Des Choses à lire
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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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83 résultats trouvés pour amitié

Virginie Despentes

Baise-moi

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Baise-10

Sorte de road movie trash (à l’échelle de la France) de « la petite », Manu, et « la grosse », Nadine, répondant à la violence par un surcroît de violence, et pour le temps que ça peut durer. Ce tandem complice dans l’absence de valeurs morales la plus évidente, ces monstres produits par notre société se rencontrent évidemment sans avenir.
Despentes fait sa seule référence littéraire nominale à Bukowski ; elle m’a un moment ramentu Japrisot par son efficacité stylistique, et guère Houellebecq.

« Il a l’esprit borné et très peu inventif, la mémoire encyclopédique des gens privé d’émotion et de talent, persuadé que donner des noms et des dates exactes peut tenir lieu d’âme. Le genre de type qui s’en tient au médiocre et s'en tire assez bien, bêtement né au bon endroit et trop peureux pour déconner. » (I, 4)

« C’est comme une voiture que tu gares dans une cité, tu laisses pas des trucs de valeur à l’intérieur parce que tu peux pas empêcher qu’elle soit forcée. Ma chatte, je peux pas empêcher les connards d’y rentrer et j’y ai rien laissé de précieux… » (I, 8 )


mots-clés : #amitié #conditionfeminine #contemporain #sexualité #violence
par Tristram
le Mar 17 Juil - 16:39
 
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Sujet: Virginie Despentes
Réponses: 43
Vues: 4045

Robert Penn Warren

Tous les hommes du roi

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Proxy_31

Après tant de mois, j'y étais enfin. Car rien ne se perd, rien ne se perd jamais. Il y a toujours un indice, une facture, une marque de rouge à lèvres, une empreinte de pied dans la plantation, un préservatif sur le sentier du parc, une vieille blessure qui lance, un souvenir d'enfance, une infection dans le sang. Et le passé, le présent et le futur ne sont qu'un seul et même temps, et les morts n'ont jamais vécu avant que nous leur donnions vie, et leurs yeux, au-delà des ténèbres, nous implorent.


Que voilà un roman majestueux, virtuose, prolifique! Un roman noir qui emprunte au meilleur du genre, ses politiques véreux mais pathétiques, suant dans leurs costumes  élégants, ses petits malfrat obéissant dans la chaleur humide du Sud, où il ferait si bon boire et fumer sur les vérandas, si seulement la vie décidait d'être douce et simple, si seulement ces personnages crapuleux n'étaient pas aussi des hommes souffrants... Mais non, l'homme est par nature tourmenté, ballotté par la douloureuse splendeur du ballet de ses sentiments, désespéré de trouver un sens à la vie, une réponse aux aspirations de l'enfant qu'il était, de se définir en tant qu'individu cohérent, de dénouer l’inextricable nœud des responsabilités.

Racontée depuis les temps tardifs de l'apaisement, cette tragédie digne des Atrides nourrit un grand roman des illusions perdues, disserte sur le bien et le mal, la pureté impossible et la rédemption interdite.

C'est jack Burden qui raconte, Jack qui est celui qui ne se salit pas les mains, ou y croit, en tout cas.

il a dit que si le monde était  un tas d'ordures, l'homme, pour sa part, n'avait pas à l'être.


Tout à la fois journaliste et historien il  va comprendre que la quête de la Vérité ne suffit à sauver le monde :  "L'ignorance, c’est le bonheur".

Mais le monde est une gigantesque boule de neige qui dévale une montagne, et jamais on ne la voit remonter la pente pour revenir à l'état de flocons, à l'état de rien.


Car oui,  aussi : "La connaissance c'est le pouvoir", c'est ce qu'a compris Willy Stark, dont il est le bras droit, un "grand couillon naïf" parti de rien et devenu  Gouverneur "intense, inquisiteur, exigeant",  un populiste adulé par les petits, qui sait corrompre, asservir, terroriser.

-Tu as cru que tu pouvais me rouler...faire en sorte que je l'achète. Eh bien je ne vais pas l'acheter! Je vais l'écraser! J'ai déjà acheté trop de fils de pute. Si tu les écrases, au moins ils ne mouftent plus, mais quand tu les achètes, impossible de savoir combien de temps ils vont rester à ta botte.


Ces deux hommes pleins d'estime l'un pour l'autre dans leurs différences,versions pile et face de l'espèce humaine, se répondent en fait comme deux miroirs face à face, et ces miroirs mettent en lumière leurs ambiguïtés. Racontant Willy Stark, Jack Burden se dévoile, solitaire crâneur, homme d'amour et d'amitié, fils orphelin, il  pêche à la fontaine du souvenir , car tout se tient,  "c'est uniquement avec le passé que se forge le futur"

Il y a ce récit tragique aux accents déchirants, ces héros haïssables et qu'on aime pourtant, fasciné, charmé. Il y a aussi l'inventivité, l'acuité, le lyrisme de l'écriture de Robert Penn Warren, tout à la fois sensuelle et vigoureuse, patiente, attentionnée, liquide.  Il y a les pièces du puzzle patiemment accolées, les allers et retours, les chemins transversaux. Il y a les leitmotivs, les réminiscences obsédantes,. il y a les métaphores, leur pertinence, leur sensualité, leur poésie.

Le monde entier, les troncs nus des autres arbres, qui avaient perdu leurs feuilles désormais, le toit des maisons et même le ciel lui-même avaient un air pâle, lavé, soulagé, similaire à celui que peut avoir un homme souffrant d'une longue maladie qui se sent mieux et pense qu'il va peut-être guérir.


Il y a une lectrice comblée.




Ton Ami de Jeunesse est le seul ami que tu auras vraiment, car il ne te voit pas tel que tu es. Dans son esprit, il voit un visage qui n'existe plus, prononce un nom - Spike, Bud, Snip, Red, Rutsky, Jack, Dave - qui appartient à ce visage sans existence, mais qui, par quelque confusion absurde et sénile de l'univers, se rattache maintenant à un étranger ennuyeux qu'on regrette d'avoir rencontré. Mais il se plie à cette confusion sénile, incontinente, de l'univers et continue d'appeler ce pénible étranger par le nom qui n'appartient vraiment qu'à ce jeune visage d'autrefois, à l'époque où sa jeune voix appelait faiblement par-dessus le fruit des flots en fin d'après-midi, murmurait la nuit près d'un feu de camp, ou disait au milieu d'une rue bondée : « Oh, écoute un peu ça : « Aux confins du Welnlok, anxieuse est la forêt... Le Wrekin a gonflé  sa haute toison d'arbres » » Ton Ami de Jeunesse ne reste un ami que parce qu'il ne te voit plus.


Mots-clés : #amitié #amour #corruption #culpabilité #identite #relationenfantparent #trahison
par topocl
le Lun 9 Juil - 21:36
 
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Sujet: Robert Penn Warren
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Siri Hustvedt

Tout ce que j'aimais

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Tout-c10

C'est l'histoire d'une vie qui passe. Que cela ait lieu dans le milieu artiste et intellectuel New-Yorkais, que les troubles psychiques, hystérie ou psychopathie notamment, y aient une place de premier plan, lui donne un aspect assez typiquement Hustvedtien. Ce n'est d'ailleurs pas ce qui est le plus réussi : les longues digressions psychiatriques, les non moins longues descriptions d’œuvres d'art contemporain (qui ont un sens j'en suis sûre, mais à un degré très élevé que je n'ai pas su décrypter ) m'ont invitée à sauter quelques passages. il y a un curieux mélange de la typique distance de l'auteur, son côté scientifique-rigoureux-analytique-observateur qui curieusement donne toute sa valeur à l' empathie déchirante vis-à-vis de ses personnages souffrants, vis-à-vis des deuils et des renoncements. Roman irrégulier, donc, d'une ambiance parfois étouffante, parfois provocateur, mais attachant.


mots-clés : #amitié #amour #creationartistique #psychologique #relationenfantparent
par topocl
le Sam 23 Juin - 9:46
 
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Brit Bennett

Le cœur battant de nos mères
Titre original : The Mothers

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Coeur_10

C'est un roman du passage de l'adolescence à l'âge adulte, avec cette tonalité particulière que cela se passe en Californie, dans une communauté religieuse noire conservatrice, où les "mères", les vieilles femmes, surveillent, jugent, palabrent et racontent l'histoire. Le poids de la communauté, ses exigences comme ses hypocrisies, est énorme sur les individus et   leur formation, que ce soit par la soumission ou la rébellion.

Le fil directeur est la filiation, le rôle des mères, indispensables mais défaillantes, l'amour qu'on leur voue même pour celles  que l'on hait. L'une se suicide sans laisser de raison, elle a eu sa fille Nadia très jeune et celle-ci se demande si sa mère n'aurait pas eu une meilleure vie sans elle, et aurait donc survécu. L'autre n'est apte ni à proposer une vie stable à sa fille Aubrey, ni à la protéger des abus sexuels qui se passent sous son toit. Nadia et Aubrey sont deux amies de coeur, l'opposée l'une de l'autre unies/séparées sans le savoir par leur amour commun, mais si différent, pour Luke, le fils du pasteur.

Nadia fait le choix d'elle-même, se référant sans doute à sa mère, et quand elle est enceinte à 17 ans décide d'avorter, poids qu'elle va traîner comme un boulet malgré l'envol qu'elle prend, quittant sa vie tranquille, son père désespéré, pour devenir une avocate new-yorkaise brillante aux mœurs libérées.  Aubrey, au contraire fait le choix de "la sagesse", la religion vécue, le couple, le mariage, la fidélité, l'enfantement, toutes chose qui ne sont pas forcément faciles non plus.

Plus que l'opposition entre ces eux filles, très réussie mais assez classique,  j'ai aimé le contraste entre Nadia et Luke, qui jouent des rôles inversés de ce qu'il est habituel de distribuer aux hommes et aux femmes. Nadia choisit sa carrière son épanouissement par le mouvement et un certain égoïsme, l'aventure en quelque sorte . Luke au contraire fait le choix des concessions pour la stabilité, l'amour, la filiation. C'est la femme qui est "forte" et l'homme qui est doux.

Bon, au total, je ne vous cache pas qu'il n'y a pas de bon choix, et si j'ai longtemps eu peur que le livre ne soit une apologie de la raison et du renoncement au détriment de l’égoïsme et de l'individualité, il n'en est rien. Chacun souffre à sa manière. Ces trois jeunes ont grandi seuls et trop vite, leur chemin est plein d’embûches, mais que faire d'autre qu'avancer, faire des choix et - si possible - les assumer? Il s'agit de personnages ordinaires, pris dans les tourments d' un destin déjà souvent croisé dans la littérature, mais  l’œil de Britt Bennett, la vivacité de son récit, la touchante exploration des contradictions de la tendresse nous les rend attachants. Et derrière cette histoire qui reste plaisante et sensible si elle n'est lue qu'au premier degré, se cachent de nombreuses questions existentielles fondamentales.


mots-clés : #amitié #amour #conditionfeminine #identite #jeunesse #psychologique #relationenfantparent #religion
par topocl
le Sam 19 Mai - 11:10
 
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Sujet: Brit Bennett
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Laurie Colwin

Une vie merveilleuse

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 L_colw10

Guido et Vincent sont cousins et amis d’enfance. A ces trentenaires de la bonne société new-yorkaise, nantis d’un métier qui leur plaît et d’amis souriants, il ne manque que la femme de leurs rêves pour que la vie soit merveilleuse.
Ils la rencontrent au même moment, l’un en la personne de l’élégante Holly, raffinée et secrète ; l’autre, de Mitsy, descendante d’immigrés russes, la rebelle jamais rassurée.

Partie de la quatrième de couverture de l'édition poche


Bon, je vous mets la quatrième de couverture pour que vous ayez une idée de la trame du roman même si je trouve que celle-ci est très réductrice!!

Bien sûr, il faut la rencontre de ces êtres pour constituer le coeur du roman mais avant tout, je trouve que Laurie Colwin excelle dans la descriptions des êtres et des caractères de chacun, révélant les détails, les réactions de tous. A tel point que l'on a l'impression de les connaître...

J'ai adoré l'insaisissable Misty mais elle n'est plus riche qu'en comparaison de la réserve raffinée de Holly...

C'est une tranche de vie, celles de ces éternels adolescents trentenaires new-yorkais qui décident un jour de devenir adultes. Il ne se passe pas grand-chose au fil des pages mais on se plait en leur compagnie excentrique et parfois futile qui font que la vie pétille un peu plus quand on tourne la dernière page.

Laurie Colwin est une merveilleuse conteuse de "tempéraments" !


Un roman qui ressemble à un lancé de confettis. Plein de couleur, poétique et aussi parfois très critique d'une société.


mots-clés : {#}amitié{/#} {#}amour{/#}
par Invité
le Dim 22 Avr - 16:35
 
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Sujet: Laurie Colwin
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Hermann Hesse

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 97827010

Narcisse et Goldmund

Il a fallu qu'on m'offre ce livre pour que je relise Hesse. Hesse ce sont des vieux souvenirs très vagues d'adolescence, lorsque l'on me conseillait pieusement Siddhartha, que je le lisais avec l'impression de boire un café trop allongé. Un devoir, une concession utile , passage obligé donc, mais je ne trouvai à l'époque, en cette forme d'écriture et de romantisme spirituel aucune nourriture. J'étais trop terrienne, trop sensuelle, trop pragmatique pour y trouver mon compte. Trop "Goldmund".
Je n'ai jamais depuis eue envie d'y replonger.

Pour autant je découvre donc aujourd'hui, avec plus d'ouverture et d'écoute la sensibilité de Hesse
Son style  coule, il est assez limpide, aussi je comprends mieux en quoi ma voracité de jeune fille n'y trouvait pas son compte : je lisais vite et la tonalité symbolique et conceptuelle manquait alors de poids pour mon âme pressée. Evidemment j'y trouve plus de subtilité que je ne croyais, aujourd'hui, plus attachée que je suis à lire chaque phrase avant que de la dépasser en galopant. Je méprise moins, aussi les "grandes idées" qui sont évidemment tout le squelette du roman.

Narcisse est un futur moine, il est passionné et brillant mais destiné à devenir moine sans aucun doute : une vie de retraite lui convient d'autant plus qu'il a l'esprit tourné à analyser et conceptualiser les grands mouvements de l'existence. C'est donc l'épure incarnée.
Lorsque Goldmund, très jeune homme, est accueilli dans le monastère pour y recevoir un enseignement de bon aloi, sa passion le porte naturellement à jouer le jeu à fond : il espère s'engager dans les ordres un jour, même si ses années d'apprentissage ne l'y obligent nullement. C'est encore sa passion innée qui lui fait trouver en Narcisse un guide et un ami, veritable booster emulatif pour lui.
Goldmund marche à l'humain, Narcisse au spirituel. En gros.

Le roman, délicatement, déroule la construction de leur rapport, de leur amitié, puis doucement accompagne le départ de Goldmund dans le Siècle. Le monastère et le souvenir vivace de Narcisse , tels un phare et une oxymore du présent, guident Goldmund dans son éloignement radical de ses premiers enseignements religieux .
Il s'abandonne aux corps à corps sensuels et l'auteur cisèle tout un beau chant à la féminité, au désir, et à la communion des corps.

Puis Goldmund rencontre l'opportunité d'apprendre un métier, sculpteur sur bois, alors qu'il est pourtant dans une totale auto suffisance de vagabond. C'est à partir de là que sa mémoire de la personnalité de Narcisse l'aide à construire du sens à son présent : toute la spiritualité que ce dernier incarne donne écho aux chocs esthétiques et sensuels que Goldmund tente de traduire en statues.
C'est le trait du roman qui m'a sans doute le plus plu, du point de vue de la mise en abyme d'une idée : j'aime qu'on brode sur le faire, sur les choix qui mènent du projet artistique à sa réalisation.

Hesse est de milieu protestant, à l'origine,
et pourtant le catholicisme tisse ses symboles tout du long, pour y introduire un regard que je dirais païen, à son imaginaire.
Catholique, car la représentation de Marie y est tout du long déclinée; Goldmund, en homme sensuel et affectif, est infiniment arrêté par cette figure de mère, mais aussi par les figures de femmes de la Bible.
C'est marrant que Hesse y donne , du coup, une si belle part.
Hesse a dialogué avec Jung, lis-je dans quelques notices biographiques, et en effet il amène à ces dialectiques tout un réseau de sens que de nos jours nous maitrisons facilement, la mère, la mort, la vie etc
Je ne développe pas ces apsects, ce qu'on trouve sur le net l'explicite assez comme ça , par ailleurs.

C'est un joli roman.
Très doux et très triste, il a l'air, aussi de vouloir incarner l'idée de fuite en avant qu'est une existence sans Foi. Goldmund a une Foi, certes, mais son identité est pétrie de sensualité, et de passion. Aussi le dernier tiers du roman est très dur car il dresse le bilan de ces deux destins, y introduit des Fois justement, mais n'élude aucunement un grand sentiment de vide et de vaine course, même si l'Art est proposé comme panacée et illumination.

J'ai aussi trouvé remarquable l'évocation de la grande peste. En fait Hesse tisse beaucoup d'idée mais il trouve mon coeur par le talent qu'il a à peindre plutôt le sensitif.

Je retiens un très joli tableau sous la lune, du premier partage sensuel de Goldmund avec une jeune fille, un très beau passage .Pour vous donner un extrait. C'est bien parce qu'il ne déflore pas les tonalités du dernier tiers, qui elles , donnent tout son meilleur corps au roman.

"Que tu es belle !"
Elle sourit comme s'il lui faisait un don, il la dressa à demi, il écarta doucement de son cou les vêtements, l'aida à s'en dégager, la pelant ainsi jusqu'à ce que les épaules et le buste, dans leur nudité, resplendissent sous la lumière froide de la lune. Des yeux et des lèvres, il suivait dans son ravissement les ombres délicates, les contemplant, les baisant; comme sous un charme elle restait sans mouvement, les yeux baissés, dans une attitude pleine de majesté, comme si, pour la première fois à cet instant, sa beauté se découvrait et se révélait aussi à elle-même.


mots-clés : #amitié #initiatique #solitude
par Nadine
le Lun 9 Avr - 10:03
 
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Sujet: Hermann Hesse
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Henry Miller

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 41za8w10

Un Diable au paradis

Quelques années après la fin de la deuxième guerre Miller invite Téricaud (Conrad Moricand en vrai) à venir habiter chez lui à Big Sur (sur la côte californienne). Il faut dire que le bonhomme a de l'esprit, de la conversation, qu'il ne se connaisse pas si mal et qu'il vivote aux trois quarts dans la dèche en Suisse.

Ce n'est pas le grand luxe chez Miller et il se débrouille comme il peu pour lui payer la traversée puis...

Miller retrace et épluche la déconstruction de cette relation, Téricaud/Moricand ne tardant à être non pas forcément envahissant mais 'exigeant' et peu concerné par son entourage. Si on doit mettre de côté quelques aspects pratiques on assiste aussi à la définition et à l'opposition de deux approches de la vie. L'un est tourné vers l'astrologie et un fatalisme froid, l'autre vaille que vaille espère, risque, des réinventions non sans s'acharner sur son quotidien. Le tout sur un fond d'analyse de personnalités, la sienne à Téricaud/Moricand et la sienne à Miller.

Pas trop de faux semblant dans l'agacement et le ras le bol, dans la volonté de refiler son fardeau à d'autres, ce qui peut sembler assez dur mais qu'en savons nous vraiment ? Ce qui m'a intéressé c'est le regard sur des attitudes considérées finalement comme choisies, des choix pas si simples c'est vrai mais dont les complications n'occultent pas une possibilité d'action.

On frôle des pensées orientales et on navigue dans l'ombre des rues d'un Paris habité de grands noms et de misère le temps de peser le déterminisme de nos personnalités et le poids de nos destins. Au passage un paquet de phrases et formules qui font mouche.

Loin d'être glacial, nocif ou simplement abrasif voire rancunier, j'ai trouvé à ce livre quelque chose de positif. Je vous le résume très mal mais j'ai beaucoup apprécié ma lecture (qui avec des mondes de différences se trouve tomber peut-être à un bon moment) !

Merci Nadine Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 1798711736 !!!

Mots-clés : #amitié #autobiographie #psychologique
par animal
le Mar 3 Avr - 21:05
 
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Sujet: Henry Miller
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Arundhati ROY

topocl, j'ai mis le temps, mais voilà mon avis...

Le ministère du bonheur suprême

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 61javi10
Au début, lorsqu’elle était venue s’y installer, elle avait enduré des mois de cruauté insouciante comme l’aurait fait un arbre, sans broncher. Elle ne se retournait pas pour voir quel mouflet lui avait jeté une pierre, ne se dévissait pas le cou pour lire les insultes gravées dans son écorce. Quand les gens l’invectivaient - clown sans cirque, reine sans palais - , elle laissait la blessure traverser ses branches comme une brise, et de la musique de ses feuilles bruissantes elle tirait un baume pour apaiser la douleur.


Ce livre commence comme un tourbillon qui vous happe et ne vous lâche plus. Inspiré, enlevé et foisonnant, le style de l’auteur, qui n’est pas sans rappeler un certain Salman Rushdie, multiplie les trouvailles. Les quelques 200 pages consacrées au personnage follement romanesque d’Anjum sont un enchantement. Dans ce roman parfois très cru sur la réalité indienne, Arundhati Roy semble avoir voulu laisser en partie de côté ce que le quotidien des hijras peut avoir de sordide pour créer une figure flamboyante, rebelle et insondable, agréant autour d’elle, dans le cimetière dont elle a fait son domaine, une petite communauté hétéroclite et attachante. Une sorte d’idéal bancal de syncrétisme et de tolérance. L’Inde (presque) rêvée d’Arundhati Roy ?

Mais le rêve n’a qu’un temps, et le reste du roman délaisse Anjum pour se consacrer à des pages autrement plus politiques, multipliant les allusions à l'actualité indienne qu'un lecteur un minimum averti sera probablement plus à même d'apprécier. Toutefois, cette seconde partie est surtout consacrée au conflit au Cachemire, qui perdure depuis 70 ans, avec des horreurs perpétrées de tous côtés, et au milieu, une population équilibriste qui jongle pour sa survie. Les personnages de Tilo, Naga et Musa, sont là pour nous rappeler toute l’âpreté de cette existence en sursis.
Malheureusement, si Arundhati Roy retrouve régulièrement sa verve et son talent dans des pages particulièrement poignantes, celles-ci sont noyées dans de longues digressions qui saturent le lecteur. L'auteur a voulu mettre dans son roman toute la démesure et la folie d’une situation bouchée, mais aussi les doutes et les indignations de la militante qu’elle est depuis tant d’années, perdant parfois de vue qu’elle n’écrivait pas un nouvel essai... Inévitablement, ses héros en pâtissent, et font souvent figure d’alibis. J’aurais dû trembler pour eux, j’aurais voulu trembler pour eux, mais pour cela, il aurait fallu pouvoir s’attacher…

Arundhati Roy semble avoir eu pour projet d'écrire une sorte de roman total sur l'Inde, ou plutôt sur « son » Inde. Le pari n’est qu’en partie réussi. Une fois passé un premier tiers enchanteur dont la grâce n’est jamais revenue, le récit se fait quelque peu poussif. A vouloir absolument multiplier les péripéties pour évoquer tous les grands maux de l’Inde contemporaine, l’auteur s’est parfois perdue. Pourtant, quelque chose m’a retenue, malgré tout. Car c’est là un roman peu banal, qui agace, qui remue, qui veut crier au monde ce que l’Inde tient tant à cacher, qui émeut dans sa volonté farouche de rétablir l’humain dans les espaces où il est nié.
Je regrette évidemment le livre extraordinaire qu’Arundhati Roy aurait pu écrire si tout avait été à l’avenant du premier tiers, si les quelques fulgurances de la partie cachemirie n’avaient pas été engluées dans tant de redites... Mais rien que pour son début magnifique, ce roman vaut la peine. Rien que pour le style et l’évidente sincérité d’un auteur sans concession, il vaut la peine. Rien que pour la lutte obstinée contre la haine et l'obscurantisme, il vaut la peine. Et si le bonheur semble chaque jour plus illusoire, ce n’est pas une raison pour ne pas essayer d’y croire... un peu.

Il n’y avait pas de guide touristique à sa disposition pour lui expliquer qu’au Cachemire les cauchemars étaient volages. Infidèles à leurs propriétaires, ils s’invitaient dans les rêves des autres pour y folâtrer en toute impudeur. Des génies de l’embuscade qu’aucune fortification, aucune clôture ne pouvait tenir à distance. Au Cachemire, la seule chose à faire avec eux, c’était de les étreindre comme de vieux amis et de les manoeuvrer comme de vieux ennemis. Elle allait apprendre, bien sûr, bientôt.



mots-clés : #amitié #guerre #identitesexuelle #politique
par Armor
le Dim 11 Mar - 23:50
 
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Sujet: Arundhati ROY
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Vues: 1201

Antonio Skármeta

Une ardente patience

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Image109

C'est un petit livre tout à la fois charmant et grave, un conte moderne, qui, sous une approche poétique, facétieuse, dresse le portrait politique du Chili au  XXème siècle à travers la figure emblématique de Pablo Neruda.

Celui-ci s'est retiré à l'ïle Noire avec Matilde Urrutia, l'amour de sa vie, pour se consacrer au calme à la littérature. Mario, le jeune, facteur qui lui porte chaque jour des dizaines de lettres, arrive à l'approcher et dans sa naïveté sympathique, devient un ami  qui le relie au monde extérieur. Mario commence par apprendre ce qu'est une métaphore, vole quelques vers au Maître pour séduire sa belle, puis se met peu à peu à écrire ses propres vers. Tout le texte devient peu à peu une métaphore géante, dans un mécanise ingénieux et aérien.

Même si le monde est bien décidé à rattraper Neruda, envoyé par Allende en ambassade à Berlin, puis revenant mourir au moment du putsch, le livre reste d'une douceur amicale et plaisante. Les connaisseurs de Neruda y prendront sans doute un plaisir décuplé, car on se doute bien que le texte est truffé d'allusions, hommages et références à l’œuvre du poète.

mots-clés : #amitié #biographie #historique #humour
par topocl
le Sam 10 Mar - 10:13
 
Rechercher dans: Écrivains d'Amérique Centrale, du Sud et des Caraïbes
Sujet: Antonio Skármeta
Réponses: 3
Vues: 911

Paul Auster

4 3 2 1

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Quel dommage que ce livre fasse 1 000 pages, qu'il pèse 1 tonne, cela va décourager tant de lecteurs ! Quel plaisir que ce roman de la démesure, qu'il fasse 1000 pages, qu' on s'y vautre, qu'on s'y traîne, qu'on s'y love, qu'on y tremble et qu'on y pleure, qu'on y rie, qu'on s'y attache, qu'on y retrouve tant  de souvenirs propres , qu'on y apprenne tant…

Bien sûr, certains aimeront, d'autres pas, mais comment ne pas reconnaître à Paul Auster, cet homme courtois, lumineux, intelligent, d'être en plus un auteur hors-pair, hors normes, qui nous livre ici son Grand Roman Américain, typique d'un lieu et d'une époque, tentaculaire et omniscient et qui ne ressemble à aucun autre? Comment ne pas lui reconnaître un talent extraordinaire de conteur, tant dans la structure narrative, profondément originale et parfaitement maîtrisée, que dans l'écriture d'une richesse, d'une vivacité, une inventivité qui n'est que le reflet de celle de la vie de son (ses) héros, "mes quatre garçons" les appelle-t'il, tellement jeunes et tellement mûrs, tellement heureux et tellement désespérés, tellement attachants?

On l'a dit partout, Archibald Isaac Ferguson est un jeune juif new-yorkais des banlieues dans l'après-guerre, de cette classe moyenne qui, Dieu merci, recherche son émancipation non dans la consommation et la frivolité, mais dans la création, (l'écriture en l'occurrence ), la réflexion, la remise en question, la recherche d'une justice et des libertés. Et comme Ferguson est un enfant puis un jeune homme réfléchi, si souvent "adulte", qui s'interroge en permanence sur la destinée, le rôle du hasard et des choix, Paul Auster, par des glissements dans son environnement, lui offre quatre destins, tout en préservant sa personnalité centrale, qui va évoluer, certes, varier selon les versions, mais rester là comme un noyau fondateur.

Tour de force, Paul Auster déplace sur une vingtaine d'années les personnages (Ferguson et tout son complexe environnement familial et amical)  avec malice, sur son échiquier élaboré, sans jamais perdre le lecteur, en tout cas jusque ce qu'il faut pour que cela soit délicieux de se laisser porter, d'essayer de venir vérifier un détail en arrière et finalement y renoncer, car finalement, on s'en fout, l'instant est là qui nous emporte: il y a cet humour, cette clairvoyance, cette tendresse pour les personnages quels qu'ils soient,  cette générosité sans limites de l'auteur et c'est ce qui importe..  Il y a ce souffle époustouflant à décrire l'intimité d'un jeune homme en formation, son incroyable relation avec une mère toujours ouverte, toujours accueillante, toujours encourageante, jamais envahissante, qui est la clé de sa personnalité, de son aptitude à de devenir un explorateur et un conquérant (un conquérant sympathique) dans tous les domaines : les études, l'écriture, le positionnement politique, le sport, la culture, l'amour, le sexe… L'existence des quatre histoires enrichit formidablement cette façon d'aborder  l'élaboration d'une personnalité, lui donne une puissance, une profondeur.

Les quatre Ferguson ont tous  une relation à l'écrit, qui n'est pas la même, poète, journaliste, prosateur… à succès ou sans succès, tous dans une recherche absolue de sincérité, dans un désir d'inventer de nouvelles voies, et ceux qui cherchent à savoir ce qu'est la littérature ne manqueront pas de trouver ici de nombreuses pistes.
Mais Auster élargit son discours à tous les arts, rend un hommage à un nombre incalculable d' œuvres qui ont marqué son propre apprentissage culturel, les livres, les films, les pièces musicales, le sport qui en même temps qu'un épanouissement physique est un art. Il raconte le plaisir des premières fois,  ces innombarables premières fois qu'il faut connaître, les unes après les autres, pour se construire en tant qu'homme vivant.
Il rend hommage aux médiateurs, parents, adultes bienveillants, amis, petites amies et petits amis, professeurs, tous sources d'inspiration, donneurs de conseils, tuteurs attentionnés, guides à travers le monde, tous  ces gens qui nous aiment, et qui font que nous devenons qui nous sommes.

Il raconte comment la jeunesse née après guerre, dans cette euphorie du jamais-plus et de la quête du bonheur enfin aboutie, sa jeunesse à lui, a grandi au contraire dans  une Amérique violente, autoritaire, imbue d'elle-même, violant les libertés individuelles, méprisant les individus (l'assassinat de Kennedy, de King, la lutte pour les droits civiques, la guerre du Vietnam, les émeutes raciales). Comment elle a fait fleurir en son sein  la révolte et parfois l'engagement.

Il y a enfin New-York, ville tentaculaire, détestable et magnifique, ses rues numérotées où déambuler nuit et jour, ses cafés, ses odeurs, ses taudis, ses habitants, ses universités, ses banlieues d'où chacun rêve de s'échapper...

Et puis, on tourne la 1015ème page... et c'est fini.
Déjà.... pale
Tant pis, il nous reste Paul Auster, il parait qu'il a déjà commencé à écrire son prochain livre!



mots-clés : #amitié #amour #communautejuive #creationartistique #identitesexuelle #insurrection #lieu #relationenfantparent #sports
par topocl
le Sam 3 Mar - 10:58
 
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Sujet: Paul Auster
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Claudie Hunzinger

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 41kdzt10

La langue des oiseaux

« La nuit où j’ai rencontré Kat-Epadô, j’étais seule dans une baraque isolée, porte fermée à double tour. Autour de moi, la tempête. À perte de vue, des forêts. »
ZsaZsa, une romancière, quitte Paris pour aller dans les montagnes étudier la langue des oiseaux. Elle n’imaginait pas que le soir même, allumant l’écran, elle allait rencontrer une étrange Japonaise dont l’écriture la fascine aussitôt par son charme maladroit. Un jour, celle-ci débarque. Elle a peur. Pourquoi ces deux jeunes femmes vont-elles fuir ensemble à travers les forêts ? De nuit ? Qu’est-ce qui les lie ? Qui les poursuit ?

Quatrième de couverture


Peut-être que la quatrième de couverture va trop vite pour raconter le roman ou peut-être que ce qui m'a marquée est "l'avant-rencontre" réelle des deux "filles" comme ZsaZsa les nomme.

ZsaZsa - j'adore ce surnom - a décidé de prendre une année sabbatique pour prendre du recul par rapport à sa vie personnelle, son travail de correctrice et par rapport à la société  elle-même avec laquelle elle n'est plus en adéquation. Elle part donc pour les forêts vosgiennes, un abri de la dernière guerre, un confort spartiate, le dénuement et la vie en pleine nature même si on est en plein hiver pour tout replacer à sa juste valeur et surtout donner de l'importance aux choses qui sont essentielles  pour ZsaZsa.

il - isaac Babel - vous disait qu'au genre humain, il ne faut pas se fier. Il n'y a que les écrivains pour vous le dire, jamais la société ne vous l'avouera. Elle vous cachera le Mal dont elle est pétrie, par honte. Par humanisme.

J'ai  - égoïstement - aimé les pages où ZsaZSa se raconte : son enfance atypique, ce père cultivé qui enseigne le chinois à sa fille et l'écoute des oiseaux pour les connaître et communiquer avec eux, puis les rencontres, la vie professionnelle, son rapport à notre société. Et tout autant quand elle évoque la nature qui n'est là que pour elle seule, Marguerite "sa voisine" si décalée dans notre société et si attachante - n'est-elle pas disponible à toute heure pour ouvrir sa porte , - .

Je voulais lui  - marguerite -épargner l'hôpital du village où déjà une fois, cet hiver, il avait fallu la transporter après la mort de son cheval. Il n'y avait pas de bêtes là-bas, en bas, disait-elle, pas de poules, pas de chat, il n'y avait rien. A l'hôpital, il n'y avait rien. Il fallait que je revienne ici. les bêtes sont des confidents, on leur dit tout, et alors, là, elle leva vers moi son regard, pour être sûre de moi, sûre que je comprenais cela, l'essentiel, nous-mêmes, elle et moi, fille et bêtes.

Il y a cette quête vers le virtuel que représente Kat-Espadô, cela occupe complètement sa volonté quand elle ne parcourt pas les forêts, la hante...Et il y a la rencontre réelle et là, je ne dirai rien de plus : à vous de découvrir !

Il existe toutes sortes de rencontres. (...) On peut rencontrer un pseudo : il vous possède. On peut rencontrer un oiseau : il vous fait rougir. La plus petite rencontre contient sa part explosive qui fracture quelque  chose en vous.


Je n'ai qu'un regret  : avoir lu la dernière page de ce roman et quitté ZsaZsa comme on quitte une image que l'on trouve trop familière...


mots-clés : {#}amitié{/#} {#}correspondances{/#} {#}solitude{/#}
par Invité
le Mer 21 Fév - 19:23
 
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Sujet: Claudie Hunzinger
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Andreï Makine

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 41wwfz10

Le pays du lieutenant Schreiber


Le roman d'une vie

Originale : Français, 2014

CONTENU:
Andreï Makine a écrit: Je n’aurais jamais imaginé un destin aussi ouvert sur le sens de la vie. Une existence où se sont incarnés le courage et l’instinct de la mort, l’intense volupté d’être et la douleur, la révolte et le détachement. J’ai découvert un homme qui avait vécu à l’encontre de la haine, aimé au milieu de la pire sauvagerie des guerres, un soldat qui avait su pardonner mais n’avait rien oublié. Son combat rendait leur vraie densité aux mots qu’on n’osait plus prononcer : héroïsme, sacrifice, honneur, patrie… J’ai appris aussi à quel point, dans le monde d’aujourd’hui, cette voix française pouvait être censurée, étouffée. Ce livre n’a d’autre but que d’aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l’oubli.


REMARQUES :
Il est bien probable que beaucoup de Français, écoutant le nom de(s) « Servan-Schreiber » y associent naturellement l' histoire assez illustre de toute une famille, d'origine juive-prussienne. Il est vrai que c'est impressionnant de voir à quel point différents membres de cette famille ont été présents dans le journalisme, la politique, les médias... (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?search=servan+schreiber&title=Sp%C3%A9cial%3ARecherche ). Mais - on le voit déjà dans ces paroles de préface de l'auteur français d'origine russe - qu'est-ce qui a poussé Makine a donner parole à travers son livre à Jean-Claude Servan-Schreiber (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Servan-Schreiber )? Donner de l'espace à quelqu'un qui a passé sa jeunesse sur les champs de bataille dans un bravour exceptionnel, mais aussi dans un apprentissage de ce qui reste, ne reste pas. Après avoir été témoin de tant d'horreurs : qui veut encore écouter un vrai témoignage de tout cela à son retour ? L'insouciance et l'oubli, voir même l'indifférence suivront – très rapidement après la libération, et aujourd'hui encore plus ?! Comme signe : dans l'article de wikipedia cette période de la guerre dans la vie de ce personnage est mentionnée avec une phrase lapidaire. Pourtant cela semble avoir été une expérience clé et un temps charnier. Donc, il s'agit pas tellement d'autres aspects de sa vie tumultueuse.

Cet homme là qui a dû assumer ses origines israélites tout en étant de tout cœur français, est, pour des camarades morts aujourd'hui (ou déjà lors des combats) celui qui conserve la mémoire. Qui garde, peut-être comme le dernier, une trace de leur existence : une parole, un geste... Nécessaire, important,. Quand il lira en 2006 ce livre d'Andreï Makine «Cette France qu'on oublie d'aimer »,  sera touché par l'amour porté par un "étranger" à l'histoire de la France et l'accusation de ses manquements. Et il y trouvera même mentionné deux de ses camarades ! Donc, il fera signe à l'auteur, et depuis ce temps-là, ils sont pas seulement entrés en contact superficiel, mais Makine, avec toute l'amitié qu'il est capable d'investir dans une telle relation, écoute, fait parler ce lieutenant d'une période que « personne n'intéresse plus ». Il le poussera à (faire) écrire ces souvenir, ces bribes de gestes, de rencontres, de paroles qui feront remonter à la mémoire la vie de tant de soldats, disparus. Makine pensera (ce n'était pas d'abord l'idée de Servan-Schreiber) à contacter un éditeur, est convaincu que cette histoire d'un jeune si engagé, frôlant la mort à plusieurs reprises, participant au débâcle de la France en 1940, fuyant vers l'Espagne, s'engageant dans le combat en Nord de l'Afrique, participant au débarquement en Provence, remontant avec les troupes la vallée de la Rhône et conquérant l'Allemagne sous d'immenses pertes, doit passionner les éditeurs, et les lecteurs.

Mais ce sera compter mal avec les idées courantes, la recherche de légèreté... Trouvé un éditeur sera une longue affaire, et puis le lancement sur « le marché » une entreprise de grande déception : personne s'y intéresse, à ces souvenirs. Et après les trois mois obligatoires et coutumières de lancement – hop!- le tirage à la poubelle. Quel destin, quelle réaction sur une vie...

Avec ce livre donc, Makine entreprend à donner une parole à cet homme, et à travers lui, à ces soldats. On trouvera une structuration plus poussée : 6 parties avec 2 à 8 sous-chapitres de 4-15 pages. Le tout toujours avec des titres.

Certes, vous l'avez compris, ce livre s'approche donc d'un vécu concret. On peut y déceler des invitations assez directes, des dénonciations, des indignations, voir aussi des accusations, des constatations tristes d'un certain état des choses. Et pourtant, on retrouvera dans la description de ces bribes de l'histoire de guerre de J-C SS pas seulement ou juste une énumération de soit disant « faits d'armes » (le lieutenant est beaucoup trop peu intéressé à se mettre en évidence), mais aussi des petites réflexions, gestes, paroles qui sont signes d'autres choses. Dans ces allusions on trouvera des éléments de ce qui passionne l'écrivain et l'homme Makine, ce qui a marqué tant de ses romans : certes, la présence d'une violence, d'une dureté, mais aussi le don de soi, l'oubli, l'amour, le pardon. Comment ne pas perdre la raison, l'amour au milieu de l'enfer des combats ? Et après ? Quel part de solitude est inéchappable, pour ainsi dire, et partagé avec tous ?

Puis ce constat, face aux simplifications d'idées (inclus la Résistance, l'ennemi, l'héroïsme, les démarcations etc) : « La vie, la vraie, est toujours plus complexe que tous nos schémas idéologiques. » Il y a plein de passages très forts, même si à la Makine, l'auteur reprend des éléments clés, les répète comme pour les (faire) comprendre et partager.

Intéressant (entre autre) : ses idées et le ressenti de J-C SS sur l'existentialisme, trouvé comme un mode en vogue en ce retour de guerre. Désillusions..., démontage d’idoles ?!

« Chacun de nous possède quelques humbles reliques dont le sens est inconnu aux autres. Oui, des pièces de notre arcéologie personnelle, des infimes fragments d'existence que même nos proches, si nous disparaissions, ne sauaient ni dater, ni rattacher à un souvenir précis. Les personnages de nos photos deviendraient anonymes, un galet ramassé jadis sur uhn littoral aimé – un simple petit caillou... »

Et pour ceux qui aiment Makine déjà à travers différents livres de son œuvre, il y a des bribes d'infos sur sa personne qui... pourraient aider à le situer un petit peu mieux : il se déclare clairement ancien combattant en Afghanistan. Peut-être, et le vétéran en face le lui rappelle, ce sont ces expériences communes face à la mort des camarades qui les unissent et le rend grave. Et en recherche d'autre chose.

Pour moi une grande invitation de faire mémoire, de ne pas oublier, de garder présent dans son esprit, son cœur. Peut-être aussi très bien-venu l'année du centenaire du déclenchement de la première guerre ? Mais pas juste pour un date ponctuel.

J'avais, à plusieurs reprises, des larmes aux yeux.


mots-clés : #amitié #guerre #biographie
par tom léo
le Mar 20 Fév - 7:21
 
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Sujet: Andreï Makine
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Michèle Lesbre

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Le_can10

Le canapé rouge

Anne embarque dans le Transsibérien pour aller retrouver un compagnon dont elle ne reçoit plus de nouvelle : celui-ci a décidé un jour qu'il quittait sa vie de militant pour aller s'isoler loin des mirages de la vie et ses désillusions.
Tandis que le train l'emporte vers Irkoutsk, son esprit chemine entre les paysages aperçus, les vie croisées au fil des arrêts en gare et surtout revient vers Paris pour nous dire l'histoire de l'amitié qui la lie à une dame âgée, sa voisine, ancienne modiste que la curiosité des gens et des événements habite toujours.

Autour de toutes ces réflexions, il est question de la vie , du destin, de la conception du bonheur et de la faculté que chaque être humain a de s'en emparer. Anne évoque aussi de grands destins de femmes extraordinaires...


Un magnifique roman à tiroirs sur la mémoire des faits, des êtres. Sur le déclin de la vie et de ce qu'il permet de partager....Un livre qui va forcément m'en faire lire d'autres et c'est cela que j'aime.



mots-clés : {#}amitié{/#} {#}voyage{/#}
par Invité
le Mer 14 Fév - 18:13
 
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Sujet: Michèle Lesbre
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Edward Abbey

Seuls sont les indomptés

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Images88

Jack Burns est un "indompté". En plein XXème siècle, il vit comme un cow-boy de légende. Sa seule amie est sa jument farouche, il n'a d'autre domicile que les grands espaces de l'Ouest. Il vit en immersion dans la nature sauvage, loin de toute contrainte. Nul n'a entendu parler de lui depuis un an, mais quand il apprend que son ami Paul, ayant refusé la conscription, se retrouve en prison, il revient vers la ville et ses hommes asservis, et se fait emprisonner pour l'aider à s'évader. Mais pour Paul, le cérébral, le prudent, la liberté est ailleurs: c’est la liberté de choisir, et d'exprimer ce choix par l'acceptation-même de son emprisonnement. Jack s'évade donc seul et il s'ensuit une géante chasse à l'homme, totalement disproportionnée, dans les montagnes sauvages où il s'est réfugié.

Edward Abbey, autre indompté, nous offre dans ce western des temps moderne, un récit tout à la fois mélancolique et lyrique, dans sa sobriété et sa soif d'absolu. Dans un style musical, où les adjectifs sont comme des notes sur la portée, il raconte cet homme unique, et son lien avec une nature libre et magnifique, même quand le prix à payer sont les pièges et l'hostilité. Il prend son temps , note chaque détail de l'action et du paysage, dans une vigilance égale à celle de son héros, que seule une attention de tous les instants peut sauver dans cet univers menaçant.
Dans l’opposition des deux amis, dans les hésitations du juge et du shérif, il nous offre une réflexion sur la liberté, qui est multiple et singulière pour chacun.




mots-clés : #amitié #aventure #captivite #nature
par topocl
le Mar 6 Fév - 19:40
 
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Henrietta Rose-Innes

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 L_homm10

L'Homme au lion

Stan revient au Cap au chevet de son ami d'adolescence Mark, grièvement blessé par un lion dont il avait la charge au zoo. Marqué par les souvenirs et les traces de son propre passé qui semble lui échapper, il remplace Mark comme gardien du zoo auprès de la lionne Sekhmet, dernière de son espèce après que le lion ait été abattu.

Ce roman d'Henrietta Rose-Innes m'a beaucoup touché par sa sensibilité, sa délicatesse et son attention aux personnages. La situation complexe et déstabilisante de la ville du Cap, entre l'urbanisation et la nature sauvage, apparait comme le miroir d'un trouble plus vaste et plus ample qui s'enracine dans l'histoire. L'Homme au lion est le récit d'une confrontation nécessaire face à des doutes et des cauchemars, afin d'envisager enfin un apaisement.


mots-clés : #amitié #nature #social
par Avadoro
le Ven 12 Jan - 18:10
 
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Sujet: Henrietta Rose-Innes
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Alexandre Dumas

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Lelivr10


La dame de Montsoreau

Je me rends compte que j'ai de plus en plus de mal à rendre compte avec générosité ou exhaustivité de mes lectures, quel dommage.
J'ai la violente envie de copier coller des résumés d'internautes sur l'histoire du livre, et de l'assortir de quelques qualificatifs suffisants : pardon ! J'aime pourtant beaucoup lire des citations et des avis argumentés ici... Sad
j'espere que ce ne sera qu'une ^période bientôt révolue.
Et venons -en au fait avec les moyens que j'aurai, tant pis :

C'est la première fois que je lis Dumas, mon père m'en a toujours parlé avec joie. J'ai enfin osé me frotter à cet univers, j'avais peur de ne pas aimer et du coup de me coltiner un schisme fondamental au coeur du coeur.

Or j'ai enfin compris de quelle étoffe était faite la fibre littéraire de mon père . Beaucoup d'interrogations ou contradictions s'estompent. Définitivement je comprends mieux en quoi ce dernier aime la littérature, et comprends pourquoi à certaines recommandations de ma part je m'envoyais entendre qu'il s'agissait de lectures intellos, autant dire chiantes :

Dumas , c'est l'équivalent des séries d'aujourd'hui (que je ne visionne jamais pourtant).
Dumas c'est la joie, c'est l'enfance, et , en plus, c'est doux, c'est humaniste, c'est plein de foi en l'humain.
C'est ludique. C'est, enfin, BON.

Ok, ça a été écrit en feuilleton. Ecrit à plusieurs (si si apparemment, Dumas chapeautait le rythme sur une trame établie et développée par son ami chépuki, j'ai dis que je ne copierais collerais rien),

et ce qui me séduis totalement, c'est cette grâce totale à plonger une histoire au coeur d'une trame historique réputée pour sa violence, ses guerres civiles,
cette grâce à choisir deux fils de narrations totalement oxymoresques (le pouvoir du roi, le pouvoir en germe à détrôner celui-ci),
cette grâce à remanier la vérité historique (quelques arrangements sur la cruauté de ses héros ayant existés) pour finir par produire une aventure enlevée où tout un chacun a les grâces (oui encore ce mot) et les tares de son champ politique, tout en restant profondément humain.

En moins pompier je traduis, même si j'aime compliquer la syntaxe : Dumas nous raconte des intrigues secondaires inscrites sur le fil de la grande Histoire en réussissant à nous faire nous attacher à tous, quelque soit la conscience historique que nous en ayons, parce qu'il sème autour de chaque figure toute une dynamique d'amitiés, de fidélités, de trahisons regrettées et de sentiments humains sublimes d'humanité.

mot clef : amitié

figure phare : amitié

foi : amitié

c'est beau comme l'enfance.
J'ai adoré.


mots-clés : #amitié #historique
par Nadine
le Sam 6 Jan - 21:22
 
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Sujet: Alexandre Dumas
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Sylvain Prudhomme

Là, avait dit Bahi

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Images64

Le grand-père du narrateur est un Pied-Noir aigri, hargneux, mal vieilli. Mais cela ne l'empêche pas, à 80 ans passés, d'écrire à Bahi, qui fut ce jeune Algérien mi-ami, mi fils, mi-protégé qui a accompagné ses 15 années de fermier en Algérie. Et la joie de la réponse de Bahi, 50 ans plus tard, pousse notre narrateur, celui-qui dit

« moi qui aurais  fui en courant si on m'avait demandé d'y aller, moi qui ai toujours abhorré les histoires de famille, abhorré les récits de vie de grands-pères et d'arrière-grands-pères et d'arrières-arrières-grands-pères, me suis toujours éperdument foutu de tout savoir de mes aïeux".


à sauter dans le premier bateau pour Oran.

Là Bahi l'accueille, raconte, se raconte, montre les lieux anciens et ce qu'il sont devenus, explique, nuance, révèle des secrets. L'amitié et l’horreur des années de guerre s'y mêlent, le temps qui passe les a lustrées.

Dans son récit, Sylvain Prudhomme  chasse les points, certaines virgules, les guillemets , offrant un récit plein de flux et de reflux, d'allers-retours, submergé par la vague du souvenir. Seuls les retours à la ligne rythment les-vas-et-viens temporels étroitement imbriqués.
Les histoires s'entremêlent :  un homme et l'autre, l'un ici et l'autre là-bas, aujourd'hui et autrefois, sans égards pour le lecteurs, parfois désorienté mais ravi de cette pelote enchevêtrée qui s'offre à son démêlage et donne vitalité à la lecture.

Sylvain Prudhomme a dit que tout est vrai. Il donne par son choix d'écriture un souffle puissant, une ampleur, une intensité à ce "roman" emporté du retour aux origines . Pas de prise de position, pas de d'explications à ce qui n'en a pas, juste une histoire, la vie dans sa complexité, un pays, deux homme qui ne se sont jamais revus , mais dont l'amitié reste un ancrage dans leurs vies.


mots-clés : #amitié #guerredalgérie
par topocl
le Ven 29 Déc - 14:05
 
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Sujet: Sylvain Prudhomme
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Kristopher Jansma

New York Odyssée

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Tous les quatre, Georges, Irene, Sara et jakob, à peine leurs études finies, sont venus à l'assaut de New York (cinquième personnage)  pour y vivre à fond le bonheur qui leur est dû, déambuler dans les rues, boire dans les bars branchés, s'amuser du temps qui passe et de la vie qui s'annonce; mais leur élan est brisé quand Irene apprend qu'elle a un cancer, qu'ils l'accompagnent avec fidélité et folie, puis quand elle meurt,  laissant ses jeunes amis désemparés, comme prématurément vieillis.

Kristopher Jansma traite avec un certain brio ce sujet casse-gueule, avec ce qu'il faut de tristesse sans tomber dans le larmoyant, et une belle intelligence émotionnelle. Cependant malgré des portraits épatants, et des scènes parfaitement réussies, il y a aussi de bonnes longueurs qui font que je n'ai pas adhéré pleinement à ce roman d'une génération, parfois déchirant, parfois joyeux, parfois inspiré.

Mots-clés : #amitié #lieu #mort #pathologie
par topocl
le Mer 27 Déc - 21:14
 
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Sujet: Kristopher Jansma
Réponses: 4
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Amin Maalouf

Les désorientés

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Les-de10


Adam, un historien bientôt quinquagénaire exilé à Paris, n'a plus revu depuis un quart de siècle son pays natal dévasté par les guerres civiles. A l'annonce du décès imminent de son « ancien ami » Mourad, Adam décide de se rendre à son chevet, bien qu'il ait pris ses distances avec lui. C'est généralement dans la maison de Mourad que se réunissaient autrefois leurs amis communs, avec qui ils formaient un groupe d'étudiants joyeux et très unis, pleins de projets d'avenir pour leur pays avant que la guerre ne les disperse. Mais Mourad s'est compromis afin de pouvoir garder sa propriété familiale, âprement défendue depuis des générations ; pris dans l'engrenage, il s'est mué en politicien corrompu (vice endémique du pays). Adam arrive trop tard pour revoir Mourad, et décide de rester incognito le temps d’écrire à propos de cette époque de sa vie, soit les seize jours de ce récit d’un retour au pays ; occasion aussi de reprendre contact avec les amis du cercle, certains éparpillés dans la diaspora, qui ont vécu différents choix de vie, et d’organiser une réunion dans la nostalgie de leur heureuse jeunesse d'avant-guerre.
(Commentaire basé sur Wikipédia fort remanié.)

« De la disparition du passé, on se console facilement ; c’est de la disparition de l’avenir que l’on ne se remet pas. Le pays dont l’absence m’attriste et m’obsède, ce n’est pas celui que j’ai connu dans ma jeunesse, c’est celui dont j’ai rêvé, et qui n’a jamais pu voir le jour. »

« Allions-nous passer notre vie entière, et en tout cas notre jeunesse, sans avoir eu l’occasion de nous engager à corps perdu dans un combat qui en vaille la peine ? »


Insérée dans cette trame en court une autre, pas aussi fortuite ou déplacée qu’on pourrait le croire : Adam a une aventure amoureuse avec une amie retrouvée, que trop timoré il n’avait pas eue à l’époque, et ceci avec le consentement de sa compagne restée en France. Cette péripétie donne l’occasion d’évoquer les années soixante-dix du point de vue de leurs conceptions idéalistes voire utopiques sur l’amour et le sexe, et ce qu’il est advenu des notions révolutionnaires de liberté humaniste.
Le lecteur entrevoit également les charmes de la civilisation levantine (libanaise), chaleureuse, sensible et sensuelle, multiculturelle, dont le "modèle", qui permettait aux diverses communautés de vivre harmonieusement ensemble, n’a pas survécu aux tensions sectaires, entre fanatiques religieux et caïds de quartier, par défaillance de gouvernement national.
On trouve encore dans ce livre (2012) des aperçus pertinents sur la confrontation Occident – monde arabe, qui n’ont pas perdus de leur intérêt dans le contexte actuel, bien au contraire. Amin Maalouf analyse le conflit proche-oriental comme une rétrogradation dans la radicalisation (pas seulement religieuse), avec chez les Arabes une réaction haineuse contre l’humiliation longuement subie de l’Occident :

« Les militants radicaux comme lui, ils deviendront forcément un jour des oppresseurs. Mais aujourd’hui ils sont persécutés dans la plupart de nos pays, et en Occident ils sont diabolisés. Est-ce que tu as envie de défendre un opprimé alors que tu sais pertinemment qu’un jour prochain, il se comportera lui-même comme un tyran ? »

« Ce qui m’exaspère, c’est cette manière que l’on a aujourd’hui d’introduire la religion partout, et de tout justifier par elle. Si je m’habille comme ça, c’est pour ma religion. Si je mange ceci ou cela, c’est pour ma religion. On quitte ses amis, et on n’a pas besoin de s’expliquer, c’est ma religion qui m’appelle. On la met à toutes les sauces, et on croit la servir, alors qu’on est en train de la mettre au service de ses propres ambitions, ou de ses propres lubies.
La religion c’est important, mais pas plus que la famille, pas plus que l’amitié, et pas plus que la loyauté. Il y a de plus en plus de gens pour qui la religion remplace la morale. Ils te parlent du licite et de l’illicite, du pur et de l’impur, avec des citations à l’appui. Moi j’aimerais qu’on se préoccupe plutôt de ce qui est honnête, et de ce qui est décent. Parce qu’ils ont une religion, ils se croient dispensés d’avoir une morale. »

« Ce conflit qui a bouleversé nos vies n’est pas une querelle régionale comme les autres, et ce n’est pas seulement un affrontement entre deux ‘tribus cousines’ malmenées par l’Histoire. C’est infiniment plus que cela. C’est ce conflit, plus que tout autre, qui empêche le monde arabe de s’améliorer, c’est lui qui empêche le monde arabe de s’améliorer, c’est lui qui empêche l’Occident et l’Islam de se réconcilier, c’est lui qui tire l’humanité contemporaine vers l’arrière, vers les crispations identitaires, vers le fanatisme religieux, vers ce qu’on appelle de nos jours ‘l’affrontement des civilisations’. […] Je te le dis en pesant mes mots : c’est d’abord à cause de ce conflit que l’humanité est entrée dans une phase de régression morale, plutôt que de progrès. »

« Ce qui est certain, c’est que cette succession de débâcles a progressivement déséquilibré le monde arabe, puis l’ensemble du monde musulman. »

« …] au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident a découvert l’horreur des camps, l’horreur de l’antisémitisme ; alors qu’aux yeux des Arabes, les Juifs n’apparaissent nullement comme des civils désarmés, humiliés, décharnés, mais comme une armée d’invasion, bien équipée, bien organisée, redoutablement efficace. »

« Il y a, objectivement, deux tragédies parallèles. Même si la plupart des gens, chez les Juifs comme chez les Arabes, préfèrent n’en reconnaître qu’une. Les Juifs, qui ont subi tant de persécutions et d’humiliations à travers l’histoire, et qui viennent de connaître, au cœur du vingtième siècle, une tentative d’extermination totale, comment leur expliquer qu’ils doivent demeurer attentifs aux souffrances des autres ? Et les Arabes, qui traversent aujourd’hui la période la plus sombre e la plus humiliante de leur histoire, qui subissent défaite sur défaite des mains d’Israël et de ses alliés, qui se sentent bafoués et rabaissés dans le monde entier, comment leur expliquer qu’ils doivent garder à l’esprit la tragédie du peuple juif ? »

« Les guerres ne se contentent pas de révéler nos pires instincts, elles les fabriquent, elles les façonnent. Tant de gens qui se transforment en trafiquants, en pillards, en ravisseurs, en tueurs, en massacreurs, qui auraient été les meilleurs êtres du monde si leur société n’avait pas implosé… »

« Longtemps l’idée de révolution était l’apanage des progressistes, et un jour elle a été captée par les conservateurs. »

« "C’est l’Occident qui est croyant, jusque dans sa laïcité, et c’est l’Occident qui est religieux, jusque dans l’athéisme. Ici, au Levant, on ne se préoccupe pas des croyances, mais des appartenances. Nos confessions sont des tribus, notre zèle religieux une forme de nationalisme…"
"Et aussi une forme d’internationalisme", ajoute Adam.
"C’est les deux à la fois. La communauté des croyants remplace la nation ; et dans la mesure où elle enjambe allègrement les frontières des Etats et des races, elle se substitue aussi aux prolétaires de les tous pays qui, paraît-il, devaient s’unir." »


L'auteur, lettré francophone gardant un vif attachement à la culture arabo-chrétienne, transparaît dans le personnage central du roman, et son point de vue narratif relie les notes et extraits de correspondance de ce dernier. Ce procédé un peu bancal permet au moins une lecture aisée et finalement agréable de l’exposé clair, explicite.
Je dois confesser qu’une certaine impression me gêne à la lecture des romans d’Amin Maalouf, un a priori peut-être, difficile à décrire : comme quelque chose de convenu, d’artificiel et de banal dans le style comme le contenu, en-deçà de la mièvrerie mais qui entache spécialement son rendu des rapports humains.
Nota bene, cette fois les extraits que j'ai retenus me semblent plus objectivement représentatifs de l'oeuvre...

« Tout homme a le droit de partir, c’est son pays qui doit le persuader de rester ‒ quoiqu’en disent les politiques grandiloquents. […]
C’est d’abord à ton pays de tenir, envers toi, un certain nombre d’engagements. Que tu y sois considéré comme un citoyen à part entière, que tu n’y subisses ni oppression, ni discrimination, ni privations indues. Ton pays et ses dirigeants ont l’obligation de t’assurer cela ; sinon, tu ne leur dois rien. Ni attachement au sol, ni salut au drapeau. Le pays où tu peux vivre la tête haute, tu lui donnes tout, tu lui sacrifies tout, même ta propre vie ; celui où tu dois vivre la tête basse, tu ne lui donnes rien. Qu’il s’agisse de ton pays d’accueil ou de ton pays d’origine. La magnanimité appelle la magnanimité, l’indifférence appelle l’indifférence, et le mépris appelle le mépris. Telle est la charte des hommes libres et, pour ma part, je n’en reconnais aucune autre. »


Mots-clés : #amitié #exil #guerre
par Tristram
le Ven 3 Nov - 19:04
 
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Sujet: Amin Maalouf
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Juan José Saer

Grande fugue

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Parti du jour au lendemain de Santa Fé, Gutiérrez revient dans la ville de sa jeunesse après avoir vécu de nombreuses années en Europe. Il s’achète une maison et fait la connaissance de Nula, philosophe amateur et marchand de vin, de trente ans son cadet. Entre eux une amitié se noue. Chacun à sa manière cherche à revisiter le passé : Gutiérrez voudrait retrouver le monde de sa jeunesse, Nula cherche à comprendre un épisode trouble et opaque qui a eu lieu cinq ans auparavant et auquel est mêlée Lucía, la fille de Gutiérrez. À leurs côtés, Gabriela et Soldi, qui font des recherches sur un mouvement littéraire provincial des années cinquante, le précisionnisme, ainsi que les personnages des autres romans de Juan José Saer. Du mardi au dimanche, entre la rencontre de Gutiérrez et de Nula et un grand déjeuner, tous vont pratiquer l’art de la conversation et des non-dits, et compléter des épisodes mentionnés dans les livres précédents – ou en révéler de nouveaux : amours cachées, morts tragiques, mensonges, compromissions, secrets érotiques, vie de bohème, répression militaire. Tout ce qui agite l’univers romanesque saerien revient dans cette Grande Fugue majestueuse, culmination d’une œuvre immense qui marque, après Borges et Onetti, le renouveau de toute la littérature latino-américaine et compte parmi les plus séduisants projets de la création littéraire contemporaine.

(Seuil)

Roman posthume et inachevé (juste une phrase pour le dernier chapitre), cette grande fugue (beethovenienne) reprend les personnages et scenarii de ses œuvres précédentes (et il faudrait sans doute la lire après celles-ci). Sur une semaine (soit sept chapitres), s’entrecroisent donc vie courante (dans l’ombre portée de la dictature encore récente) et évocation du précisionnisme passé jusqu’à l’asado (équivalant du BBQ argentin, ou parrillada) qui réunit tous les protagonistes.

« La spécialité du précisionnisme consistait à combiner les formes poétiques traditionnelles avec le vocabulaire scientifique. »


Longues phrases de descriptions paysagères cinématographiques (notamment le fleuve), météorologiques (l’été s’attarde, comme dans L’enquête) et psychologiques (assez proustiennes : ici aussi, les personnages sont des lieux de passage pour les différents devenirs). Les répétitions, reprises de séquences (avec variations), sont significatives (l'auteur a-t-il lu Kierkegaard ?). Les notations philosophiques de Nula (thèmes du désaccord intérieur-extérieur, de la répétition, du devenir continu) constituent des fragments d’essai(s) qui éclairent sur les propos de la prose de l’auteur :

« Durant quelques secondes, la surface plombée et légèrement ondulée absorbe les pensées de Nula, et dans chacune des vaguelettes hérissées, identiques, en mouvement continu, qui se dressent en formant un relief qui, plutôt qu’une courbe, représenterait plus précisément un angle obtus, il lui semble assister à la représentation visible du devenir qui, de s’exhiber parfois dans ce qui advient au travers de la répétition ou de l’immobilité trompeuse, donne à nos sens grossiers l’illusion de la stabilité. Pour Nula, qui de nombreuses fois chaque jour se surprend lui-même en train d’observer des exemples qui un jour lui serviront pour ses Notes [Notes pour une ontologie du devenir], l’île d’en face, formation alluviale, est une bonne preuve du changement continu des choses : le même mouvement constant qui l’a formée l’érode peu à peu, la faisant changer de dimension, de forme, de lieu, et l’aller et retour de la matière et des mondes qu’elle fait et défait n’est rien de plus, selon lui, que l’écoulement, sans direction ni objectif ni explication connue, du temps invisible qui, silencieux, les traverse. »

« Chacun des éléments de l’histoire [contes pour enfants], heureux ou dramatique, moral ou immoral, amusant ou cruel, possède la même valeur, en fait partie, est l’histoire tout entière et pas seulement une de ses parties, et les passages les plus intenses n’auraient aucun sens, et pas non plus la capacité de nous émouvoir, si les transitions, qui parfois peuvent paraître superflues, ne les soutenaient pas. »

« …] c’est quoi un roman ? […] Le mouvement perpétuel décomposé. […] Bien sûr, dans le sens d’exposer sous forme analytique et statique ce qui en vérité est synthétique et dynamique. »

« …] Nula pense que, bien que tout se ressemble, rien ne se répète jamais et que depuis le début des temps, quand le grand délire a commencé son expansion, chacune des pousses dans lesquelles il reverdit, se renouvelant pour se flétrir à nouveau sans délai, quand elle survient, est unique, flamboyante, inédite et éphémère : l’individu n’incarne pas l’espèce, et la partie n’est pas une partie du tout, mais une partie seule, et le tout à son tour est toujours partie. Il n’y a pas de tout, le merle qui chante avant l’aube chante pour son propre compte. Personne ne l’a entendu avant cette aube, et son chant de la veille, qu’il ne se rappellera pas lui-même avoir chanté et qui ressemble tellement à celui du jour précédent, si on l’écoute bien, montrera clairement ses différences. »


Gutiérrez, devenu scénariste en Europe lors de son long exil volontaire de plus de trente ans, en a ramené une critique amère, notamment de la publicité (il est réservé une grande place au supermarché local dans le livre, et les annonces de l’agence immobilière MORO sont récurrentes) :

Tag amitié sur Des Choses à lire - Page 4 Grande12


Au long cours de ce livre, outre une petite énigme (mystérieuse configuration aux quatre côtés d’un pâté de maisons), des scènes érotiques, de l’amitié, des vins fins, des couleurs contrastées comme en couverture, on trouvera aussi nombre de sensibles observations et réflexions :

« "Le passé, pense Nula, la plus inaccessible et lointaine des galaxies éteintes qui s’obstine à nous envoyer encore, trompeur, son éclat fossilisé." »

« Sur le moment Gabriela comprend que la mère et la fille représentent, non seulement un ordre qui se manifeste dans la succession, mais aussi une continuité vers l’intérieur et l’extérieur. La répétition, pense Gabriela, n’existe pas, bien sûr, parce que la fille, même si elle paraît identique à sa mère, en grandissant vers l’extérieur, ajoute quelque chose de nouveau au monde, quelque chose qui auparavant n’a jamais existé, parce qu’il n’y a pas deux fractions de temps qui soient semblables et, à cause de cela, la simple accumulation change tout, le présent, le passé et le futur ; dans l’extérieur, la fille intériorise la mère dont elle s’est séparée. Et un jour, grâce à cette intériorisation, elle la projettera de nouveau dans le monde. »



mots-clés : #amitié #creationartistique
par Tristram
le Ven 18 Aoû - 3:35
 
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Sujet: Juan José Saer
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