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352 résultats trouvés pour famille

Wallace Stegner

Oups, j'arrive trop tard pour topocl et son train..

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 97828510

The Big Rock Candy Mountain ( La bonne grosse montage en sucre)
traduit de l'anglais ( Etats- Unis ) par Eric Chédaille
Editions Phébus

Ce roman, traduit en 2002, a été écrit trente ans avant Angle d'équilibre. Mais il traite en fait du même thème, analysé avec peut-être moins de recul, et ça se comprend, trente ans de vie aident, quelquefois, à prendre du recul !
C'est une histoire très autobiographique, celle de la famille de cet écrivain américain mort en 1993.
Cette fameuse "candy mountain" représente ce qu'on appelle couramment le "rêve américain", partir de rien et arriver... à quoi, c'est autre chose !
La grande majorité des habitants de ce pays y aspiraient, en tout cas, en ce début de siècle dernier. De là à tous y aboutir....
C'est le récit d'une quête effrénée pour "réussir", en allant toujours plus loin et de manière toujours plus aventurière, du père, donc, de Wallace Stegner, un homme de l'étoffe des premiers pionniers, mais né un peu tard, peut être, alors que la fortune des pionniers est déjà faite, et qu'il ne reste que des miettes à grappiller dans des conditions toujours plus difficiles.

Cet homme traîne derrière lui sa famille, bien obligée de suivre et de s'adapter, sa femme (merveilleux hommage rendu à la femme dans son personnage de mère, le reste est beaucoup plus ambigu) et ses fils, de plus en plus révoltés par les sautes d'humeur d'un père éternellement sujet à des revers de fortune. Un des fils en mourra, et l'autre deviendra universitaire puis écrivain, et son histoire familiale lui servira de trame pour ce premier roman.
A la mort du père, ce fils va lui rendre une sorte d'hommage en écrivant :

"Harry Mason était et un enfant et un homme. Quoiqu'il fît jamais, à n'importe quel moment de sa vie, il fut, jusqu'en ses colères, un être mâle de bout en bout, et il fut presque toujours un enfant.
A une époque plus ancienne, en d'autres circonstances, il aurait pu être un individu montré en exemple par la nation toute entière, mais il n'eût été en rien différent. Il n'en fût pas moins resté un être humain au développement imparfait, un animal social immature ; or, plus la nation va de l'avant, moins il y a de place pour ce genre de personnage. Harry Mason vécut avec celle qui fut ma mère et que je révère pour sa bonté, sa douceur, son courage et sa sagesse. Mais j'affirme, en ce jour où sont célébrées les obsèques de cet homme, et en dépit de la haine que j'ai eue pour lui pendant de nombreuses années, qu'il possédait plus de talents, plus de ressources et d'énergie qu'elle. En affinant les qualités de ma mère, on arriverait à la sainteté, jamais à la grandeur. Ses qualités à lui étaient la matière brute à partir de laquelle se construisent les hommes remarquables. Quoique je l'aie toujours détesté, et bien qu'aujourd'hui je ne l'honore ni ne le respecte, je ne peux lui retirer cela..."

Dans des extraits d'entretiens publiés par le journal Libération en juin 2002, Stegner, parlant de la littérature, écrit :
"Penser qu'il y ait quelque chose de nouveau à dire, à mon sens, ne mène à rien. Ce qui importe, c'est la compréhension toujours plus approfondie de ce qui de tout temps a existé."


C'est ce que, je pense, il a essayé de faire au long de son oeuvre (du même auteur, toujours chez Phebus, deux très beaux romans d'un écrivain plus assagi sinon plus serein, "Vue cavalière" et "La vie obstinée").


mots-clés : #autobiographie #famille #initiatique
par Marie
le Dim 17 Déc - 21:30
 
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Sujet: Wallace Stegner
Réponses: 91
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Véronique Olmi

Numéro six

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Images53



Dans cette famille catholique, Fanny est la petite dernière, l'accident après les 5 enfants de 10 à 20 ans. Elle est toujours un peu à la traîne, un peu négligée, exclue du clan des aînés, encombrant après leur départ le couple très amoureux de ses parents. Son père est une image fascinante, adulée malgré la distance et c'est quand celui-ci devient dépendant qu'elle prend en quelque sorte sa revanche dans une relation intense à cet homme qui n'est plus lui-même, et qui, enfin, lui sourit.

Véronique Olmi tente  de raconter la relation étrange de ces 2 êtres que tout a séparés et qui se retrouvent au moment où le père s'absente : raconter l'une, numéro six mise à  l'écart, et l'autre, médecin adulé, mari comblé, père lointain, portant en lui comme tant d'autres le traumatisme de la guerre. Elle raconte ce qui se passe entre eux, ou ne se passe pas,  quand celle-là est enfant et quand celui-ci devient un vieillard. C'est sans doute un peu ambitieux en 100 pages (ou pas assez ambitieux?). Il en résulte que je suis restée un peu sur ma faim, alléchée par cette histoire, touchée par cette détresse de toute une vie, mais rester sur le côté du fait de la distance imposée par l'auteure.


mots-clés : #famille #relationenfantparent #solitude
par topocl
le Mer 6 Déc - 16:38
 
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Sujet: Véronique Olmi
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Patrick Deville

Vais-je me réconcilier avec Patrick Deville?

Taba-Taba

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Images52

Qu'est ce qui a fait Patrick Deville, ce petit garçon, cette "crevette", qui a vécu ses premières années derrière les murs du Lazaret de Mindin, en face de St Nazaire, cet hôpital psychiatrique où son père anime une troupe de théatre, éprouvant une étrange fascination-amitié pour un pensionnaire, "solitaire ténébreux", scandant sa solitude de l'obscure litanie taba-taba-taba/taba-taba-taba, alexandrin parfait adressé à l'adversité?

Est-ce sa famille dont il déroule un historique tout à la fois romanesque et scrupuleux, grâce aux 3 m3 des archives de cinq générations, léguées par la tante Monne, rescapées de combien de pertes et de hasards ? Journaux d'époque, correspondances, photographies, journaux intimes, répertoires, factures, courriers administratifs lui permettent, une année durant, d'organiser un grand jeu de piste à travers la France, au volant de sa Passat : il n’est pas du genre à se contenter de la paperasse, Deville, il veut retrouver les lieux, il veut voir, il veut sentir, il veut rêver. Il veut imaginer ces fantômes d'ancêtres se glissant dans les rues, pêchant dans les ruisseaux, échappant aux obus, se cachant au maquis...

Est-ce notre histoire française, ses guerres sans cesses enchaînées, ces der-des ders préparant la suivante,  dont le traumatisme se transmet au-delà des mots, trouvant son apogée dans les actes terroristes qui frappent nos territoires paysagers et intimes?

Est-ce l'histoire mondiale, de conquêtes en colonies, à la rencontre desquelles il s'envole en alternance avec son périple des campagnes et villes françaises (Wikipedia nous l'expliquant puisqu'il est directeur littéraire de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire, )?

C'est bien sûr tout cela qui l'a fait, fruit de tant de hasards qu'il aurait tout aussi bien pu ne jamais être là. C'est ce qui a fait cet esprit curieux, passionné, érudit, avide de détails inutiles qu'il rend indispensables, d'histoires et de souvenirs, de lectures et de voyages, organisés dans des digressions, des associations temporelles ou spatiales, livrés au lecteur dans un feu d’artifice  foisonnant : émotions,  noms célèbres ou inconnus,  citations, lieux, événements historiques ou intimes étroitement mêlés. Dans la luxuriance et l'emportement, rares sont les instants où l'on frôle la noyade face à ce déferlement.

Le récit emporte brillamment la gageure d'une ambition folle qui cherche à l'exhaustivité : décrire un homme, c'est décrire le monde. Et cet homme, amalgame de tant de choses, de tant de gens, de tant de lieux, de tant de siècles, cet homme lucide se veut optimiste quand le monde part en vrille: et alors, ce monde ne le fait-il pas depuis des siècles et des siècles? C'est par un charme fou, un humour malin, une fantaisie jamais épuisée, un sens du romanesque captivant, une attention à l'autre et un amour partagé que Patrick Deville donne sens à tant de sacrifices  dans les diverses boucheries des siècles passés.

Ici, la littérature,  modelant habilement réalité et fiction entremêlées (il parle de roman sans fiction), répond à nos interrogations essentielles, en quelque sorte. Arrivée éblouie au terme de ce roman universel et intime, je ne sais plus au final si la question est : qu’est ce qui a fait Patrick Deville, ou : qu'est ce qui fait le monde.


mots-clés : #autobiographie #famille #guerre #historique #terrorisme
par topocl
le Mer 6 Déc - 16:22
 
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Sujet: Patrick Deville
Réponses: 33
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Jonathan Safran Foer

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Foer10

Me Voici


Isaac a choisi d’immigrer aux USA quand les nazis ont investi la Galicie où il est né.

Des horticulteurs allemands avaient élagué toutes les branches de l’arbre généalogique d’Isaac jusqu’au sol de Galicie. Mais avec de la chance et de l’intuition, et sans aide de l’au-delà, il en avait repiqué les racines dans les trottoirs de Washington et avait vécu assez longtemps pour en voir les repousses. Et à moins que l’Amérique ne se retourne contre les Juifs –jusqu’à ce qu’elle se retourne, le corrigeait son fils Irv -, l’arbre continuerait à produire des rameaux et des bourgeons. »

Jacob, le petit-fils,  est l’un des  rameaux ; il s’est marié avec Julia, de religion juive également, ils ont eu 3 enfants, des garçons, Sam, Max et Benjy.  De l’amour, du bonheur il y en a eu ;

« Chaque matin,  au réveil,  Jacob embrassait Julia entre les jambes – pas un geste sexuel (le rituel exigeait que le baiser ne donne pas matière à développement), mais religieux. Ils se mirent à collectionner, au cours de leurs voyages, des objets dont l’intérieur donnait l’impression d’être plus grand que l’extérieur : l’océan contenu dans un coquillage, le ruban usé d’une machine à écrire le monde dans un miroir au mercure. Tout semblait tendre vers le rituel – Jacob passait prendre Julia au travail le jeudi, le café du matin partagé en silence, Julia qui remplaçait les marque-pages de Jacob par de petits-mots, jusqu’ à ce que, tel un univers en expansion qui atteint ses limites avant de se contracter vers son commencement, tout se défasse. »

Mais 16 ans plus tard sous les dehors d’une famille heureuse, le couple bat de l’aile. Les mots tus comme  les mots dits ont eu pareillement raison de leur entente.  

Le quotidien continue,  les gestes habituels,  Jacob travaillent à la série tv de ses employeurs, Julia, architecte se construit sur papier une maison, mais une maison où inconsciemment ?  elle ne pourrait vivre que seule.

Un  évènement va  contribuer à l’instabilité du couple : Julia et Jacob sont convoqués par le Rabbin du Lycée car Sam a écrit des  insultes, et notamment un terrible mot en « n » que le lecteur ne peut qu’imaginer. Il lui est demandé de faire des excuses, qu’il refuse et nie être l’auteur de l’écrit. Julia croit en la culpabilité de Sam alors que Jacob la rejette. Leur position reflète bien le caractère opposé des deux parents. L’une est forte, l’autre « mou », il fuit, se cache la réalité alors qu’elle affronte.

Mais c’est une découverte  par Julia, qui va précipiter la séparation du couple ; celle d’un téléphone. Jacob envoie des messages salaces et très évocateurs à une femme, lui qui n’a plus de relation sexuelle avec la sienne et qui, comme lui jette Julia à la face,  a des projections au-dessus de ses moyens .   (ce dialogue est crument évocateur).

« L’intérieur de la vie devint beaucoup plus petit que son extérieur, ouvrant une cavité, un néant. Voilà pourquoi la bar-mitsva (celle de Sam) était si importante : c’était le dernier fil d’une corde effilochée. »

L’arrivée des cousins Israëliens va concorder avec un tremblement de terre en Israël ;  les sentiments de Jacob et Tamir, le cousin,  sont explicitement ceux des Juifs américains et des Juifs Israëliens avec leur antinomie, leur culture différente. Les juifs américains s’ils se sentent juifs, ne se sentent pas devoir quoi que ce soit à Israël (même s’ils donnent financièrement,  ce qui pour beaucoup se ressent comme une obligation)  alors que les juifs d’Israël se sentent avant tout  Israëliens.

Julia et Jacob divorceront,  mais il restera néanmoins un lien entre eux, au-delà de leurs enfants.

"Alors,  elle comprit Jacob. Elle l’avait cru quand il lui avait dit que les mots qu’il avait écrits n’étaient que des mots, mais elle ne l’avait pas compris. Désormais, elle comprenait : il avait besoin de mettre la main dans la porte. Mais il ne voulait pas la refermer lui-même."

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J’ ai beaucoup apprécié les dialogues, la dégradation graduelle du couple bien visible, le comportement  des enfants, des grands-parents. Les personnages sont bien croqués dans leur physique et leur psychologie.

Mais j’ai trouvé des longueurs, notamment :
dans les rites religieux, car même si intéressants ils sont digressifs  dans le processus de dégradation du couple,
le passage sur les trouvailles masturbatoires de Sam,
le tremblement de terre et les implications géopolitiques du proche-orient. (d’autant que j’ai eu beau chercher je n’ai pas trouvé trace de ce tremblement de terre qui devrait se situer en 1969 – année de l’incendie du Dôme du rocher évoqué -)

Cela reste néanmoins une bonne lecture grâce à l’écriture, à l’intelligence des rapports humains.



autres extraits :

« Ils continuèrent à coucher ensemble, même si ce qui s’était toujours produit spontanément réclamais désormais un stimulus… Ils se disaient parfois des choses dont, juste après l’orgasme, ils avaient tellement honte qu’ils se sentaient obligés de s’éclipser, au prétexte d’aller chercher un verre d’eau, alors qu’ils n’avaient pas soif. »

« Julia pouvait couper des ongles de nouveau-né d’un coup de dents, allaiter tout en préparant des lasagnes, faire en sorte que les enfants la supplient de leur passer le peigne à poux dans les cheveux, et les forcer à s’endormir grâce à un massage du troisième œil – mais elle avait oublié comment caresser son mari. Jacob apprenait aux garçons la différence entre éloigné et lointain, mais il ne savait plus comment parler à sa femme.

« Leur vie de famille était une somme d’ajustements et de corrections. D’infinis petits ajouts. »

« Ils avaient désormais tellement peur que les enfants ne soient plus là pour combler le vide. »

Leur vie de famille était une somme d’ajustements et de corrections. D’infinis petits ajouts.

Ils avaient désormais tellement peur que les enfants ne soient plus là pour combler le vide.

Les rituels domestiques étaient assez enracinés pour que leur façon de s’éviter soit naturelle et passe inaperçue.

Et quelqu’un  doute t-il vraiment qu’un jour, quand les conditions seront réunies, l’Amérique ne décide qu’on est trop bruyants, qu’on pue, qu’on est casse-pieds et bien trop intelligents pour ne pas nuire à tout le monde ?

En un instant, frappé d’une fulgurance, Jacob fut submergé par la terreur d’avoir démoli les trois plus beaux êtres humains sur terre.




mots-clés : #communautejuive #famille #psychologique
par Bédoulène
le Sam 25 Nov - 17:27
 
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Sujet: Jonathan Safran Foer
Réponses: 8
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John Burnside

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Burnsi10

Les empreintes du diable

Michael, le narrateur de cette histoire est un solitaire. Au moment où il se raconte, il vit en Ecosse dans une maison isolée au bord de la mer.
C'est là que vivaient sa mère et son père. Eux aussi avaient choisi cette vie, après avoir subi des blessures et des chagrins.

"Ils avaient vécu dans de grandes villes et connu la déception, des trahisons, des désillusions auxquelles ils ne voulaient plus penser... et quand ils trouvèrent Coldhaven, ils tombèrent finalement amoureux de l'endroit."

Mais le village les avait rejetés avec violence et sournoiserie. Et ils s'étaient enfuis plus loin. Mais pas assez loin pour être à l'abri des perverses mesquineries des villageois.

"C'est certainement ce qu'on entend par destinée, ce long, lent processus d'accumulation qui veut qu' un grain de sable après l'autre, un mot après l'autre, quelque chose devienne inévitable, sans que quiconque ait pu dire quand s'est produit le changement."

Mais pour Michael aussi il est tard. Il a déjà derrière lui des mauvais souvenirs qui l'ont profondément transformé. Enfant il a été persécuté par un ado plus malheureux que méchant. Mais voilà, Michael a cessé de fuir et il s'est vengé.
Plus tard, il a connu encore très jeune, une fille qui fut sa première expérience sexuelle. Mais pas seulement.
Quelques années encore, et il épousera une femme avec qui il ne connaitra finalement que l' ennui. Et il s'en séparera pour vivre seul dans la grande maison au bord de la mer.

Mais c' est alors que Michael se rend compte que les conséquences de nos actes peuvent avoir des effets imprévisibles et dévastateurs.
Il va se laisser entrainer dans un voyage au bout duquel il sera forcé de faire face, d'affronter les fantômes du passé.

Tel est ce livre placé sous le signe du fatum, la fatalité de la tragédie antique. Enfin, c'est le nom qu'on donne à ce que la vie produit sur nous sans qu'on le comprenne.

"C'est une erreur d'étudier trop attentivement le point de départ de tel ou tel évènement. Les choses prennent naissance bien en deça de la surface ; le temps d'émerger, elles ont  acquis une existence et une direction qui leur sont propres.
On ne perçoit pas ce phénomère, aussi parle t-on de destin, de sort ou de hasard quand un évènement inattendu se produit ; on se prépare pourtant depuis le début, en secret, à prendre part au moment qu' en surface nous avons trouvé si surprenant."

A la lecture de ce livre, j'ai pensé à un auteur de polar où le destin fatal conduit à la catastrophe finale.
Il s'agit de James Cain, l'auteur de Galatée, Assurance sur la mort ou Le facteur sonne toujours trois fois. Si vous l'avez lu, vous comprendrez  peut-être ma comparaison.
Mais c'est aussi tout le sujet de l' œuvre de William Faulkner.

Récupéré

mots-clés : #famille #polar #solitude
par bix_229
le Mer 15 Nov - 19:01
 
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Sujet: John Burnside
Réponses: 16
Vues: 1223

Chantal Thomas

Souvenirs de la marée basse

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Souven10

« Il n'y a jamais rien de neuf dans mes journées », se plaint-elle. Je ne sais comment la convaincre du contraire. Je sens bien que la nouveauté n'arrive pas mécaniquement du dehors. Il faut y mettre, pour qu'elle se manifeste et brise une monotonie apparente, un sens du détail, un goût de la nuance, une passion de l'instant. Les journées de bord de mer se succèdent comme autant de variations, parfois si subtiles qu'un observateur étranger, un voyageur pressé ou un esprit chagrin ne saisit pas les nuances. Pourtant rien ne se répéte identique. Ni l'écart des marées, ni la couleur de l'eau, ni la forme des nuages - ni le frisson qui, lorsque je plonge, me traverse. La richesse de mes frissons, me dis-je dans mes accès de lyrisme, est aussi complexe et ouverte à des développements imprévus qu'un lever de soleil.


Chantal Thomas écrit un "roman" sur sa mère, et à travers elle sur l'eau, la nage, la baignade, élément premier dans al vie de celle-ci. Ou un roman sur l'eau, et à travers elle sur sa mère. Difficile à dire. Sur la mère et la mer, en somme, avec ce que cela implique de poésie, de jouissance, et, je laisserai cela aux spécialistes,  de psychanalyse.

La mère de Chantal Thomas est un petit bout de femme fantasque, éternellement infantile et désemparée face à la vie, que seule l'eau amène à quelque chose qui ressemble au bonheur. Chantal Thomas est une petite fille qui grandit dans son entourage, à une certaine distance, toute emportée par la magie de la plage, univers nourricier et  intime, lieu de plaisirs sensuels et de rencontres passagères, source d'imaginaire qui l'ont tout autant construite que cette mère présente-absente. Partager ce lieu est déjà partager un lien.

C'est un livre de plus sur une mère, personnage unique, fragile, tout à la fois familière et inconnue, avec laquelle elle établit une relation  tendre et lointaine, où on sent Chantal Thomas endosser très jeune le rôle de l'adulte protecteur.

Au passage, la fille,  face à cette absence singulière, cette inadaptation, réfléchit,  à la place  d'une femme dans la vie, avec de très beau passage sur l'effacement. C'est souvent plein de charme et de finesse, parfois un peu ennuyeux: Chantal Thomas aussi fait le choix d'une certaine distance, pour traduire cette relation primitive atypique, loin des modèles traditionnels.

mots-clés : #autofiction #famille #lieu
par topocl
le Lun 13 Nov - 16:48
 
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Sujet: Chantal Thomas
Réponses: 6
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Alessandro Baricco

La Jeune Épouse

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 La-jeu10

Où la découverte, par une jeune promise, d’une famille unie contre l’infélicité au cours d’interminables petits-déjeuners et autres contraintes ludiques et baroques, contre la nuit considérée comme mortelle, dans une maison où les livres sont absents, inutiles voire nuisibles à l’écoute de « tout [qui] est déjà dans la vie ».
Ce sont la Mère, aux raisonnements sibyllins, le Père, débonnaire et sans grande intranquillité malgré ou grâce à son « inexactitude de cœur » (et Comandini le pragmatique, son délégué en affaires), l’Oncle (en fait un inconnu mystérieusement adopté par la Famille) qui ne sort de son somme perpétuel que pour de pertinents oracles, la Fille bancroche et belle, le Fils enfin, absent, sur le retour et/ou disparu…

« Ils étaient ainsi faits : ils ignoraient la succession des jours, car ils visaient à n’en vivre qu’un, parfait et répété à l’infini. Pour eux, le temps était donc un phénomène aux contours flous, qui résonnait dans leur vie telle une langue étrangère. »

« Mais quand il fallait parler, elle [la Mère] ne perdait pas de temps à choisir son interlocuteur : sans doute pensait-elle s’adresser au monde, en parlant, une erreur que beaucoup commettent. »


Le lecteur découvre graduellement les secrets de cette famille à la fois fantasque et tout en retenue, au cours d’un récit au style inventif et lyrique, sensuel, superbe d’esprit, de brio et de charme, qui donne une large part à l’observation psychologique, à l’introspection, à l'humour et à l’érotisme (d’un point de vue essentiellement féminin ; c’est aussi le roman d’initiation sexuelle de l’héroïne).
J’ai savouré le côté orchestral, théâtral (le majordome Modesto et ses messages tussifs, le tailleur Baretti et son épique Index des « accidents » de la poitrine de la Mère).
Dans un élégant « glissement momentané de narrateur », ce dernier s’identifie parfois à tel personnage, parfois parle en tant que l’écrivain, celui-ci incapable de comprendre et d’ordonner les éléments de son existence alors qu’il le fait dans ses romans.
Après de surprenantes révélations, la famille va partir comme de coutume en villégiature estivale : l’histoire s’égare dans des parenthèses sur l’existence confuse du narrateur/ auteur et la création littéraire, digresse dans un délire teinté de surréalisme et d’absurde ; lors de la préparation du départ, des bruits et réponses sans leurs questions sont enfermés dans des tiroirs, ce qui peut rappeler les « parolles gelées » de Rabelais.

« Le fait est que certains écrivent des livres et que d'autres les lisent : Dieu seul sait qui est le mieux placé pour y comprendre quelque chose. »

« Car en définitive, la seule phrase qui pourrait traduire précisément l’intention spécifique de celui qui écrit n’est jamais une phrase, mais le résultat stratifié de toutes les phrases qu’il a d’abord conçues, puis écrites et enfin conservées en mémoire : on devrait les poser l’une sur l’autre, ces phrases transparentes, et les considérer dans leur ensemble, tel un accord musical. C’est ce que font la mémoire et sa nébulosité visionnaire. »


Sorte d’allégorie dramatique, de fantaisie mélancolique et de virtuose rêverie, je comprends le doute d’Avadoro devant ce conte troublant, déroutant, sans grand-chose de précis ou d’univoque, dont le décousu peut laisser perplexe, et même décevoir. Sans doute faut-il se laisser bercer sans trop raisonner (ce roman présente beaucoup de connotations aquatiques, musicales).
L’extrait suivant explicite peut-être quelque peu le propos de l’auteur (veuillez noter l’accent shakespearien de la dernière phrase) :

« Ce qu’il avait à me dire, c’est que la trame de destins que le métier de nos familles avait tissée était parcouru d’un fil primitif, animal. Et que nous avions beau chercher des explications plus élégantes ou artificielles, notre origine à tous était gravée dans les corps en lettres de feu ‒ qu’il s’agisse d’une inexactitude de cœur, du scandale d’une beauté imprudente ou de la brutale nécessité du désir. C’est ainsi qu’on vit dans l’illusion de recomposer ce que le geste humiliant d’un corps ou son geste splendide a bouleversé. On meurt, après un dernier geste splendide du corps, ou un geste humiliant. Tout le reste n’est qu’un ballet inutile, rendu inoubliable par des danseurs merveilleux. »


Une sorte de ronde de la vie, d'un individu à l'autre, dans un déterminisme génésique et sans libre-arbitre (comme chez Max Ophüls)...
La fin, inattendue comme tout dans ce livre, se non-termine par une reprise (peut-être kierkegaardienne, en contrepoint de l'éternel retour nietzschéen).

« C’est par la répétition des gestes que nous arrêtons la course du monde. »

« Elle savait donc qu’il n’y a pas mille destins mais une seule histoire, et que l’unique geste exact est la répétition. »


Délectable !
mots-clés : #famille #initiatique #sexualité
par Tristram
le Ven 10 Nov - 20:26
 
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Sujet: Alessandro Baricco
Réponses: 56
Vues: 4547

Daniel Mendelsohn

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Cvt_un10

Une odyssée – un père, un fils, une épopée  

Daniel Mendelsohn, professeur de littérature classique, héritier de générations de spécialistes de la littérature classique,  entame un séminaire de première année au Bard Collège, pour  un groupe de  tout jeunes étudiants, naïfs et enthousiastes, sur le thème de l’Odyssée d’Homère. Une transmission intellectuelle qui reproduit celle que lui ont prodiguée ses maîtres, comme un cadeau à la génération suivante. Son père, un vieil homme dur, exigent, scientifique passionné de littérature, mort depuis – et dont la mort fait l’objet du bouleversant dernier chapitre - s’impose comme auditeur libre. Tout au fil des semaines, il va « ronchonner, pinailler et contester tout ce que je m’évertuais à leur enseigner », et le fils, quoique brillant professeur thèsé va souvent  se retrouver « comme si j’avais 11 ans ». Quelques semaines après, ils vont partager une croisière thématique en Méditerranée « Sur les traces d’Ulysse », expérience qui vient couronner cette étude théorique.

l’un de mes tableaux préférés, La chute d’Icare de Bruegel, se trouvait dans ce musée.
Effectivement. Une œuvre très célèbre que vous, qui êtes classiciste, devez particulièrement apprécier.
Absolument, confirmai-je en souriant. Elle nous parle de l’hubris, de ce qu’il y a d’insensé à défier les dieux.
Il me regarda, amusé. Ou plutôt de ce qu’il y a d’insensé à défier les pères!



On a dit que c’était un livre sur son père. Mais en fait, ça s’appelle Une odyssée, en référence à l’Odyssée d’Homère. Son père ? L’Odyssée ? Qu’importe ? N’est ce pas la même chose ? Car l’Odyssée, ne l’a t’on pas dit et répété, est un livre total, un de ces livres uniques et universels qui englobent tout, après lesquels il n’est plus besoin (possible ?) d’écrire quoi que ce soit, car tout est dit. Et cela, n’est ce pas la définition d’un être humain, unique, universel, in-reproductible ? L’analyse littéraire alterne avec le récit familial, l’un éclairant subtilement l’autre et ainsi, au fil des semaines, dans une traversée à haut risque qui le ramène au pays natal, l’Odyssée va lui donner en même temps  les clés de son père et les outils pour sa propre remise en question.

Cheminant habilement, dans un acharnement érudit, entre fiction et réalité, Mendelsohn décortique, crée des liens, des correspondances, des résonances, part en digressions, réminiscences. L’Odyssée c’est la vie tout entière, à commencer par la transmission, la filiation, la fidélité, la ruse, la recherche du port d’attache et les difficultés de la vie. C’est un récit qui  permet de tout comprendre, de « révéler les tendons d’Achille », un récit où le présent fait découvrir le passé (Mendelsohn appelle ça une composition circulaire) dans un miroir intellectuellement brillant et d’une incroyable émotion. On n’a plus aucun doute sur le fait que Daniel Mendelsohn a raison d’avoir consacré sa vie et son intelligence à décortiquer les textes antiques, puisqu’ils gardent cette actualité si prégnante, qu’on peut considérer ces fictions du passé comme une répétition générale de nos vies d’aujourd’hui.

Quelle audace bienvenue que d’offrir en partage ce décorticage chronologique et scrupuleux du texte ! Et quelle jubilation intellectuelle à suivre cette analyse progressive, intelligente, humaine, cette explication de texte en direct, vivante et accessible, tout à la fois rationnelle et subjective. Daniel Mendelsohn y mêle une sensibilité, au fil de la progression de sa quête, dans des détails touchants, ces relations implicites entre trois générations, des choses intimes qui se passent entre ce père et ce fils qui ne sont jamais parlé intimement et ébauchent un dialogue et une compréhension à travers la littérature.

Hommage magnifique à un texte unique et à un père unique, comme tous les pères, Une odyssée est un récit de transmission, palpitant et tendre, qui montre la littérature à l’œuvre, indispensable, généreuse et porteuse de sens. Et si le père, Jay Mendelsohn n’en démord pas, plein d’aplomb et d’humour sous-jacent, de préférer le poème au réel, pour ma part, je dois dire que j’ai bien du mal à exprimer une préférence entre cette fiction et cette réalité, qui, étroitement entremêlées, s’unissent à lever le voile du mystère d’un homme.

mots-clés : #antiquite #autobiographie #contemporain #creationartistique #famille #relationenfantparent
par topocl
le Sam 4 Nov - 10:46
 
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Gunnar Gunnarsson

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J'avais beaucoup aimé cette lecture (merci encore Aventin) :

Le jeu des brins de paille et vaisseaux dans le ciel

  Souvenirs d'enfance dans les herbes islandaises. Souvenirs d'enfance racontés proches du point de vue de l'enfant qui est notre guide et narrateur. Donc exercice périlleux... mais réussite complète. On ne tarde en effet pas à se laisser prendre par la main et à regarder par ces yeux d'enfant.

  Ce qui veut dire que le talent de l'auteur pour la narration est tel qu'on ne se pose pas la question de savoir si l'on flirte avec la perfection ou non. De petit événement de la ferme en petite histoire de "Vieille Bega", Uggi notre gamin nous fait faire connaissance avec sa découverte du monde qui pour nous prend des allures de redécouverte.

  Il faut s'imaginer à lire une écriture mesurée, égale, fluide qui montre et raconte sans cesse pour dévoiler petit à petit un entourage et une naissance à soi. Les préoccupations sont d'enfant : être fort, à la hauteur du père mais juste et droit, s'amuser, imaginer mais bien montrées depuis l'adulte, sans niaiserie mais avec toute la douceur requise. Une nostalgie chaleureuse berce ces années qui font courir après un morceau de sucre, des fleurs ou un animal, la douceur du tissu familial au sens large et avec les "domestiques"... toute une confiance qui fait vivre un épanouissement chaleureux.

  D'autant plus précieux que tous ces événements et histoires si contés d'un ton léger n'en esquissent pas moins quelques dilemmes et questionnement moraux et les ombres de la vie et de la mort qui peuplent les aléas de l'existence terrestre. L'exercice de conscience se révélant d'autant plus touchant qu'aidé par la subtilité formelle de ces deux épisodes.

  Touchant aussi parce que ce regard conscient de lui-même et de ses rêves comme de ses très concrètes limites est fixé quand ce n'est pas sur ces vaisseaux dans le ciel que l'on n'entrevoit qu'assez tardivement en tant que tels sur l'entourage, les personnes, leurs beautés et leurs faiblesses et avec le plus souvent un voile sur les défauts. Et on s'amuse aussi à suivre ces tendres descriptions pleines d'empathie et de séductions diverses.

  Et dans la balance de l'expérience l'équilibre se fait entre les tensions et la sérénité, la confiance et la générosité du partage (par le récit, l'écriture) et sur un fond de nature omniprésente, rude et généreuse elle aussi, incertaine, méconnue. Quelque chose reste à portée mais méconnaissable et après il y a encore la mer.

  Et l'indéfectible amour pour cette figure de la mère qui sert d'ancrage à tous ces épisodes d'apprentissage parfois remuant, parfois silencieux et solitaire. Et quel plaisir que de pouvoir se plonger et replonger quelques jours dans une unité, une joie de lecteur comme neuf qui tout familiarisé et attaché qu'il devienne n'en finit pas lui non plus de tout simplement s'émerveiller.

  En conclusion je partage parfaitement l'enthousiasme pour cette petite merveille inestimable (comme souvent les petites merveilles). C'est une très belle façon de commencer son année de lecteur confiant.

 Très très beau, très subtil et pleinement élémentaire. J'associe ce genre de lecture au plus évident plaisir de lecteur, peut-être une des sensations qu'entre toutes je préfère. On est ailleurs le temps de la lecture, un peu ailleurs entre les moments de la lecture et encore ce n'est pas que ça.

(Récup).


mots-clés : #autobiographie #enfance #famille #mort
par animal
le Mer 1 Nov - 10:06
 
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Gunnar Gunnarsson

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Le Jeu des brins de paille
Vaisseaux dans le ciel


Originale : Danois,  « Leg med strå » 1923 et  « Skibe på himlen » 1925

CONTENU :
La description des années d'enfance d'Uggi est sans pareil dans la littérature islandaise. Certains la comparent avec les récits autobiographiques d'un Maxim Gorki ou d'un Marcel Pagnol.

Si je présente ici ces deux premiers tomes de la tétralogie autogiographique romancée de Gunnar Gunnarsson, c'est parce qu'en allemand ils sont réunis dans un seul tome (et difficilement trouvable...)

REMARQUES :
Ces deux livres sont quasiment de la même longueur (dans mon édition 185 pages chacun), divisés en 7, voir 8 chapitres. Dans ceux-ci vous trouverez des sujets visiblement facilement séparables. Le roman/le récit est raconté dans une stricte chronologie, du point de vue d'un narrateur dans la première personne : étant adulte (quel âge?) il se souvient de son enfance, à cheval entre le XIXème et XXème siècle, dans une Islande très rurale. A la fin du deuxième tome, le personnage central, Uggi a environ sept ans.

Cette concentration d' »histoire racontée » sur ces premières années de vie montre déjà à merveille, à quel point le narrateur y voit une source de richesse, pleine de vie, de rencontres, de sagesses. Je ne cessais de m'émerveiller comment un garçon, vivant dans une ferme somme toute assez reculée, peut nous conter et raconter de tant de choses vécues. Bien sûr il s'agit moins de richesse matérielle que de richesse d'autres types. Il vit avec sa famille grandissant dans un élevage de moutons, ensemble aussi avec quelques autres figures centrales : des serviteurs, des voisins, des personnes diverses et avant tout ses parents, ses frères et sœurs. Cette vie est encore entièrement en harmonie, en étroit lien avec la nature, les animaux, le temps.

Le Père Greipur est au début administrateur sur la ferme de son frère, pasteur, avant de prendre en propre régie pendant une année une autre ferme. Lors de son retour, son beau-père propose à la famille de s'approcher de son lieu de vie (à quatre jour de cheval). Assez riche, il leur offre une ferme dans l'entourage. Après le déménagement, une nouvelle vie commence sur cette autre ferme.

Des rencontres et des adieux marquent la vie aussi, dans un pays où les distances éloignent les gens des fois pour toujours. En se souvenant de son enfance, c'est avec un regard d'adulte que le narrateur se souvient de la fuite du temps : que tel ou tel moment était définitivement « la dernière fois ». Sinon c'est un ton léger, plein d'humour d'un enfant (dans le meilleur sens) qui marque le récit. Pas une page où le lecteur ne trouvera pas une raison pour sourire. Mais aussi de se poser des questions, p.ê justement avec les rythmes contemporains : où est-ce que nous nous trouvons aujourd'hui ? La vitesse de vie, c'est quoi le progrès ? Y-avait-il une qualité de vie avant le portable ?...

Ce qui m'a frappé aussi : la place qu'occupait alors encore le récit, la narration, le conte, l'affabulation dans la vie des gens ! Oui, c'est encore une culture essentiellement orale : on ne cesse de se raconter des histoires et d'éveiller la phantasie, la créativité dans ce sens-là. Des figures d'un monde mythique ou de conte sont toutes proches, le rêve omniprésent.

Dans les descriptions des caractères on a toujours l'impression de rencontrer des personnes « originales », un peu à part. Quelques fois avec leurs cotés tranchants ou blessées, mais « entières ». Mais dans l'âge d'Uggi – et il l'admettra dans une réflexion très belle – il se demande s'il ne se trouvait pas encore dans la grâce d'un âge où malgré des colères possibles, l'autre restait foncièrement bon. On ne connait pas encore, malgré toutes blessures et offenses, le mèpris profond qui nous est parfois propre plus tard et qu'on appelle « maturité ». En cela, c'est une confiance plus profonde, l' »Urvertrauen », qui est le propre de ce récit.

Et ce n'est pas si mal. Et cela fait du bien !

Je recommande la lecture : j'ai été ravi de ces pages. S'il y a bien référence à un univers réligieux (et comment ne serait-ce pas le cas dans ces temps-là?), il y a pourtant rien qui empêchera une lecture fructueuse. Le narrateur est poussé aussi, dans les derniers pages, devant les questions éternelles qui font justement douté d'une sécurité qui l'environnait jusqu'à là...


mots-clés : #famille #traditions #viequotidienne
par tom léo
le Mer 1 Nov - 7:42
 
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Chigozie Obioma

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Les Pêcheurs

Chigozie Obioma a fait fort avec Les Pêcheurs. Un superbe roman, poétique à certains moments et cruel le plus souvent, où s’entremêlent les imprécations d’un vieux fou, les superstitions, les croyances très ancrées qui mènent à la tragédie. L’histoire se déroule à Akure, au Nigeria - la ville natale de Chigozie Obioma - de la communauté igbo. Le récit se déroule dans les années 1990.

Le père des six enfants, cadre à la Banque centrale du Nigeria, est muté à Lagos, laissant et délaissant son épouse et ses six enfants à Akure. C’est une famille plutôt nantie. Les quatre aînés, Ikenna, Boja, Obembé et Benjamin n’ont pas l’intention de perdre leur temps avec des camarades de classe ou du voisinage qui ne semblent pas les accepter vraiment. Ils n’ont pas non plus l’intention de s’ennuyer dans leur coin. Le père est parti, la mère est occupée. Ils vont aller pêcher dans le fleuve Omi-Ala pas loin d’ici. C'est une très bonne idée d'Ikenna.

Le fleuve et ses rives ont la réputation d’être maudits depuis le temps de la colonisation, et malgré les interdits de s’y rendre, ils vont s'y rendre tous les jours, la pêche étant devenue une vraie passion, même s'ils ne ramènent que des têtards. Malgré le voisinage de commères et autres langues pendantes qui s’empressent de tout dénoncer à leurs parents. Le narrateur, Benjamin, raconte :

« De notre côté, nous nous contentions de recueillir des têtards dans nos boîtes de soda. J’adorais les têtards, leur corps lisse, leur tête surdimensionnée et leur apparence presque informe, telles des baleines miniatures. […] Parfois nous ramassions des coraux ou les coquilles vides d’arthropodes morts depuis longtemps. »


Sur le chemin, ils rencontrent et abordent le vieux fou, Abulu, qu'ils n'avaient jamais vu avant, une sorte de prophète malfaisant et sale, devenu une menace pour la population d’Akure.

« Tandis que nous le regardions, le fou leva les mains et les garda dressées, bizarrement, silencieusement, en un geste sublime qui me frappa de terreur. »


Abulu a la réputation de voir ses prophéties se réaliser à chaque fois. Et en effet, à chaque fois qu’il annonce la mort prochaine à quelqu’un, elle vient à coup sûr. Et Abulu prédit à Ikenna sa mort prochaine, comme une promesse… [je n’en dévoilerai pas trop quand même].

« Le plus troublant chez Abulu, c’était sa capacité à percer le passé des gens autant que leur futur, au point souvent de démanteler l’empire illusoire des âmes, de retirer le suaire du cadavre des secrets enfouis. Avec un résultat toujours sinistre. »


Dans toute l’Afrique, et ailleurs bien sûr, ce type de croyances est toujours très répandu et vivace. Quand le « mal » est lancé, rien ne peut plus l’arrêter. Les victimes prennent les mots au pied de la lettre, y croient dur comme fer, donnant tout pouvoir au prophète fou, et se positionnent aussitôt en victime, et la peur, tenace, est un moteur puissant pour aider à concrétiser ce type de malédiction. Sans cette rencontre maudite au bord du fleuve, la mort ne serait sans doute pas survenue... Ensuite tout s'enchaîne...

Abulu le maudit, Abulu le crasseux prédit à Ikenna qu’il sera tué par un pêcheur, et que ce pêcheur sera l’un de ses frères. Si Ikenna n’a pas tout entendu parce qu’un avion passait à ce moment-là, son frère Obembé, lui, a bien enregistré le message et saura le restituer à Ikenna qui l'exige de suite. La peur, intense, que la prophétie se réalise s'intensifie chaque jour un peu plus, et la méfiance entre les frères s’exacerbe jusqu’à devenir invivable... Ikenna soupçonne Boja. Boja le rassure… Ikenna s’apaise, puis ça revient comme une maladie… car ils ont mordu dans cette dangereuse chimère.

Le pouvoir des mots est d’autant plus puissant que, dans la région d’Akure, le dialecte yorouba est utilisé, l’anglais étant la langue véhiculaire réservée plutôt aux étrangers, sortis de la région. La force des mots dans la langue d'origine est encore plus intense.

« Car la prophétie, telle une bête furieuse, était incontrôlable et détruisant son âme avec toute la férocité de la folie, décrochant les tableaux, cassant les murs, vidant les placards, renversant les tables jusqu’à ce que tout ce qu’il connaissait, tout ce qui était lui, tout ce qu’il était devenu ne soit plus qu’un chaos. Pour mon frère, la peur de mourir comme l’avait prédit Abulu était devenue palpable, une cage dont il était irréversiblement captif, un monde au-delà duquel plus rien n’existait. »


En fond, Chigozie Obioma nous baigne également dans la politique dictatoriale, les partis au pouvoir à l’époque, ceux qui veulent le prendre, puis la guerre civile de 1969 est évoquée, ainsi que les élections prochaines, les troubles dans la rue, etc.

Le rêve du père de voir ses enfants réussir dans des professions au statut social valorisant s’écroule.

La suite du récit est celle d’une vengeance par les deux plus jeunes des quatre frères aînés. La suite logique, donc, de cette malédiction qui a mené toute une famille au malheur, au chaos.

C'est pour moi un livre magnifique, et même une petite merveille ! Un roman anthropologique !
Nous ne sommes pas dans le réalisme magique, mais dans la réalité de la magie, la magie comme une noirceur qui tue, et qui existe encore aujourd'hui.

mots-clés : #contemporain #famille #initiatique
par Barcarole
le Ven 27 Oct - 23:36
 
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Sujet: Chigozie Obioma
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Brigitte Giraud

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Un loup pour l’homme


Originale: Français, 2017

Flammarion a écrit:Printemps 1960. Antoine est appelé pour l'Algérie au moment où Lila, sa toute jeune femme, est enceinte. Il demande à ne pas tenir une arme et se retrouve infirmier à l'hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Ce conflit d’Algérie, c'est à travers les récits que lui confient jour après jour les "soldats en pyjama" qu'il en mesure la férocité. Et puis il y a Oscar, amputé d'une jambe et enfermé dans un mutisme têtu, qui l'aimante étrangement. Avec lui, Antoine découvre la véritable raison d'être de sa présence ici : "prendre soin". Rien ne saura le détourner de ce jeune caporal, qu'il va aider à tout réapprendre et dont il faudra entendre l'aveu. Pas même Lila, venue le rejoindre.
Dans ce roman tout à la fois épique et sensible, Brigitte Giraud raconte la guerre à hauteur d'un "appelé", Antoine, miroir intime d'une génération. embarquée dans une histoire qui n'était pas la sienne. Ce faisant, c'est aussi la foi en la fraternité et le désir de sauver les hommes qu'elle met en scène.


REMARQUES :
C’est selon les mots de l’auteure, alors la vie de ses parents qu’elle met en scène ici, pas comme un pur récit, mais avec des éléments de roman qui, néanmoins, sont tous basés sur des faits réels, aussi issus des entretiens de Giraud avec son père. Un autre roman sur l’Algérie, comme il y en a dans cette rentrée littéraire ? Oui, et avec son regard : Quel apprentissage entre le départ de ces appelés, innocents et ignorants, l’arrivée dans un l’Algérie sensuelle et pleine de charme, certes, mais se dévoilant aussi de plus en plus menaçant. Dans la mesure des non-dits de l’époque sur les vraies dimensions du « conflit », un fossé se crée aussi entre cette présence et les soldats là-bas et la normalité d’une vie, les familles laissées à la maison. Le roman joue entre l’innocence qui se perd en quelque sorte, et l’impression d’une menace grandissant.

Antoine, lui, a réfusé de porter l’arme : il travaille dans un hôpital militaire. C’est pour ainsi dire par les récits des blessés, les rumeurs des nouvelles, qu’il apprend peu à peu pas seulement quelque chose des revendications des Algériens (nous sommes en 1960 et de Gaulle va bientôt lâcher l’Algérie, c’est-à-dire reconnaitre l’auto-détermination), mais aussi les exactions commises par des Français… C’est exceptionnel que sa femme Lila, enceinte de quatre mois, peut le rejoindre. Ils peuvent même vivre en dehors de la caserne ensemble. Semblant de normalité ? Leur enfant va naître là !

Ce n’est pas un guerrier, mais un doux qui s’attache spécialement à Oscar, qui à la suite d’une amputation se trouve dans un mutisme. Il aimerait tellement le remettre « debout », extérieurement et intérieurement ! Cela est décrit comme une grande douceur, voir tendresse, où la parole qui accompagne, explique, fabule fait partie de l’attention donnée. Mais est-ce qu’Oscar va monter la pente ?

Roman sur un bout de l’histoire française, trop longtemps banni, tabou, tu, omis et ignoré. Donc, prise de conscience. Mais aussi histoire, malgré les changements de noms et une narratrice seulement apparemment plus distante, très personnelle, vrai hommage à ses parents et aussi tous ces hommes, victimes d’un conflit absurde, portant leur fardeau de mutisme, de souffrances, encore longtemps après.

J’ai beaucoup aimé !


mots-clés : #famille #guerre #medecine
par tom léo
le Ven 27 Oct - 7:25
 
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Sujet: Brigitte Giraud
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Alice Ferney

Les Bourgeois

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Henri et Mathilde Bourgeois sont nés à la fin du XIXème siècle, leurs dix enfants entre 1920 et 1940: Jules, Jean, Nicolas, André, Joseph, Louise, Jérôme , Claude, Guy et Marie. Leur descendance prolifique accompagne le XXème et le XXIème siècle.

Alice Ferney nous raconte à nouveau une famille éprise dont la tradition est le ciment. Les femmes y passent "sans transition du monde plein d'interdits des jeunes filles à celui plein d'obligations des épouses " et des mères, dans un épanouissement matrimonial pour nous ambigu. Les hommes, protecteurs,  sont voués à la force l'armée ou aux Grandes Ecoles. Une "famille nombreuse, hétérosexuelle et catholique",  "dernière floraison de la vieille société patriarcale et colonialiste", des gens "riches, privilégiés et éduqués".

C'est sans doute peu ou prou sa famille, à Alice Ferney, et si la narratrice, petite fille d'Henri et Mathilde, n'est jamais nommée, on se doute (ou on imagine?) qu'elle lui ressemble. Elle nous emmène dans cette ronde huperbolique des générations avec un réel sens du récit, une habileté narrative et un style tout à la fois sensible et puissant. On s'émerveille de n'être  jamais perdu,on sait étonnamment toujours qui est qui, on repère les personnalités et les parcours, on éprouve des sympathies et des antipathies (là où la narratrice n'offre que bienveillance), et des émotions. Des émotions, il y en a, dans cette farandole d’événements, naissances, mariages ou décès, joies et drames qui font et défont les vies des familles et de leurs membres, qui font que celles-ci se retrouvent et se reconnaissent, dans des maisons accueillantes, où les récits se perpétuent, et les photographies se conservent.

Cette famille se conçoit comme un mode de vie qui se transmet. Dans une économie de moyens, on jouit de son argent sans en faire un but, on se confie à Dieu comme seul maître, seul critère moral, ancrage puissant, définitif et singulier. On ne perd pas son temps à se lamenter et s'épancher, mais  on agit, selon des règles et une loyauté jamais remises en question. L'autorité du père semble librement consentie, comme si elle était fédératrice plutôt que tyrannique, parce que ça ne se discute pas, que la tradition est le maître mot.

La narratrice, femme mûre des années du terrorisme et de la procréation assistée, quoique fidèle à cette généalogie singulière, ne cesse de s'interroger : que voyaient-ils? que pensaient-ils?  que cachait cette réserve commandée?  rêvaient-ils, parfois? Quels espoirs, quelles vibrations, quelles rébellions étouffées?

Elle va rechercher l'émotion et l'intime derrière la carapace, les conventions, le puritanisme. Derrière l'arrogance, elle cherche l'humain avec   une sensibilité qui m' a souvent touchée. Elle évoque la vieillesse et  la mort, son approche comme son empreinte. Elle raconte  la fratrie dans  cette famille si nombreuse, cette hydre à dix têtes où s'entremêlent étrangement solitude et solidarité.

La narratrice se refuse à juger avec nos acquis, nos savoirs d'aujourd'hui, nos mentalités; elle regarde avec recul et  indulgence (coupables?) cet homme resté royaliste, antisémite , autoritaire,  cette femme oubliant ses aspirations pour intégrer la ligne de conduite familiale, ces couples sûrs de la répartition des tâches et des rôles entre les sexes. Ces Bourgeois, vaniteux mais généreux, intransigeants, redoutables, elle en fait des êtres de chairs et de sang, qui ont -ou n'ont pas - leurs doutes et leurs douleurs. Le lecteur, lui, n'ira pas jusqu'à pardonner  l'allégeance à Pétain et à l'Algérie française, mais il y trouvera une cohérence. Tout en appréciant son esprit de nuance et son besoin de comprendre, j'ai regretté la détermination d'Alice Ferney à édulcorer, qui fait tendre son propos vers l'hagiographie d'une époque et de mœurs révolus.

Le récit s'inscrit d'autant plus facilement dans l'Histoire qu'après le père, soldat de 14, quatre des fils sont des militaires, et l'un résistant : 39-40, l'Indochine et l'Algérie. L’aspect purement historique est sans doute la grande faiblesse du livre: l'auteur considére pour acquis de nombreux faits qui me sont étrangers, mais surtout elle ne réussit pas à fondre Histoire et petite histoire, elle plaque ses données historiques  tambour battant, un peu  comme s'ils étaient sortis des manuels scolaires qu'Henri, tout au long de sa carrière d'éditeur , a contribué à éditer.(J'ai souvent sauté, je l'avoue)

L'élégance des veuves portait identiquement ces thèmes  de la transmission générationnelle et de la maternité bienheureuse. Alice Ferney, dans la concision qui était une forme d'humilité brillante, y réussissait une sorte de "petit roman parfait". Vingt deux ans après elle y revient avec une ampleur et une ambition qu'autorisent son parcours et son expertise d'écrivain(e) reconnue. Le pari du roman familiale tentaculaire est tenu avec autant de brio que de délicatesse. Elle ne réussit cependant pas pleinement  l'ambition d'un roman universel du XXème siècle français.


mots-clés : #famille #historique
par topocl
le Dim 22 Oct - 10:34
 
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Sujet: Alice Ferney
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Daniel Mendelsohn

L’étreinte fugitive

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Daniel Mendelsohn  , pour moi comme pour beaucoup, ça a d'abord été le choc de Les disparus. Le succès aidant, est parue en français l'étreinte fugitive, premier volet de sa trilogie. La parution récente du troisième opus,  Une odyssée : un père, un fils, une épopée, est l'occasion pour moi de m'y replonger. Moins abouti sans doute, plus confus, moins centré, l'étreinte fugitive reste une lecture riche et pleine d'ouvertures.

Si la tragédie était, comme nous nous plaisions à le croire parfois, le théâtre de l'affrontement du Bien et du Mal, elle ne serait pas aussi captivante : la tension qu'elle suscite vient de quelque chose de beaucoup plus complexe et intéressant, qui est le conflit entre deux idées du Bien.


Daniel Menselsohn aime les "garçons", il vit à Chelsea, quartier gay de New-York et fréquente les lieux de drague, les sites de rencontres,  cumule les rencontres d'une nuit ou d'un instant, sans lendemain et sans intimité, pour le plaisir du jeu et de la multiplicité.
Daniel Mendelsohn habite aussi dans le New Jersey, un quartier à la bourgeoisie conformiste, auprès d'une femme célibataire, Rose, qui, une fois enceinte, lui a demandé d'être l'élément masculin auprès de cet enfant, Nicholas. Auprès de lui il apprend l’importance  de la permanence, de la sagesse, l'intensité de la filiation.
Daniel Mendelsohn est le descendant de Juifs polonais émigrés aux Etats-Unis entre deux guerres, et dont l'histoire familiale est aussi complexe et pleine  de sens que celles de la tragédie grecque.
Daniel Mendelsohn ne renonce à aucune de ces trois images de lui, qui se reflètent  et se répondent à l'infini dans un miroir qu'il se tend à lui-même.

Ce qui donne un sens à cet amalgame parfois confus,  est une expression du grec ancien, dont Mendelsohn est un érudit passionné : deux particules, men ... et de... qui n'ont de sens l'une sans l'autre, et qu'on pourrait traduire par d'un côté... et de l'autre côté , et qui, nous dit-il, sous-tendent la pensée grecque. Quelque chose qui a à voir avec la dualité, le paradoxe, l’ambiguïté, le compromis. Quelque chose qui apprivoise la complexité : gay et père, sujet et objet, volage et fidèle, Américain et juif, fils et père, confronté à la beauté comme à la perte.

Dans la famille de cet homme, les photos avaient une importance suprême parce que c'était la preuve de la beauté et qu'après avoir  tout perdu, leur maison, leur terre, leur brasserie, leur boucherie en gros, leurs camions, leurs domestiques, leurs filles et leur dignité, il ne leur restait que la beauté.


C'est livré dans un livre exigent, sans concession, qui ne s'offre pas le luxe de la simplicité, de la chronologie, parce que ce ne serait pas le reflet de la vie, de ses surprises, de ses traquenards. Mendelsohn suit ses pensées, saute d'un personnage à l'autre, d'une époque à l'autre pour tracer un trajet plein de contre-temps, de digressions  et de détours. L'ensemble est disparate, parfois sans queue ni tête, et l'unité lui vient par une réflexion implicite sur les liens entre vie vécue, littérature, mythes, histoires, mensonges qui sont la source de son identité.

Nous allons voir des tragédies parce que nous avons honte de tout compromis, parce que nous trouvons dans la tragédie la beauté pure de l'absolu, une beauté qu'on ne peut avoir si on choisit de vivre.



mots-clés : #autobiographie #communautejuive #contemythe #famille #identitesexuelle #immigration
par topocl
le Mer 11 Oct - 21:39
 
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Sujet: Daniel Mendelsohn
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Amulya MALLADI

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En Inde, le mariage est la grande affaire d’une vie. Alors, quand on a présenté à Anjali un jeune et beau militaire, elle n’a pas hésité longtemps. Malheureusement pour elle, très vite, le prince charmant s’est transformé en crapaud. Un soir, il a tout simplement oublié d’aller la chercher à la gare. Hors, ce soir-là, à Bhopal, l’usine d’Union Carbide a explosé. Asphyxiée par les gaz toxiques, Anjali a failli mourir. Peu après, elle a décidé de ne plus gâcher sa vie avec ce mufle, et a demandé le divorce. Une décision d’autant plus courageuse qu’en Inde, le divorce, synonyme d'ostracisme et, même, très souvent, de rejet familial, est encore impensable pour une femme de la classe moyenne.
Malgré tout, Anjali a réussi à rebondir : elle a repris ses études, et a refait sa vie avec un charmant professeur. Et ils ont eu un fils. Hélas, les gaz de Bhopal et leurs insidieuses conséquences ont terni leur bonheur : le petit garçon est né terriblement malade, condamné à brève échéance. Pour eux, dorénavant, c’est la vie vaille que vaille, l’espoir malgré tout, le sourire pour seule arme.
Un jour, hasard des affectations, l'ex-mari d'Anjali est muté dans la ville où elle a refait sa vie. Leur rencontre est inéluctable... Pour Anjali, c'est la confusion des sentiments. Pour l’ex-mari, confronté au triste résultat de son inconséquence, les remords, la honte, les pitoyables tentatives de se racheter. Et pour le mari actuel, la jalousie, l’amour, le doute, l’abnégation, l’amour encore.

Voilà. C’est donc un livre à trois voix, qui entend plonger au plus intime de ses personnages. Ce livre parle de reconstruction, de pardon, de maladie. Il évoque des sujets tabous en Inde, et se veut le reflet de toute l’ambiguïté des sentiments humains. On ne peut pas dire que ce soit simpliste, alors, pourquoi n’ai-je pas adhéré à ce roman ?

Comme d’autres livres indiens publiés récemment par Mercure de France, Une bouffée d’air pur répond à un certain schéma. Et s’il se lit si facilement, c’est peut-être, _Allez, j’ose le dire ?_ grâce à son écriture calibrée pour plaire à un certain public, de toute évidence féminin. Un public dont on présuppose qu’il consent à être bousculé, mais pas trop ; qu’il admet des drames, mais pas sans amour immortel ; qu’il accepte l’inéluctable, tant qu’on ne lui interdit pas de rêver quand même…
Pour moi, c’est là qu’est le hic. En effet, il suffit d’un peu de lucidité pour voir que le destin d’Anjali, si douloureux soit-il, n’est guère crédible. Ca ne doit pas être si fréquent qu’une femme indienne, divorcée, rejetée par les siens  -et donc quasi sans ressources-, puisse ainsi reprendre des études, rencontrer des amis « pour la vie » absolument merveilleux, puis un homme « pour la vie »  non moins merveilleux (et orphelin, ce qui, vous l’avouerez, est bigrement pratique pour l‘écrivain, les parents n'étant plus là pour s’opposer au mariage).
Ils ne doivent pas être si nombreux non plus, les ex-maris mufles-crapauds, qui, d’un coup d’un seul, sont bourrelés de remords et prêt à tout pour se racheter… (avec _ attention spoiler_  l’aide de leur nouvelle femme, tout amour et compréhension sous ses airs de mégère non apprivoisée).
Alors, que dire de la probabilité que ces bons sentiments soient tous réunis en même temps ? Quasi nulle, bien sûr.
Bon, il y a aussi quelques méchants irrécupérables, dans ce livre. Mais comme un passage obligé...

Pour être tout à fait honnête, je suis dure envers ce roman, qui n’a quand même rien d’une bluette à la Barbara Cartland, et auquel je reconnais des qualités. Mais j'en attendais beaucoup plus, et j'ai été déçue. En vérité, cette écriture « aseptisée » ne correspond tout simplement pas au public que je suis aujourd'hui.
Reste quand même, au milieu de tout cela, un enfant condamné par le cynisme des hommes. Et là, malgré toutes mes réserves, j'avoue, à la fin, j’ai pleuré...


mots-clés : #conditionfeminine #famille #pathologie #psychologique #romanchoral
par Armor
le Lun 9 Oct - 22:50
 
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Sujet: Amulya MALLADI
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Hervé Le Tellier

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Hervy_13


Toutes les familles heureuses

C’est un gamin qui n’a qu’indifférence pour ses parents qui le négligent. Il vient d’un milieu priviligié, avec des ramiffications qui remontent loin. Sa mère est “folle”comme il dit. Elle ne s’occupe que du qu’en dira-t-on, rit à gorge déployée au mauvais moment  et a des accès de colère dirigés contre lui la plupart du temps. C’est une femme amère et frustrée. Son père est absent, inconscient de ce que la paternité représente. Et il fait le constat que son beau-père est un imbécile, sans envergure qui se laisse maltraiter par sa femme et redirige sa haine refoulée sur des innocents. Il aime par contre ses grands-parents, sa tante (que sa mère appelle “la pute”). Tout ce petit monde vit dans le même immeuble, les uns sur les autres. Très vite il prend la poudre d’escampette, à dix huit ans il décide de vivre sa vie.

Ce livre commence un peu laborieusement avec dates et détails à l’appui. Et petit à petit Hervé Le Tellier entre dans le vif du sujet. Il raconte sa famille qu’il regarde et juge lucidement. Tout comme il se juge lucidement, par la même occasion, et fait à plusieurs reprises mention de l’appellation de “monstre” qu’il se donne. Ce n’est jamais pleurnichard, il revient juste sur ces années, maintenant qu’il peut, tout le monde étant parti ou devenu irrémédiablement “fou” (comme il dit). C’est drôle ( même si on rit jaune), c’est subtilement raconté. Je ne connaissais pas cet auteur et j’ai donc commencé par ses mémoires…. ou biographie….Mais cela m’a donné envie de lire d’autres livres de lui.

Mots-clés : #autobiographie #famille
par Pia
le Lun 9 Oct - 16:42
 
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Sujet: Hervé Le Tellier
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Erskine Caldwell

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 Cvt_le11


Le petit arpent du Bon Dieu


A sa sortie en Amérique ce roman fut sottement poursuivi pour obscénité.Quarante-cinq écrivains américains, et parmi eux les plus grands, protestèrent contre ce procès, et l’attorney de l’Etat de New-York abandonna les poursuites.

La préface et d’André Maurois




C’est l’histoire de la famille du patriarche, Ty Ty, ses deux fils Buck et Shaw, sa fille Darling Jil et Griselda la femme de Buck, dans leur ferme de Géorgie. Ty Ty est persuadé qu’ il y a un filon d’or dans sa propriété et depuis une quinzaine d’années il creuse des trous profonds dans sa terre, aidé de ses deux fils. Croyant, il réserve un arpent au Bon Dieu dont les revenus sont donné chaque année à l’église de sa ville. Mais pour les besoins Ty Ty déplace le « petit arpent du Bon Dieu » car pas question d’ en priver Dieu mais pas question non plus de donner l’or qu’il y trouverait, peut-être.

Ty Ty souhaite faire ses recherches « scientifiquement » mais il kidnappe cependant un homme Albinos, censé découvrir le filon. Ce dernier creuse aussi ainsi que les « métayers » noirs de la ferme. Sans plus de succès.

« J’aimerais mieux me faire péter les boyaux plutôt que de renoncer à cet homme tout blanc. Mais j’veux point de manigances de sorcier. Faudra faire ça scientifiquement »


Darling Jill et l’albinos se plaisent un temps, ce qui fait réagir Ty Ty :

« J’aime pas voir une blanche se mettre en ménage avec un nègre trop noir, mais ça c’était pas mieux, parce que lui c’est un homme trop blanc. »


La deuxième fille de Ty Ty, Rosamond est marié à Will, un ouvrier des filatures ; le couple habite la vallée. Et comme dans toutes les familles il y a souvent le « réprouvé » c’est Jim Leslie marié à une fille aisé qui tient le rôle ; voilà 15 ans qu’il ignore le reste de la famille.

Les filles de la famille sont belles ; Darling Jill est très libre, Griselda est d’une beauté exceptionnelle que Ty Ty vente dans des compliments très sensuels et une imagination érotique.

Will et Jim Leslie sont très sensibles à la beauté de Griselda et se moquent qu’elle soit la femme de Buck, ils la veulent.

« : j’finirai bien par l’avoir cette gosse, dit will avec énergie en remuant la tête de droite à gauche. Il y a assez longtemps que je la veux et j’commence à n’plus pouvoir attendre. Je vais me l’envoyer.
- Je te prie de te taire Will, dit Rosamond.


« Griselda, assise devant Will, le regardait comme s’il était une idole précieuse gratifiée soudain du don de la vie. Elle sentait comme un désir de se jeter à terre devant lui, de lui enlacer les genoux de ses deux bras, et de lui demander de bien vouloir daigner lui poser la main sur la tête.
Il la regardait comme s’il la voyait pour la première fois.
-Lève-toi Griselda, dit-il calmement.
[…] Griselda était debout devant lui. Elle avait les yeux fermés. Ses lèvres étaient entrouvertes et sa respiration oppressée. Quand il lui dirait de s’asseoir elle s’assoirait. Jusque-là, elle resterait debout jusqu’à la fin de ses jours.
Ty Ty avait raison dit-il en la regardant. »


Dans la vallée, l’usine de Scottsville s’est tue, depuis 18 mois les ouvriers, exploités sont en grève. Will Thompson est un homme écouté, un meneur.

« Je vous en fous, avec des salaires pareils ! Les autres usines marchent parce qu’ils ont réduit les tisserands à la famine pour les forcer à reprendre le travail.
Mais nom de Dieu, nous n’en sommes pas là, à Scottsville. Tant qu’on pourra se procurer un sac de farine de temps en temps, on pourra tenir. Et l’Etat s’est mis à distribuer de la levure. Y a qu’à en faire fondre une tablette dans un verre d’eau et le boire et ça vous retape pour un moment.
On n’retournera à l’usine que s’ils diminuent les heures de travail, suppriment les heures supplémentaires ou reviennent aux anciens salaires. Du diable si je vais travailler neuf heures par jour pour un dollar dix quand tous ces salauds de patrons, avec toute leur galette, se baladent dans la vallée dans leurs bagnoles de cinq mille dollars. »


Les ouvriers suivent Will car ils savent qu’il n’y a pas d’autre solution. Il leur faut travailler !

« -Will a rétabli le courant, cria Griselda en dansant de joie. Elle était sur le point d’éclater à nouveau en sanglots. « Will l’a fait ! c’est Will ! C’est Will qui l’a rétabli ».
Soudain, le bruit cessa dans l’usine. Les machines tournèrent moins vite, s’éteignirent. Le silence fut complet, même dans la foule. »


Griselda fait des confidences à Pa :

« Vous vous rappelez ce que vous disiez de moi quelquefois… vous disiez ça, et j’essayais de vous faire taire… et vous ne vouliez jamais vous taire… c’est ça que je veux dire.
Vous et Will êtes les deux seuls hommes qui m’ayez jamais dit ça, Pa.
Will m’a arraché mes vêtements. Il les a mis en pièces, et il a dit qu’il voulait me faire ça. Et il l’a fait. Pa. Je ne savais pas, alors, que j’avais bien envie qu’il me le fasse, mais après, j’en ai été bien sure. »


Jim Leslie vient à la ferme chercher Griselda, Ty Ty n'arrivant pas à le chasser appelle Buck et Shaw, une terrible dispute oppose Buck et Jim Leslie.

« Je veux pas de toutes ces histoires de femmes chez moi, dit Ty Ty d’un ton soudain très décidé. »

Dieu a fait les jolies filles et Il a fait les hommes. Il n’en fallait pas plus. Quand on se met à prendre une femme ou un homme pour soi tout seul, on est sur de n’avoir plus que des ennuis jusqu’à la fin de ses jours. »

Quoi qu'il arrive Ty Ty se retrouve dans son obsession, rien ne peut l’en détourner, il s'y réfugie.

« Il descendit lentement dans le trou. Il avait les reins un peu raides et ses genoux tremblaient. Il se faisait vieux, à creuser comme ça dans ces trous. Bientôt il serait trop vieux pour pouvoir creuser. »


J’aime ces histoires, les vies simples, paysannes ou ouvrières, les gens qui luttent pour vivre, voire survivre.
L’écriture de l’auteur magnifie ces hommes et ces femmes qui réagissent simplement, logiquement ; si l’amour, le désir sont pour eux naturels, s’ils y trouvent une part de bonheur, pourquoi s’en priveraient-ils ?
Rien de pornographique dans cette histoire, de l’érotisme ( l’érotisme que c’est une évocation des plaisirs charnels, nous sommes donc dans le domaine de l’imagination, de la suggestion et de la fantaisie) et de la sensualité (La sensualité est attachée aux plaisirs des sens.).
C’était une relecture faite 40 ans plus tard et même si les mœurs ont évoluées et moi aussi, j’en retire du plaisir.


mots-clés : #famille #sexualité #social
par Bédoulène
le Dim 8 Oct - 23:26
 
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Sujet: Erskine Caldwell
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Joël Haroche

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 10 97822410

L'affaire Rosenblatt


Originale : Français, 2017

Grasset a écrit:Début des années soixante : les Rosenblatt ont posé leurs valises au Texas. Juifs au milieu de la plus importante population évangélique du pays ; russes d’origine à une époque où l’on se prépare à vitrifier les « ruskoffs » ; gauchistes dix ans après que les époux Rosenberg ont grillé sur la chaise : l’intégration ne va pas aller de soi…
Julius, le père de famille, est un avocat raté. Sa femme Rose rêve d’adaptation et entreprend à cette fin de burlesques tentatives. Leur dernier fils Nathan, génie de huit ans, scande la vie familiale de ses obscénités. Quant à l’aîné Elias, narrateur du récit, il oppose un humour salvateur aux idées morbides qui l’assaillent.
Début 1963, les Rosenblatt se lient à un jeune couple encore plus paria qu’eux : lui est un Marines dyslexique en rupture de ban, elle une fragile exilée d’URSS.
Comment imaginer, à suivre leurs innocentes parties de campagne, que bientôt va se produire une déflagration promettant enfin la célébrité à ce petit monde de paumés ?

Fable tragi-comique sur l’adaptation impossible et la revanche des humiliés, ce roman irrésistible de charme et de drôlerie nous promène avec délices dans la petite histoire pour mieux nous propulser dans la grande.



REMARQUES :
Certains, comme moi, pourraient être perplexe face à catégoriser ce roman : historique ? Humour ? Satire ? Voire, une présentation d’une vie de tentatives (échouées) d’adaptation de Juifs russes, plutôt gauchiste, dans l’Amérique du début des années 60 ? Oui, on le devinera : le cadre va jouer un rôle, et qui situe le lieu de vie au Texas, et voir s’approcher le Novembre ‘63 pourrait se douter de quelque chose. Je ne l’ai pas vu venir trop tôt…

Mais le terme de tragi-comédie pourrait aller bien : Quelle drôlerie dans les descriptions par le fils Elias, de cette vie familiale déjantée. Presque pas une phrase sans ironie, observation pittoresque… Parfois, non : souvent, à la limite de l’humour très noir ?! Mais le roman, ou l’auteur, ne se contente pas dans ce jeu là. Il y intègre une dose de cadre historique même très crédible et vrai pour l’essentiel (des gens confronté à être proches d’un événement historique par des circonstances non choisies). Juste on pourrait se demander si l’humour noir dans certains domaines devrait, peut s’appliquer « à tout ». J’étais alors gêné, moi, par le maintien de cette approche.

Oui, parfois on devine derrière la voix du narrateur fictif (somme toute un enfant d’une douzaine d’années) beaucoup trop « mûr » ou ironique pour son âge, la voix de réflexion de l’auteur. Ces deux approches ou facettes ne font aucun problème pour beaucoup, peuvent même constituer le sel de la lecture. Elles peuvent aussi être perçues comme une discontinuité, ou un manque de maintien de la ligne choisie ? Moi, je n’ai pas pu me joindre à des éloges sans bémol à ce choix. Ce qui n’empêche pas que beaucoup trouveront dans ce roman une très bonne lecture! A vous de voir !


mots-clés : #famille #humour #immigration
par tom léo
le Ven 6 Oct - 7:25
 
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Sujet: Joël Haroche
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Doan Bui

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Le silence de mon père

Les mots sont comme les oiseaux gracieux que mon père admirait sur les estampes chinoises. Les mots se sont envolés de son esprit : oiseaux migrateurs, ils sont partis vers des horizons plus chauds et mon père est resté dans son éternel hiver de silence.

Suite à un AVC, le père de Doan Bui a perdu la parole. L’occasion pour l’auteur d’un triste constat : elle ne connait pas son père, cet homme qui, une fois rentré de sa journée de travail, s’installait en silence face à la télévision. Et qui n'a rien dit, sur son enfance au Vietnam, sur l’exil, sur l'impossible retour. Venu en France faire des études de médecine, n’en est jamais reparti. Il a épousé une vietnamienne, elle aussi réfugiée. Ensemble ils ont eu des enfants « banane ». Jaunes à l’extérieur, blancs à l’intérieur. Tous nés en France. De purs produits de la République française. Ne parlant pas la langue de leurs parents.
C’est d’ailleurs tout le paradoxe de Doan Bui, qui raconte à merveille le dilemme des immigrés de la seconde génération. Car Française, elle ne l'est pas vraiment aux yeux de tous. Régulièrement, on la complimente pour sa remarquable maîtrise de la langue, ou on la salue d'un retentissant : "Ni Hao !"...   Accentuant le sentiment d’imposture d’une femme qui ne sait plus très bien, en somme, qui elle est vraiment.

Je voulais tellement être Française, qu’il m’était  –m'est ? insupportable d’être confondue avec d’autres immigrés, ceux qui parlaient mal la langue de Voltaire, les Fresh of the boat, arrivés plus récemment, les blédards, les niakoués. L’affront suprême était d’être assimilée aux immigrés chinois, ceux dont on parlait avec méfiance à la télévision (clandestins, mafieux, etc., etc.).
J’avais habité un temps chez une tante dans une des tours du 13e et j’en étais venu à haïr l’odeur du nuoc-mâm imprégnée dans les murs, les sacs plastiques Tang Frères, les enseignes bariolées (...). Ah non, moi, jamais je n’habiterai là, chez les chinetoques, merci bien, plutôt mourir, c’est moche, mais c’est moche là-bas, inimaginable, je rêvais d’appartements haussmanniens moulurés, de boulangeries tradition, de fromagers, de caves à vin…
Et pourtant, aimantée, j’ai finalement posé mes valises dans une tour, en plein cœur de Chinatown, avec plein de Chinois qui me prennent pour une Chinoise, des épiceries chinoises tous les deux mètres, des coiffeuses chinoises qui s’appellent Jenny Coiffure, avec des photos de stars hongkongaises permanentées sur la devanture et une forêt d’enseignes criardes en chinois qui clignotent comme dans un casino de Las Vegas.
Ma mère en fut très contrariée. Avant mon déménagement, elle s’y est rendue et croisant un voisin blanc, elle l’a interpellé :  « Y a vraiment beaucoup de Chinois ici, non ? » Et l’autre, perplexe : « Ne vous inquiétez pas madame, ils sont très gentils.»


Ce livre, c'est donc le témoignage d'une fille partie à la recherche de son père, mais aussi d'elle-même. Paradoxalement, Doan Bui, grand reporter à l'Obs et spécialiste des sujets sur l'immigration, n’avait jamais osé franchir le mur de silence familial. Enfin, elle retrouve ses réflexes de journaliste : elle fouille, elle ose questionner, quitte à dévoiler au grand jour les secrets de famille... Croyant bien faire, nos parents se sont interdits de transmettre leur culture, ils sont restés muets sur leur histoire. Je retrouve tant de secrets dans toutes les familles asiatiques, imbriqués dans les parcours d’exil.

Au-delà de l'immigration, ce livre pose la question de la relation parent-enfant, de la parole, et de la transmission. C'est avant tout une réflexion prenante sur l'identité, d'autant plus difficile à aborder quand l'exil est de la partie... J'ai ainsi été marquée par l'aspect paradoxal d'une culture vietnamienne à la fois omniprésente et occultée. Bien qu'elle les constitue intrinsèquement, les parents Bui poussent leurs enfants à la renier. Une dualité qui, forcément, a des conséquences. Sur les parents, qui taisent leurs renoncements, leurs peurs, leur nostalgie. Sur les enfants qui, tout en étant résolument français, ressentent sans se l'avouer un sentiment d'incomplétude.
Mais cette fois, Doan Bui a décidé de tout dire. Car il n’y a aucune honte à avoir. Rien à cacher. Personne ne perdra la face.
Un témoignage dont l'impudeur se pare d'élégance, et qui, tout en retenue, dit la difficulté d'être français...


mots-clés : #autobiographie #exil #famille #immigration #devoirdememoire
par Armor
le Jeu 5 Oct - 22:53
 
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Sujet: Doan Bui
Réponses: 9
Vues: 1304

John Steinbeck

Une saison amère

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Je vous explique en gros, parce qu'en fait je n'ai pas compris grand chose.
Ethan, héritier ruiné d'une éminente dynastie de baleiniers, est le commis d'une épicerie qui appartint autrefois à sa famille. Tout le monde le pousse à s'enrichir, quels qu'en soient les moyens, mais il  aime bien trop sa petite vie tranquille, son travail bien fait, son adorable femme et ses gosses exaspérants. Et il est heureux d'être un homme honnête et satisfait.
Mais jusqu'à un certain  point : le mal va venir tenter cet homme intègre.

Après, je n'ai rien compris aux petits magouilles et aux grosses entourloupes des uns et des autres, qui est méchant et qui est gentil, qui tire son épingle du jeu et la morale de tout cela.
J'ai beaucoup souri car Il y a une grande surprise pour moi dans ce livre, c'est son côté joyeux et plaisantin, que je n'attendais pas du tout chez Steinbeck: il ne se prend pas du tout au sérieux. Mais je  me suis heurtée au fil des pages à une incompréhension opaque, sans savoir si j'étais obtuse ou si Steinbeck entretenait à plaisir cette confusion. Et curieusement je ne me suis pas ennuyée non plus dans ce labyrinthe, tant le personnage d'Ethan est plaisant et le point de vue loufoque.

(Je confirme que la traduction d' Anouk Neuhoff  n'est vraiment pas bonne. Il vaut peut-être mieux essayer l'autre version, celle de Jean Rosenthal sous le titre " L'Hiver de Notre Déplaisir ".)


Mots-clés : #famille #humour
par topocl
le Mer 27 Sep - 22:04
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: John Steinbeck
Réponses: 88
Vues: 8038

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