Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Sam 27 Avr - 21:10

195 résultats trouvés pour voyage

Dario Franceschini

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Dans_l10

Dans les veines ce fleuve d'argent

« La réponse est dans la musique. Ce n’est pas une transcription des bruits du monde, elle n’est pas cachée dans les bruits du quotidien. Elle est toute entière en nous et celui qui l’écrit a simplement trouvé la clé pour disposer sur les lignes d’une feuille le mystère d’une chose qui est là, si vivante, si bouleversante, et qui pourtant ne naît pas parmi les choses du monde, mais sort de nous pour entrer dans le monde. C’est ainsi que nous devons traverser la vie. Libres de révéler au grand jour les sons, les couleurs, les mots qui vivent en nous et de les donner à tous tels qu’ils sont derrière nos yeux. »

Qu'est-ce qui fait courir Primo Bottardi, cinqante ans et des poussières ?
Enfin, courir, non. Mais quitter son foyer familial, sa femme et sa fille aimées.
Tout ça pour retrouver un copain d'école, Massimo Civolani, qui, quarante ans auparavant, lui a posé une question que Primo a laissée sans réponse.

Parce qu'il pense connaître la réponse, Primo se met en route pour le retrouver.
A pied, à bicyclette, en train, et finalement en charrette à cheval, il retourne vers les lieux de son enfance, dans la vallée du Po.
Il retrouve son vieil instituteur puis un ancien condisciple qui l'oriente plus ou moins.
Commence alors une longue et lente errance le long du Po.
Un pays d'eau et de brume où règne le fleuve qui rythme la vie des riverains.
Un personnage tout puissant, ce fleuve, nourricier mais capricieux, noyant ou gratifiant selon le moment.
Au fil des heures et des jours, Primo rencontre des simples gens, pêcheurs pour la plupart d'esturgeons, la richesse du fleuve.
Il écoute leurs histoires qui toutes se ressemblent, même si chacun la croit unique.
Tout se répète d'âge en âge : amours ratées ici, famille noyée ailleurs, un mage incroyablement âgé et que Primo a connu alors qu'il était enfant.
Passent les histoires et les souvenirs, ceux de Primo et ceux des autres. Et qui tous semblent  déjà immergés dans le temps.
Et qui parlent de lavandières, de fêtes paroissiales, où l'on retrouve, comme partout, la femme la plus grosse du monde, qui n' est qu' un homme à perruque, gavé et nauséeux. Une petite fille en pleurs que Primo voudrait bien consoler.
Le charretier lui-même, raconte comment son seul amour, il l'a entrevu il y a cinquante ans, au bord de la plage, un été torride.
Une fille ravissante est venue s'asseoir à coté de lui, sans embarras ni coquetterie. Ils ont parlé familièrement et en confiance, mais à la fin de l'été, elle a disparu, laissant après elle un souvenir impérissable.

Primo, lui, se souvient, croit se souvenir de sa propre naissance.
Il écrit alors une lettre à sa femme pour justifier son absence et sa pulsion subite.
Le voyage s'achève abruptement laissant le lecteur perplexe.
Telle est cette histoire ou plutôt une fable. Une fable et une énigme dont le moteur semble le destin, maître du jeu et de toutes choses.

Un petit merci à Silou qui m'a incité à lire ce mystérieux objet littéraire.

mots-clés : #initiatique #lieu #voyage
par bix_229
le Mer 3 Oct - 19:30
 
Rechercher dans: Écrivains Italiens et Grecs
Sujet: Dario Franceschini
Réponses: 1
Vues: 888

Jacques Lacarrière

Chemin faisant ‒ Mille kilomètres à pied à travers la France (et postface La mémoire des routes)

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Chemin10

Récit philosophico-mystico-bucolique, journal « réécrit » d’un voyage pédestre des Vosges aux Corbières d'août à décembre 1971, aussi itinéraire dans le passé rural gaulois, plus ou moins fantasmé à partir des toponymes ou d’étymologies peu ou prou de fantaisie.
Sans avoir la pâte de Bouvier, son style est un peu daté ; on ne peut malheureusement pas le comparer à Sur les chemins noirs de Tesson, vécu 45 ans plus tard : les deux ouvrages ne se superposent pas. Lacarrière est cependant plus proche de l’histoire et des habitants des terroirs traversés, et son livre constitue un intéressant témoignage (c’est l’époque des hippies du Larzac, par exemple).
Souvenirs aussi, les épouvantails dans les champs, ou l’étape à ces fréquentes buvettes de pas grand’chose dans des recoins perdus du paysage…
Moments touchants comme lorsque, passant par Sacy, un vieillard qui l’a tenu enfant sur ses genoux le reconnaît à sa démarche, semblable à celle de ses père et grand-père.
Leitmotive, l’éphémère des rencontres de passage pour cet « éternel passant pressé », et la défiance qu’il suscite (notamment celle des chiens).
« Une fois de plus, au terme du voyage, je me rends compte combien se déplacer ainsi tout au long des chemins, musarder à travers la France est affaire de temps beaucoup plus que d’espace. Je veux dire qu'en marchant, c'est votre temps qui change non votre espace. […] Tel est, avec l’enseignement de ce que signifie, dans tous les sens du mot, le terme passager, le grand message des chemins : rien de plus que cela mais rien de moins non plus. »

Propos écologistes, novateurs pour l’époque :
« Chaque fois qu’il m’est arrivé de marcher sur une route goudronnée, qu’elle soit nationale, départementale ou communale, j’ai eu l’impression de fouler un cimetière d’animaux. Il faut marcher ainsi, mètre par mètre, pour se rendre compte du nombre incroyable de bêtes tuées et écrasées par les voitures. Hérissons, crapauds, oiseaux, escargots, limaces, insectes de toute sorte, on en compte des centaines, jusque sur les plus minuscules routes de campagne, C’est un véritable massacre dont nous n’avons aucune idée. »

Maintenant tout va bien : il n’y a plus beaucoup de bestioles à écraser. (Je me ramentois cependant m’être baladé autour du platier d’Oye il y a de cela à peine plus d’une décennie, et sur les routes de campagne ‒ proches il est vrai d’une réserve ‒, j’avais à tout moment un garenne écrasé en vue (parfois aussi un lièvre ou un faisan).)
Illustration : dans une laie entre les genêts, un lapin vivant (j’ai bêtement omis de faire le portrait des écrasés) :
Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Platie12

Contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, il y avait encore quelques coquelicots (ici dans une jachère) :

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Platie13

Mais il n’y a pas que les automobiles :
« J’affirme qu’en dehors des buses, des corneilles et des pies, je n’ai pas vu un seul oiseau sauvage de Lodève à Leucate. La chasse est un fléau dans le midi parce qu’elle échappe pratiquement à tout contrôle, qu’elle apparaît comme un droit régalien, intangible, de quiconque sait tenir un fusil. Je ne comprends pas qu’on ne prenne pas ici les mêmes mesures que dans le reste de la France pour la protection des oiseaux. Si on les prend, ce que j’ignore, je puis dire qu’elles ne sont suivies d’effet nulle part. Il ne s’est pas passé de jour sans que, dans les champs et dans les vignes, dans toute la semaine, j’entende tirer ça et là. Chaque paysan, chaque vigneron a toujours son fusil avec lui. Il ne faut donc pas s’étonner ‒ puisque la chasse y est sauvage‒ qu’il n’y ait plus un seul oiseau. Le silence de toute cette région est proprement effrayant, comparé aux autres provinces traversées. En voyant partout cette absence de vie animale, cet immense désert que devient le midi (il faudra, quelques jours plus tard, que je monte jusqu’au rocher perdu de Peyrepertuse pour que j’aperçoive enfin un oiseau) je me suis dit : ce n’est peut-être qu’un hasard. Mais non. Il en est exactement ainsi depuis toujours. C’est un besoin irrépressible ici que de détruire et d’exterminer. »

A propos :
« Des loups, il y en a encore en France (je ne dirai pas où) mais ils évitent soigneusement de se montrer. Bien leur en prend. Car la bêtise, l’ignorance et aussi la terreur qu’ils inspirèrent si longtemps, aurait tôt fait de les exterminer. La hantise du nuisible (alors que le seul être vraiment nuisible sur terre c’est l’homme, on le sait bien) a presque entièrement dépeuplé nos forêts, nos provinces des animaux utiles qui y vivaient, y compris les renards et les loups. »

Là où Tesson nous parle de Wanderer (dans son Petit traité sur l'immensité du monde), une des nombreuses déclinaisons du piéton, Lacarrière nous précisait déjà :
« Mais il y avait aussi ceux qui allaient ici et là non pour proposer leur travail mais pour proposer leurs services : chemineaux, saisonniers, rouliers, ribleurs, trimardeurs, coureurs de grands chemin, galvaudeux, vagabonds. Les noms ne manquent pas non plus pour désigner ces ambulants, ces divagants (divaguer signifiant au sens propre et premier : errer ça et là, comme on le voit sur les règlements communaux interdisant la divagation des troupeaux sur la voie publique), ce monde marginal d’errants et d’itinérants (et là encore l’amour des jeux de mots porte à écrire : itinerrants) non les mots ne manquent pas mais, à l’inverse des premiers (ceux qui désignent les métiers ambulants), ces derniers ont pris peu à peu un sens péjoratif à l’égard de ceux qui se déplacent partout sans feu ni lieu. Des nomades en somme, étrangement perdus et égarés au sein d’un monde devenu sédentaire, des ambulants qui déambulent sans motif apparent, des divagants qui errent sans raison (d’où le sens second de ce mot). »


« Depuis l’origine de l’homme, on dirait que le temps demeure toujours pour lui le plus impénétrable des mystères. Ce n’est pas seulement une façon de meubler le temps que de parler de lui. La confusion du français entre les deux sens de ce mot (comme le montre la phrase précédente) prouve bien que dans l’esprit même de la langue ils coïncident ou s’identifient. Le temps atmosphérique n’est que la forme, perceptible aux yeux, à l’épiderme et à nos sens, du temps chronologique, sa chair de vent, de soleil, de pluie, de neige ou de grisaille. Il n’est pas de temps-durée sans temps-saison. Des expressions comme vivre de l’air du temps en sont la preuve à la fois claire et énigmatique. Si le temps a un air (là encore aux deux sens de ce terme) c’est parce qu’il s’oppose, dans la durée changeante de son froid, de son soleil, de sa grisaille, au temps abstrait, étalonné des chronomètres et horloges atomiques, au temps chiffré, frère anonyme et ennemi du temps vécu. »



Mots-clés : #traditions #voyage
par Tristram
le Sam 22 Sep - 19:49
 
Rechercher dans: Nature et voyages
Sujet: Jacques Lacarrière
Réponses: 12
Vues: 998

Anne-Marie Garat

Le Grand Nord Ouest

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 51btop10

15 ans plus tard, Jessie raconte à Bud l'année de ses six ans, et retourne avec lui au Canada dans le Grand Nord Ouest, dans une espèce de pèlerinage, de quête de sens qui se heurte au temps écoulé. Fille choyée d'un nabab d'Hollywood, elle voit son père mort noyé sur la plage le jour de sa fête d'anniversaire. A l'aube de cette année qui va la mener à l'âge de raison, sa mère, une femme fatale fantasque et pleine de secrets, l'emmène sans un mot d'explication dans une folle équipée vers le Grand Nord, ses immensités enneigées, ses indiens animistes. Que fuit-elle? Que cherche-t'elle accrochée tant à ses rêves qu'à ses racines? On va le découvrir au même rythme que Jessie, sans avoir toutes les clés pour autant : cette mère étrange aux identités multiples, grande manipulatrice, gardera sa part de mystère. La petite rouquine (évidemment) connaît là une belle initiation à une vie autre, authentique, à la sagesse, à une certaine dignité auprès d'un vieux couple d'indiens empreints de traditions qu'elle a séduits au premier coup d’œil

C'est bien d'Anne-Marie Garat de nous offrir pour personnages principaux de ce roman du Grand Nord une fillette et sa mère, là où l'on ne croise d'ordinaire que prospecteurs, trappeurs et autre traîne-savates. Il y a aussi ces deux indiens pleins de sagesses, de croyances  de pré-sciences, solidement ancrés dans le territoire qu'on est en train de leur arracher, et qui  transmettent leurs savoirs. Cette épopée aurait du être jubilatoire, mais sans doute du fait du style si spécifique d'Anne-Marie Garat, qui prend ici une boursouflure un peu submergeante (ça grouille un peu trop, c'est une coulée de lave qui ne s'arrête jamais), je ne suis pas pleinement entrée dans ce récit, pourtant plein de poésie, de nature sauvage et de nobles sentiments qui n'excluent pas la facétie. j'ai souvent trouvé ça longuet.

Mots-clés : #aventure #contemythe #enfance #initiatique #lieu #minoriteethnique #nature #relationenfantparent #traditions #voyage
par topocl
le Mer 19 Sep - 10:06
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Anne-Marie Garat
Réponses: 9
Vues: 1488

Sylvain Tesson

Petit traité sur l'immensité du monde

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 41xnx810

Ce n’est pas vraiment un essai, plutôt une suite de réflexions plus ou moins orchestrées autour de quelques thèmes ; cela paraît d’abord un peu ronflant, maladroit, avec un penchant non contrôlé pour le bon mot facile :
« Je parlais seul, unique façon de ne jamais être interrompu et toujours compris. »

« C’est toujours dans cet ordre-là que les architectes devraient travailler : chercher d’abord un endroit où poser la fenêtre, construire la cabane ensuite. »

(Ce n’est pas ce qu’ils font ??)
Et pour le coup, le lecteur (id est Tristram) ne regrette pas d’être entré dans l’œuvre de Tesson sans respecter sa chronologie : il n’aurait peut-être pas persisté…
Donc portrait romantique du wanderer allemand (errant plus randonneur qu’en anglais où la connotation est plus vagabonde ; à ce propos, appel à témoin : qui fut ‒ au siècle dernier ‒ au bar du même nom en Sharjah, seule étape dans l’émirat où une boisson titrant plus que le thé soit proposée au nomade avisé ?) auquel se couple un rejet de l’humanisme, démarche sans doute assez typique d’une époque où la valeur capitale est passée de Dieu (les religions ne sont pas épargnées, surtout l’islamique) à l’Homme, puis à la Vie écosystémique.
Voyager n’est donc plus prétexte à rencontre de l’Autre :  
« Je n’ai donc plus tellement soif de mes semblables et me demande même – avec prudence – si l’humanisme n’est pas un réflexe de défense corporatiste, une sorte de syndicalisme biologique destiné à protéger l’espèce à laquelle on appartient, à défendre ses prérogatives. »

Une sorte de spécieux racisme à l’échelle des espèces, en quelque sorte…
« Tous ces bonheurs que le wanderer rafle dans sa course, il les concentre, le soir, sur la page de son cahier. C’est la promesse de ce rendez-vous vespéral avec une page vierge qui l’incite, le jour durant, à mieux faire provision de ce qui l’entoure. Pour le marcheur au long cours, l’écriture est le plus intense moment d’apaisement. Le point d’orgue posé sur la portée du jour. Les muscles se reposent sur le cahier. L’esprit se réfugie dans l’agréable fouille de la mémoire. En écrivant, le soir, le voyageur continue sa route sur une autre surface, il prolonge son avancée sur le plan de la page. Tout comme lorsqu’il abat les kilomètres pas à pas, il trace son sillon ligne à ligne. Ses yeux suivent la course de sa plume comme ils fixeraient le sillage d’un bateau. Dans la même solitude, il va sur son terrain d’aventure le jour, et sur son terrain d’écriture le soir. Le rituel est toujours le même quand la nuit vient : s’arrêter sous la yourte, sous l’isba ou dans la cabane en bambous, bref, là où s’ouvre une porte. Demander une bougie.
Ouvrir son cahier en papier de riz (économie de poids) couvert d’une écriture très fine (économie d’espace) et de phrases très brèves (économie de style). Écrire longuement sous l’œil des hôtes silencieux (économie de mots) qui contemplent la fixation en temps réel sur la page blanche des événements et des émois du jour. »

Quelques phrases sauvent le texte :
« Le cahier de riz et la flûte à bec sont avec le bâton de pin et le chapeau à plume les quatre seules choses indispensables à la vie dans les bois. »

Si la philosophie nomade convainquit mal, le passage sur les cathédrales d’un point de vue stégophile est bien plus séduisant :
« Mais les antennes des cathédrales, elles, sont l’œuvre de la foi des hommes. Ou de leur vanité. Ou peut-être des deux puisque la foi, c’est la vanité de croire qu’on est la créature d’un dieu. C’est lorsqu’on arrive au sommet d’une flèche qu’on ressent la tension architectonique de la cathédrale. Une église gothique est un accélérateur d’énergie : chaque contrefort de soutien exerce une pression sur les pans de murs, le biseau des paliers. Chaque niveau s’élève en appentis, telles les marches d’un escalier. Plus les murs prennent de la hauteur, plus ils s’écartent les uns des autres : ils voudraient basculer en arrière comme les quartiers d’une orange ouverte mais les arcs-boutants corrigent l’accrétion en les repoussant l’un vers l’autre. Les forces ainsi contrariées sont détournées vers le haut et fusent par les veines de l’édifice (colonnes et voussures) pour se rejoindre au sommet de l’œuvre, jaillissant à la croisée des transepts dans le giclement de la flèche. Une flèche est un geyser de sève minérale. Les moellons de l’édifice entier, parcourus par les flux montants, sonnent comme le cristal si on les frappe de l’ongle : ils sont aussi tendus que les cordes d’une harpe. »

Curieux d’ailleurs ce complexe de la bête à bon Dieu (dans les Hauts de France, on attribuait l’origine de ce nom vernaculaire de la coccinelle à sa tendance à toujours vouloir monter ‒ cette étymologie n’apparaît pas dans Wikipédia, pourrait-elle être confirmée par d’autres Chosiens ?) : sans même évoquer les récents développements médiatiques de l’escalade urbaine, de nombreux adeptes plus ou moins refoulés hanteraient la sphère stégophile (les concernés lèvent le doigt avec moi…)
On n’échappe pas à une inévitable nostalgie :
« J’avais péché en voulant me servir d’un décor actuel pour donner corps à un rêve éveillé. Or, l’une des vertus du bon wanderer est de ne rien attendre du chemin qu’il emprunte. À chaque pas il cueille les émotions, il se gorge de nouveautés, mais il n’essaie pas de trouver des correspondances entre ce qu’il découvre et ce qu’il espérait trouver. Il se garde bien d’évoquer trop souvent le souvenir de l’ancien temps sachant qu’il n’éprouvera que de la nostalgie à comparer le présent et le passé. Car le monde qu’on a sous les yeux sera toujours moins beau qu’une photo sépia ou que sa description dans une chronique ancienne. »

Puis Tesson passe aux forêts et aux cabanes, annonçant Dans les forêts de Sibérie.
Ici un article (et un site) qui tourne(nt) autour des mêmes sujets.
Et le lecteur doit reconnaître avoir bien bourlingué !

S'il en faut un, ce sera "voyage".

mots-clés : #voyage
par Tristram
le Ven 31 Aoû - 22:27
 
Rechercher dans: Nature et voyages
Sujet: Sylvain Tesson
Réponses: 147
Vues: 16732

Christian Dedet

Au royaume d'Abomey

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Sans-t10

Christian Dedet, ce passionné de l’Afrique, nous emporte, dès les premières pages, dans son royaume. Il a passé quelques années à parcourir les routes et chemins du Bénin. C’est depuis la région d’Abomey, de Grand-Popo, de Porto-Novo, du lac Ahémé ou du lac Nokoué, du fleuve Ouémé… qu’il nous adresse ses notes, un journal remanié, revu et corrigé pour en faire un récit riche, et nous faire partager son expérience, en particulier les rituels vaudou et la religion animiste.

« Les œuvres missionnaires ayant l’aval du Vatican y rivalisent toujours avec méthodistes et adventistes de toutes nationalités. Le fait nouveau, depuis l’ère moderne, réside en des Églises d’inspiration chrétienne fondées par les Africains eux-mêmes. […] L’Église apostolique africaine se signale souvent par des sorties de haut-parleurs, en ville, à percer les tympans, par une littérature vindicative à l’égard du vaudou, distribuée aux carrefours. »


Les rituels vaudous au royaume d’Abomey, sont un sujet passionnant pour qui s’y intéresse ou s’intéresse aux phénomènes de transe. J’ai souvent souri en lisant ses descriptions, qu'il brosse avec un humour certain, voire aussi une certaine naïveté et un certain regard occidental, les deux lucides et conscients.

« Certains de ces couvents comptent de nombreuses femmes dans leurs rangs. Matrones, pour la plupart, avec leurs cent kilos et leurs seins à proportion, pris dans un filet à grosses mailles ou basculés par-dessus la toile de lin. »


Il n’existe pas qu’un seul vaudou mais un nombre infini. Rien que dans la région d’Abomey on en dénombre autant que de villages. À chaque couvent sa pratique, ses dieux, ses danses, sa musique, son accoutrement. La religion animiste est aussi matinée de religion catholique, ce qui présente un avantage non négligeable ! Dans le vaudou, religion animiste (considéré tantôt comme une religion tantôt comme une secte), ce sont les dieux qui descendent dans le corps de l’impétrant qui s'exprime au nom de ce dieu, qui le chevauche, et l'aide dans sa vie quotidienne, et l’avantage est terre à terre, autrement dit bien terrestre : les récoltes doivent être bonnes, la nourriture abondante… ; quant aux avantages de la religion catholique, elle promet les cieux et le salut de l’âme, alors autant concilier les avantages des deux !

Maléfices, mauvais sorts, sacrifices animaux (avant, les sacrifices étaient humains) en sont le corolaire : avec le vaudou on ne rigole pas ! (même si Christian Dedet semble souvent s’amuser !) :

« Ce personnage est le garde du corps du vaudou Agbo. Il veille à ce que nul affront ne soit perpétré envers le dieu son maître, mais également à ce qu’aucun maléfice ne soit jeté sur ceux ou celles qui dansent sur la place. Un mauvais sort – le cakato – est si vite parti… Il y a des gens si pervers, si malfaisants et qui ont un tel pouvoir, au cours de ces réunions pour pactiser avec les forces du mal. »


À propos des rituels vaudou et des transes des danseurs, si Christian Dedet a osé faire une petite comparaison avec l’hystérie de conversion décrite par Charcot, il ne semble pas en être convaincu. Bien au contraire, plus loin il vend la mèche non sans un frisson, et nous confie son saisissement, ce constat de la puissance incroyable de certains sorciers et fétichistes, des maîtres en la matière. Car la magie opère. Celui qui assiste, de l’extérieur, ou qui vient étudier ces rituels, pourrait n’y voir que des croyances archaïques que n’importe quel ethnologue pourrait démonter. Mais si toutefois l’un d’eux était initié, il devrait en garder le secret. Il n’aurait pas le choix, c’est une question d’éthique, mais aussi cela pourrait se retourner en maléfice contre lui. Ces pratiques puissantes et parfois dangereuses ne s’adressent qu’à des initiés et celui qui ne l’est pas n’a pas accès à cette connaissance et n’en décrira que les aspects superficiels et visibles. Il est donc quasiment impossible de trouver un livre qui dévoilerait de tels secrets.

Plus loin encore, il parle des universitaires béninois, donc du cru :

« Les professeurs de l’enseignement supérieur de Cotonou, les hauts fonctionnaires de Porto-Novo savent à quoi s’en tenir sur l’existence des sorciers. Ils leurs consacrent des thèses dont le moins qu’on puisse dire est que l’objectivité scientifique n’en exclut pas le frisson. Quant aux hommes politiques, même à l’époque où leurs discours se devaient de fustiger les “superstitions”, ils n’omettaient pas pour autant de se prémunir contre l’effet dévastateur des magies. »


Dedet est médecin, et son regard se porte bien sûr aussi sur cet aspect des choses, cet envers du décor qui ne lui échappe pas :

« L’envers du décor est une situation sanitaire effroyable. Paludisme. Dysenterie amibienne. Hépatites A et B. La pathologie la plus meurtrière est représentée par la bilharziose, cette parasitose dont l’agent se trouve dans les eaux stagnantes, pénètre dans l’organisme de l’être humain à travers la peau de la plante des pieds avant de s’attaquer au foie et aux reins où il crée des lésions irréversibles […]. Les figurines fétiches sont en nombre, aux carrefours de canaux. »


Et plutôt qu'en toile de fond, un rappel de la politique de ces dictateurs qui se sont succédé.

Un récit passionnant, à mettre dans la pile des références ethnographiques. Une très belle aventure de lecture, je vous le dis !


mots-clés : #lieu #science #spiritualité #voyage
par Barcarole
le Mer 29 Aoû - 16:00
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Christian Dedet
Réponses: 5
Vues: 1214

Joseph Kessel

Hong-Kong et Macao

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Hong-k10

Récit d'un séjour effectué en 1955 par Kessel dans ces ultimes vestiges occidentaux subsistant dans l'Empire du milieu. La période était particulièrement intéressante : d'un côté, la vaste Chine depuis peu sous l'emprise de Mao ; de l'autre, ces territoires anglais (Hong-Kong) et portugais (Macao) où règnent la démesure et un libéralisme effréné. Là également sont venus se réfugier les notables de la Chine et les débris de l'armée de Tchang-Kaï-Chek.
Le récit vaut surtout par ce côté daté. L'auteur narre différentes anecdotes qui montrent les extrêmes contrastes qui règnent dans ces lieux à cette époque. Nous suivons ainsi l'ascension sociale du fondateur du fameux "Baume du tigre", le destin d'une femme chinoise qui sélectionne ses amants occidentaux pour avoir de "beaux bébés" et pouvoir les vendre. Kessel nous entraîne également dans les faubourgs sordides de Kowloon où se tapissent quelques tripots et fumeries clandestines d'opium.
Le dernier chapitre consacré aux enfants mendiants d'Asie est très touchant :

Je mis quelques pièces dans cette main qui se referma inconsciemment, innocemment, comme une fleur blessée.
Je pensais alors à ce que Dostoïevski faisait dire à l'un de ses personnages damnés :
- Tant qu'il y aura au monde un enfant, un seul enfant malheureux, je ne pourrai pas croire à Dieu...
Et, regardant la petite fille de Macao, j'ajoutai intérieurement :
- Encore moins aux hommes.


J'ai eu un peu de difficultés avec le style que j'ai trouvé parfois d'un lyrisme un peu appuyé. Je préfère pour ma part le ton plus sec et journalistique d'Albert Londres, mais c'est une question de goût. Je continuerai avec Kessel.  Smile


mots-clés : #documentaire #voyage
par ArenSor
le Dim 29 Juil - 19:33
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Joseph Kessel
Réponses: 47
Vues: 5242

José Manuel Prieto

Papillons de nuit dans l'empire de russie

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Prieto10

Le narrateur, un certain J, profite de l’effondrement de l’empire soviétique pour faire du trafic avec l’occident en privilégiant le matériel militaire high-tech : guides laser et googles infra-rouge. Il a bien compris qu’il peut bénéficier d’une plus-value non négligeable sur ce type d’objet peu encombrant, en revanche il risque gros. Il rencontre lors d’une vente un richissime suédois qui lui suggère un autre type de trafic, moins dangereux, celui des papillons. J se lance donc à la recherche du mystérieux yaziku dont le dernier spécimen a été donné au tsar Nicolas II en 1914.
Lors d’un voyage à Istanbul avec son employeur suédois, J remarque dans une boîte de nuit une stripteaseuse et prostituée, une certaine V, une jeune russe qui a voulu fuir son village sordide de Sibérie. Celle-ci lui demande de l’aider à fuir et retourner en Russie (cas classique, le propriétaire de la boîte lui a confisqué son passeport et l’a endettée à vie). Par la suite, J recevra sept lettres de V, lettres sublimes. Pour lui répondre il va lire de nombreuses correspondances de l’Antiquité à nos jours.

Encore un détail : si nous sommes en admiration devant les lettres de Flaubert à Louise Collet, ou celles de Kafka à Milena (et aussi à Felice), pourquoi ne pas imaginer qu’elles ont été inspirées par des lettres de bien meilleure qualité, écrites par ces femmes ? Bien souvent on ne lit ou ne publie que les lettres des écrivains, en majorité des hommes, mais derrière celles-ci – tout comme derrière ce brouillon – se cachent des lettres de femmes, de vraies œuvres d’art, sublimes. Sublimes, il ne me vient pas d’autre mot à l’esprit.


Le livre est donc un roman épistolaire d’un genre nouveau. Le narrateur raconte sa vie avant, pendant et après sa fuite avec V. Le tout s’entremêle de réflexions sur l’existence, de notations sur le temps, les paysages, les scènes du quotidien. Surtout, la poésie est omniprésente.
J’ai été plus particulièrement séduit par l’atmosphère slave qui se dégage du livre, Prieto est cubain mais il a vécu longtemps en Russie ; également ce dialogue particulier qui s’instaure entre Orient et Occident. En effet, le récit oscille entre deux sites, un Istanbul plutôt marqué par l’Orient et Livadia en Crimée où les influences occidentales sont plus marquées. Cependant, ce sont aussi des villes où coexistent des deux cultures, les deux esprits.
En littérature, le mot « papillon » renvoie immanquablement à Nobokov. C’est dans un genre un peu différent que Prieto nous entraîne dans les aventures de J chassant le yaziku dans le delta de la Volga. Mais il a gardé le côté « enchanteur » du maître.
Une très belle lecture et un écrivain à découvrir.  Very Happy

Lorsque mes yeux glissèrent sur son nom, à la dernière page, étourdi par ce que je venais de lire et parce que cette lettre était peut-être encore plus belle que la précédente, je perdis un court instant la pleine conscience du lieu où je me trouvais, immergé dans le plus profond silence, tandis que sa phrase d’au revoir résonnait comme une perle de cristal rebondissant sur les parois d’un coquillage, se déplaçant rapidement dans la spirale de ses cavités.


Un voyage doit se profiler à l’avance dans l’esprit du voyageur comme dans un minuscule polygone, comme dans une chambre de Wilson où l’on étudierait sa trajectoire de particule atomique, où l’on envisagerait l’état de satisfaction qui nous attend sur l’autre rive, l’eau en train de bouillir dans la marmite, le soleil en train de se coucher derrière les arbres, les guides bachkirs discutant à voix basse tout près de toi, dans leur boutique de fortune. Voilà pour ce qui est de l’importance physique de la peau exposée au vent et du soleil derrière les paupières. Mais on notera la nécessité d’un cadre mental, métaphysique, d’une expérience supra personnelle qui nous permette de d’admirer, ravis, les traces des bulles dans la masse liquide, de découvrir des univers confinés entre ces minces parois. Une idée inaccessible et d’apparence fragile, les ailes d’un papillon, un rêve.


A l’intérieur de ces troncs survivaient des forces qui refusaient de se consumer, qui protestaient en émettant des craquements, dans un rapide staccato, ralentissant le rythme par moments pour émettre ensuite des appels à l’aide frénétiques. C’étaient les plaintes des âmes emprisonnées dans les arbres, divinités sylvestres martyrisées par le feu, ou peut-être, pensais-je tout à coup, les cris de joie qu’elles poussaient en s’élevant vers le ciel, libres enfin. Avant de se mêler au reste du troupeau des âmes, elles devaient avoir averti mon autre moitié errante, l’importunant l’espace d’une seconde dans un bar de Linz en Autriche.


Pour ma part, je n’avais aucune raison de m’inquiéter, mais comme je la regardais, droit dans les yeux, tout en l’écoutant parler de mode (son rêve était de devenir mannequin, m’avait-elle dit) je pus voir la peur voiler son regard, la solution aqueuse de ses yeux se cristalliser soudain, se précipiter et tomber lentement comme des flocons de neige.


mots-clés : #contemporain #correspondances #polar #voyage
par ArenSor
le Lun 18 Juin - 18:31
 
Rechercher dans: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
Sujet: José Manuel Prieto
Réponses: 8
Vues: 1008

Guy Delisle

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Cvt_py10

Pyongyang


Originale: Français, Novembre 2002

Genre: BD/Graphic Novel

CONTENU :
amaz.de a écrit:Après Shenzen, Guy Delisle a poursuivi son travail nomade d'animateur pour deux mois à Pyongyang, capitale si isolée de la Corée du Nord. Si ses sentiments vis-à-vis d'un pays totalement étranger se retrouvent d'un livre à l'autre, "Pyongyang" présente en outre l'intérêt de donner des informations sur la vie quotidienne d'un des pays les plus secrets et les plus fermés du monde.

Avec « 1984 », le classique de George Orwell, dans ses valises, il peut bien comparer le scénario du livre avec une réalité incroyable. Dans des desseins détaillés Delisle parle des hommes, se trouvant dans le noir à cause des ruptures d’élécricité, tandisque les monuments à la gloire des dictateurs successifs sont illuminés à fond. Il s’agit moins d’un récit de voyage qu’un essai de jeter un regard derrière les coulisses baties par l’Etat omniprésent.



REMARQUES :
Dans cette graphic novel/BD Delisle nous raconte et nous dessine ses observations et son vécu dans ce pays si hermétiquemment fermé qu’est la Corée du Nord, une des dictatures les plus autoritaires du monde. L’auteur réussit très bien de décrire ce monde partiellement absurde, surveillé et militarisé à l’extrême.

Les visiteurs de l’Occident sont accompagnés toujours par un traducteur et un guide, moins pour vraiment fournir de l’aide que plutôt pour observer, contrôler. Le logement dans des hôtels spécialisés pour l’accueil des étrangers, les restrictions et interdits omniprésents empêchent des rencontres normales et hors de surveillance avec le citoyen normal.

Face à une propagande constante et massive aussi bien pour le guide quasi divin que contre les ennemis intérieurs et extérieurs (en particulier les Américains et les Occidentaux), on peut bien se demander, comment une opinion vraiment raisonée et raisonable serait encore possible. Delisle ne pourra pas discerner de tels débuts d'une propre opinion politique, mais sera aussi tellement bien entouré qu'il pourrait probablement jamais rencontrer les revoltés (s'il en existe). Il nous est peut-être difficile, voir inimaginable de concevoir les difficultés d'une vraie autonomie de pensée.

Par cet égard je vois dans ce livre pas seulement la critique fondamentale compréhensible pour ce système, mais souvent une tonalité sarcastique et un peu méprisante. Est-ce que là-derrière se cache un Delisle plus jeune, moins mûr encore que celui des chroniques plus tardives, plus équilibrées et distanciées ? Là, il sera en route comme jeune père de famille, peut-être cherchant encore plus à comprendre les difficultés des gens tellement soumise à de la propagande massive ?

Par un filtre extrême de toutes les impressions récues (ce qui n'est pas la faute de l'auteur mais des arrangements imposés des autorités pour lui), tout le pays sera reduit sur le cadre dictatoriale. Qui alors veut connaître une impression excellente comment procède et manipule un tel système trouvera ici beaucoup d'exemples. Ce savoir n'est pas (plus?) présent chez beaucoup, et ainsi le livre remplit une mission importante. En plus en présentant ce pays peu connu. Le livre emporté en voyage, 1984 de George Orwell, est vraiment comme une annonciation d'un tel état autoritaire.

Néanmoins je suis de l'avis que le lecteur attentif et l'observateur même très critique envers des circonstances politiques réels, ne pourra, ne devra jamais réduire un pays entier, et en particulier les hommes y vivant, à un système politique et l'uniformisation imposée.

Le lecteur contemporain « actuel » a à faire avec un autre problème tout naturel : le séjour de l'auteur date de l'année 2001. Certainement ce livre reste au fond actuel. Au même moment il y a eu des développements. On est entré dans la troisième génération de cette dictature hériditaire, avec l'accession au pouvoir de Kim Jong-Un. Pour un temps on a pu croire même à une amélioration... Il n'en est rien, apparemment.

Bref : recommandable, mais avec les avis aux lecteurs que j'essayais d'élaborer à garder en tête.

mots-clés : #regimeautoritaire #voyage
par tom léo
le Ven 15 Juin - 7:21
 
Rechercher dans: Bande dessinée et littérature illustrée
Sujet: Guy Delisle
Réponses: 7
Vues: 1326

Sylvain Tesson

Sur les chemins noirs

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Chemin10

Par une soiré de stégophilie (comme nous l'apprend Arensor) bien arrosée, Sylvain Tesson a dégringolé sans contrôle, s'est retrouvé cassé en mille morceaux, et après quelques mois d’hôpital, tout surpris qu'on s'occupe si bien de lui, grand gosse maladroit "soûlographe", a compris que la Sibérie, la vodka et la taïga c'était fini.
Alors, dans un désir de  "régler ses comptes avec la chance", c'est parti pour la France, le viandox et le bocage, et l'heureuse surpaie d'y trouver autant ses aises, cartes IGN au 25 000ème en main. Ma foi cela n'est guère surprenant puisqu'il s'agit bien de grands espaces solitaires, et de temps non compté.

C'étaient mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et  parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage. Certains hommes espéraient entrer dans l'Histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie.



Et il nous invite pour  2 mois et demi de marche, du Mercantour au Cotentin, tout au long des chemins noirs, dan une France rurale que la folie du monde n'a encore qu'effleurée, bien  qu’elle ne renonce pas à l’arracher à elle-même.

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Carte_10

C'est beaucoup mieux qu'une soirée diapos-retour-de voyage car d'observations en rencontres pacifiques (des gens « pour qui la santé des prunes est un enjeu plus important que le haut débit »), de citations littéraires (Tristram!) en élucubrations sociologiques, de réflexions nostalgiques en dérives imaginaires, il nous abreuve, nous nourrit, nous  transbahute. Il disserte sur l’évolution du monde, débusque une musaraigne, s'installe un bivouac récupérateur.

Au fil des paysages éphémères et changeants, la vie de vagabond est une bonne façon, de se rééduquer, et de se retrouve soi-même quand on est passé à quelques millimètres du fauteuil roulant. Chaque instant de cette déambulation bucolique est une jouissance, dans  un retrait du monde salvateur, "antidote de la servitude volontaire".

Voila. C'est toujours cette même impression, pleine de contradictions : il est toujours aussi agaçant, mais attachant encore plus, comme beaucoup de nos amis, qu'on prend plaisir à retrouver, égaux à eux-mêmes. Malgré (ou à cause de, qui sait?) . Il a toujours son humour, son panache, son autodérision. Il livre avec une  lucidité vaillante sa vision éplorée d'un monde d'écrans, de vitesse, de consommation, qui dévaste tout sur son passage, et qui achèvera sans doute ces zones résistantes, une vision nostalgique d'un temps qui n'est plus, auquel il savoure de voler des éclats encore flamboyants, dans une consolante jouissance de l'instant. Et puis, c’est quand même ahurissant, une fois de plus, ce défi qu'il se donne. C'est d'un homme extraordinairement vivant.

Et que ne pourrai-je pardonner à quelqu'un qui écrit :

Pendant que la vitesse chassait le paysage, je pensais aux gens que j'aimais, et j'y pensais bien mieux que je ne savais leur exprimer mon affection. En réalité je préférais penser à eux que les côtoyer. Ces proches voulaient toujours que «l'on se voie », comme s'il s'agissait d'un impératif, alors que la pensée offrait une si belle proximité.



mots-clés : #lieu #voyage
par topocl
le Lun 16 Avr - 20:27
 
Rechercher dans: Nature et voyages
Sujet: Sylvain Tesson
Réponses: 147
Vues: 16732

Juan José Saer

L’ancêtre

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 L_ancy10

Ce chef-d’œuvre nous parle de la rencontre entre deux mondes (l’"ancien" et le "nouveau"), confrontation suffisamment récente pour être quelque peu documentée. Cette entrevue nous interroge depuis l’époque jusqu’à aujourd’hui, où les autres "mondes" ont pratiquement disparu sous l’hégémonie du nôtre, phagocytés par la globalisation. Et tout le livre tourne autour de cette rencontre de l’Autre (avec la notion de l’"extérieur", de l’au-delà de « l’horizon circulaire », qui revient souvent dans le roman). La pratique de publications d’ethnologie permet de considérer que l’image donnée de la tribu amérindienne est plausible, cohérente avec ce type de fonctionnement social (Claude Lévi-Strauss aurait parlé de structure mythique ?) Ici, cette société gravite autour d’une sorte de carnaval ("enlever la viande") annuel, les Indiens succombant, entre un désir anticipateur et de dégoût subséquent, à la consommation d’étrangers massacrés en saison estivale. A chaque occurrence, dans une sorte de compensation, une des victimes est épargnée et honorée avant d’être renvoyée chez elle : c’est le cas du narrateur, un jeune mousse qui vécut ainsi dix ans chez ces Amérindiens (admirablement décrits en deux mots : « compacts et lustrés »). Ils l’appellent le Def-gui, et l’on apprendra que cette dénomination renvoie au « reflet des choses dans l’eau », soit une sorte de messager témoignant de leur permanent effort pour maintenir l’incertaine réalité du monde issu de l’indifférencié primordial, et un narrateur chargé de les garder en mémoire hors de « la pâte anonyme de l’indistinct » : c’est el entenado (titre original), le beau-fils, le fils adopté pour survivre (rien à voir avec le titre aberrant qui a été retenu en français).
« En-gui, par exemple, signifiait les hommes, les gens, nous, moi, manger, ici, regarder, dedans, un, éveiller et bien d’autres choses encore. »

Sont sous-jacents les concepts de régénération saisonnière par renversement des valeurs sociales et morales, du maintien de l’ordre coutumier par l’éternel retour de ces excès ponctuels, et d'adaptation étroite aux cycles naturels.
« Par tous les moyens, ils cherchaient à faire persister le monde incertain et changeant. »

« Il fallait maintenir entier et, dans la mesure du possible, identique à lui-même ce fragment rugueux qu’ils habitaient et qui semblait ne se matérialiser que grâce à leur présence. Tout changement devait avoir sa compensation, toute perte son substitut. L’ensemble devait demeurer, en forme et en quantité, plus ou moins le même à tout moment. C’est pour cela que, lorsque quelqu’un mourait, ils attendaient, anxieux, la naissance suivante ; un malheur devait être compensé par une satisfaction [… »

Le choc du contact avec les cannibales est surtout culturel. Et ne pas comprendre ou admettre une autre culture, aux valeurs échappant dans l’absolu aux nôtres, permet de la nier afin de l’éradiquer. Entre parenthèse, assimiler la "Nuit des noirs" du carnaval de Dunkerque à du racisme participe autant du malentendu et du "politiquement correct", voire de la récupération/ instrumentation.
« C’était comme s’ils dansaient sur un rythme qui les gouvernait, un rythme secret dont ils pressentaient l’existence, mais qui était inabordable, incertain, absent et présent, réel, mais indéterminé, comme la présence d’un dieu. »

Une part importante de la découverte de l’étrangeté doit au personnage du fleuve (ici vraisemblablement le Río de la Plata, et l’histoire serait inspirée de l’aventure du jeune mousse, Francisco del Puerto, enlevé par les indigènes en 1516 lorsqu’ils massacrèrent son capitaine Juan Díaz de Solís avec une partie de l’équipage « découvreur » de cette contrée), cette « mer d’eau douce », l’incarnation-même de l’envoûtante nature de l’Amérique du Sud (qui me donne grande envie de lire Le Fleuve sans rives, le « traité imaginaire » de Saer) :
« L’odeur de ces fleuves est sans égale en ce monde. C’est une odeur des origines, de formation humide et laborieuse, de croissance. Sortir de la mer monotone et pénétrer dans ces eaux fut comme descendre des limbes sur la terre. Il nous semblait presque voir la vie se refaire à partir des mousses en putréfaction, la boue végétale couverte des millions de créatures sans forme, minuscules et aveugles. Les moustiques noircissaient l’air aux alentours des marécages. L’absence humaine augmentait encore cette illusion de vie originelle. »

« Les hommes qui habitent dans ces parages ont la couleur de la boue des rivages, comme si eux aussi avaient été engendrés par le fleuve [… »

De retour en Europe, l’orphelin trouve enfin un père dans le religieux éclairé qui l’instruit,
« Par la suite, beaucoup plus tard, alors qu’il était mort depuis longtemps, je compris que s’il ne m’avait pas appris à lire et à écrire, le seul acte propre à justifier ma vie eût été hors de ma portée. […] tracer, au nom de ceux qui sont définitivement perdus, ces signes qui, incertains, cherchent leur durée. »

...puis devient comédien en créant son propre rôle, fort éloigné de toute véracité. A la vacuité existentielle des sauvages répond la sienne, avec l'image récurrente du puits :
« Toute vie est un puits de solitude qui va se creusant avec les années »

...puis, en pire, celle de ses congénères (à cause de leur hypocrisie) :
« La condition même des Indiens était sujette à discussion. Pour certains, ce n’étaient pas des hommes ; pour d’autres, c’étaient des hommes, mais pas des chrétiens ; et, pour beaucoup, ce n’étaient pas des hommes parce que ce n’étaient pas des chrétiens. »

« J’appris, grâce à ces enveloppes vides qui prétendent s’appeler hommes, le rire amer et un peu supérieur de qui possède, face aux manipulations de généralités, l’avantage de l’expérience. Plus que la cruauté des armées, plus que la rapine indécente du commerce et que les tours de passe-passe de la morale pour justifier toutes sortes de bassesses, ce fut le succès de notre comédie qui m’ouvrit les yeux sur l’essence véritable de mes semblables : la vigueur des applaudissements qui célébraient mes vers insensés prouvait la vacuité absolue de ces hommes, et l’impression que c’était une foule de vêtements bourrés de paille, ou des formes sans substance gonflées par l’air indifférent de la planète, ne laissait pas de m’assaillir à chaque représentation. Parfois, exprès, je changeais le sens de mes propres discours, les alambiquant et les transformant en phrases creuses et absurdes avec l’espoir que le public réagirait enfin et ferait s’effondrer l’imposture, mais ces manœuvres ne modifiaient en rien le comportement de la foule. »

Dans ses vieux jours, le narrateur médite sur le souvenir (citations disponibles sur simple demande), réfléchit au monde (mental) de ces Indiens totalement assujettis à l’obscure puissance instinctive de la visqueuse néantise primordiale, et c’est alors une fabuleuse approche anthropologique (j’ai pensé au Tlacuilo de Michel Rio). On croirait lire une étude scientifique basée sur l’observation des Guaranis (ou des « colastiné ») ; par exemple, les tueurs-rôtisseurs ne participent pas autrement aux agapes, et ce genre de tabou/ interdit rituel semble bien dans l’esprit de ce que rapportent les ethnologues :
« La simple présence des choses ne garantissait pas leur existence. Un arbre, par exemple, ne se suffisait pas toujours à lui-même pour prouver qu’il existait. Il lui manquait toujours un peu de réalité. Il était présent comme par miracle, par une sorte de tolérance méprisante que les Indiens voulaient bien lui accorder. »

« L’extérieur était leur principal problème. Ils n’arrivaient point, comme ils l’eussent voulu, à se voir du dehors. »

« Le mot qui désigne l’apparence désigne aussi l’extérieur, le mensonge, les éclipses, l’ennemi. »

« Ils semblaient, comme les animaux, contemporains de leurs actes, et on eût dit que ces actes, au moment même de leur réalisation, épuisaient leur sens. Pour eux, le présent ouvert et précis d’un jour vigoureux, sans commencement ni fin, semblait être la substance où, comme des poissons dans l’eau, ils se mouvaient. Ils donnaient l’impression, enviable, d’être en ce monde plus que toute autre chose. Leur manque de gaieté, leur air farouche étaient la preuve que, grâce à cet ajustement général, le bonheur et le plaisir leur étaient superflus. Je pensais que, reconnaissants de coïncider en leur être matériel et en leurs appétits avec ce côté disponible du monde, ils pouvaient se passer de la joie. Lentement, cependant, je finis par comprendre que c’était plutôt le contraire, que, pour eux, il fallait à tout moment réactualiser ce monde qui avait l’air si solide afin qu’il ne s’évanouît point comme un filet de fumée dans le crépuscule. »

« Cependant, en même temps qu’ils tombaient, ils entraînaient dans leur chute ceux qui les exterminaient. Comme ils étaient les seuls soutiens de l’extérieur, l’extérieur, réduit au silence, disparaissait avec eux dans l’inexistence à cause de la destruction de cela même qui le concevait. Ce que les soldats qui les massacraient n’arriveraient jamais à comprendre, c’est qu’eux aussi, en même temps que leurs victimes, abandonnaient ce monde. On peut dire que, depuis que les Indiens ont été anéantis, l’univers entier est parti à la dérive dans le néant. Si cet univers si peu sûr avait, pour exister, quelque raison, cette raison c’était justement les Indiens qui, au milieu de tant d’incertitudes, étaient ce qui semblait le plus certain. Les appeler sauvages est preuve d’ignorance ; on ne peut appeler sauvages des êtres qui assumaient une telle responsabilité. »

La responsabilité assumée par les Indiens pour soutenir la persistance du monde réel sorti de la boue originelle prend une dimension métaphysique ; il me semble que Saer a renoué ici avec la tradition humaniste d’un Montaigne.
« Qu’être, pour les Indiens, se dise paraître n’est pas après tout une distorsion excessive. »

« Mais savoir ne suffit pas. Le seul savoir juste est celui qui reconnaît que nous savons seulement ce qui condescend à se montrer. »

« Entre les Indiens et les soldats cela faisait beaucoup de corps, raides et indistincts, dérivant de plus en plus vite, comme une procession muette, jusqu’à ce que, comme le fleuve atteignait son embouchure, dans cette mer douce que dix ans auparavant le capitaine avait découverte, ils se dispersassent et se perdissent en direction de la haute mer, ouverte et hospitalière. Ce même jour, je sus que le navire allait la traverser, cette mer, comme un pont de jours immobiles, sous un soleil aveuglant, vers ce que les marins appelaient, non sans une certaine solennité obtuse, notre patrie. »


mots-clés : #historique #traditions #voyage
par Tristram
le Jeu 5 Avr - 15:03
 
Rechercher dans: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
Sujet: Juan José Saer
Réponses: 38
Vues: 2705

Guy Delisle

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Cvt_ch10

Chroniques birmanes



Originale : Français, 2007

CONTENU :
Chronique écrite après un séjour en Birmanie en 2005

REMARQUES :
Comme d’autres BD de Delisle aussi celui-ci se refère à un séjour de longue durée dans un pays qu’on ignore (ou ignorait) assez. Delisle est maintenant lié depuis un bon moment avec Nadège et ils ont le petit Louis. L’auteur suit à vrai dire sa femme en Birmanie pour une bonne année car elle y travaille pour Médecins sans Frontières. Lui-même, il va avant tout s’occuper de l’enfant, travailler sur ses bandes dessinées et aussi faire quelque connaissances dans le monde du BD. Sinon on a l’impression qu’il raconte dans ces chroniques librement un mélange entre son vécu personnel (souvent avec beaucoup d’humour et d’auto-dérision) et des petites explications de certaines expériences autour d’une donnée politique, économique, culturelle etc...

Les récents développements au Myanmar semblent aller dans un sens d’une plus grande liberté et autonomie, et les descriptions de ce livre date alors maintenant presque d’une dizaine d’années. Alors, cela a vieilli ? Peut-être certaines contraintes de la dictature militaire de plusieurs décennies (instaurée en force en 1962 après quatorze année d’essais démocratiques après l’indépendance)  ont perdues un peu de force, et l’ouverture économique et démocratique sont là, néanmoins ce livre est et restera un témoignage d’une époque qui a marqué le pays: témoignage pour la Birmanie/Myanmar même, mais aussi description – comme l’auteur en fait allusion – des mécanismes d’une dictature en exercise. Et certains procèdés, on les retrouve un peu partout dans le monde en pareilles situations...

Ce qui arrive à Delisle a d’abord et presque toujours une note personnelle, et est accroché à une expérience concrète. Mais au même moment ces petites aventures touchent à toutes les domaines de la vie, soit culturelle, politique, économique, réligieuse, culinaire, répressive etc. Le livre épais est structuré en petites épisodes, petites unités thématiques d’une à six pages environs, avec sur chaque page 6-8 petites cases de desseins et de textes. Dans ce sens-là ce n’est pas un récit linéaire ininterrompu, mais plutôt des bouts d’histoires.

Je n’arrive pas bien à décrire le genre de desseins avec lequel Delisle travaille, mais c’est à mon avis un travail à l’encre et des tonalités en gris (pas de colorisations).

C’est intéressant comment Delisle raconte en passant une existence plutôt isolée souvent, des ressortissants étrangers (ambassades, ONG, industries engagés étrangers). Une séparation si typique dans tellement de pays, surtout soi-disant exotiques ou alors aussi résultant d’une certaine politique. A quel point cet isolement est choisi, conséquence d’une recherche d’une vie plus aisée ? Je ne veux pas en juger, mais dans nos pays nous condamnons souvent ces « communautarismes »...

C’est alors en passant, jouant, décrivant avec humour (et des chiffres et faits réels) que Delisle nous présente ses chroniques.

C’est bien fait, drôle, instructif...

mots-clés : #autobiographie #bd #documentaire #regimeautoritaire #viequotidienne #voyage
par tom léo
le Dim 18 Mar - 16:17
 
Rechercher dans: Bande dessinée et littérature illustrée
Sujet: Guy Delisle
Réponses: 7
Vues: 1326

Michèle Lesbre

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Le_can10

Le canapé rouge

Anne embarque dans le Transsibérien pour aller retrouver un compagnon dont elle ne reçoit plus de nouvelle : celui-ci a décidé un jour qu'il quittait sa vie de militant pour aller s'isoler loin des mirages de la vie et ses désillusions.
Tandis que le train l'emporte vers Irkoutsk, son esprit chemine entre les paysages aperçus, les vie croisées au fil des arrêts en gare et surtout revient vers Paris pour nous dire l'histoire de l'amitié qui la lie à une dame âgée, sa voisine, ancienne modiste que la curiosité des gens et des événements habite toujours.

Autour de toutes ces réflexions, il est question de la vie , du destin, de la conception du bonheur et de la faculté que chaque être humain a de s'en emparer. Anne évoque aussi de grands destins de femmes extraordinaires...


Un magnifique roman à tiroirs sur la mémoire des faits, des êtres. Sur le déclin de la vie et de ce qu'il permet de partager....Un livre qui va forcément m'en faire lire d'autres et c'est cela que j'aime.



mots-clés : {#}amitié{/#} {#}voyage{/#}
par Invité
le Mer 14 Fév - 18:13
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Michèle Lesbre
Réponses: 25
Vues: 1196

Olivier Rolin

Baïkal- Amour

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Images16

Et nous voila partis pour un nouveau voyage en train rolinesque à travers la Russie orientale, ses bouleaux sans fin, ses villes dévastées, ses entrepôts abandonnés. On fréquente des rêveuses revêches, et des voyageurs hospitaliers, on habite des chambres d’hôtel glauques qu'on a l'impression de déjà connaître. Au début ça a des petits relans de déjà vu, de paresseuse soirée-photos entre amis avec quelques anecdotes rigolotes, des descriptions sympas, une petite transmission de connaissance qui sera vite oubliée. Puis insensiblement le charme opère, la pression des milliers de déportés, célèbres ou anonymes,  qui on hanté ces régions, vite oubliés, se glisse peu à peu entre les mots et confère un poids, un sens à cette écriture sobre, sombre, pleine de retenue et d'humour, une mélancolie enveloppante.


mots-clés : #campsconcentration #devoirdememoire #voyage
par topocl
le Sam 16 Déc - 9:50
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Olivier Rolin
Réponses: 86
Vues: 7381

Isabelle Eberhardt

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 97828410

Sud oranais

4° de couverture :
Sud Oranais est le journal de route du dernier séjour d'Isabelle Eberhardt dans cette région troublée du Sahara algérien, où des tribus rebelles résistent encore à l'avancée coloniale, au début du XXe siècle. L'auteur emmène son lecteur des deux côtés d'une frontière indécise avec le Maroc, dans les camps bédouins, dans les cafés maures fréquentés par les légionnaires... et lui dévoile, de l'intérieur, la vie d'une petite cité théocratique.
Le manuscrit de ce dernier texte d'Isabelle Eberhardt a été retrouvé après plusieurs jours de fouille dans la boue de l'inondation d'Aïn Sefra, où l'auteur a péri le 21 octobre 1904.


Extrait :

" Djilali s'endort, et moi je regarde ce décor nouveau qui ressemble à d'autres que j'ai aimé, qui m'ont révélé le charme mystérieux des oasis. J'y retrouve aussi cette légère odeur de salpêtre, si spéciale aux palmeraies humides, cette odeur de fruit coupé, qui pimente tous les autres parfums de la vie à l'ombre ?Dans la quiétude profonde de cette clairière isolée, d'innombrables lézards d'émeraude et des caméléons changeants se délectent dans les taches de soleil, étalés sur les pierres.
Pas un chant d'oiseau, pas un cri d'insecte. Quel beau silence !
Tout dort d'un lourd sommeil et les rayons épars glissent entre les hauts troncs des dattiers comme des chevelures de rêve..."


Commentaire :

Au cours de son périple en Afrique du nord et plus précisement au sud Oranais, Isabelle Eberhardt fait une excursion dans le sud marocain, de l'autre côté d'une frontière qui lui parût peu étanche. Ce fut l'occasion d'être hébergée par le marabout Sidi Brahim Ould Mohamed;elle s'y présente sous l'identité et les vêtements d'un homme : Si Mahmoud ould Ali, jeune lettré tunisien qui voyage de zaouïa en zaouïa pour s'instruire. Elle relate donc la vie d'une zaouïa, une maison, d'un notable marocain.
Elle relate la présence d'esclaves Kharatine, des noirs, décrit son logement, sa vie quotidienne dans ces lieux, sa chambre, son entrevue avec Sidi Brahim ould Mohamed, son opinion sur les esclaves, sur le monde des femmes recluses dans la maison, le comportement de ces femmes est parfois savoureux, ainsi ce passage :
-"Parfois dans les cours, éclatent des disputes criardes qui précèdent des pugilats et des bondissements de nu au soleil.
Un matin, deux négresses s'invectivent devant ma porte.
- Putain des juifs du Mellah !
- Renégate, voleuse ! Graine de calamité ! Racine amère !
- Dieu te fasse mourir, juive, fille de chacal !
Tout à coup, la voix sifflante de Kaddour, l'intendant, vient mettre fin au scandale.
Elles se séparent, en chiennes hargneuses, avec des dents qui brillent dans l'injure et qui mordent les mots comme de la chair."

Elle décrit ensuite ce qui oppose Algériens et Marocains. A la lecture de ce livre on est transporté dans un autre temps, un autre univers, baigné de la poésie de ses écrits, que je l'avoue j'apprécie beaucoup.

p.s : en voyant la photo d'Eberhardt déguisée en marin je me souviens d'une photo de ma mère, elle aussi déguisée en marin, aux côté de mon père infirmier de marine dans le nord de la Tunisie, ils étaient jeunes, c'était après la fin de la dernière guerre, mon père après le debarquement de Provence était rentré en Tunisie pour s'y marier... I love you


mots-clés : #biographie #journal #nature #voyage
par Chamaco
le Sam 2 Déc - 11:37
 
Rechercher dans: Nature et voyages
Sujet: Isabelle Eberhardt
Réponses: 26
Vues: 2516

Karel Capek

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Capek_10

VOYAGE  DANS  LE  NORD. - Ed. du Sonneur. - 2010

Lorsque Karel Capek entame son voyage, en 1936, il sait déjà que le sort de son pays, la Tchécoslovaquie, est  scellé.
Pourtant, à part de très brèves allusions, on peut dire que le voyage est vraiment enchanteur.
Du Danemark, pays de cocagne à la Suède installée dans un paysage et une sagesse inamovibles. De la Norvège au Cercle polaire, Capek nous laisse l'impression d'un voyageur attentif, généreux, émerveillé. Sa vision est à la fois familière, chaleureuse, mais aussi imaginative à souhait.

"Nous voilà donc très bas, près de gracieux lacs cernés de bosquets crépus, des fermes rouges et des prés lumineux partout sur les hauteurs, des cîmes de granit couvertes de neiges éternelles : tout cela est ma foi admirable : seulement voilà, on aimerait bien savoir ce qu'il y a de l'autre côté des montagnes."

"Le Danemark : un enfant gras de  la campagne, à la caboche trop grosse et trop intelligente. Imaginez une ville d'un million d'habitants à la tête d'un pays qui en compte trois ; une belle ville, royale et quasi neuve, vaste et vivante.
Il parait qu' il y a quelques siècles à peine, chaque nuit, on fermait les portes de Copenhague et on déposait les clefs sur la table de nuit du roi du Danemark."


"De ces moments, on en trouve partout dans le monde, ma foi, à quoi bon en discuter ; mais ce sont des instants fugitifs, insaisissables, trop courts , et un quart d'heure plus tard la fête est finie.
Alors que nous autres ici dans le Sternfjors ou ailleurs encore, nous assistons à des couchers de soleil dorés qui durent des heures, des pans de ciel et de mer toujours  plus grands sont submergés, l'ouest et le nord tout entiers ont déjà pris feu, l'incendie s'étend à présent à l'est, où les lueurs de l'aube commencent  à poindre ; et voici que la mer et le ciel se  fondent en une chose infiniment étrange et magnifique."


Pourtant que voit-il ?  Des forêts sans fin, des montagnes, des glaciers, à perte de vue. La toundra et des arbres nains.
Des maisons coquettes peintes en rouge ou ailleurs en bois  ou en pierre.
Des chevaux, des vaches avec ou sans cornes. Des îles et des îlots. Des falaises. Des fjords.
Les rochers semblent avoir été éjectétés ici et là par des éruptions volcaniques et les montagnes ont accouché de récifs déchiquetés.
Ces éléments, tous ces éléments, sont les véritables personnages de Capek.
Sans oublier le Hakon Adalstein, le vaillant petit bateau où il a embarqué.

Les humains ne manquent pas de relief pourtant. Du capitaine, imposant et impertubable, au mécanicien très imbibé.
Les plus drôles sont qund même les membres cachochymes d'une congrégation religieuse américaine.

"Le seul malheur de notre joli bateau tenait à sa cargaison spirituelle : un groupe de représentants d'une quelconque église américaine, d'une sorte de congrégation chrétienne en voyage organisé vers le Cap Nord."

Ce qu'il nous en dit est le passage le plus drôle du livre.

Mais le voyage s'achève :

"Les lumières de l'Europe luisent dans un petit matin gris ; rien à faire c'est la fin du voyage.... En ce moment le Hakon Adalstein doit mettre le cap au nord entre les falaises nues des Lofoten. Quoi qu'on en dise, c'était un bon bateau et c'était un beau voyage."

Si le voyage vous tente ...

Récupéré


mots-clés : #voyage
par bix_229
le Ven 1 Déc - 15:38
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Karel Capek
Réponses: 19
Vues: 2103

Lafcadio Hearn

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Cvt_ma10

Ma première journée en Orient suivi de Kizuki le sanctuaire le plus ancien du Japon

C’est une invitation à une promenade magique que nous propose Lafcadio Hearn accompagné de son guide japonais. J’ai été la spectatrice de cette agréable ballade en pousse-pousse, dans les petits villages typiques du vieux Japon, dans les temples à l'architecture tarabiscotée et aux rites complexes. Une longue promenade mais de courte durée, car ces deux textes sont extraits de Pèlerinages japonais, dans Le Japon. Court mais plaisant.

Un extrait :

« Ce que je vois devant moi est infiniment plus intéressant : un bosquet de cerisiers couvert de quelque chose d’inexprimablement beau – le brouillard éblouissant de fleurs blanches qui s’accrochent à chaque branche, à chaque rameau, comme des nuages d’été. Le sol au-dessous, le sentier devant moi, sont tout blancs de la neige épaisse, douce et odorante, de pétales tombés. Au-delà de cette splendeur, on aperçoit des corbeilles de fleurs entourant de petits sanctuaires ; des rocailles merveilleuses ciselées dans le roc, des paysages miniatures avec de petits bosquets d’arbres nains et des lacs lilliputiens, des ruisseaux microscopiques, des ponts et des cascades. »


mots-clés : #voyage #xixesiecle
par Barcarole
le Lun 27 Nov - 20:52
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Lafcadio Hearn
Réponses: 10
Vues: 1183

Russell Banks

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 51dvhc10

Voyager

Premier écrit lu de Banks, pour moi.
C'est une suite de récits dont le premier, nommé "voyager" est le plus construit et scénarisé. Les suivants sont des récits de voyage ou d'alpinisme. Pour ceux qui s'intéressent à ces domaines, allez-y, car cette lecture est tres agréable, l'auteur maitrise bien la distanciation nécessaire à ce genre, il sait entre intime et général porter par son style et sa personnalité une transmission qualitative de l'expérience.
Le premier récit est très intéressant car il y introduit avec beaucoup d'adresse une trame introspective , il résoud ce fameux bémol de la subjectivité dans le récit, l'inclue, la pare et la tient à distance tout à la fois.
C'est un beau portrait de l'artiste lui même.
Mais exécuté, sinon avec humilité dumoins avec une indulgence assez spirituelle et riante.

J'ai le sentiment d'avoir rencontré sa personnalité, elle est assez attachante, en tous cas solidement plantée, j'en ferais pas mon mentor, mais sa maîtrise dans l'écriture m'intéresse. Je le relirai.C'était bien.
Je pense que les lecteurs qui l'ont commenté ci dessus aimeront aussi.
Mots clefs, quant au contenu "voyage" : Caraïbes, Himalaya, Andes.

ps : Une réflexion intéressante sur le couple lui sert aussi de fil rouge, ici et là. De ce point de vue il a fait un très beau texte , avec le 1er, "Voyager". Beau menteur sincère.

mots-clés : #alpinisme #autobiographie #voyage
par Nadine
le Sam 21 Oct - 10:52
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Russell Banks
Réponses: 42
Vues: 4178

Isabella Lucy Bird

Il y a maintenant plusieurs titres accessibles d'Isabella Bird; donc j'ose mettre ici un titre pas encore traduit pour "attirer" des curieux...

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Images11

Korea and her neighbours


(traduction alors env: “La Corée et ses voisins”)

Entre Janvier 1894 et Mars 1897 Isabella Bird a visité la Corée quatre fois. Ce livre, paru en 1898, en relate pas seulement des aventures de voyages, mais donne un récit souvent très précis sur beaucoup de données historiques, géographiques, économiques et politiques. On sera étonné de découvrir la Corée de la fin du XIXème siècle : juste après des pas d’ouverture dans des relations internationales. Puis Bird sera témoin comment le Japon va  prendre de plus en plus de place jusqu’à occuper le pays sous le prétexte de lutter contre des « révolutionnaires ». S’ensuit un modus vivendi avec un roi affaibli et une reine finalement assasinée… Elle avait rencontré et le roi et la reine à de multiples reprises et avait tout pour se former une opinion argumentée et précise.

D’origine assez aisée, elle s’accommode avec les difficultés des voyages dans un pays encore peu “développé” (si on veut utiliser un terme moderne). La grande voyageuse en a l’habitude, mais des fois on s’étonne de remarques répétés sur la crasse ici et là. Des fois, pour un lecteur d’aujourd’hui, ses jugements peuvent apparaître sévères, mais puis on trouve ses descriptions admiratives de la beauté du pays et p.ex. de certains monastères (bouddhistes).

Arrivant en Corée il y a quelques années, ce livre me fut immédiatement recommandé comme « incontournable » dans une compréhension de la Corée. Par ses nombreux statistiques, observations de toutes sortes il nous donne un aperçu de la Corée à la fin du XIXème siècle. Et on devine le chemin parcouru dans ce pays au cours d’un siècle à peine !
Une anecdote m’a impressionné : connaissant le Séoul d’aujourd’hui, il est curieux d’apprendre que des léopards y circulaient encore pendant les visites de Bird.
Splendide aussi surtout le voyage assez rocambolesque en bateau sur le fleuve Han ! etc
Une découverte !

Table de matière:


mots-clés : #documentaire #voyage
par tom léo
le Jeu 31 Aoû - 16:32
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Isabella Lucy Bird
Réponses: 6
Vues: 1255

Monisha Rajesh

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 51-lbb10

Le tour de l'Inde en 80 trains

Monisha Rajesh a grandi en Angleterre. Alors qu’elle était enfant, ses parents, tous les deux indiens, ont tenté un retour au pays ; deux années éprouvantes qui se sont soldées par un échec. Ce voyage en Inde, c'est donc pour elle l'occasion de "redonner une chance à ce pays".
Le train est au coeur de la vie des indiens, et pourtant, jamais aucun voyageur n'a écrit sur le sujet. Qu'à cela ne tienne, Monisha décide de s'embarquer pour un tour de l'Inde en 80 trains (Pourquoi 80 ? Eh bien... pourquoi pas ?).
L'ennui, c'est qu'il est mal vu et parfois dangereux qu’une femme voyage seule. Il lui faut donc d'urgence trouver un compagnon de route ; l'heureux élu est un photographe norvégien, surnommé Passepartout, et rencontré une seule fois avant le départ. Initiative quelque peu hasardeuse, d'autant qu'un tel voyage implique une proximité (et même une promiscuité) de tous les instants...

Nous embarquons donc en compagnie de ce duo bancal dans des trains de luxe ou de banlieue, en première, seconde ou troisième classe. Nous sillonnons tout le pays et pourtant, ne faut pas s’attendre à découvrir vraiment l’Inde en lisant ce livre. Les lieux visités lors des nombreuses haltes resteront des noms sur une carte... En effet, l'auteur n'a semble-t'il pas jugé utile de nous les décrire ou de se plonger dans leur histoire, à de très rares exceptions près. Son récit s’attache plutôt aux péripéties du voyage ferroviaire, et aux personnes furtivement rencontrées. Il faut d’ailleurs lui reconnaître un vrai don d'observation, et un talent certain pour retranscrire les situations dans leurs aspects les plus absurdes ou cocasses.
Au final, cela donne lieu à un texte bancal, certes sympathique, mais surtout anecdotique.  Il y a quelques bons moments, quelques séquences émotions, de l'humour, mais rien de vraiment marquant. On est loin d’un Nicolas Bouvier ou d’un Colin Thubron...
Une lecture qui ne fut pas déplaisante, mais dont je ressors plutôt frustrée...


– Ton mari, il est d’où ?
– De Norvège.
– Vous avez des problèmes ?
– De temps en temps.
– Comment ça ?
– Ça arrive, mais c’est normal quand on passe tout son temps avec quelqu’un.
– Combien ?
– Combien de quoi ?
– De problèmes. C’est des garçons ?
Il me parlait d’enfants depuis le départ.
– Oh. Non, désolé. Pas de problème.
– Pourquoi ?
– Je suis trop jeune.
– Quel âge ?
– Vingt-huit.
– Vers vingt-huit ?
– Pardon ?
– Tu vas vers vingt-huit, ou vers vingt-neuf ?
– J’aurai vingt-neuf ans à mon prochain anniversaire.
– Donc, tu est vieille. Il est grand temps d’avoir des problèmes, sinon c’est des ennuis que tu vas avoir.



mots-clés : #humour #voyage
par Armor
le Lun 21 Aoû - 4:44
 
Rechercher dans: Nature et voyages
Sujet: Monisha Rajesh
Réponses: 1
Vues: 796

Joseph Kessel

Tag voyage sur Des Choses à lire - Page 7 Kessel10

Les cavaliers

quatrième de couverture a écrit:Kessel a situé en Afghanistan une des aventures les plus belles et les plus féroces qu'il nous ait contées.
Les personnages atteignent une dimension épique : Ouroz et sa longue marche au bout de l'enfer... Le grand Toursène fidèle à sa légende de tchopendoz toujours victorieux... Mokkhi, le bon sais, au destin inversé par la haine et la découverte de la femme... Zéré qui dans l'humiliation efface les souillures d'une misère qui date de l'origine des temps... Et puis l'inoubliable Guardi Guedj, le conteur centenaire à qui son peuple a donné le plus beau des noms : "Aïeul de tout le monde"... Enfin, Jehol "le Cheval Fou", dont la présence tutélaire et "humaine" plane sur cette chanson de geste...
Ils sont de chair les héros des Cavaliers, avec leurs sentiments abrupts et primitifs. Et pourtant le souffle de la fable et du mythe les anime et nourrit le roman.


C'est rassurant de constater en cherchant deux petites choses pour préparer ce message et en relisant la présentation de l'auteur que ce livre est considéré comme un chef d'œuvre. Dans le cas contraire il aurait fallu revoir beaucoup d'écrits à la baisse.

C'est une des lectures qui donnent toute la démesure de cet acte qu'est la lecture, toute la force imposée par une œuvre qui prend le pas sur nos émotions et notre réalité de l'instant, c'est un transport fulgurant et intense... et l'épopée, incroyable, étourdissante dans des paysages d'un grandiose magique ne serait pas grand chose, si elle se bornait au presque documentaire, à l'histoire racontée...

Le conte de Kessel rend honneur aux deux objets qui sont peut-être l'âme profonde du conte, l'amour de l'histoire et l'homme, la relation conflictuelle qu'il entretient avec lui-même. Peu d'histoires vous emporteront aussi loin ou vous laisseront frémissant et exténués dans l'attente de la suite, peu d'histoires aussi vous émerveillerons par ses richesses les plus grandes et les plus pauvres. Et peu de conteurs auront le talent et la sagesse de l'auteur pour vous parler des hommes de cette manière. Ouroz champion frustré de bouzkachi est blessé, il partira alors pour un long et périlleux voyage vers lui-même et vers son père. Son père, Toursène, ancien champion, apprend la vieillesse et fait un voyage immobile vers son fils.... d'autres cheminent jusqu'au plus ancien, l'Aïeul de tout le monde, Guardi Guedj, le conteur.

Kessel réussit à faire accepter, et ressentir, le tourment de ces hommes fières, il réussit à rendre attachant Ouroz, suprêmement orgueilleux et même mauvais... même son saïs (palfrenier) et ami, le grand et fort Mokkhi au cœur d'or, tournera mal... la grandeur du conte n'empêche pas d'aller loin dans la noirceur, lucide... c'est étonnamment vivant, émouvant, remuant, haletant. Se mêlent conditions et obligations sociales, fierté, conduite, envie et faiblesse... les choses ne sont pas sans raisons les bonnes comme les mauvaises et dans toute l'aura du conte, du déchirement entre le bien et le mal, les choses ne sont pas si claires et les conclusions rarement définitives. C'est d'une grande humanité, bien observée, et exposée avec une certaine réserve. On garde tout dans un dangereux équilibre, le réel et la tradition comme le progrès vers une humanité plus grande, c'est magnifique tout simplement, quelque soit l'âge du personnage observé.

Et de quelle manière la réalité se mêle de fantastique dans une juste intensité du récit...

Une incroyable découverte, un choc. Un beau roman sur les tourments de l'homme et sur le rapport père-fils. Les femmes sont présentes aussi, en retrait, beaucoup, reflet du pays, et Zéré la "petite nomade" n'a pas vraiment un très beau rôle... mais elles sont présentes dans leur fascination et aussi dans le rapport de l'homme à sa condition.

580 pages extraordinaires. une preuve supplémentaire que la beauté et la puissance ne sont pas contraires de la sensibilité et de la sagesse.

Je n'en dis pas assez sur le coeur et l'âme de la chose, je ne pourrai pas et ça ne servirai pas à grand chose. Pensez à votre orgueil, votre fierté... votre besoin de vous sentir vous mêmes, d'acceptation et à ces paysages hors du monde, de plateaux, de steppes et de montagnes... et lisez ce livre, même si il a l'air un peu épais et différent de lectures plus actuelles, c'est un Livre à lire.

(pied rapatrié).

mots-clés : #aventure #initiatique #sports #voyage
par animal
le Ven 18 Aoû - 17:33
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Joseph Kessel
Réponses: 47
Vues: 5242

Revenir en haut

Page 7 sur 10 Précédent  1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10  Suivant

Sauter vers: