruire. Avant de renaître, encore une fois ?


mots-clés : #corruption #essai #historique #mondialisation #social
par Armor
le Sam 15 Juil 2017 - 18:29
 
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Sujet: Rana Dasgupta
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KOBAYASHI Takiji

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 31jbsa10

Le bateau usine

Sur ce bateau usine, la vie est indécente, blessante, meurtrière. Ces hommes travaillent dans des conditions inhumaines sous les ordres du cynique et cruel Intendant, Asakawa, qui réduit les prérogatives du capitaine à la conduite du bateau !

Mal nourris, mal équipés, locaux insalubres, travail épuisant, voire dangereux, battus, la colère se nourrit de jour en jour.

"Que valent un ou deux gars de votre espèce ? Mais ne vous avisez pas de perdre ne serait-ce qu'une chaloupe ! Hors de question !"

L'intendant laisse périr plusieurs centaines d'hommes en interdisant au Capitaine d' assister les naufragés d'un autre bateau usine.

En perte de vitesse dans la pêche, l'Intendant instaure une rivalité entre les marins et les pêcheurs (diviser pour mieux régner) en faisant appel à leur patriotisme, puis en annonçant des récompenses ou des punitions selon le poids des prises : la carotte et le bâton ! pour le profit des actionnaires.

Les hommes, pêcheurs, ouvriers, paysans ont déjà exercé d'autres métiers difficiles dans les mines, les usines, les chantiers, la terre et ils en parlent ; aussi lorsque au Kamtchatka certains rencontrent des Russes qui vantent leur idéologie ils sont intrigués et intéressés. Ils propagent l'information à leurs compagnons.

"Les pêcheurs s'étaient vaguement demandé si ce n'étaient pas là ces "effrayants" discours "rouges" contre lesquels on les avait mis en garde. Mais en même temps, ils se disaient que si c'était ça, alors la propagande rouge ressemblait bigrement à du bon sens."

Qui, exploités comme ils le sont ne serait séduit ? Ils ont retenus l'un des principes du syndicalisme : l'union ! Alors quand la situation empire, ils débutent leur lutte par des "débrayages" et c'est la venue d'une grosse tempête malgré laquelle l'Intendant veut des pêcheurs au travail, que la goutte d'eau, si l'on peut dire, fait déborder le vase de la colère. Ca suffit de peiner, de mourir ! Tous se mettent en grève et portent leurs revendications au capitaine et à l'intendant. L'ignoble Asakawa fait intervenir les militaires du destroyer qui les suit et les 9 hommes qui représentent l'ensemble des travailleurs sont arrêtés.

Là ils prennent conscience que s'ils s'étaient TOUS présentés, unis devant les militaires ceux-ci devant leur nombre, leur force aucun d'eux n'aurait été arrêté.
La deuxième tentative fut un succès, ils avaient appris, ils savaient se défendre.

Une illustration de l'exploitation des travailleurs par le capitalisme. J'ai trouvé de belles métaphores, des descriptions et des sentiments puissants dans ce récit. La postface intéressante quant à la situation des travailleurs au Japon, notamment dans la littérature citée, des évènements passés, la vie de l'auteur (on mourrait pour des idées dans ce pays aussi).

Un beau passage illustrant la fraternité lors de la mort de l'un d'entre eux.

extraits :

"Des canots à vapeur semblables à de grosses punaises de lit tissaient des fils entre les navires dans un incessant va-et-vient."

"A Hokkaida, chaque traverse de voie ferrée était taillée dans le cadavre bleui d'un travailleur. Ceci n'est pas une figure de style. Sur les chantiers portuaires, les travailleurs victimes du béribéri étaient ensevelis vivants dans les terres gagnées sur la mer."

"L'autre il est là avec son pistolet, il nous fait croire qu'il pourrait s'en servir à tout moment, mais il n'est pas bête à ce moint. C'est juste un moyen ça - tu piges ? C'est pas dans leur intérêt de nous tuer. Leur but, leur vrai but, c'est de nous faire turbiner, de nous pomper la sueur, de nous pressurer, mais alors jusqu'à la moelle, pour obtenir des profits faramineux. Et c'est ça qui nous arrive en ce moment précis, chaque jour... Alors t'en dit quoi de leurs méthodes ? Notre corps, c'est rien de plus que des feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie, il faut qu'il soit sacrifié !"



(récupéré)


mots-clés :  #social
par Bédoulène
le Jeu 29 Juin 2017 - 0:34
 
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Sujet: KOBAYASHI Takiji
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Jack London

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Martin Eden

C'est l'histoire d'un jeune marin qui étant tombé amoureux d'une jeune fille de la bourgeoisie, qu'il idéalise, pour elle, pour pouvoir l'épouser, il va s'extraire de son milieu grâce à son intelligence, sa volonté, sa pugnacité jusqu'à devenir un écrivain célèbre.

Lui c'est Martin Eden, physique avantageux, elle Ruth une délicate jeune fille. En général dans les contes la fin est heureuse.................oui mais pour cela il faut être deux, il faut que l'Amour, le divin Amour comme l'appelle Martin soit Grand, qu'il fasse abnégation de tout ce qui n'est pas l'autre.

Martin passe ses journées à écrire, il s'affirme dans l'écriture, il est de taille à rivaliser avec les productions qui paraissent dans les revues ou magazines, il le sait, à force d'étudier il a dépassé le niveau intellectuel de celle qu'il aime. Cependant les nouvelles, les écrits qu'il adresse aux revues, éditeurs, lui sont régulièrement retournés ; à bout d' argent, Martin s'engage à nouveau sur les bateaux et dès qu'il revient reprend l'écriture, au grand dam de Ruth et sa famille, celle de Martin aussi d'ailleurs ; tous le haranguent : "fais toi une situation" car pour eux écrire n'en est pas une. Martin s'entête, Ruth lui reproche souvent son attitude, confortée par les critiques de ses parents qui veulent se débarrasser de Martin, indigne de leur fille, de leur classe.
Ruth est ignorante de la vie, elle ne s'émeut pas du dénuement de Martin, de  ses nuits courtes, de son considérable travail, mais qu'il ne puisse assister à une soirée chez ses parents cela la déçoit, la contrarie. Martin souvent pour pouvoir rencontrer Ruth en étant présentable, porte vêtements, vélo, au Mont de Piété. Seule la logeuse de Martin, qui vit aussi dans la pauvreté sait reconnaître les marques de la privation, elle l'aide selon ses moyens.

Martin rencontre un homme qui a sa sympathie, aisé, qui lui aussi écrit et de belle manière, Brissenden l'entraîne à une réunion socialiste, à la suite de l' article  d'un jeune reporter qui a assisté à la réunion et qui n' a pas compris le discours de Martin, ce dernier se retrouve maltraité dans la presse, s'ensuit une mise à l'écart de son entourage et surtout une rupture avec Ruth, qui se laisse convaincre par ses parents de l'indignité de Martin. Pensez un socialiste chez les bourgeois, impensable ; un traitre oui !

Martin tente d'expliquer à Ruth ce qui s'est passé mais elle lui dit sa déception et le rejette. Un cataclysme n'aurait pas eu un effet aussi dévastateur. Après plusieurs jours de désarroi, après le décès de son ami Brissenden, il est tenté de  déchirer les écrits qui s'entassent et qui ont fait des allers/retours chez les éditeurs comme ses vêtements au même rythme au Mont de Piété.
Puis il décide de terminer l' essai commencé, ce sera le dernier. Mais l'ironie du destin se manifeste, plusieurs revues, éditeurs lui font des règlements, de plus en plus conséquent pour ses nouvelles, romans ; il devient rapidement célèbre, fait la une des journaux, bref ce qui aurait été un bonheur il y a quelques mois est aujourd'hui une farce amère.

L'auteur dénonce à travers la situation de l'écrivain Martin, les pratiques des maisons d'édition, les revues, les critiques littéraires ; à  travers la famille Morse, les notables de la ville, l'ignorance, la petite vue de la bourgeoise. Je dirai vulgairement parlant que ces gens là n'ont pas de figure qui, après le succès de Martin, osent l'inviter, l'honorer comme l'un de leur classe, ce qu'il ne sera jamais, bien heureusement. Le jeune homme n'est pas dupe bien sur, il sait jusqu'où peut aller leur hypocrisie.................jusqu'à envoyer Ruth le relancer.

Mais le divin Amour n'existe plus, Martin est indifférent, voir Ruth se défendre ne l'émeut plus, il dément ce qu'elle dit, elle n' a été qu'une illusion car il l'avait idéalisée ; elle ne donne rien alors que la jeune ouvrière qui a croisé son chemin s'offrait coeur et âme.

Martin rembourse au centuple ce qui lui a été donné, à ceux pour qui il comptait quand il n'était que Martin Eden, le vrai Martin, généreux, aimable, seulement le marin, l'ami, le frère.

Il part pour les îles de Tahiti, là où il a été heureux jadis.  Mais sur le bateau qui l'emmène, il n' a plus d'envie, plus de force pour rien.

c'est dans les mots de Swinburne qu'il trouve la solution à son mal,  il est enfin heureux

De trop de foi dans la vie,
De trop d'espoir et de trop de crainte
Nous rendons grâce, en une brève prière
Aux dieux qui nous en délivrent
Et grâce leur soit rendue
Que nulle vie ne soit éternelle
Que nul mort ne renaisse jamais
Que même la plus lasse rivière
trouve un jour son repos dans la mer.

Il s'enfonce dans les eaux, au plus profond, vers l'obscurité.


Les mots de London me sont allés au coeur, aux tripes. Le contraste entre la mentalité ouvrière et celle de la bourgeoisie est bien évident ; les travers des uns et des autres, leurs défauts comme leurs qualités très justes (à mon sens bien sur) Le parcours de l'écrivain je le pense assez bien relaté.

merci à ceux qui ont partagé cette lecture.



Extraits

Le sommeil c'était l'oubli et chaque jour il ne se réveillait qu'à regret. La vie l'ennuyait affreusement. C'était si long, la vie !...

Il la regarda, la trouva splendide. Elle rachetait vraiment la conduite passée, se montrait enfin une vraie femme, supérieure aux lois de fer des conventions bourgeoises. C'était splendide, magnifique, sublime. Et pourtant... que lui arrivait-il donc ? Ce qu'elle faisait ne le touchait ni ne l'émouvait. Il l'appréciait, l'admirait cérébralement. Mais son coeur n'avait pas trésailli. Et il ne la désirait plus.

Voilà, c'est bien ça ! dit-il, dans un moment critique quand ce que vous croyez être le bonheur de votre vie est en jeu, un juron vous fait peur.

Vous avez tout fait pour me faire craindre la vie. Vous m'auriez rabaissé à la mesure de votre vie bourgeoise, où tout est mesquin, faux et vulgaire.



mots-clé : #creationartistique #social
par Bédoulène
le Lun 26 Juin 2017 - 18:29
 
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Sujet: Jack London
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Roger Vailland

Tag social sur Des Choses à lire - Page 11 Bm10

BEAU MASQUE


Situation :
Vailland nous conte l’histoire de Pierrette Amable ouvrière dans une filature, responsable locale syndicale de la CGT et membre du Parti Communiste, ainsi que celle de ses camarades,   et tout particulièrement leur lutte contre la direction de cette filature suite à des licenciements en masse et des réductions de temps de travail.

La ville où se situe la filature est en retrait des grandes villes et ne bénéficie pas du  progrès , les habitants qu’ils soient ouvriers ou paysans vivent difficilement de leurs salaires ou de leur terre.

En contrepoint de la situation professionnelle des ouvriers et ouvrières se déroule un  vif conflit entre les actionnaires pour la prise de contrôle de la filature sous  la flexibilité  économique du gouvernement. Bien évidemment au détriment du personnel ouvrier.

Se greffe une histoire d’amour entre Pierrette et Beau Masque un ouvrier Italien émigré en France est sympathisant des causes défendues par Pierrette.

Quelques réflexions : "En 1951, Roger Vailland, installé au hameau des Allymes sur les hauteurs d’Ambérieu-en-Bugey, se lance dans une série de reportages sur l’industrie textile de la vallée de l’Albarine, dont il trouve l'histoire « politiquement formidable, pittoresque par ailleurs et (touchant) tous les plans de l'actualité ». S'appuyant sur le livre d'or de la «SIS» (Société concurrente de la SAF et dont l'usine-mère se situe à Tenay, à moins de 10km de Saint-Rambert), qui démontre selon lui l'exactitude des thèses du «Capital» et sur le témoignage d'ouvriers et d'ouvrières de la « vallée de la misère », Vailland produit quatre articles («Une histoire de brigand»; «Ronchaud ou les infortunes de la vertu»; «La sonnette de Mlle Franc»; «La Schappe contre les Français») qui paraissent dans les éditions dominicales des journaux «les Allobroges», «la République de Lyon» et «le Patriote de Saint-Étienne».
De cette expérience naîtra le roman Beau masque et la figure de la « femme nouvelle », Pierrette Amable, inspirée librement du personnage de Marie-Louise Mercandino, syndicaliste à la Schappe et camarade de combat de l'écrivain-militant.  source wikipedia

Le récit se déroule au début des années 50 période des Trente glorieuses mais certains secteurs sont en marge des avancées : "Les mines et le textile, secteurs anciens de la première industrialisation connaissent un long déclin qui accompagne celui de l’organisation et de la forte identité de ces mineurs et ouvriers du textile. " (LA CLASSE OUVRIÈRE DANS LA FRANCE DES TRENTE GLORIEUSES)

En tant que journaliste  et  Communiste Vailland connait bien les arcanes du parti et du syndicalisme aussi les personnages sont bien campés, l’argumentation et la dialectique cohérentes.

Son parcours personnel lui permet aussi  de dresser des portraits  éclairés et éclairants de la bourgeoisie de cette époque et tout particulièrement  des  propriétaires de la filature.

Le racisme primaire visible dans ce récit est toujours d’actualité du moins pour ce qui concerne les émigrés d’Afrique du Nord , les mots ont changé mais l’insulte reste. Les Italiens sont aussi insultés même notre séduisant héros.

De l’antisémitisme également : « Parce qu’elle entrait dans la famille par le biais de sa belle-sœur juive, ce qui la rendait suspecte a priori. » « Elle supposait  que la malice était une maladie héréditaire chez les Empoli, un vice juif. »

Autre remarque, beaucoup boivent, hommes et femmes, riches ou pauvres, seule la boisson est différente et le vin n’étant pas cher « l’ivresse quotidienne était à la portée de toutes les bourses. »


J’ai apprécié l’écriture, par moment poétique, les réflexions de l’auteur sur le paysage (comme une peinture de Hubert Robert), sur des lectures, son regard sur les personnages et sa complicité avec eux, notamment avec Beau Masque dont la séduction le contrarie quelque peu.

C’était une lecture à mon goût, la vie des travailleurs, leurs luttes pour une vie meilleure, et leurs espoirs pour Pierrette et ses camarades. Même si je connais aujourd’hui ce qu’il est advenu de cette espérance, je les comprends  et  même si c’était une utopie, elle était belle et on ne peut condamner l’espoir.

Et aujourd’hui qu’en est-il du travail des ouvriers ?  des faits récents prouvent que la lutte continue.

Extraits :
« Beau Masque était leur roman. Elles estimaient, plus ou moins confusément selon leur degré de lucidité qu’elles avaient droit au moins à ce roman-là. »

« Elle pensa que, par le simple jeu de la concurrence, les gros propriétaires de Beauce et de Brie étaient en train de dépouiller son oncle de sa terre, exactement de la même manière qu’il avait dépouillé de leurs terres les tout petits propriétaires du Quartier d’En-Bas. »

« Alors dit Philippe, c’est pour ton père et pour la reine d’Angleterre que les ouvriers du Clusot vont tout à l’heure se faire casser la gueule par les CRS. »

« Mon père, quant à lui, reconnaît que le mécontentement ouvrier nous sert aujourd’hui et que nous devons l’utiliser à fond.  Il est persuadé que, quoi que nous fassions, les ouvriers sont les patrons de demain. »    (je suppose qu’il tient compte de la progression à cette époque du PCF)

« Sur l’élégance et sur la race , les éleveurs peuvent bien en dire davantage que les sociologues ou les esthéticiens. Ce domaine de l’expérience et de la pensée me fascine. Un cul bas, un nez retroussé rapproché de la lèvre, des jambes courtes, des bras longs, m’en apprennent davantage sur un humain que trente pages de biographie. J’ai dû la vie sauve à m’ être méfié d’une peau huileuse, d’une lèvre inférieure qui s’efface. »

« La combe était maintenant parsemée d’un grand champignon haut chapeauté, avec sur sa robe des gris à la Goya, des ocres à la Braque, la lépiote élevée. »

« Dans le monde entier, simultanément, une nouvelle classe d’hommes était en train de prendre conscience de ses intérêts, de sa force, d’atteindre sa maturité. »



merci à Nadine pour l'ouverture de ce fil, je continuerai les rv avec l'auteur.



mots-clés : #social
par Bédoulène
le Mer 31 Mai 2017 - 22:16
 
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Sujet: Roger Vailland
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Annie Ernaux

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Les armoires vides


« Ça suffit d'être une vicieuse, une cachottière, une fille poisseuse et lourde vis-à-vis des copines de classe, légères, libres, pures de leur existence... Fallait encore que je me mette à mépriser mes parents. Tous les péchés, tous les vices. Personne ne pense mal de son père ou de sa mère. Il n'y a que moi. »
Un roman âpre, pulpeux, celui d'une déchirure sociale, par l'auteur de La place.


Avec ce livre, je découvre A.Ernaux, et je dois dire que je suis très partagée et ambivalente quant à ce que j’ai pu penser et ressentir au fil de cette lecture, cela du à son style d’une part, à la teneur du fond d’autre part.

L’écriture d’Ernaux est imagée, elle renvoie à ce que l’on perçoive et vive quelque chose de ce qu’elle a vécu. A la lire, sauf quelques bouffées d’oxygène parfois, je me suis sentie comme étouffée par son style littéraire, ses phrases denses, faites de juxtapositions de mots jetés tels qu’ils viennent, phrases qui parfois ne me semblent même pas prendre sens. Ce sentiment d’oppression que j’ai ressenti presque tout au long de cette lecture et la pénibilité que cela a été de poursuivre me font dire que je n’ai pas apprécié. Après, si je dois aller plus loin sur la forme, je dois reconnaître à l’auteur d’amener le lecteur à se sentir pris dans la même suffocation qu’elle a de son milieu. Elle arrive à ce que l’identification fonctionne si bien qu’on plonge avec elle, et pour cela je reste admirative, mais je ne suis pas sûre d’avoir envie de nouvelles apnées à ses côtés.

Ce qui m’a tenue est surtout le fond de l’œuvre et la finesse avec laquelle l’auteur livre les ressentis de Denise. Petite reine dans son quartier populaire, fille de commerçants ayant une épicerie-bar, Denise dite « Ninise »  passe son temps à manger des bonbons dans l’épicerie de sa mère,  à se moquer des ivrognes qui passent dans le bar de son père, jouer la voyeuse quand ils vont « pisser » dans la petite cour, écouter les confidences osées des dames à sa mère, partager des moments avec ses amies et s’amuser avec elles à se tripoter le « quat sous »,  à  débiter en riant  jurons et expressions populaires, langage fleuri qui lui donne le sentiment d’entrer dans la cour des grands.

Puis, Denise va découvrir l’école libre, éloignée de nombre de manière de son quartier. Elle découvrira vite là-bas qu’elle n’est rien du tout, et prendra conscience d’un autre monde que celui, lourd, pégueux, vulgaire, de la rue Clopart. Dévorée d’envie envers ses camarades de classe de milieux plus bourgeois, et humiliée par elles, elle va faire la peau à la détermination sociale et s’accrocher à sa place de première pendant toutes ses années d’école, de collège, de lycée .... En parallèle, ce qu’elle admirait et appréciait de son quartier, des gens qui y vivent, de ses parents, va peu à peu s’effriter et ses sentiments se muer en haine, dégoût, honte, assortis de la culpabilité de dénigrer ainsi les siens, tout en même temps qu’elle les déteste aussi d’être si gentils, de tant se sacrifier, alors qu’elle les méprise tant.

Ce déchirement qu’elle décrit entre deux milieux, et la honte qu’elle porte comme un costume depuis son entrée à l’école libre vont aller croissant. Ernaux arrive à nous faire vivre le basculement progressif de sa pensée et son évolution au fil des années de Denise, partagée entre honte et culpabilité. Elle nous montre comment avec moult efforts elle tente de s’extirper de son milieu, tout en même temps qu’elle ne s’en extirpera jamais vraiment, tant aucune réussite ne pourra vraiment  l’extraire de cette image d’elle-même comme étant la Ninise des quartiers populaires, une identité qui lui colle à la peau et la rattrape tout le temps.

Une lecture qui mériterait un approfondissement et une re-lecture purement analytique de cette évolution des sentiments de Denise, mais la lourdeur de l’écriture me fait renoncer à cela, car malgré toutes les qualités que je lui trouve sur le fond, je ne me sens pas de refaire une traversée dans les bas-fonds puants, étouffants, oppressants, aux côtés de Ernaux.


mots-clés : #enfance #social
par chrysta
le Dim 28 Mai 2017 - 8:14
 
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Sujet: Annie Ernaux
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Alessandro Manzoni

Les Fiancés (I Promessi Sposi)

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L’histoire se déroule en Lombardie à la fin des années 1620. Deux jeunes villageois, Renzo et Lucia veulent convoler. Hélas, un seigneur local, Don Rodrigue, à la suite d’un pari avec un parent, a jeté son dévolu sur la belle. Il va tout faire pour empêcher ce mariage, en premier lieu faire pression sur le curé du lieu. Cette situation va entraîner nos deux promis dans une série d’aventures toutes plus périlleuses les unes que les autres entre malfrats repentis, religieuse traîtresse, foule en colère, sans oublier la grande peste de Milan de 1630.  

Quel plaisir de lecture ! Pourtant, j’ai horreur des romans historiques ! Mais justement, le livre de Manzoni est bien plus que cela. Toutefois, sous ce simple aspect, le lecteur ne devrait pas être déçu. En effet, les péripéties s’enchainent les unes aux autres et maintiennent sans difficulté l’attention. Quel spectacle un Visconti, par exemple, aurait pu tirer de ce roman ! Ce qui m’a beaucoup plus intéressé est la psychologie des personnages qui n’a rien de caricaturale. Manzoni nous livre de beaux portraits d’hommes et femmes dont parfois les décisions sont surprenantes, le secours ou la détresse ne viennent pas forcément de ceux que l’on pense. Surtout, l’auteur en fin politique analyse remarquablement les relations sociales de l’époque. Dans un monde où les règlements ne sont pas respectés, ce sont de petits potentats locaux qui font la loi aidés de quelques hommes de main. Par leur parentèle plus élevée en noblesse, par quelques hommes de loi corrompus, ils arrivent toujours, ou presque, à leur fin. Don Rodrigue en est un parfait exemple. Heureusement, parfois un grain de sable déjoue leurs pronostics. Certaines situations sont clairement expliquées par Manzoni ; ainsi les causes de la disette à Milan liée à de mauvaises récoltes, et aggravée par une taxation du blé imposée par quelques « populistes » afin de calmer le peuple mais qui ne mènent qu’à l’émeute. Sur cela vient se greffer la fameuse épidémie de peste qui ravage le Milanais à la suite de la descente des troupes de lansquenets sur Mantoue. Nous retrouvons cette litanie de l’époque « a peste, a fame, a bello, liberere nos domine ». Manzoni montre parfaitement l’enchaînement de ces trois fléaux. « Les Fiancés », c’est aussi comment les appétits de puissance de quelques individus provoquent des ravages parmi le peuple ; heureusement, c’est aussi quelques hommes dévoués qui avec des moyens dérisoires tentent de remédier au pire, tentent de secourir et de soulager dans une ville de Milan ravagée par la peste dont Manzoni donne une description apocalyptique, mais malheureusement véridique. « Les Fiancés » est un très très grand livre.
Rien de mieux pour vous donner envie, je l’espère, que deux passages qui montrent toute la finesse d’analyse de l’auteur et aussi son humour, comme le souligne Quasimodo.
 
« Quant à ce qui forme la masse, et comme le matériel du tumulte, c’est une mixture accidentelle d’hommes qui tiennent plus, ou moins, selon une gradation infinie, de l’un ou de l’autre extrême : un peu échauffés, un peu fripons, un peu enclins à une certaine justice, telle qu’eux-mêmes l’entendent, un peu curieux aussi du spectacle d’une grosse affaire, prompts à la férocité et à la miséricorde, à détester ou à adorer, selon que se présente l’occasion de ressentir avec plénitude l’un ou l’autre sentiment ; avides à tout moment d’en apprendre, ou d’en croire de belles, avec le besoin de vociférer, d’applaudir quelqu’un ou de le conspuer. »


«Ayant tout bien pesé, le comte invita un jour à dîner le père provincial, qui trouva là un cercle de convives assortis entre-eux avec une intention raffinée. Quelques parents, des plus titrés, de ceux dont le seul nom patronymique était un titre , et qui par leur seul maintien, une certaine assurance native, une nonchalance hautaine, une manière de parler de grandes choses en termes familiers, réussissaient, sans même le faire exprès, à imprimer ou à rafraîchir, à tout moment, l’idée de la supériorité et de la puissance ; et quelques clients, liés à la maison par une dépendance héréditaire, et aux personnages par une servitude de toute leur vie ; lesquels, commençant, dès le potage, à dire oui, de la bouche, des yeux, des oreilles, de toute la tête, de tout leur corps, de toute leur âme, vous avaient, au dessert, réduit un homme à ne plus savoir comme on peut faire pour dire non. »
(traduction Yves Branca)




mots-clés : #guerre #historique #social
par ArenSor
le Mar 2 Mai 2017 - 19:06
 
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Sujet: Alessandro Manzoni
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Flavio Steimann

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Bajass

quatrième de couverture a écrit:« Amérique. Le mot était sur toutes les lèvres.
De la gueule écumante des hommes ivres, il sortait en titubant dans le noir. Tout en haut dans le fumoir, il circulait de table en table comme un paquet d’actions, prenant l’accent des hommes du monde. Mais tout en bas, dans le ventre du navire, on le trouvait gravé, puis rageusement barré au charbon sur des murs dont la peinture s’écaillait, craché, noir et amer entre les mains calleuses qui l’envoyaient par pelletées dans les trouées de feu, parce que dans l’obscurité de la cale, le sens du voyage importait peu. »

Dans la Suisse des années 1900, où la modernité tarde à arriver, un couple de paysans est retrouvé mort, assassiné à la hache. Appelé sur le lieu du crime, l’enquêteur Albin Gauch se heurte au silence unanime des villageois. Soupçonnant un orphelin que le couple employait comme garçon de ferme et qualifiait de Bajass (“vaurien”), il embarque à sa suite pour New York sur le paquebot Liberté. Les semaines passées à bord de ce miroir grossissant d’une société de classes profondément inégalitaire, théâtre des craintes et des espoirs qu’inspire l’émigration à des Européens fuyant la misère, l’amèneront à désobéir à sa mission policière.


L'arrivée sur les tables de nos librairies d'un nouvel auteur suisse allemand (une première traduction en français) ça mérite bien la curiosité. Enrobé policier et annoncé enfumé par le quatrième de couverture doit on obligatoirement penser à Dürennmatt ? Pourquoi ne pas commencer par là. Non. On comprend vite que c'est noir mais ce n'est pas du réchauffé et il n'y a pas de recherche de la même tonalité.

Pas très joueur Steimann avec son policier vieillissant qui arpente la montagne enneigée, pas très causant non plus. Mais très bien écrit (et traduit, ça doit aller de paire). C'est précis et la vision est plus précise que le lent épuisement ne le fait apparaître directement.

Ce n'est pas non plus vraiment un révision de littérature prolétarienne, l'époque et la traversée de l'Atlantique ne doivent pas non plus nous tromper là-dessus. Il est actuel, sans forcer le propos, ce fonctionnaire pas modèle mais certainement efficace, actuel et fatigué.

Bonne lecture. Un texte à la fois très accessible et très solide et bien édité (par Agone).

Recommandation.


mots-clés : #polar #social
par animal
le Mer 26 Avr 2017 - 22:00
 
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Sujet: Flavio Steimann
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William Faulkner

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Le bruit et la fureur

Par rapport à la discussion amorcée sur le côté compliqué de Faulkner, j'ai fini par relire Le bruit et la fureur. Il a fallu que le prof nous explique le projet narratif complexe de Faulkner pour que j'arrive à le saisir. J'en avais échappé beaucoup au cours de ma première lecture. Je dirais que dans l'économie du récit, il est important de comprendre qu'il y a un terrain de golf sur la terre vendue par les Compson. Benjy, le simple d'esprit, est l'un des narrateurs au début du roman. Il offre une perception distordue, faisant appel à d'autres sens. Il comprend à peine les choses, mais les comprend à partir de la perception qui nous est offerte à travers le récit.

Je vous ai parlé du terrain de golf, de Benjy, il faut également mentionner Quentin, le suicidé. La famille Compson s'est saignée en vendant la terre pour payer les études de Quentin à Harvard. Ils sont quatre enfants. Il y a Benjy, Quentin, Caddy et Jason. Le patriarche de la famille a nommé un de ses fils du même nom et Caddy a baptisé son fils du nom de Quentin. La relation entre Caddy et Quentin fut compliquée. Ces gens vivent avec des domestiques noirs et Dilsey occupe le rôle de mère que Caroline, leur vraie mère, n'est pas capable d'assumer.

Le récit se déroule en quatre chapitres, trois s'échelonnant sur trois jours consécutifs et un autre revenant sur un épisode passé en 1910 quand Quentin prend la parole. Nous sommes au cœur des romans du courant de la conscience des années 1920-1930. Nous voyons vraiment la décrépitude morale dans laquelle les gens du Sud des États-Unis composent avec les relents de racisme que ça suppose - à l'encontre des Noirs et des Juifs de New York. William Faulkner est très lucide de par la manière qu'il apporte les éléments de cette déchéance sociale.

Dans Le bruit et la fureur, nous nageons en plein délire par bouts... nous voyons à quel point c'est torturé, compliqué et que les gens ont de la peine à en sortir. Nous sentons ce côté «prisonnier du passé». Les dialogues sont transcrits en suivant une forme très orale et même relâchée dans sa construction et ponctuation défaillante... c'est particulier comme projet de roman.

Voici un extrait que j'avais remarqué et que d'autres ont cité sur Babelio :

C'était la montre de grand-père et, en me la donnant, mon père m'avait dit : Quentin, je te donne le mausolée de tout espoir et de tout désir. Il est plus que probable que tu l'emploieras pour obtenir le reducto absurdum de toute expérience humaine, et tes besoins ne s'en trouveront pas plus satisfaits que ne le furent les siens ou ceux de son père. Je te le donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l'oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t'essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots.



mots-clés : #social #famille
par Jack-Hubert Bukowski
le Sam 15 Avr 2017 - 9:28
 
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Sujet: William Faulkner
Réponses: 103
Vues: 12111

Roger Vailland

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325000 francs

Un court roman de Vailland :

325 000 francs, c'est la somme que doit se procurer Bernard Busard . Busard est un coureur cycliste, un bon. mais aussi un homme amoureux. Il courtise apparemment en vain une femme amère.

Il va s'atteler, avec un jeune paysan, à l'une des presses à injecter de l'usine d'une petite ville jurassienne pour fabriquer sans discontinuer, pendant six mois, des objets en plastique.
Parce qu'il a trouvé une solution pour que cette femme lui sourit enfin pleinement.

C'est un livre assez dur,
on y parle vélo, chiffres, beaucoup.
Un monde ouvrier s'y déploie, avec , je trouve, véracité. Des années 50/60.

Le ton de Vailland, qui m'avait accrochée, se retrouve intact ici :
un style direct, factuel.
(j'ai pensé à Céline Minard, pour son Grand Jeu, à cause de l'excellent talent à décrire le technique de celui-ci. On baille mais on est captivé tout à la fois.)

Amateurs d'évasion : passez.
Ici tout est foi, mais rênes. Talent, mais destin ?

J'ai beaucoup aimé, malgré que je ne goûte en soi guère le cyclisme et les productions industrielles.

Je pense que ce qui m'a plu tient à la maitrise du récit que Vailland démontre. On s'attend bien à un certain nombre de choses, pas de chute à proprement parler, mais sous ses airs factuels, ce roman naturaliste a des stries aux couleurs du Fatum.

Très différent de Bon pied Bon oeil. Mais il claque bien fort. Dans son genre.
Un court roman aux semences de fresque.


mots-clés : #social
par Nadine
le Mar 14 Mar 2017 - 20:46
 
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Sujet: Roger Vailland
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Gérard Mordillat

Ce que savait Jennie

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À vingt-trois ans, Jennie n'a qu'un but dans la vie : réunir ses soeurs et son frère dispersés dans des familles d'accueil et un foyer afin de les emmener voir la mer depuis les falaises d?Étretat.
Au cours de cette quête à travers la France, Jennie va rencontrer Quincy, un acteur qui ne veut plus l'être. Lui aussi est animé d'une volonté sans faille : venger le suicide de sa mère.
Unis face au pire et portés par une détermination farouche, ces amants tragiques mettront tout en oeuvre pour parvenir à leurs fins.


Ce que savait Jennie s’entremêle avec « Ce que savait Maisie » d’Henry James , chef d’œuvre de la littérature.
Jennie dévisage le monde, Jennie  gribouille Maisie, inscrit  ses poèmes, Jennie a sa bible abrupte, ce livre dans lequel elle y appose sa vie laborieuse et douloureuse.
Jenny est la droiture, inflexible,  c’est la rigidité de sa haine qui l’anime, armée de vengeance.
La mécanique du cœur s’emballe, l’animosité fait rage, les représailles s’abattent. Évanouis les rêves, seul persiste celui d’une dernière réunion familiale…
Ce livre est une claque, profond et grave, on touche le fond de la violence psychologique, d’une vie détruite sous fond de capitalisme destructeur et de lourdeur sociale.
Gerard Mordillat nous offre une bombe  littéraire  qui éclate nous laissant  face aux débris du cœur.

Qu’est-ce qu’on t’apprend à l’école ? À être le meilleur, le plus performant, celui qui a les meilleures notes, celui qui rafle les prix… En réalité, on te dresse pour le marché. Pour te fourrer dans la tête l’idée de concurrence. Tu dois être concurrentiel, tu dois battre la concurrence, être un winner, comme on dit aujourd’hui. Et les profs, à quoi servent-ils ? Ils servent à te former à la consommation. Tu dois apprendre à choisir le « bon » prof, à vouloir la « bonne » filière, à obtenir le « bon » diplôme. Ça sert à ça, l’école. À faire de toi un type qui ne pourra pas penser en dehors de la concurrence et de la consommation.

mots-clés : #social
par Ouliposuccion
le Mar 14 Mar 2017 - 7:08
 
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Sujet: Gérard Mordillat
Réponses: 2
Vues: 620

Sarah Waters

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Derrière la porte

Ce dernier roman de Sarah Waters apparait d'abord comme une synthèse de ses précédentes oeuvres, avec une intrigue centrale autour d'une relation lesbienne et une trame historique marquée par le poids de l'héritage de la première Guerre mondiale. De multiples rebondissements et l'appropriation d'un sensualité rappellent donc l'univers néo-victorien de Caresser le velours ou Du bout des doigts, alors que la description d'une ville de Londres portant au quotidien les souffrances de la guerre met en lumière une désagrégation socio-économique.

Frances est une jeune femme qui semble sans avenir et sans perspectives, habitant avec sa mère. Afin de payer des dettes, elles louent un étage de leur maison à Leonard et Lilian Barber, couple dont la présence bouleverse immédiatement Frances et fait revivre une personnalité dissimulée. Sa relation avec Lilian devient le fil conducteur d'un roman dont la tension monte progressivement, tant leur avenir se heurte à une impasse.

Derrière la porte est une lecture souvent passionnante dans sa dimension policière qui explore à la fois des aspects intimes et sociaux, mais le récit est parfois surchargé dans son ambition. Sarah Waters veut montrer la duplicité et la fragilité des êtres, l'intensité de passions fiévreuses et d'errances affectives face à un contexte hostile. Les coups d'éclat romanesques laissent cependant trop souvent les protagonistes à distance.


mots-clés : #identitesexuelle #social
par Avadoro
le Dim 5 Mar 2017 - 10:42
 
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Sujet: Sarah Waters
Réponses: 4
Vues: 885

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