Jean Giono
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Re: Jean Giono
La scène avec le congre m'a ramentu le début du film Le grand bleu.
Oui, le fleuve est un personnage :
Cet extrait est tiré d'un texte antérieur au roman, dont Giono a aussi tiré une adaptation théâtrale, ce qui dénote son intérêt pour cette thématique qui renvoie à Virgile, mais aussi Walt Whitman, voire aux conceptions du monde naturel où sont immergés les peuples étudiés par un Descola...« Je sais bien qu’on ne peut guère concevoir un roman sans homme, puisqu’il y en a dans le monde. Ce qu’il faudrait, c’est le mettre à sa place, ne pas le faire le centre de tout, être assez humble pour s'apercevoir qu'une montagne existe non seulement comme hauteur et largeur mais comme poids, effluves, gestes, puissance d'envoûtement, paroles, sympathie. Un fleuve est un personnage, avec ses rages et ses amours, sa force, son dieu hasard, ses maladies, sa faim d'aventures. Les rivières, les sources sont des personnages : elles aiment, elles trompent, elles mentent, elles trahissent, elles sont belles, elles s'habillent de joncs et de mousses. Les forêts respirent. […]
Je sais que, quelquefois, on s'est servi d'un fleuve pour faire charrier à travers un roman des alluvions de terreur, de mystère ou de force. »
Jean Giono, « Le chant du monde », in « Solitude de la pitié »
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« Nous causâmes aussi de l’univers, de sa création et de sa future destruction ; de la grande idée du siècle, c’est-à-dire du progrès et de la perfectibilité, et, en général, de toutes les formes de l’infatuation humaine. »
Tristram- Messages : 15925
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Re: Jean Giono
dans un ailleurs j'avais fait 3 LC : Le chant du monde - le Grand troupeau et les Grands chemins
Je dois lire moi "que ma joie demeure" et d'autres mais le temps me fuit.
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“Lire et aimer le roman d'un salaud n'est pas lui donner une quelconque absolution, partager ses convictions ou devenir son complice, c'est reconnaître son talent, pas sa moralité ou son idéal.”
― Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia
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"Il n'y a pas de mauvais livres. Ce qui est mauvais c'est de les craindre." L'homme de Kiev Malamud
Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Jean Giono
Vingt nouvelles souvent assez brèves :
Solitude de la pitié
Prélude de Pan
Champs
Ivan Ivanovitch Kossiakoff
La main
Annette ou une affaire de famille
Au bord des routes
Jofroi de la Maussan
Philemon
Joselet
Sylvie
Babeau
Le mouton
Au pays des coupeurs d'arbres
La grande barrière
Destruction de Paris
Magnétisme
Peur de la terre
Radeaux perdus
Le chant du monde
La première et l’éponyme me choque toujours malgré les relectures : un curé de village et sa servante profitent de manière particulièrement sordide du dénuement de nécessiteux, sans songer dans leurs calculs à en soulager la misère.
La seconde, Prélude de Pan, déjà présentée par Aventin ICI, demeure extraordinaire : après de menaçants signes météorologiques de la nature, l’homme avec « sa face de chèvre avec ses deux grands yeux tristes allumés », révolté par un assassin d’arbres (un bûcheron) qui a brisé l’aile d’une colombe des bois pour l’assujettir…
…Pan déchaîne une bacchanale orgiaque en manière de leçon aux hommes.« De quel droit toi, tu l'as prise, et tu l'as tordue ? De quel droit, toi, le fort, le solide, tu as écrasé la bête grise ? Dis-moi ! Ça a du sang, ça, comme toi ; ça a le sang de la même couleur et ça a le droit au soleil et au vent, comme toi. Tu n'as pas plus de droit que la bête. On t'a donné la même chose à elle et à toi. T'en prends assez avec ton nez, t'en prends assez avec tes yeux. T'as dû en écraser des choses pour être si gros que ça... au milieu de la vie. T'as pas compris que, jusqu'à présent, c'était miracle que tu aies pu tuer et meurtrir et puis vivre, toi, quand même, avec la bouche pleine de sang, avec ce ventre plein de sang ? T'as pas compris que c'était miracle que tu aies pu digérer tout ce sang et toute cette douleur que tu as bus ? Et alors, pourquoi ? »
Ivan Ivanovitch Kossiakoff est une histoire apparemment autobiographique : agent de liaison avec les Russes dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, il lie une amitié sans parole avec un colosse.« Et ça entrait dans la pâte que l'homme pétrissait par la seule puissance de ses yeux, et ça entrait dans la pâte du grand pain de malheur qu'il était en train de pétrir. »
L’auteur est d’ailleurs mis en scène dans la plupart des textes, où « Monsieur Jean » converse avec paysans, vieillards et bergères ; il collecte ainsi les paroles, l’enseignement du monde.
Il s’intéresse notamment aux arbres :
(Le mouton)« On voit que vous ne le connaissez pas. Si on n'y était pas, ça ferait tout à sa fantaisie. L'arbre, c'est tout en fantaisie. C'est intelligent, je dis pas ; ça comprend des choses... mais c'est comme des bêtes, ça passe son temps à l'amusement. »
Le dernier extrait provient d’Au pays des coupeurs d'arbres où Giono, déjà écologiste, déplore les coupes rases :« Donc, pour nous remplacer la fontaine on plantait un cyprès au bord de la ferme, et comme ça, à la place de la fontaine de l'eau, on avait la fontaine de l'air avec autant de compagnie, autant de plaisir. Le cyprès, c'était comme cette canette qu'on enfonce dans le talus humide pour avoir un fil d'eau. On enfonçait le cyprès dans l'air et on avait un fil d'air. »
Ce recueil est une pépinière d’images, mais aussi de romans, comme avec le thème de la réaction cataclysmale de la nature ; c’est notamment le cas du dernier texte, Le chant du monde, qui annonce le roman du même nom et revendique l’égalité de traitement (sensoriel, littéraire, voire juridique) des éléments de la nature comme de l’homme, jusque dans leur violence.« On a passé toute notre terre à la tondeuse double zéro : le pays vient d'être condamné aux travaux forcés à perpétuité. »
Ce qui m’a cette fois encore marqué dans ce recueil, c’est la « lutte entre l'homme et la garrigue » (Champs), combat désespéré qui trouve souvent son issue dans le suicide « Des hommes perdus sur des radeaux, en pleine terre » (Radeaux perdus), faibles dans le dur monde : pas la moindre notion de liberté évoquée à propos de l’humanité.« Il faut, je crois, voir, aimer, comprendre, haïr l'entourage des hommes, le monde d'autour, comme on est obligé de regarder, d'aimer, de détester profondément les hommes pour les peindre. Il ne faut plus isoler le personnage-homme, l'ensemencer de simples graines habituelles, mais le montrer tel qu'il est, c'est-à-dire traversé, imbibé, lourd et lumineux des effluves, des influences, du chant du monde. »
\Mots-clés : #amitié #contemythe #ecologie #nature #nouvelle #ruralité #spiritualité
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Tristram- Messages : 15925
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Re: Jean Giono
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Bédoulène- Messages : 21635
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Re: Jean Giono
Antonio, du fleuve (c’est un pêcheur qui vit sur l’île des geais), dit « bouche d’or », et Matelot, de la forêt (un ancien marin devenu bûcheron), partent à la recherche du besson, le dernier fils de ce dernier, parti dans le nord former un radeau de bois. Parvenus en pays Rebeillard, ils secourent une jeune aveugle, Clara « aux yeux de menthe », qui met au monde son fils seule dans la nuit, et la confient à « la mère de la route ». C’est le pays de Maudru, et ses bouviers traquent le besson.
Giono est toujours attentif à la nature.
Ils cheminent vers Villevieille et ses tanneries, avec les malades d’une mystérieuse maladie (on pense à Le hussard sur le toit), et Médéric, le fils de la sœur de Maudru, que le « cheveu-rouge » (le besson) a blessé à mort. Ils retrouvent ce dernier chez monsieur Toussaint, le marchand d’almanachs (le guérisseur), qui est Jérôme, frère bossu de Junie, la femme de Matelot. Le dernier de deux jumeaux s'y est réfugié avec Gina, la fille de Maudru, qu’il a enlevée (et qui est déçue).« L’odeur des mousses se leva de son nid et élargit ses belles ailes d’anis. Une pie craqua en dormant comme une pomme de pin qu’on écrase. Une chouette de coton passa en silence, elle se posa dans le pin, elle alluma ses yeux. »
Médéric, donc Gina était la promise, meurt ; les Maudru les surveillent. Antonio rêve de Clara, Matelot de la mort qu’il voit comme un grand voilier blanc sur la montagne. Ce dernier meurt poignardé par les bouviers. Le besson et Antonio incendient Puberclaire, résidence de Maudru avec ses étables à taureaux.
Clara retrouvée par Antonio, les deux couples redescendent vers le sud pour y construire une nouvelle vie.
Le personnage du fleuve est sensible lorsqu’Antonio s’y baigne, et aussi lors de la débâcle printanière du renouveau de l’amour.
Ce roman est baigné d’une atmosphère légendaire, accentuée par certains vocables des lieux, et une faune fantastique, comme le congre d’eau douce et les houldres, mais aussi par des obscurités dans les dialogues et les péripéties.
C’est un univers apparemment symbolique, où j’ai reconnu des allusions mythologiques, mais sans qu’il semblât décryptable à la façon d’une parabole : c’est un fusionnement syncrétiste des humains avec les éléments et animaux et vice-versa, de l’homme-fleuve aux oiseaux qui parlent, tous participant d’une source de vie commune.« Il y avait une espèce d’oiseau qu’au pays Rebeillard on appelait les houldres. Ils étaient en jaquette couleur de fer avec une cravate d’or. »
\Mots-clés : #amitié #amour #famille #jeunesse #merlacriviere #mort #nature #relationenfantparent #ruralité #violence
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Tristram- Messages : 15925
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Re: Jean Giono
Merci pour cette évocation du Chant du monde de Jean Giono que j’ai lu il y a deux ans et qui m'avait transporté. J'ai très envie de revenir à cette prose lyrique, lumineuse et tourmentée comme Antonio, dit "Bouche d'or", retourne au fleuve...
Laurentides- Messages : 218
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Re: Jean Giono
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Tristram- Messages : 15925
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Re: Jean Giono
Ces lettres intimes sont des fragments de l’existence de Giono (écrites lors des rares séparations familiales), présentées par sa fille cadette Sylvie, qui montrent comme il était joyeux, aimant, surtout préoccupé du bonheur – et d’écrire ! Une vie de famille, assez casanière, mais aussi de nombreux amis. On rencontre notamment deux « petits » qui deviendront célèbres, Bernard Buffet et Pierre Bergé en couple, ou encore Catherine d'Ivernois, traductrice de L'Expédition d'Humphry Clinker, de Tobias Smollett, livre qui fut préfacé par Giono.
Giono parle peu de son travail (sauf pour dire qu’il écrit quotidiennement, et que ça sort bien). Quand même une remarque intéressante sur sa "seconde manière" :
Giono commente un de ses rares voyages à l’étranger :« Zizi chérie, voilà encore un bel article et une belle lettre pour Les Âmes fortes. Décidément, ce livre est le plus gros succès de ma carrière. Je suis heureux de voir d'abord que mes conceptions sont justes et solides, que le temps que j'ai passé à créer une construction, un rythme nouveau, a été profitable et que mon travail a été orienté dans le bon sens. J'espère aller encore plus avant. Je savais que je ne me trompais pas, mais il m'est bien agréable de voir que j'ai touché les plus difficiles, même ceux qui, jusqu'ici, ont été contre moi. »
Giono séjourne aussi au « château de Roquefort, à La Bédoule » ; ça nous dit quelque chose…« En voyant l'Écosse, on est rassuré. Là, il y a des gens comme nous. Les Anglais ne sont pas des mammifères, ni des hommes, ni rien, ce sont des Anglais. Les Écossais sont des Marseillais. Pour tout dire d'un mot, en Angleterre, on a envie d'un Marseillais. Tout à l'heure vu dans une vitrine d'épicier une grosse pancarte : Cavaillon pour annoncer des asperges et des petits pois. La ville est très belle, pleine de collines, vertes, de ravins, d'arbres, de prairies en pleine ville. Nous sommes très bien logés et la cuisine est presque supportable. Je crois qu'après quelques années d'Angleterre (pas d'Écosse) on doit mourir sans regret. Je crois même que les Anglais sont morts depuis longtemps et qu'on a simplement oublié de les en prévenir. »
« Rien n'est plus important que de bien vivre. C'est à force de mal vivre qu'on se dégoûte de ce qu'on fait. C'est si naturel. »
\Mots-clés : #correspondances
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Tristram- Messages : 15925
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Re: Jean Giono
le Château de Roquefort, c'est un vignoble !
de très bons vins !
mais il y a les ruines d'un vieux château alors dans lequel était-il ?
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