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La date/heure actuelle est Lun 13 Mai - 8:54

141 résultats trouvés pour Biographie

Lydie Salvayre

Hymne

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Hymne_10


Le cri que Hendrix fit entendre à Woodstock, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, ce cri continue aujourd’hui de crier et de défier le temps. C’est cela surtout que je voudrais dire à propos de The Star Spangled Banner. Qu’il fut un cri, un cri libre, un cri de refus, un cri de refus qui concentra tous les refus d’une jeunesse que l’avidité, la brutalité et le prosaïsme de la société d’alors révulsaient jusqu’à la nausée, un cri dont l’impact, quarante années après, vient encore fissurer la gangue de nos cœurs.
C’est ça que je voudrais dire dans ma lourdeur, plutôt que de verser dans cette admiration inoffensive et pieuse à laquelle je cède parfois, dans cette sanctification sans effets ni pouvoirs dont la musique de Hendrix est devenue souvent, me semble-t-il, l’objet.


Ce passage m’interroge. Lorsque j’avais créé une sorte de sous-fil dans le fil « Juke Box » consacré à Woodstock (pour ceux qui ont suivi  Very Happy ), je voulais le conclure par Hendrix. Il est bien évident, pour moi en tout cas, que la prestation de ce musicien à la fin du festival, et pas seulement The Star Spangled Banner, mais tout le concert, n’est pas comparable aux autres intervenants de ces trois jours, aussi bons fussent-ils. Hendrix est au-delà, dans une dimension propre, qu’on appelle habituellement le génie, sans définir clairement ce dont il s’agit.
J’aurais voulu mettre un autre passage que le fameux Star car, comme le souligne Lydie Sallenave, c’est un passage tellement connu qu’il finit par ne plus faire sens, un peu comme la Joconde en peinture. Il était donc urgent de réécouter vraiment ces 3mn 43 étonnantes, ce n’est pas le moindre qu’offre ce livre.

Hymne est un hymne à un homme, torturant, malaxant un hymne national pour le transformer en hymne de toute une génération. C’est une sorte de chant d’amour, avec sa virulence, ses excès, loin d’une biographie ou d’une hagiographie béate, mais un vrai cri du cœur, puissant et vrai. Ce caractère gommera aisément quelques digressions qui auraient pu être évitées. Le style a tout pour séduire… ou agacer ! Conçu comme un chant, avec ses redites, son insistance, Il peut paraître parfois d’un lyrisme excessif, mais l’auteur s’en explique :

La musique d’un seul entra en chacun et en chacun se ramifia, et en chacun elle fut comme une vague qui rejoignait la mer commune. Voilà qu’à nouveau je m’exalte et prends, malgré moi, ce ton pompeux et emphatique qui chez les autres m’insupporte. Qu’est-ce donc qui me pousse à ce ton ? Es-ce mon désir excessif de transmettre ce qui me semble relever du miracle et que je ne parviens pas à dire autrement que dans une prose exaltée ? Est-ce mon aveuglement amoureux devant la musique de Hendrix ? Ou le désir de me convaincre que cette communauté dont je loue ici le surgissement, ne fut qu’illusoire ?


Ce que je crus voir… ce que je voulus voir fut cet avènement exceptionnel après lequel nous courrons tous, l’avènement de cette vieille utopie dont nous causons avec des airs éminemment philosophiques : être soi-même et tous.


Ce noir qui avait le cœur déchiqueté, leur apporta une musique d’une violence et d’une douceur incomparables, une musique plus farouche et plus douloureuse que toutes celles qu’ils avaient entendues jusqu’ici, une musique bien plus sophistiquée, plus retorse, plus indolente, et en même temps plus sauvage.


Etant un inconditionnel de la musique de Jimy, je ne suis pas un lecteur impartial, mais j'ai bien aimé la franchise, la sincérité admirative de Lydie Salvayre
Dernier mot à la musique avec Purple Haze que Hendrix enchaîna à The Star Spangled Banner. Il fut vraiment exceptionnel ce jour là cheers



mots-clés : #biographie #musique
par ArenSor
le Lun 29 Oct - 16:36
 
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Sujet: Lydie Salvayre
Réponses: 15
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Lydie Salvayre

Je demande pardon pour ce commentaire beaucoup trop longue, mais je ne savais pas quoi couper...:

Lydie Salvayre – Pas pleurer

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Pas-pl10


REMARQUES :
La narratrice raconte à partir des souvenirs et récits de sa mère de 90 ans, en l’an 2011. Sa mère, Montse, a quasimment tout oublié de ce qui s’est passé à partir d’un certain moment, mais de l’été 1936, elle se rappelle à merveille et enthousiasme, peut-être les semaines les plus marquantes de sa vie. Ayant grandi dans un village de la Catalogne, il vit les événements de cet été : la république de quelques années souffre et peine. Et peut-être le lecteur, tout comme moi, découvre avec un peu d’étonnement que les événements, les protagnistes, les partis impliqués étaient plus compliqués comme on ne pensait. Alors l’écrivain ne va pas écrire un « épos » de toute la guerre civile, mais la description de la vie de sa mère, sa famille, son mari, leur village, l’escapade de courte durée vers la ville voisine, marquée par des forces libertaires, anarchiques, animée d’une euphorie sans nom – tout cela va exemplairement parler des multitudes des attitudes et de vécus possibles.

Alors le roman (ou est-ce un récit?) va parler des pauvres paysans et des proprietaires plus prospères ; d’une pieté bigotte ou vieille ici (dans la personne d’une tante de Diego, personnage terrible), et d’une forme de haine et de refus des riches et de la hierarchie ecclesiastique (soutenant l’ordre sociétale existant) par certains pauvres, plus ou moins politisés. Certains alors appartiennent au PC qui de par son association avec l’ordre et aussi l’URSS fait d’abord peur. Diego, homme adopté (ou plus que ça?) par un couple plus aisé, Don Jaime et Dona Sol, appartient justement au Parti. Plus tard il deviendra « maire » du village et aussi, après maintes péripéties, le mari de Montse. Mais celle-ci était plutôt proche de son frère José, son ami Juan, qui sont mus par les idéaux libertaires et anarchiques d’un Bakounine.  C’est avec eux que Montse, née en 1921, va aller en ville et vivre une courte période d’une euphorie incroyable dans une atmosphère de partage, de liberté... Elle ne l’oubliera jamais. Mais elle en revient enceinte, sans idée sur plus que le prénom du père français, poète et volontaire, partant pour le front après une nuit passionnelle d’amour... Après des arrangements un mariage est convenu avec Diego, qui semblait si loin...

De village en village les constellations étaient différentes. Et règnaient partout des tensions plus ou moins grandes entre les fractions, les partis, les partisans. Dans notre récit les tensions sont encore dramatisées (mais cela était probablement vrai partout...) par l’existance de celles-ci à l’intérieur d’une même famille. Là on a par ailleurs une des explications pour l’extrême gravité des combats dans une même societé, d’une guerre civile...

Cette partie est largement prédominante, mais on y trouve de temps en temps la référence à l’écrivain Georgres Bernanos qui vivaient à l’époque déjà depuis quelques années à Palma/Mallorque. Lui qui étaient de par son éducation peut-être plutôt porté vers une foi catholique plus traditionnelle, et qui avait même un fils engagés au début (il lâchera dans la suite) chez les phalangistes, va connaître une conversion de plus en plus aigue vers une expression forte de ses observation sur les massacres perpetrés sur l’île. Il s’y montre rapporteur de ces massacres, largement tus à l’époque, ET un attaqueur sans relâche de la lâcheté et la prise de position redoutable et compremettante de l’église catholique, au moins dans une très large partie de son episcopat. Il écrivait alors un pamphlet « Les cimitières sous la lune » (il faisait par là allusion aux éxecutions nocturnes) virulent, clair, sans compromis.

De coté chrétien, c’est quasiment lui-seul qui trouve la grâce dans les yeux de Salvayre qui se concentre sur l’hierarchie, pensant peut-être que c’est le tout de l’église … ?! Et elle a certainement raison : ce qui s’est passé comme cecité, unilaterisme, prise de position inacceptable est detestable et triste. Peut-être Salvayre ne cite pas les contre-exemples. Il me semble vrai qu’une certaine forme d’incompréhension compréhensible peut susciter de son coté un espèce de haine. Son desarroi et sa peine sont exprimés avec véhémence, aggressivement, avec de la polémique. En ceci elle ressemble un peu à Bernanos, lui-même pamphlétaire. Mais néanmoins... croyant, et s’exprimant justement comme croyant.

C’est au cours de l’oeuvre, plus tard, qu’on trouvera mentionné aussi les atrocités commises  de « l’autre coté ». C’est même ce qui fera douté José et Juan du bien fondé de leur lutte.

L’auteure utilise différentes styles, perspectifs : des parties d’un point de vue de Bernanos ; des longues passages de narration avec Montse dans la troisième personne comme protagoniste ; soit dans les narrations de sa mère même où elle raconte dans sa façon inimitable : ici apparaissent des hispanicismes, un français influencé et « massacré » par l’origine de Montse. On y trouve aussi des mots entiers, voir des phrases entières, en espagnol. Ceci peut desorienter le lecteur, malgré une certaine proximité des langues. Est-ce qu’on aurait pu mettre des notes avec les traductions ? Mais en soi je trouvais l’usage de cette forme de style intéressant, voir drôle. Connaissant certains Catalans, Espagnols vivants en France, je retrouvais leur façon de parler... Certaines phrases se terminent en suspension : il faut s’imaginer soi-même comment cela allait se terminer (pas toujours difficile).

Le livre peut bien donner à beaucoup un accès nouveau, voir insoupçonné, aux données historiques -  comme par exemple la complexité des différents partis engagés etc - autour de la Guerre civile espagnole. Il faut peut-être s’adapter à certains aspects de la langue de Salvayre, mais je la trouvais variée, vivante et innovative (en partie), jouant avec différents perspectifs et styles. A coté d’une forme d’inventaire de la situation politique par l’exemple de personnes concrètes, ce roman est aussi le témoignage d’une femme, la mère de Lydie Salvayre, qui a vécu des événements de grande portée. Comme tellement de victimes, réfugiés etc du XXème siècle.

Observation qui me venait à l’esprit: A quel point l’importance d’un laps de temps extrêmement court (ici : env une semaine dans une ville libertaire) est sans mesure par rapport à la longueur, la durée de la vie. Comme si l’essentiel, un essentiel peut se concentrer dans un minimum de temps et revêtir une influence peu soupçonné. Donc, nous faut-il de la patience dans notre vie pour atteindre ces moments cruciaux, ces instants d’accomplissements, de bonheur absolu ? Montse dira même qu’elle échangerait ces quelques jours contre le restant de sa vie...




mots-clés : #biographie #guerredespagne
par tom léo
le Sam 13 Oct - 22:40
 
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Sujet: Lydie Salvayre
Réponses: 15
Vues: 1206

Catherine Cusset

J'ai lu 2 fois "Le problème avec Jane" qui a un charme particulier, puisque je l'ai relu, ayant oublié à chaque fois , à l'issue de la lecture, pourquoi ça avait été agréable.

Je suis tombée sur :

Vie de David Hockney

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Index12


Lu en quelques heures un soir d'orage. Bon. Je suis absolument séduite par le peintre Hockney, mais vrai-ment. Alors, qu'est-ce que cette lecture m'a apportée ?

Pourquoi Hockney ?
Je ne l'ai pas rencontré. Il est étrange de s'emparer de la vie de quelqu'un de vivant pour en faire un roman. Mais c'est plutôt lui qui s'est emparé de moi. Ce que j'ai lu sur lui m'a passionnée. Sa liberté m'a fascinée. J'ai eu envie de transformer une matière documentaire qui laissait le lecteur à l'extérieur en un récit qui éclairerait son trajet de l'intérieur en s'en tenant aux questions essentielles, celles qui nouent l'amour, la création, la vie et la mort. Ce livre est un roman. Tous les faits sont vrais. J'ai inventé les sentiments, les pensées, les dialogues. Il s'agit plus d'intuition et de déduction que d'invention à proprement parler: j'ai cherché la cohérence et lié les morceaux du puzzle à partir des données que j'ai trouvées dans les nombreux essais, biographies, entretiens, catalogues, articles publiés sur et par David Hockney. [avant-propos de Catherine Cusset]

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 871710

conséquemment, j'ai lu d'une traite avide, je connais un peu sa biographie, un peu aussi ses démarches artistiques, le parti prit de cusset est de prendre la vie personnelle du peintre comme fil, qu'elle remonte chronologiquement .
Si la part fanatique en moi aura apprécié remariner dans  le corpus sémantique lié à l'homme que j'aime tant, la part sensée en moi aura vite trouvé intéressant que cette faiblesse de fan soit démontée : peu à peu ma vraie soif de connaissance s'essouflait de ne rien y trouver de neuf, tandis que ma soif stupide de "people info" se tarissait noblement.
Noblement car, enfin,m'a paru profondément indécent le sentimentalisme de cusset, indécent, râté, passeur, mais à peine, des vraies forces qui semblent animer la démarche de Hockney. J'avais honte d'avoir rêvé m'abreuver à une autre mamelle qu'à celle du peintre. J'ai quand même quelques infos de plus, pas inintéressantes, qu'il aime Wallace Stevens **, qu'il a porté un tee shirt imprimé d'un "I Kno Im Right" devant ses détracteurs, lors d'un dense colloque autour de sa thèse sur les chambres optiques dans l'histoire de la peinture, j'ai gagné aussi une aptitude, c'est vrai, plus grande à articuler les  étapes de ses recherches graphiques à sa vie personnelle, mais c'est tout. c'est mal écrit, ça traduit, reformule, mal qui plus est, ce qu'Hockney ne cesse de transmettre brillamment dans ses nombreux entretiens et livres théoriques. Un livre à lire si on ne le connait pas dutout, pour donner envie d'en savoir plus, mais un livre très dilué de l'essence qui y préside.

sur Wallace Stevens ** :
[...] un poème de Wallace Stevens inspiré par un tableau de Picasso. Le poème était très long, composé de trente-trois strophes qui, lues par la voix grave de Henry, berçaient David et le transportaient très loin de l'île du plaisir et du fracas des plongeons. La première strophe l'avait particulièrement frappé : «Ils lui dirent : "Ta guitare est bleue. Tu ne joues pas / Pas les choses comme elles sont." / Il rétorqua : "Les choses comme elles sont / changent quand on joue sur une guitare bleue." » D'autres vers retinrent son attention : «Je ne peux pas présenter un monde vraiment rond / même si je le rapièce comme je peux.» Ou bien : « La couleur est une pensée qui grandit / à partir d'une humeur ...» Et la fin était très belle : « De jour nous oublierons, sauf quand / nous choisirons de jouer / Le pin imaginé, le geai imaginé.»[...]


Lisez Hockney ! Il est drôle, sensible, passionnant. Mais pas cet hommage. Ou ce sera vraiment par passion pour l'imparfait du subjonctif.

Il avait trouvé. Il allait peindre un arbre, tout simplement. Aussi grand que nature. Ce serait le coeur du tableau- au lieu de la route, comme dans ses toiles représentant des trajets. L'arbre était un héros. Il servait humblement l'homme en captant l'oxygène, en le chauffant de son bois, en lui donnant de l'ombre. Il incarnait le cycle de la vie en se couvrant tour à tour de bourgeons, de feuilles, de fleurs, de fruits, de neige. Aucun arbre n'était identique à un autre.

Râté totalement, poulette. Mais les avis sur Babelio me prouvent que ce roman contribue malgré tout à faire découvrir et aimer l'artiste, alors, alors merci quand-même.Mais pourvu que ton roman ne fasse omettre le public d'aller à la source si accessible et chatoyante du verbe de Hockney.



mots-clés : #biographie #creationartistique
par Nadine
le Mar 9 Oct - 9:57
 
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Sujet: Catherine Cusset
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Christian Dedet

Le Secret du Dr Bougrat ‒ Marseille-Cayenne-Caracas L’aventure d’un proscrit

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Le_sec10

Première partie, le Dr Bougrat est accusé du meurtre de Rumèbe, mort dans son cabinet ; l’histoire est vraie, mais on a bien sûr la version de l’auteur, farouchement convaincu que son héros soit innocent (ce qui semble être le cas). Et il serait rassurant que l’erreur judiciaire soit toujours aussi grotesque. Le spectacle est toujours aussi stupéfiant des avocats (dé)passant de l’éloquence à l’outrance jusque l’enflure. Ici l’avocat général :
« Ombre de Rumèbe, apparais dans cette enceinte ! Dresse-toi devant cet individu ! Fantôme pitoyable dont les restes mortels, par les faits de ce lâche, demeurent sans sépulture, pardonne à la justice qui fut obligée d’envoyer de Marseille à Lyon tes viscères putréfiés ! »

Deuxième partie, le bagne de Saint-Laurent-du-Maroni, et l’évasion dans la malédiction de « l’enfer vert », reconstitution assez juste quoique entachée d’exagération, avec quelques approximations et beaucoup de poncifs.

Troisième et dernière partie, le Venezuela où le fuyard se signale comme médecin des pauvres et notable qui fonde une famille dans ce beau pays, autrement victime de la malédiction du pétrole et des dictatures...

Une certaine grandiloquence tendant vers l’invraisemblable (lors du procès, des experts sont catégoriques), un ton mélodramatique style Dumas père, Maurice Leblanc (cités) ou Eugène Sue, mais sans maestria ni surtout originalité, desservent ce livre.
L’impression de rebattu qui m’a ennuyé peut être due à tant de livres lus sur l’histoire et la géographie de la région, mais j’ai nettement plus apprécié La Mémoire du fleuve (qui se passe en Afrique équatoriale, que je connais moins).
« Plus tard, j’ai compris ce qui différencie un cauchemar de l’horreur de vivre. Du cauchemar, l’homme se réveille sauf. Pour moi, il n’y eu pas de réveil. »



mots-clés : #aventure #biographie #criminalite #historique #justice
par Tristram
le Jeu 4 Oct - 0:14
 
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Sujet: Christian Dedet
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Pascale Fautrier

Pascale Fautrier et son livre : Hildegarde de Bingen, un secret de naissance

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 97822210

L'ouvrage de Pascale Fautrier a bénéficié d'une documentation abondante de la part de cette universitaire mais aussi comme dit précédemment des travaux poussés de l'historien Franz Staab, ce dernier ayant débroussaillé le terrain en établissant l'origine d'une lignée noble d'Hildegarde. Pascale Fautrier précise le lignage de haute volée de cette future sainte établie Docteure de l'Eglise par le Pape  (Allemand, ce qui n'est pas anodin) Benoît XVI en 2012.
Elle se livre dans cet ouvrage à une veritable enquête historique sur les origines de la future abbesse, dénonçant les erreurs commises jusque là par les historiens qui l'ont précédée dans ces recherches, notamment Florence Pernoud qui s'était attachée à en faire une "petite abbesse" inconnue une grande partie de sa vie, faisant de son couvent des bords du rhin un lieu "obscur", Fautrier démontre  que l'abaissement de la condition sociale d'Hildegarde de Bingen par Florence Pernoud relève d'une intention hagiographique et d'héroïsation féministe, en minorant le rôle et la place d'Hildegarde elle déguise la vérité pour lui attribuer une "grandeur miraculeuse".
Ainsi de cette phrase de Florence Pernoud : "Le Pape lisant devant cette immense assemblée l'oeuvre de la petite religieuse (sic) jusqu'alors inconnue (sis), sauf de son entourage proche, c'est un spectacle surprenant". Elle démontre que le comportement de Pernoud relève d'une lutte contre l'historiographie misogyne des XIX et XX° siècles niant le fait que de grandes figures de femmes puissantes aient existé dans l'histoire. Mais cette attitude tend à minorer socialement et psychologiquement l'existence de ces femmes, on combattrait la subalternité des femmes en les transformant en des subalternes..? Rétablir la vérité, la réalité de l'oeuvre, de la vie, de la naissance, des origines de Hildegarde de Bingen tel est le principal but de ce livre.
L'oeuvre elle même d'Hildegarde est abordée, mais pour la relier à ce qui a fait d'elle ce personnage, ainsi une hypothèse : le penchant d'Hildegarde pour l'étude, la connaissance des plantes viendrait de la branche familiale d'origine Souabe (les Souabes ont été un peuple barbare animiste des IV et V° siècles, lorsque Hildegarde vivait quatre ou cinq siècles ce n'était pas grand choses, changer de mentalités à ces époques ne se faisait pas en quelques générations. Hildegarde apparentée au carolingiens, aux capétiens, aux familles du Saint Empire Romain Germanique n'avait rien à voir avec une petite inconnue de basse condition.
Ce livre nous livre une foultitude de renseignements sur cette époque contemporaine des croisades, des batailles au sein de l'église, de la naissance d'un empire germanique (dont le folklore nazi s'est par la suite inspiré)
On pourrait disserter des heures sur ce bouquin que je vous recommande de lire, surtout aux férus d'Histoire, vous ne serez pas déçus, c'est de l'histoire documentée et non romancée comme de nombreux "historiens" de notre époque se font les chantres abusifs...


mots-clés : #biographie #conditionfeminine #historique #moyenage
par Chamaco
le Jeu 27 Sep - 18:15
 
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Sujet: Pascale Fautrier
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Simonetta Greggio

Elsa mon amour

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 S_greg10


« Quand je regarde derrière moi, on dirait que je me raconte une histoire. Qui était cette enfant qui dormait avec les chats errants, qui réinventait sans cesse les vêtements et les objets, la laideur m'a toujours mise de mauvaise humeur, cette fillette qui ne jouait avec les autres enfants que lorsqu'elle pouvait les mettre en rang et leur faire la classe ? » Elsa Morante, née à Rome le 18 août 1912, est écrivain, poète et traductrice. Elle épouse Alberto Moravia en 1941, mariage qui durera jusqu'à sa mort le 25 novembre 1985. En 1957, avec L'Île d Arturo, elle est la première femme récompensée par le prix Strega. La Storia, publié en 1974, figure dans la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps. Ce roman, intime et sensuel, redonne sa voix à Elsa Morante. Ce roman est l'histoire de sa vie.

quatrième de couverture


En écoutant le Concerto n°24 de Mozart...

Simonetta Greggio nous dévoile la vie d'Elsa Morante comme un tableau impressionniste : par autant de petites touches que de chapitres. Tantôt, poétiques, images de la nature et de la relation d'Elsa avec les animaux et les plantes qui l'entourent donc pleines de douceur et de couleurs et de sensations, tantôt terriblement humaines dans les relations que cette même femme choisit de nouer ou de dénouer avec ceux qu'elle croise au cours de sa vie.

Ce qui est frappant, cependant, c'est sa solitude - elle avoue elle-même parfois la provoquer - et le manque d'Amour vrai qui caractérise son existence. Peut-être Bill, cependant...


J'ai aimé retrouver l'écriture de Simonetta Greggio , dans cette biographie qui m'a menée vers d'autres envies de découvertes "livresques" et autres - le roman est riche de références culturelles et historiques de toutes sortes à propos d'une époque - un peu, comme j'avais été entraînée vers d'autres "Italie " à la lecture de son roman Dolce vita. J'ai d'ailleurs déjà deux livres d'Elsa Morante qui m'attendent ! Et je souhaite vivement être aussi emportée par leurs lectures et aussi passionnée que ne l'est Simonetta Greggio quand elle évoque cette femme entière qu'a été Elsa Morante.

mots-clés : {#}biographie{/#}
par Invité
le Dim 2 Sep - 14:34
 
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Sujet: Simonetta Greggio
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James McBride

Mets le feu et tire-toi

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Mets-l10

L'idée de départ de faire une biographie  sur James Brown, "le parrain du soul", avec un point de vue neuf, une biographie écrite par un Noir du Sud, comme lui, quelqu'un de mieux à même de le comprendre.
Vous connaissez mes carences musicales, je n'en avais jamais entendu parler. C'était une bonne occasion de faire sa connaissance, et j'ai eu une pensée pour igor, évidemment.

Ce qui est spécifique là-dedans, c'est de mettre en avant ces jeunes musiciens noirs à l'enfance miséreuse, menés à la musique par le biais de la musique religieuse, qui ont réussi à se faire une place dans le show-biz, entreprise blanche, perverse, impitoyable. Et de montrer ce qu'il leur a fallu, en plus du génie musical, de persévérance, de courage, de ténacité, de souffrances, bien plus qu'aux autres. Comme même adulés,ils étaient méprisés.

James Brown était un génie musical, un homme de bien (il a encouragé la scolarisation des enfants,  légué toute sa fortune aux enfants pauvres du Sud, blancs et noirs confondus) mais aussi un tyran, un homme fantasque et autoritaire. Un solitaire. On ne l'apprend pas ici par une biographie classique, chronologique, analytique, mais à travers des rencontres de l'auteur avec diverses personnes qui ont traversé sa vie. De ce fait, certains points sont creusés et re-creusés (avec une prédilection pour les procédures juridiques de sa famille pour récupérer son héritage),  les répétitions doivent être admises, mais les trous sont béants. C'est un choix. C'est par moments épatant, mais, plus on avance dans le texte assez frustrant. Cela donne un imbroglio un peu fouillis,  le portrait est esquissé, on a l’impression de faire une connaissance assez superficielle avec ce grand homme, mais de passer à côté de beaucoup de choses.


mots-clés : #biographie #discrimination #musique
par topocl
le Sam 4 Aoû - 14:33
 
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Sujet: James McBride
Réponses: 10
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Etienne Davodeau

Les mauvaises gens

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Mauvai11

C'est l'histoire d'une époque faite de solidarité et d'optimisme. La vie n'était pas moins dure qu'aujourd'hui. Mais les ennemis et les obstacles semblaient plus identifiables.


De la sortie de la guerre à l'élection de Mitterand, Davodeau explore le parcours de ses parents, en leur compagnies, avec son œil crique d'enfant puis d'adulte. Leurs débuts sont écrits par la pauvreté, entre l'usine et l'église. Le curé des JOC les initie à l'action, à la recherche de l'émancipation. Toute leur vie se poursuit sous la double égide de la foi et du syndicalisme, dans la  lutte, la solidarité, et parfois  la victoire. Leur histoire est un miroir de l'évolution collective de tout le monde ouvrir  et des droits du travail
Avec humour, modestie et affection Etienne Davodeau, dans une impeccable scénarisation, mêle habilement histoire intime et collective pour ce portrait d'hommes et de femmes oubliés, d'une espèce quasi disparue, qui ont eu une importance cruciale.

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Planch10

Mots-clés : #biographie #documentaire #famille #mondedutravail #social
par topocl
le Dim 27 Mai - 14:45
 
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Sujet: Etienne Davodeau
Réponses: 10
Vues: 1659

Justine Augier

De l'ardeur

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Proxy_54

Justine Augier s'attache au personnage de Razan Zaitouneh, avocate dissidente, élément clé de la résistance syrienne, qui a été enlevée avec trois "comparses"en décembre 2013, on ne sait pas par qui, même si on a des doutes, et dont on est sans nouvelles. C'est l'occasion d'un portrait de ce qui se passe en Syrie, la très large répartition des exactions entre pouvoir en place, activistes, et islamistes.

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Proxy_55

Justine Augier le dit elle-même, elle n'a jamais été en Syrie, mais elle s'attache à cette icône de la liberté, ayant elle-même travaillé dans l'humanitaire, partageant ses idées à défaut de ses actions.

Elle livre un récit  sans doute volontairement éclaté, sans chronologie vraie, prenant ses distances avec les faits. il ne faut donc pas compter sur ce livre pour satisfaire l'espoir d'y comprendre enfin quelque chose sur la situation en Syrie, qui est présupposée comme acquise .  Il ne faut pas non plus attendre un portrait psychologique fin, on y trouvera plutôt une Razan Zaitouneh reconstituée par Justine Augier. Mais là encore, frustration, si l'auteur s’implique tout au fil du récit, on ne comprend guère  ce lien qu'elle revendique. C'est surtout l'importance du témoignage, plus que l’œuvre littéraire en elle-même, le devoir de mémoire immédiate, qui pousse à terminer le livre.

Un peu foireux donc, fouillis (brouillon?), plein d'enseignement malgré ses lacunes c'était évidemment une bonne idée, même si cela reste inabouti,  d'attirer notre attention sur cette femme emportée par un devoir qui n'admet aucune concession et sur le drame humanitaire de la Syrie.

Mots-clés : #actualité #biographie #captivite #guerre #insurrection #regimeautoritaire #violence
par topocl
le Ven 25 Mai - 11:21
 
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Sujet: Justine Augier
Réponses: 7
Vues: 1047

Renato Cisneros

La distance qui nous sépare

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Arton210

[Ce livre est un roman de fiction. L'intention de l'auteur n'est pas que les faits rapportés ici, ainsi que les personnages qui y apparaissent, soient jugés en dehors de la littérature.]


Parce que son père est mort mais ne le quitte pas depuis vingt ans, Renato Cisernos va à sa recherche dans ce roman sincère, douloureux et courageux. Une pierre de plus dans la mare des livres consacrés au père, une pierre qui déclenche des remous concentriques qui vont mettre un sacré temps à s'estomper.

Ce qui désormais vous désespère est de ne pas savoir. De ne pas être sûr, de ne faire que suspecter. L'ignorance et 'la détresse une intempérie : voilà pourquoi elle vous irrite,  vous étourdît et vous donne froid.Voilà pourquoi vous continuez à creuser. Pour savoir si vous avez bien connu votre père, ou si vous n'avez fait que le voir passer. Pour savoir à quel point les souvenirs éparpillés dans les réunions familiales d'après-repas sont exacts ou déformés. Pour savoir ce que cachent les éternelles anecdotes qui, répétées comme des paraboles, dessinent parfaitement la surface de toute une vie, mais ne révèlent jamais son intimité : quelle vie détachée se dissimule derrière les tables domestiques dont la seule finalité est de sculpter une mythologie que vous ne supportez plus, dont vous n'avez plus besoin car, en plus, elle ne vous sert à rien pour répondre aux silencieuses, monumentales et gênantes questions qui compriment a présent votre cerveau.


Luis Cisernos Visquerra, dit El Gaucho, a été général, Ministre de l'Intérieur, Ministre de la Guerre de plusieurs gouvernements militaires péruviens, porteur de plusieurs coups d'états, adversaire implacable, simultanément controversé et adulé du Sentier Lumineux.

le ministre le plus redoutable de cette époque qui était déjà elle-même redoutable.


Renato a vécu dans cette ombre arrogante , séductrice, autoritaire, enfant incertain et froissé, fasciné par ce père qu'il avait "besoin de conquérir".

L'auteur - outre son père, mais aussi comme lui - endosse plusieurs générations d'hommes fantasques, marqués par le destin, aux amours prolifiques et atypiques. Cette empreinte est là qui impacte les parcours et les émotions des générations successives.

A l'époque je l'ignorais, mais à présent je sais que l'histoire de mes parents (...)est l'histoire d'une passion triomphante, une passion qui s'oppose à l'ordre  établi et permet à un ensemble de mots moralement et culturellement sales comme infidélité, adultère, bigamie, illégitimité,de devenir - du moins pour moi - amical, propre, digne, sensible et humain. J'ai envie de serrer ces mots dans mes bras, de les recueillir comme des mendiants ou des chiens dans la rue, de les  revendiquer pour toutes les fois où quelqu'un les a repoussés, a préféré les laisser enfermés dans le fond de la caverne de leur biographie pour savourer des termes et des substantifs plus acceptables. Ces mots méprisés, évités comme s'ils étaient le synonyme d'insultes insolentes, d'une pourriture contagieuse, d'un péché abominable, ces mots ressemblant à des animaux nuisibles, ces mots que des multitudes de bouches et de mains ont écartés de peur de se voir contaminées par leur perversité, ces mots, dis-je, composent mon lignage, font parti de mon patrimoine, car ils nomment ce qui me constitue sans que je l'aie choisi, ce à quoi je ne puis échapper car ils ont nourri et élaboré ma présence dans le monde.


Mon arrière grand-père était un bâtard. Mon grand-père, un déporté. Mon père, un étranger. Trois hommes illégitimes et déracinés. trois hommes publiques qui défendaient leur réputation,leur hypersensibilité seulement dans l'intimité, seulement pour eux-mêmes, et qui reniaient leur origine bourrée de non-dits. D'abord ignorer puis enterrer les détails scabreux de leur provenance et vivre ensuite en tournant le dos aux intrigues de ce passé commun les conduisit à une errance de tous les instants à laquelle chacun tenta d'échapper à sa façon.


Veut-il confesser, dénoncer, minimiser, pardonner? Il se situe d'entrée de jeu dans un acte psychothérapeutique et ses chemins le mènent peu à peu  à un engendrement littéraire.

Dans ces pages, j'ai engendré El Gaucho, en donnant son nom à une créature imaginaire, afin de devenir son père littéraire. La littérature est  la biologie qui m' aura permis de le mettre en monde, à mon monde, en provoquant sa naissance dans la fiction.


C'est quoi être le fils d'un titan tyrannique et de l'aimer? C'est quoi de le connaître en homme et non en loup? de déterrer ses blessures jamais avouées, sa généalogie pathogène? Renato veut comprendre tout cela, avec une fureur déterminée, à sa façon à lui, il écrit donc un roman et non une biographie, un roman différent de celui qu'écriraient ses frères et sœurs (les enfants de sa mère et ceux que Luis a abandonnés pour créer cette deuxième famille), ses femmes et ses mantes, ses compagnons politiques ou militaires, ses opposants traqués, torturés et tués, tous auteurs possibles d'histoires différentes.

Il y a  des pages dont la sincérité est d'une audace profonde, qui m'ont étreint le cœur, dans leur intensité, dans leur douceur intime. L'analyse implacable,  toute en subtilité, de cet attachement parfois révulsé, laisse par moments la place aux rares épanchements de cet homme fermé et haïssable. Il ressort de cette enfance qu’elle fut malgré tout protégée, et cependant heureuse. Tout autant que son père, on apprend à connaître Renatio, ce jeune homme délicat et tourmenté, poète et journaliste,  nonobstant fier de son arrogant paternel,, d'une honnêteté et  d'une  fidélité touchantes envers son passé, sa mère, ses frères et sœurs, sa famille tentaculaire et son histoire, ce jeune homme qui raconte son amour désarçonné pour un homme non aimable, un amour marqué par cette  "distance qui [les] sépare" .

Par moment, je n'écoute plus ce qu'elle dit et me fixe sur ses yeux : deux lumières vertes et expressives sur lesquelles semble s'être renversé un triste sirop. Et je me dis qu'il existe des yeux dans le monde - pareils aux siens ou à ceux de mon père, peut-être aux miens - qui ne sauront jamais dissimuler


mots-clés : #biographie #famille #regimeautoritaire #relationenfantparent
par topocl
le Sam 17 Mar - 14:16
 
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Sujet: Renato Cisneros
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Antonio Skármeta

Une ardente patience

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C'est un petit livre tout à la fois charmant et grave, un conte moderne, qui, sous une approche poétique, facétieuse, dresse le portrait politique du Chili au  XXème siècle à travers la figure emblématique de Pablo Neruda.

Celui-ci s'est retiré à l'ïle Noire avec Matilde Urrutia, l'amour de sa vie, pour se consacrer au calme à la littérature. Mario, le jeune, facteur qui lui porte chaque jour des dizaines de lettres, arrive à l'approcher et dans sa naïveté sympathique, devient un ami  qui le relie au monde extérieur. Mario commence par apprendre ce qu'est une métaphore, vole quelques vers au Maître pour séduire sa belle, puis se met peu à peu à écrire ses propres vers. Tout le texte devient peu à peu une métaphore géante, dans un mécanise ingénieux et aérien.

Même si le monde est bien décidé à rattraper Neruda, envoyé par Allende en ambassade à Berlin, puis revenant mourir au moment du putsch, le livre reste d'une douceur amicale et plaisante. Les connaisseurs de Neruda y prendront sans doute un plaisir décuplé, car on se doute bien que le texte est truffé d'allusions, hommages et références à l’œuvre du poète.

mots-clés : #amitié #biographie #historique #humour
par topocl
le Sam 10 Mar - 10:13
 
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Sujet: Antonio Skármeta
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Emmanuel Carrère

D’autres vies que la mienne

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2009

Prix Cresus, Prix Marie Claire du roman d’émotion, Globe de cristal 2010, Prix des Lecteurs de L’Express

CONTENU :
Editions P.O.L. a écrit:À quelques mois d’intervalle, la vie m’a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d’un enfant pour ses parents, celle d’une jeune femme pour ses enfants et son mari.
Quelqu’un m’a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n’écris-tu pas notre histoire ?
C’était une commande, je l’ai acceptée. C’est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l’amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d’un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s’occupaient d’affaires de surendettement au tribunal d’instance de Vienne (Isère).
Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d’extrême pauvreté, de justice et surtout d’amour. Tout y est vrai.
E. C.


REMARQUES :
Ce premier événement se rapporte à la catastrophe du Tsunami, vécue en 2004 ensemble avec une autre famille (et beaucoup de ceux touchés, justement encore „d‘autres vies“) au sud du Sri Lanka. A peine quelques mois après la soeur de sa compagne meurt et laisse son mari et ses enfants. Elle avait été atteinte d‘un cancer, elle la juge.

Et justement Carrère parle de ces „autres vies“, mais comment ne pas se laisser atteindre lui-même dans sa chair, dans ses interrogations? Dans ce sens-là: pas juste une chronique neutre et distante, ou un roman fictif, mais un récit authentique, un va-et-viens entre déscriptions et sentiment, réaction, attitude.

Perte d‘êtres chers (une fille, une épouse et mère) – donc un sujet gravissime. Mais ces personnages, et tous autour, sont peints dans une telle humanité et dignité qu‘ils ne provoquent pas juste de tristesse, mais un sentiment de respect en moi.

Peut-être la description du coté professionnel des deux juges décrits est un peu trop étirée, trop technique dans certains détails. Mais au même moment elles aident à nous rapprocher d‘êtres concrets, aussi dans leur vie professionnelle.

Carrère donc, au milieu de ces récits d‘autres vies, est protagoniste, comme si souvent dans ces œuvres. Il est témoin, proche. Et il parle – ce qui le rend sympathique – d‘un processus d‘apprentissage. Alors ce qui pourrait un peu désorienter au début (mais pourquoi tant parler de lui-même s‘il veut parler des autres?) devient une forme de grande honnêteté et ouverture: ne pas se cacher derrière des formulations toutes faites, mais parler de ses sentiments, expériences contradictoires. Et de sa fragilité qui, chez Carrère, lui est inscrit dans le visage.

Et alors dans le contact avec „ces autres vies“, c‘est aussi la sienne qui se met en marche. C‘est quand même bizarre, ou étonnant, ou surprenant que la mort d‘autres, plus ou moins proches de lui, mènera sa vie peut-être pour la première fois vers une volonté de constance et fidélité dans ses propres relations qui au début du livre semblaient déjà tellement compromises.

mots-clés : #biographie #catastrophenaturelle #mort
par tom léo
le Dim 4 Mar - 16:05
 
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Sujet: Emmanuel Carrère
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Hélène Cixous

J'ai découvert Hélène Cixous par un chemin détourné, par les images. Le peintre a de quoi interpeller mais son texte à elle avait lui aussi tout pour se démarquer.

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Luc Tuymans, relevé de la mort de Hélène Cixous

J'en ai donc terminé la lecture (intermittente) et je confirme mes bonnes impressions de cette lecture sur un peintre qui m'intéresse mais que je connais peu. Une découverte au fil d'œuvres choisies et mises en mouvement par les sensation provoquées, essentiellement malaise et reconnaissance partielle. Une vraie découverte du peintre donc qui dépasse l'énumération de toiles et la biographie. Les thèmes sont suivis et enchainés autour de retournements de phrases, de mots (on pourrait citer le titre lui même pour commencer) et rattachés à un contexte culturel global, plutôt que des comparaisons contemporaines on assiste à un tissage choisi par citations avec Proust ou van Eyck. Par là-même ce qu'il y a de chronologie et de citations ou d'entretiens avec le peintre gagne en densité pour sortir de l'anecdotique.

Ca pourrait avoir l'air tiré par les cheveux dans la présentation très mobile et très poussée mais la précision des transitions et des thématiques et impressions qui durent tout le long du texte l'emporte facilement.

Forcément remarquable le lien particulier entre l'image "moderne mais pas que" et un sentiment d'histoire contemporaine (passée et en cours).

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mots-clés : #biographie #creationartistique
par animal
le Mar 27 Fév - 21:51
 
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Emmanuel Carrère

Limonov

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Biographie d’un personnage peu sympathique, surtout fasciné par la célébrité, envieux, narcissique, amoral, une sorte de quintessence de loser qui "réussit" ; il m’a paru déplaisant, même si on pense ou fait référence à Henry Miller, Bukowski ou Lou Reed. C’est un petit prolo, voyou, zonard, paumé et patriote, doublé d’une sorte de fier aventurier bourré d’énergie et prenant des risques à l’instinct pour échapper « à la misère et à l’anonymat. » (IV, 3) Il classe froidement les gens (y compris les femmes) ; l’échelle des valeurs va du misérable (qu’on méprise d’autant plus qu’on l’est soi-même) au succès social.

« Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends sur ce point mon jugement. » (Prologue, 4)


Cynique au pays des cyniques, Édouard Limonov est un brun-rouge, c'est-à-dire qu’il va du côté des forts, que ce soit la dictature fasciste ou le totalitarisme rouge. Il est devenu un va-t-en-guerre fasciné par l’héroïsme guerrier, en route pour rejoindre l’Histoire, et fonder le parti national-bolchevique (ou la rencontre des deux extrêmes, la contre-culture des parias) :

« Qui, des deux [Limonov et Douguine], a trouvé le nom du Parti national-bolchevik ? Plus tard, quand ils se sépareront, chacun le revendiquera. Encore plus tard, quand ils essayeront de devenir respectables, chacun en rejettera l’idée sur l’autre. En attendant, ils en sont enchantés tous les deux. Ils sont enchantés du titre qu’Édouard, nul ne le conteste, a trouvé pour leur futur journal : Limonka, la grenade. Pas celle qui se mange, bien sûr : celle qui explose. Ils sont enchantés, enfin, du drapeau qu’a dessiné sur une table de cuisine un peintre de leurs amis doux comme un agneau, spécialisé dans les paysages d’Ombrie et de Toscane. Ce drapeau, un cercle blanc sur fond rouge, évoque le drapeau nazi, sauf qu’en noir dans le cercle blanc, au lieu de la croix gammée, il y a la faucille et le marteau. » (VII, 3)


Un zek rescapé du Goulag comme Soljenitsyne ne mérite que mépris selon notre provocateur. À son sujet, on aimerait pouvoir croire Carrère lorsqu’il écrit :

« …] dès l’instant où un homme a le courage de la dire, personne ne peut plus rien contre la vérité. Peu de livres ont eu un tel retentissement, dans leur pays et dans le monde entier. Aucun, hormis dix ans plus tard L’Archipel du Goulag, n’a à ce point, et réellement, changé le cours de l’histoire. » (I, huit)


La vie de Limonov, beau spécimen d’adaptabilité, passe par toutes sortes d’expériences et de péripéties aux USA, en France et bien sûr en Eurasie, sans manquer la case "prison" (puis le bagne), où il trouve sa place, intégré comme chef de gang (son parti politique) et reconnaissant ses pairs les bandits, déployant enfin une certaine empathie, et s’accomplissant par la méditation.
Autrement, ce livre vaut, de mon point de vue, pour l’éclairage qu’il porte sur l’Histoire récente de l’Europe de l’Est, sur le choc de la disparation du parti communiste soviétique et de l’ouverture subséquente au marché (des oligarques). Aperçus du (des) peuple(s) laminé(s) par Staline :

« Ils [les démocrates] menaient un combat perdu d’avance dans un pays où l’on se soucie peu des libertés formelles pourvu que chacun ait le droit de s’enrichir. » (Prologue, 1)

« …] ça ne les empêchera pas de voter pour le parti au pouvoir parce qu’en Russie on vote, quand on a le droit de voter, pour le parti au pouvoir : c’est comme ça. » (VII, 6)

« Il est loin de chez lui, c’est la règle plutôt que l’exception en Union soviétique : déportations, exils, transferts massifs de populations, on ne cesse de déplacer les gens, les chances sont presque nulles de vivre et de mourir là où on est né. » (I, 1)

« Zapoï, c’est rester plusieurs jours sans dessoûler, errer d’un lieu à l’autre, monter dans des trains sans savoir où ils vont, confier ses secrets les plus intimes à des rencontres de hasard, oublier tout ce qu’on a dit et fait : une sorte de voyage. […]
…] ils ont dépassé les pentes ascendante et descendante typiques de la première journée d’ivresse, atteint cette plénitude sombre et têtue qui permet au zapoï de prendre son rythme de croisière. » (I, 4)


Aussi d’intéressantes réflexions sur le totalitarisme :

« Le privilège que saint Thomas d'Aquin déniait à Dieu, faire que n'ait pas eu lieu ce qui a eu lieu, le pouvoir soviétique se l'est arrogé, et ce n'est pas à Georges Orwell mais à un compagnon de Lénine, Piatakov, qu'on doit cette phrase extraordinaire : "Un vrai bolchevik, si le Parti l'exige, est prêt à croire que le noir est blanc et le blanc noir."
Le totalitarisme, que sur ce point décisif l'Union soviétique a poussé beaucoup plus loin que l'Allemagne national-socialiste, consiste, là où les gens voient noir, à leur dire que c'est blanc et à les obliger, non seulement à le répéter mais, à la longue, à le croire bel et bien. C'est de cet aspect-là que l'expérience soviétique tire cette qualité fantastique, à la fois monstrueuse et monstrueusement comique, que met en lumière toute la littérature souterraine, du Nous autres de Zamiatine aux Hauteurs béantes de Zinoviev en passant par Tchevengour de Platonov. C'est cet aspect-là qui fascine tous les écrivains capables, comme Philip K. Dick, comme Martin Amis ou comme moi, d'absorber des bibliothèques entières sur ce qui est arrivé à l'humanité en Russie au siècle dernier, et que résume ainsi un de mes préférés parmi les historiens, Martin Malia : "Le socialisme intégral n'est pas une attaque contre des abus spécifiques du capitalisme mais contre la réalité. C'est une tentative pour abroger le monde réel, tentative condamnée à long terme mais qui sur une certaine période réussit à créer un monde surréel défini par ce paradoxe : l'inefficacité, la pénurie et la violence y sont présentées comme le souverain bien."
L'abrogation du réel passe par celle de la mémoire. La collectivisation des terres et les millions de koulaks tués ou déportés, la famine organisée par Staline en Ukraine, les purges des années trente et les millions encore de tués ou de déportés de façon purement arbitraire : tout cela ne s'était jamais passé." » (IV, 4)


Pour faire bonne mesure, regard porté sur les fascistes :

« Douguine, sans complexe, se déclare fasciste, mais c’est un fasciste comme Édouard n’en a jamais rencontré. Ce qu’il connaissait sous cette enseigne, c’était soit des dandys parisiens qui, ayant un peu lu Drieu La Rochelle, trouvaient qu’être fasciste c’est chic et décadent, soit des brutes comme leur hôte du banquet, le général Prokhanov, dont il faut vraiment se forcer pour suivre la conversation, faite de paranoïa et de blagues antisémites. Il ignorait qu’entre petits cons poseurs et gros cons porcins il existe une troisième obédience, une variété de fascistes dont j’ai dans ma jeunesse connu quelques exemplaires : les fascistes intellectuels, garçons en général fiévreux, blafards, mal dans leur peau, réellement cultivés, fréquentant avec leurs gros cartables de petites librairies ésotéristes et développant des théories fumeuses sur les Templiers, l’Eurasie ou les Rose-Croix. Souvent, ils finissent par se convertir à l’islam. » (VII, 3)


Mais revenons à notre séduisant héros, avant que finalement l’auteur fasse un parallèle entre son destin avec celui de Poutine (mais qui, lui, a réussi) ‒ ce qui n’aide pas à le rendre fort sympathique :

« Est-ce qu’il ne vaut pas mieux mourir vivant que vivre mort ? » (I, 6)

« Édouard lui avoue un jour qu’il n’est pas certain d’en être capable [tuer un homme]. "Mais si, dit Porphyre, rassurant. Une fois au pied du mur, tu le feras comme tout le monde, ne t’inquiète pas." » (III, 2)

« Tuer un homme au corps-à-corps, dans sa philosophie, je pense que c’est comme se faire enculer : un truc à essayer au moins une fois. » (VII, 7)

« Écrire n’avait jamais été pour lui un but en soi mais le seul moyen à sa portée d’atteindre son vrai but, devenir riche et célèbre, surtout célèbre [… » (IV, 3)


D’une manière générale, je trouve que cette tendance contemporaine à se pencher sur la biographie de personnalités dérangeantes (et je pense à Javier Cercas et Juan Gabriel Vásquez, actuellement débattus sur le forum), cette mise en lumière discutable et déplaisante au premier abord, est en fait justifiée et même utile, dans la mesure où elle amorce la compréhension de l’autre, évite les jugements hâtifs, les discriminations et l’ostracisme. Il est judicieux d’étudier ce qui est masqué sous l’étiquette "infréquentable", de s’interroger sur ce qui est politiquement incorrect, de sortir de sa zone de confort pour avoir un regard plus ouvert.
Voici un (long) extrait sur ce questionnement et cette remise en question, ainsi que sur les tentatives de simplification par "camps" et autres qualificatifs ‒ où d’ailleurs l’auteur ne se présente pas à son avantage :

« Rétrospectivement, je me demande pourquoi je me suis privé d'un truc aussi romanesque et valorisant [la visite "organisée" de Sarajevo assiégée]. Un peu par trouille : j'y serais sans doute allé si je n'avais appris, au moment où on me le proposait, que Jean Hatzfeld venait d'être amputé d'une jambe après avoir reçu là-bas une rafale de kalachnikov. Mais je ne veux pas m'accabler : c'était aussi par circonspection. Je me méfiais, je me méfie toujours des unions sacrées ‒ même réduites au petit cercle qui m'entoure. Autant je me crois sincèrement incapable de violence gratuite, autant je m'imagine volontiers, peut-être trop, les raisons ou concours de circonstances qui auraient pu en d'autres temps me pousser vers la collaboration, le stalinisme ou la révolution culturelle. J'ai peut-être trop tendance aussi à me demander si, parmi les valeurs qui vont de soi dans mon milieu, celles que les gens de mon époque, de mon pays, de ma classe sociale, croient indépassables, éternelles et universelles, il ne s'en trouverait pas qui paraîtront un jour grotesques, scandaleuses ou tout simplement erronées. Quand des gens peu recommandables comme Limonov ou ses pareils disent que l'idéologie des droits de l'homme et de la démocratie, c'est exactement aujourd'hui l'équivalent du colonialisme catholique ‒ les mêmes bonnes intentions, la même bonne foi, la même certitude absolue d'apporter aux sauvages le vrai, le beau, le bien ‒, cet argument relativiste ne m'enchante pas, mais je n'ai rien de bien solide à lui opposer. Et comme je suis facilement, sur les questions politiques, de l'avis du dernier qui a parlé, je prêtais une oreille attentive aux esprits subtils expliquant qu'Izetbegović, présenté comme un apôtre de la tolérance, était en réalité un Musulman fondamentaliste, entouré de moudjahidines, résolu à instaurer à Sarajevo une république islamique et fortement intéressé, contrairement à Milošević, à ce que le siège et la guerre durent le plus longtemps possible. Que les Serbes, dans leur histoire, avaient assez subi le joug ottoman pour qu'on comprenne qu'ils n'aient pas envie d'y repiquer. Enfin, que sur toutes les photos publiées par la presse et montrant des victimes des Serbes, une sur deux si on regardait bien était une victime serbe. Je hochais la tête : oui, c'était plus compliqué que ça.
Là-dessus j’écoutais Bernard-Henri Lévy s’élever précisément contre cette formule et dire qu’elle justifiait toutes les lâchetés diplomatiques, toutes les démissions, tous les atermoiements. Répondre par ces mots : "C’est plus compliqué que ça", à ceux qui dénoncent le nettoyage ethnique de Milošević et sa clique, c’est exactement comme dire que oui, sans doute, les nazis ont exterminé les Juifs d’Europe, mais si on y regarde de plus près c’est plus compliqué que ça. Non, tempêtait BHL, ce n’est pas plus compliqué que ça, c’est au contraire tragiquement simple – et je hochais la tête aussi. » (VI, 3)


« Seulement, j’ai du mal à choisir entre deux versions de ce romantisme : le terrorisme et le réseau de résistance, Carlos et Jean Moulin ‒ il est vrai que tant que les jeux ne sont pas faits, la version officielle de l’histoire arrêtée, ça se ressemble. » (Prologue, 3)


Sur les motivations et l’éthique de reporters :

« Ni l’un ni l’autre [« les deux Jean : Rolin et Hatzfeld »], je pense, n’aimerait tenir dans ces pages le rôle de héros positif. Tant pis. J’admire leur courage, leur talent, et surtout que, comme leur modèle George Orwell, ils préfèrent la vérité à ce qu’ils aimeraient qu’elle soit. Pas plus que Limonov ils ne feignent d’ignorer que la guerre est quelque chose d’excitant et qu’on n’y va pas, quand on a le choix, par vertu mais par goût. Ils aiment l’adrénaline et le ramassis de cinglés qu’on rencontre sur toutes les lignes de front. Les souffrances des victimes les touchent quel que soit leur camp, et même les raisons qui animent les bourreaux, ils peuvent jusqu’à un certain point les comprendre. Curieux de la complexité du monde, s’ils observent un fait qui plaide contre leur opinion, au lieu de le cacher ils le monteront en épingle. Ainsi Jean Hatzfeld, qui croyait par réflexe manichéen avoir été pris en embuscade par des snipers serbes décidés à se payer un journaliste, est revenu après un an d’hôpital enquêter à Sarajevo, et la conclusion de cette enquête, c’est que les tirs qui lui ont coûté sa jambe provenaient, manque de pot, de miliciens bosniaques. Cette honnêteté m’impressionne d’autant plus qu’elle ne débouche pas sur le "tout-se-vaut" qui est la tentation des esprits subtils. Car un moment arrive où il faut choisir son camp, et en tout cas la place d’où on observera les événements. Lors du siège de Sarajevo, passé les premiers temps où, d’un coup d’accélérateur et au prix de grosses frayeurs, on pouvait tirer des bords d’un front à l’autre, le choix était de le suivre de la ville assiégée ou des positions assiégeantes. Même pour des hommes aussi réticents que les deux Jean à rallier le troupeau des belles âmes, ce choix s’imposait naturellement : quand il y a un plus faible et un plus fort, on met peut-être son point d’honneur à noter que le plus faible n’est pas tout blanc et le plus fort pas tout noir, mais on se place du côté du plus faible. On va là où tombent les obus, pas là d’où on les tire. Quand la situation se retourne, il y a certes un instant où on se surprend à éprouver, comme Jean Rolin, "une indéniable satisfaction à l’idée que pour une fois les Serbes étaient ceux qui prenaient tout cela sur la gueule." Mais cet instant ne dure pas, la roue tourne et, si on est ce genre d’homme, on se retrouve à dénoncer la partialité du Tribunal international de La Haye qui poursuit sans mollir les criminels de guerre serbes alors qu’il abandonne leurs homologues croates ou bosniaques à la prévisible mansuétude de leurs propres tribunaux. Ou encore on fait des reportages sur la condition horrible qui est aujourd’hui celle des Serbes vaincus dans leurs enclaves du Kosovo. C’est une règle sinistre mais rarement démentie que les rôles s’échangent entre bourreaux et victimes. Il faut s’adapter vite, et n’être pas facilement dégoûté, pour se tenir toujours du côté des secondes. » (VI, 3)


En conclusion :

« "L’homme qui se juge supérieur, inférieur ou même égal à un autre homme ne comprend pas la réalité" ‒ est le sommet de la sagesse et qu’une vie ne suffit pas à s’en imprégner, à la digérer, à se l’incorporer, en sorte qu’elle cesse d’être une idée pour informer le regard et l’action en toutes circonstances. Faire de livre, pour moi, est une façon bizarre d’y travailler. » (Sutra bouddhique, IV, 2)



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par Tristram
le Dim 25 Fév - 13:06
 
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Andreï Makine

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Le pays du lieutenant Schreiber


Le roman d'une vie

Originale : Français, 2014

CONTENU:
Andreï Makine a écrit: Je n’aurais jamais imaginé un destin aussi ouvert sur le sens de la vie. Une existence où se sont incarnés le courage et l’instinct de la mort, l’intense volupté d’être et la douleur, la révolte et le détachement. J’ai découvert un homme qui avait vécu à l’encontre de la haine, aimé au milieu de la pire sauvagerie des guerres, un soldat qui avait su pardonner mais n’avait rien oublié. Son combat rendait leur vraie densité aux mots qu’on n’osait plus prononcer : héroïsme, sacrifice, honneur, patrie… J’ai appris aussi à quel point, dans le monde d’aujourd’hui, cette voix française pouvait être censurée, étouffée. Ce livre n’a d’autre but que d’aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l’oubli.


REMARQUES :
Il est bien probable que beaucoup de Français, écoutant le nom de(s) « Servan-Schreiber » y associent naturellement l' histoire assez illustre de toute une famille, d'origine juive-prussienne. Il est vrai que c'est impressionnant de voir à quel point différents membres de cette famille ont été présents dans le journalisme, la politique, les médias... (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?search=servan+schreiber&title=Sp%C3%A9cial%3ARecherche ). Mais - on le voit déjà dans ces paroles de préface de l'auteur français d'origine russe - qu'est-ce qui a poussé Makine a donner parole à travers son livre à Jean-Claude Servan-Schreiber (voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Servan-Schreiber )? Donner de l'espace à quelqu'un qui a passé sa jeunesse sur les champs de bataille dans un bravour exceptionnel, mais aussi dans un apprentissage de ce qui reste, ne reste pas. Après avoir été témoin de tant d'horreurs : qui veut encore écouter un vrai témoignage de tout cela à son retour ? L'insouciance et l'oubli, voir même l'indifférence suivront – très rapidement après la libération, et aujourd'hui encore plus ?! Comme signe : dans l'article de wikipedia cette période de la guerre dans la vie de ce personnage est mentionnée avec une phrase lapidaire. Pourtant cela semble avoir été une expérience clé et un temps charnier. Donc, il s'agit pas tellement d'autres aspects de sa vie tumultueuse.

Cet homme là qui a dû assumer ses origines israélites tout en étant de tout cœur français, est, pour des camarades morts aujourd'hui (ou déjà lors des combats) celui qui conserve la mémoire. Qui garde, peut-être comme le dernier, une trace de leur existence : une parole, un geste... Nécessaire, important,. Quand il lira en 2006 ce livre d'Andreï Makine «Cette France qu'on oublie d'aimer »,  sera touché par l'amour porté par un "étranger" à l'histoire de la France et l'accusation de ses manquements. Et il y trouvera même mentionné deux de ses camarades ! Donc, il fera signe à l'auteur, et depuis ce temps-là, ils sont pas seulement entrés en contact superficiel, mais Makine, avec toute l'amitié qu'il est capable d'investir dans une telle relation, écoute, fait parler ce lieutenant d'une période que « personne n'intéresse plus ». Il le poussera à (faire) écrire ces souvenir, ces bribes de gestes, de rencontres, de paroles qui feront remonter à la mémoire la vie de tant de soldats, disparus. Makine pensera (ce n'était pas d'abord l'idée de Servan-Schreiber) à contacter un éditeur, est convaincu que cette histoire d'un jeune si engagé, frôlant la mort à plusieurs reprises, participant au débâcle de la France en 1940, fuyant vers l'Espagne, s'engageant dans le combat en Nord de l'Afrique, participant au débarquement en Provence, remontant avec les troupes la vallée de la Rhône et conquérant l'Allemagne sous d'immenses pertes, doit passionner les éditeurs, et les lecteurs.

Mais ce sera compter mal avec les idées courantes, la recherche de légèreté... Trouvé un éditeur sera une longue affaire, et puis le lancement sur « le marché » une entreprise de grande déception : personne s'y intéresse, à ces souvenirs. Et après les trois mois obligatoires et coutumières de lancement – hop!- le tirage à la poubelle. Quel destin, quelle réaction sur une vie...

Avec ce livre donc, Makine entreprend à donner une parole à cet homme, et à travers lui, à ces soldats. On trouvera une structuration plus poussée : 6 parties avec 2 à 8 sous-chapitres de 4-15 pages. Le tout toujours avec des titres.

Certes, vous l'avez compris, ce livre s'approche donc d'un vécu concret. On peut y déceler des invitations assez directes, des dénonciations, des indignations, voir aussi des accusations, des constatations tristes d'un certain état des choses. Et pourtant, on retrouvera dans la description de ces bribes de l'histoire de guerre de J-C SS pas seulement ou juste une énumération de soit disant « faits d'armes » (le lieutenant est beaucoup trop peu intéressé à se mettre en évidence), mais aussi des petites réflexions, gestes, paroles qui sont signes d'autres choses. Dans ces allusions on trouvera des éléments de ce qui passionne l'écrivain et l'homme Makine, ce qui a marqué tant de ses romans : certes, la présence d'une violence, d'une dureté, mais aussi le don de soi, l'oubli, l'amour, le pardon. Comment ne pas perdre la raison, l'amour au milieu de l'enfer des combats ? Et après ? Quel part de solitude est inéchappable, pour ainsi dire, et partagé avec tous ?

Puis ce constat, face aux simplifications d'idées (inclus la Résistance, l'ennemi, l'héroïsme, les démarcations etc) : « La vie, la vraie, est toujours plus complexe que tous nos schémas idéologiques. » Il y a plein de passages très forts, même si à la Makine, l'auteur reprend des éléments clés, les répète comme pour les (faire) comprendre et partager.

Intéressant (entre autre) : ses idées et le ressenti de J-C SS sur l'existentialisme, trouvé comme un mode en vogue en ce retour de guerre. Désillusions..., démontage d’idoles ?!

« Chacun de nous possède quelques humbles reliques dont le sens est inconnu aux autres. Oui, des pièces de notre arcéologie personnelle, des infimes fragments d'existence que même nos proches, si nous disparaissions, ne sauaient ni dater, ni rattacher à un souvenir précis. Les personnages de nos photos deviendraient anonymes, un galet ramassé jadis sur uhn littoral aimé – un simple petit caillou... »

Et pour ceux qui aiment Makine déjà à travers différents livres de son œuvre, il y a des bribes d'infos sur sa personne qui... pourraient aider à le situer un petit peu mieux : il se déclare clairement ancien combattant en Afghanistan. Peut-être, et le vétéran en face le lui rappelle, ce sont ces expériences communes face à la mort des camarades qui les unissent et le rend grave. Et en recherche d'autre chose.

Pour moi une grande invitation de faire mémoire, de ne pas oublier, de garder présent dans son esprit, son cœur. Peut-être aussi très bien-venu l'année du centenaire du déclenchement de la première guerre ? Mais pas juste pour un date ponctuel.

J'avais, à plusieurs reprises, des larmes aux yeux.


mots-clés : #amitié #guerre #biographie
par tom léo
le Mar 20 Fév - 7:21
 
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Sujet: Andreï Makine
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Stefan Zweig

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Trois Maîtres : Balzac, Dickens, Dostoievski

Originale: Drei Meister. Balzac, Dickens, Dostojewski (Allemand, paru en complet en 1920)
séparé le Balzac 1908, le Dickens 1910 et le Dostoievski en travail sur plusieurs années (sept?!) jusqu’à une première parution en 1919

En ces trois romanciers du XIXème siècle Zweig voyait un peu des génies encyclopédiques, le summum des possibilités, en ce qui concerne le premier pour aller le plus loin dans une analyse d’une société, le deuxième dans les rapports familiaux, et le troisième, visiblement choyé par Zweig, comme celui qui a le plus exploré le lien entre l’individu et les questions existentiels.

Les deux premiers „maîtres“ trouvent des essais plus courts que je n’ai pas lu pour l’instant, étant concentré sur Dostoïevski.

Il ne s’agit PAS de biographies qui ne nécessitent pas un certain savoir de l’œuvre littéraire de ces auteurs. Au contraire: même s’il présente certaines lignes fondamentales de la vie de Dosto, les références fusent, et on comprend aisément que Zweig a du travailler l’œuvre de Dostoïevski du début jusqu’à la fin, inclus le Journal de l’écrivain, et des œuvres secondaires. Sa capacité d’en former une vision de l’œuvre, d’analyser des lignes essentielles m’a vraiment époustouflé, et j’aimerais conseiller ces essais d’un total d’environ 120 pages pour tous les amateurs de l’auteur russe. Sensiblement il y a de l’admiration chez Zweig pour l’auteur russe. Il arrive si bien de montrer celui-ci dans ces tiraillement entre les différents pôles des questionnements existentiels: oui, il parle volontiers d’un certain dualisme. Vouloir réduire ce Russe à un pôle, à un coté de la balance, cela serait déjà enlever quelque chose de la complexité de ce personnage et de son œuvre, entre réalisme et rêve, entre doute et foi, extase et souffrance etc.

On retrouve – en ce qui concerne les amateurs de Zweig lui-même, son langage magnifique et riche, des fois légèrement pathétique (?). C’est bien de se rappeler que ce grand romancier a alors travaillé sur beaucoup de biographies sur les „génies“ de l’humanité.

Entreprise réussie!

mots-clés : #biographie #creationartistique #essai
par tom léo
le Lun 12 Fév - 16:59
 
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Sujet: Stefan Zweig
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Philippe Jaenada

La serpe

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Philip10
Prix Femina 2017

En octobre 1941, dans un  château proche de Périgueux, en zone libre, sont sauvagement - très sauvagement -  assassinés à coups de serpe un homme, sa sœur et leur bonne. Tous les soupçons se tournent bien vite vers Henri, le fils et unique héritier, tout le désigne, l'enquête ne se fatigue guère. Il arrive au procès quasi déjà condamné, mais son habile avocat retourne en un rien de temps les jurés. Il est acquitté, jamais on ne saura si c’est bien lui, et si non, qui a fait le coup.
Le fameux Henri est un type pas banal, à la psychologie des plus complexes, (c'est lui qui finira par écrire le roman Le salaire de la peur, sous le pseudonyme de Georges Arnaud, dont Clouzot tirera un film à succès) qui évolue dans le monde pas banal de l'occupation allemande.
Il s'agit d'un de ces faits divers sordides, tout à la fois retenus et enterrés par l'histoire (qui cette période a d'autres chats à fouetter), un truc  à la Chabrol qui en dit long sur la vie dans nos provinces, les haines ordinaires entre maîtres et valets, les jugements péremptoires. Et aussi sur la justice, bien sûr.

Philippe Jaenada, devenu maître es faits divers après un certain  nombre d'opus auto-fictionnels, prend sa voiture de location et se rend sur place mener sa petite enquête, arpente les lieux, interroge, dépouille des archives énormes. Et certes, il ne va pas trouver la clé, mais il va décrypter les mécanismes, montrer à quel point l’instruction a été bâclée, voire pervertie, emboîtant le pas à la cabale, non pas sur un petit point par-ci par-là, mais sur toute la ligne de A à Z, en passant par chacune des 26 lettres de l'alphabet.

C'est un travail de titan, une compulsion d'archives impressionnante,  et un résultat pour le moins spectaculaire, assorti d'un effort de réflexion et d'objectivité critique. Il n'en demeure pas moins qu'un esprit un peu plus synthétique (15 pages sur l'ouverture/fermeture d'une fenêtre du château...???!!!..) aurait permis d'éviter au lecteur, ou à la lectrice, de soupirer devant l'accumulation de détails pointilleux quoique signifiants, et de se dire que quelque pages de moins.. peut-être... ça n'aurait pas été plus mal...

Au delà de cette mise à  plat du fait divers à l'origine d'un décryptage sociétal, il y a Philippe Jaenada et sa façon de faire, de s'impliquer dans le récit, de tourner autour de lui même, tantôt dans le narcissisme, tantôt dans l'autodérision, de raconter ce qu'il observe, ou imagine , ou ce qu'il se remémore (de personnel ou de plus général), de glisser une  blagounette, (que cela ait un rapport ou non avec notre choucroute sanguinolente, pourvu que cela lui  plaise), par le biais d'une passion de la digression justifiée ou non, et des parenthèses imbriquées. C'est souvent drôle, parfois tendre, mais aussi racoleur (Les cinquante premières pages, de vanne en fanfaronnades sont exaspérantes au possible). Cela nous dresse cependant un portrait plutôt sympathique de l'auteur, tout aussi emprunté dans ses basket que nous le serions dans une telle situation, pas du tout Monsieur je sais tout, émerveillé et horrifié tout à la fois de ses découvertes.

L'assemblage, mélange du fait divers et  de Jaenada dans le miroir,
ne donne pas de la Grande Littérature, encore moins un roman, contrairement à ce qui est marqué sur la page de garde, mais un drôle de (gros) truc hybride, moitié enquête sociologique à tonalité judiciaire, moitié récit narcissico-poétique, qui n'en est pas moins passionnant (le plus souvent ) et attachant quand il n'exaspère pas.

mots-clés : #biographie #documentaire #historique
par topocl
le Ven 15 Déc - 17:23
 
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Sujet: Philippe Jaenada
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François Sureau

Inigo
Portrait, 150 pages environ.  
Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Inigo11

Ouvrage de portraitiste, l'auteur y tient, agrémenté de quinze pages d'apostilles finales. Inigo est bien sûr le prénom -en basque- de Saint Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus (les Jésuites).

Les derniers mots du livre sont, à cet égard, assez parlants:
Sans doute ai-je espéré, en m'approchant de ce domaine mystérieux, attirer sur mes proches et sur moi, au-delà du temps, l'amitié de mon objet d'étude, et en recueillir des bienfaits insoupçonnés



Cette écriture est à la fois concise et experte, l'art de faire lever une matière riche sur une pâte légère. Vocabulaire parfois emprunt de sophistication, par nécessité de la peinture du temps et de cet homme-là, mais jamais poseur, affecté: le plus souvent d'une grande limpidité.
En outre les recherches bibliographiques vont autrement plus loin que quelques clics sur la Toile additionnés d'un farfouillage du premier rayon de bibliothèque jésuite venu.

Le sujet est la conversion, qui n'est pas une bisounourserie mais un combat, le plus gros qu'ait jamais dû livrer ce hobereau soudard qu'était Ignace de Loyola avant.
Sureau cite Rimbaud: "le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes".

Loin d'une douce confiture en dévotion. Ou d'une ascension lente mais régulière vers quelque sommet d'azur et d'éther.
Peut-être l'auteur livre aussi, en lui-même, une lutte identique ou identifiable du moins, avec des similarités, je n'ai pas les moyens de le lui demander, mais voir la première citation, ci-dessus.

Au reste, que le commentaire s'efface au profit de larges extraits, plus adéquats qu'un long verbiage pour peindre ce... portrait, permettez que j'y ajoute toutes mes recommandations: foncez, livre à lire, vraiment:
entame du chapitre II a écrit:La veille de la bataille, Inigo voulut se confesser. Mais il n'y avait pas de prêtre parmi les soldats. Il aborda au hasard un de ses compagnons d'armes, qui se réchauffait près d'un brasier de poutres et de chaises, débris d'une maison pillée, et lui demanda de lui rendre ce service. L'homme était un Navarrais au visage fermé, aux gestes lourds, qui accepta d'un hochement de tête, puis se signa.



chapitre II a écrit:Il parla longuement des années d'Arevalo, pendant lesquelles il avait oublié Dieu. Arevalo -la ville et ses prestiges- l'avait conquis. Il n'avait connu jusqu'alors que la campagne autour de Loyola, les jeux dans les pommeraies avec les petits paysans de son âge, l'eau fraîche et odorante des outres en peau, quand battent les tempes où coule la sueur après les longues courses dans la montagne. Ses camarades portaient les mêmes chaussons de corde que lui, mais n'oubliaient jamais qu'il était le dernier fils de Loyola, dont le grand château de pierre grise dominait le village. On voyait, gravé dans la pierre, le blason d'une famille âpre et généreuse et qui se croyait d'une espèce à part: deux loups affrontés à un chaudron de même couleur. Rien ne décourageait ces deux bêtes efflanquées et féroces: ni que le chaudron soit brûlant, ni qu'il soit trop haut pour qu'elles puissent l'atteindre, le renverser. Elles étaient l'image même d'une violence désintéressée.


chapitre II a écrit:Il se leva brusquement. Le reître avait compris que la confession s'achevait. Il prit un peu de la poussière grise du sol, terre et cendres mêlées, et la répandit derrière Inigo. C'était le geste que faisaient les lansquenets allemands avant la bataille et par lequel ils s'interdisaient de reculer. Inigo sourit à cette étrange absolution, lui frappa l'épaule et regagna la capitainerie. Le Navarrais regarda s'éloigner cet homme dur, dont on disait qu'il avait empêché la reddition de la ville. Il n'avait presque rien compris à ses paroles, mais l'avait trouvé plus tourmenté qu'un soldat ne doit l'être. Il haussa les épaules et étendit les mains vers le feu.
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chapitre III a écrit:Il se devait de guérir, de reprendre les armes et sa vie d'avant Pampelune. Aucun autre choix ne lui était laissé. Et si cette chimère qui l'oppressait ne quittait pas ses épaules, il apprendrait à s'en accommoder. Mais lorsqu'il eut pris la résolution de guérir au plus vite, il s'aperçut aussitôt que c'était impossible. Les os de sa jambe droite étaient ressoudés de travers, et se chevauchaient. Il ne pourrait plus galoper ou combattre. Il resterait infirme. (...) Les deux hommes avaient examiné la veille Inigo, l'avaient trouvé très faible, et, craignant qu'il ne mourût, avaient même défendu qu'on le fît lever. Et voici qu'à présent il demandait qu'on l'opérât. Ils se récrièrent. Il faudrait lui briser la jambe à nouveau, puis attendre qu'elle se consolidât. Le choc serait violent, la souffrance terrible. La seule douleur pourrait l'emporter, sans parler même des hémorragies, de la gangrène. Quelque chose dans la détermination du blessé les effrayait. Ils y voyaient de l'orgueil - qui pouvait se croire capable de supporter une telle épreuve ? - une vanité presque folle, une forme de blasphème.

chapitre IV a écrit:Les séductions du monde qui, il y avait peu, lui étaient apparues incomparables s'étaient évanouies. Elles qui lui avaient toujours paru peser leur poids de chair, avoir partie liée avec ses goûts les plus vifs, les plus intimes, une brise légère les avaient réduites à néant. Il s'en étonnait. Jamais il n'aurait cru possible de se passer de ce monde envoûtant et tentateur, où la familiarité des grands, la beauté des femmes, le talent et les vertus personnels, le service du roi, la musique et le goût des chevaux, formaient le seul ensemble harmonieux où il lui eût semblé possible d'occuper les premières places, et d'accomplir toute sa destinée. Et s'il n'en restait rien, c'est à cause de ce Christ dont il s'apercevait maintenant qu'après toutes ces messes, toutes ces processions, tous ces offices il ne le connaissait pas (...)

chapitre V a écrit:Il passa ainsi plusieurs semaines. Les prières et la messe n'avaient plus de saveur. Pire, elles le dégoûtaient, d'instinct. Il priait comme on accomplit une chose répugnante, par le seul effet de la volonté. Parfois, cependant, il lui semblait qu'une puissance invisible le portait, et il se sentait à nouveau léger et aimant Dieu d'un amour partagé, dans lequel il suppliait en pleurant qu'on le laissât vivre. L'alternance de ces états l'effrayait. Nul ne pouvait vivre ainsi. Il y perdrait la raison.



chapitre V a écrit:Puis il s'évanouit. Le portier le trouva quelques heures après, gisant dans la poussière. Il parvint à lui faire boire un peu d'eau. Mais dès qu'il eut tout à fait repris conscience, Inigo ne voulut rien manger et partit en boitant vers l'hôpital.
Ce fut ce jour-là qu'il décida de s'en remettre entièrement à Dieu. Ce serait l'épreuve décisive: il jeûnerait, sans boire ni manger, jusqu'à ce que Dieu lui vînt en aide, ou bien qu'il meure.
Il y mit la force qui lui restait, pendant toute une semaine, sans cesser d'aller aux offices ni à l'hôpital, en se réveillant à minuit pour la prière douloureuse et sèche à laquelle il se tenait. Il était maigre, hirsute, mais ses yeux brûlants donnaient malgré tout une étrange impression d'énergie. Il s'évanouit deux fois. La première, les enfants des rues qui étaient ses amis le ranimèrent, et il s'accorda tout un après-midi pour jouer avec eux. La seconde, ce fut à l'hôpital, où un frère prétendit le sermonner sur les mortifications qu'il s'infligeait et fut réduit au silence par le vieux soldat mutilé de Noain.


chapitre V a écrit:Une immense fatigue le prit. Il ne pouvait plus rien vouloir, plus rien décider. Il se laisserait porter quelque temps, puis il abandonnerait cette vie. Il était aussi las qu'un vaincu. Il se retrouvait à Pampelune, le soir de la défaite, sans plus d'espoirs qu'alors, et sans nul endroit où aller. Des larmes amères coulaient dans sa barbe hirsute. Il marcha au hasard dans les rues, et les enfants n'osaient pas l'aborder. Dans une ruelle qui descendait vers le Cardoner, il s'assit sur une borne, et un lourd sanglot lui souleva la poitrine. Comme il frottait machinalement sa jambe endolorie, ses larmes tombaient dans la poussière. Le soir venait. Il n'entendait plus les cloches ni la rumeur de la ville. C'était la fin. Il vivrait désormais comme un mort jusqu'à la mort, sans rien attendre. Il fit appel à ce qui lui restait de courage pour se lever et regagner sa chambre. Ce fut alors que Dieu s'empara de son âme.
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(Pérégriné d'un message sur Parfum du 16 mai 2013)


mots-clés : #biographie #spiritualité
par Aventin
le Mar 5 Déc - 17:05
 
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Sujet: François Sureau
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Didier Zulli

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Varsovie, Varsovie

On croit souvent savoir, mais non, on apprend toujours,  et quand on sait,  se rappeler est "un devoir de mémoire" .

Yentl Perlmann rescapée du ghetto de Varsovie retourne en 2017 dans cette ville à la rencontre  des Lycéens du Lycée Goscinny pour raconter le combat magnifique des résistants de l'ombre ayant à leur tête Emanuel Ringelblum. Le combat dura 43 jours, peu survécurent. Mais les résistants avaient enfouis dans le sol leurs écrits sur la vie dans le ghetto afin que la mémoire perdure. Ces archives ont été retrouvées sous les décombres  d' un'immeuble de 4 étages.

Yentl posa une question essentielle aux lycéens : "Qui sera le témoin des témoins ?" Elle apprendra à son retour aux USA que des lycéens s'investissent auprès de leurs camarades pour connaître leur sentiment et ce qu'ils ont retenu ; ils récolteront les écrits avec l'idée de les mettre en forme. (journal ou autre)

Yentl arrive au Lycée

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Ce qui a touché les lycéens :

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Jonasz Heller sauve une enfant (Yentl)dont les parents résistants viennent d'être abattus par les allemands (Yentl ne retrouvera pas ses traces après la guerre)

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Shaïa le cousin de Jonasz décide d'intégrer la Judenrat, Avram Heller le Gd-Père de Jonasz essaye de l'en dissuader, mais l'appât d'un salaire alors qu 'il y a famine convainc le jeune homme, il rachètera son erreur en la payant de sa mort

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Les écrits pour les archives qui seront enfouies dans le sol ; David Gruber 19 ans : "Ce que nous n'avions pas pu crier au monde nous l'avons enfoui dans le sol" !

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Tous les jours la faim, la peur, les coups, la mort :

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Le président de la Jurendat Czerniakov est si abattu quand il reçoit l'ordre d'envoyer à l'Est (c-à-dire dans les camps) également les enfants, il se suicide

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L'Est ? qui y-a-t-il à l'Est où partent les trains ? La femme de Ringelblum le recontera au vieux Avram Heller, elle dira ce que sont les "chantiers" des allemands !Et Jonasz s'interroge ; que sont devenus ses parents ?

Tag biographie sur Des Choses à lire - Page 4 Dsc04028


Pendant ce temps les américains (Cordell Hull et Summer Welles) et les britanniques (Halifax et Strang) discutent du sort des Juifs :

"La proposition de sauver les Juifs ou de les faire sortir d'Europe doit être considérée avec la plus grande prudence et  non prioritaire. Hitler pourrait très bien nous prendre au mot et dire qu'il n' y a tout simplement pas assez de bateaux et de moyens de transport dans le monde pour les déplacer.

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Documentation Historique de Mr. Bensoussan

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C'est édifiant, émouvant,  les dessins, leurs couleurs créent l'ambiance. C'est une lecture "devoir de mémoire" que l'on doit faire et refaire. Cette BD est à proposer à la jeunesse quand les lectures des livres les rebutent parce que comme Yentl interpelle les lycéens de Varsovie : Qui sera le témoin des témoins ?


mots-clés : #bd #biographie #campsconcentration
par Bédoulène
le Dim 3 Déc - 20:44
 
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Sujet: Didier Zulli
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Isabelle Eberhardt

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Sud oranais

4° de couverture :
Sud Oranais est le journal de route du dernier séjour d'Isabelle Eberhardt dans cette région troublée du Sahara algérien, où des tribus rebelles résistent encore à l'avancée coloniale, au début du XXe siècle. L'auteur emmène son lecteur des deux côtés d'une frontière indécise avec le Maroc, dans les camps bédouins, dans les cafés maures fréquentés par les légionnaires... et lui dévoile, de l'intérieur, la vie d'une petite cité théocratique.
Le manuscrit de ce dernier texte d'Isabelle Eberhardt a été retrouvé après plusieurs jours de fouille dans la boue de l'inondation d'Aïn Sefra, où l'auteur a péri le 21 octobre 1904.


Extrait :

" Djilali s'endort, et moi je regarde ce décor nouveau qui ressemble à d'autres que j'ai aimé, qui m'ont révélé le charme mystérieux des oasis. J'y retrouve aussi cette légère odeur de salpêtre, si spéciale aux palmeraies humides, cette odeur de fruit coupé, qui pimente tous les autres parfums de la vie à l'ombre ?Dans la quiétude profonde de cette clairière isolée, d'innombrables lézards d'émeraude et des caméléons changeants se délectent dans les taches de soleil, étalés sur les pierres.
Pas un chant d'oiseau, pas un cri d'insecte. Quel beau silence !
Tout dort d'un lourd sommeil et les rayons épars glissent entre les hauts troncs des dattiers comme des chevelures de rêve..."


Commentaire :

Au cours de son périple en Afrique du nord et plus précisement au sud Oranais, Isabelle Eberhardt fait une excursion dans le sud marocain, de l'autre côté d'une frontière qui lui parût peu étanche. Ce fut l'occasion d'être hébergée par le marabout Sidi Brahim Ould Mohamed;elle s'y présente sous l'identité et les vêtements d'un homme : Si Mahmoud ould Ali, jeune lettré tunisien qui voyage de zaouïa en zaouïa pour s'instruire. Elle relate donc la vie d'une zaouïa, une maison, d'un notable marocain.
Elle relate la présence d'esclaves Kharatine, des noirs, décrit son logement, sa vie quotidienne dans ces lieux, sa chambre, son entrevue avec Sidi Brahim ould Mohamed, son opinion sur les esclaves, sur le monde des femmes recluses dans la maison, le comportement de ces femmes est parfois savoureux, ainsi ce passage :
-"Parfois dans les cours, éclatent des disputes criardes qui précèdent des pugilats et des bondissements de nu au soleil.
Un matin, deux négresses s'invectivent devant ma porte.
- Putain des juifs du Mellah !
- Renégate, voleuse ! Graine de calamité ! Racine amère !
- Dieu te fasse mourir, juive, fille de chacal !
Tout à coup, la voix sifflante de Kaddour, l'intendant, vient mettre fin au scandale.
Elles se séparent, en chiennes hargneuses, avec des dents qui brillent dans l'injure et qui mordent les mots comme de la chair."

Elle décrit ensuite ce qui oppose Algériens et Marocains. A la lecture de ce livre on est transporté dans un autre temps, un autre univers, baigné de la poésie de ses écrits, que je l'avoue j'apprécie beaucoup.

p.s : en voyant la photo d'Eberhardt déguisée en marin je me souviens d'une photo de ma mère, elle aussi déguisée en marin, aux côté de mon père infirmier de marine dans le nord de la Tunisie, ils étaient jeunes, c'était après la fin de la dernière guerre, mon père après le debarquement de Provence était rentré en Tunisie pour s'y marier... I love you


mots-clés : #biographie #journal #nature #voyage
par Chamaco
le Sam 2 Déc - 11:37
 
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Sujet: Isabelle Eberhardt
Réponses: 26
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