Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Juil - 15:08

336 résultats trouvés pour nouvelle

Joseph Conrad

Derniers contes


L'Âme du guerrier
Témoignage russe de « la grande déroute de la Grande Armée », et d’une histoire d’amour parisienne aux conséquences dramatiques.

Le Prince Roman
Cette fois patriotisme dans l’aristocratie polonaise, aussi lié à une amour morte.

L'Histoire
Pendant la Seconde Guerre, l’officier d’un navire anglais envoie sur un récif un bateau neutre qu’il soupçonne de ravitailler les sous-marins allemands.

L'Officier noir
Étrangement noir de poil, Bunter est second sur le Saphir, sous le commandement du grotesque, mesquin et crédule capitaine Johns, épris de spiritisme…

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
Hier à 13:28
 
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Sujet: Joseph Conrad
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Alice Munro

La Danse des ombres

Tag nouvelle sur Des Choses à lire La_dan11

Le cow-boy colporteur
Une jeune narratrice à l’esprit vif rapporte une tournée de son père, vendeur itinérant ruiné par son élevage de renards argentés, dans le milieu rural déshérité de l’Ontario des années quarante. Il dépasse les limites de son territoire et retrouve une amie de son passé, en milieu catholique.

Le quartier neuf
Une voisine ne se résout pas à stigmatiser une ancienne habitante, à la maison devenue rebutante.

Images
Un jour marquant pour une enfant, qui gardera pour elle ce qu’elle a vu.

Merci pour la balade
Une expérience sexuelle assez décevante.

Le bureau
Une femme loue un bureau pour y écrire, et le propriétaire la harcèle.

Un remède radical
Une jeune fille noie un chagrin d’amour dans l’alcool, plutôt par inexpérience.

L’heure de la mort
Patricia ébouillante son petit frère en voulant faire le ménage dans leur maison sale.
« Patricia savait qu’il était stupide ; elle détestait les choses stupides. Benny était la seule chose stupide qu’elle ne détestât pas. »

Le jour du papillon
Histoire d’une petite fille isolée à l’école.

Garçons et filles
Onze ans, la narratrice parle de sa vie familiale à la ferme où on élève des renards argentés (comme dans la première nouvelle, apparemment un souvenir autobiographique). De vieux chevaux sont abattus pour les nourrir, et un jour elle laisse volontairement s’échapper une jument ; enfant, elle est devenue une fille.

La carte postale
Fiancée de longue date, son promis se marie pendant ses vacances.

La robe rouge – 1946
C’est la robe faite par sa mère pour son premier bal.

Un dimanche après-midi
La jeune bonne, et les vagues humiliations.

Voyage à la côte
Elle vit à la campagne dans le magasin isolé de sa grand-mère autoritaire, qu’un passant hypnotise.

Le traité d’Utrecht
Elle retrouve sa sœur dans la maison familiale, où l’ombre de leur mère malade est toujours prégnante.

La Danse des ombres
Récital annuel chez la vieille professeure de musique.

Brèves nouvelles, assez délicates, avec le goût du détail, souvent psychologique. Vie quotidienne dans un Ontario sans doute vécu (la petite ville de Jubilee revient plusieurs fois), en milieu protestant, évoquant surtout les femmes et les enfants, du point de vue d’un narrateur, sous forme souvent de simples instantanés.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Mar 16 Juil - 0:41
 
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Sujet: Alice Munro
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Joseph Conrad

En marge des marées


Le Planteur de Malata : c’est Geoffrey Renouard, de passage dans « une grande ville coloniale » indonésienne ; d’abord explorateur, il est devenu « pionnier de l’industrie de la soie végétale » dans l’île où il se tient généralement, solitaire. Il est vivement frappé par Miss Moorsom, la fille d’un riche philosophe venue à la recherche de son ex-fiancé, « Monsieur Arthur », un jeune homme mêlé à une escroquerie, et qui a depuis été blanchi sans encore le savoir. Le disparu s’avère être l’assistant de Renouard, qui a omis de dire qu’il était mort, et tous se rendent à Malata ; là, il fait croire qu’Arthur est parti pour une tournée des îles. Les boys craignent le revenant. Geoffrey avoue la vérité à Felicia, qui jamais ne le comprendra.

L’Associé : histoire d’une escroquerie, le sabordage d’un vieux navire pour toucher l’assurance : « un coup de tomahawk au Sagamore » !

L’auberge des Deux Sorcières (une trouvaille) : comment un marin anglais y trouva la mort pendant la guerre contre les Français en Espagne.
« L’ingénuité diabolique dans l’invention, si elle est aussi vieille que le monde, n’est cependant pas un art disparu. Songez comment les téléphones se chargent de supprimer le peu de tranquillité d’esprit dont nous jouissons dans le monde, et combien il faut peu de temps à une mitrailleuse pour nous faire sortir la vie du corps. »

À cause des dollars : le « bon » capitaine Davidson aux prises avec le « meurtrier sans mains » d’Anne-la-Rieuse.
Une novella et trois nouvelles, peut-être pas du meilleur tonneau de Conrad.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Lun 8 Juil - 12:37
 
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Sujet: Joseph Conrad
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James Crumley

Tout le monde peut écrire une chanson triste

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Tout_l10

Trois nouvelles, l’éponyme portant sur la rencontre d’un musicien de country qui a tout pour plaire.
Un fils rêvé pour les Jenkins raconte comme le père, foreur, blesse gravement par accident son fils, entré dans l’armée : l’histoire d’une famille dans l’incommunication.
Hot springs : l’amant de la femme d’un homme dangereux subit les conséquences de son acte.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Lun 17 Juin - 8:06
 
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Sujet: James Crumley
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Joseph Conrad

Entre terre et mer


Un sourire de la Fortune – Une histoire de port
Le narrateur est le capitaine d’un navire arrivant à l’île Maurice (non nommée, sinon comme « la Perle sucrée de l’Océan »).
« Ah ! ces intérêts commerciaux – qui venaient gâter la plus belle vie qui fût au monde. Pourquoi faut-il que la mer serve au commerce – et aussi à la guerre ? Pourquoi se livrer sur mer au massacre et au trafic, y poursuivre des buts égoïstes sans grande importance après tout ? Combien il eût été préférable de n’avoir qu’à naviguer tout simplement, avec par-ci par-là un port et un morceau de terre, juste de quoi se dégourdir les jambes, acheter quelques livres et changer pour un temps l’ordinaire de ses repas. Mais, puisque je vivais dans un monde plus ou moins homicide et désespérément mercantile, mon devoir était évidemment de m’en accommoder de mon mieux. »

Il se trouve rapidement impliqué dans un imbroglio familial, commercial, insulaire, qui tourne autour d’une jeune fille paria dans un jardin parfumé et d’une cargaison de pommes de terre.

L’Hôte secret – Un épisode de la côte
Texte que j’ai déjà commenté ICI.

Freya des Sept-Îles – Une histoire d’eaux peu profondes
Jasper Allen est le téméraire capitaine propriétaire du Bonito.
« Les opérations du brick se faisaient sur des rivages dénués de civilisation, avec d’obscurs rajahs établis dans des baies à peu près inconnues, avec des établissements indigènes en amont de rivières mystérieuses dont les estuaires sombres et bordés de forêts s’ouvraient, parmi un chapelet de récifs vert clair ou d’éblouissants bancs de sable, sur des détroits solitaires d’une eau bleue, calme et toute scintillante de soleil. Le brick glissait tout blanc, seul, loin des routes habituelles, doublait des caps sombres et menaçants, émergeait, silencieux comme un fantôme, de promontoires qui s’allongeaient tout noirs au clair de lune ; ou bien immobile à l’ancre, comme un oiseau de mer endormi, à l’ombre de quelque montagne sans nom, il attendait un signal. On l’entrevoyait soudainement, par des jours de brume ou de grains, prenant dédaigneusement de biais les lames courtes et agressives de la mer de Java ; ou bien on l’apercevait loin, loin, petite tache blanche étincelante voltigeant à travers les masses pourpres de nuages d’orage entassés à l’horizon. »

Il est amoureux de la « raisonnable » Freya, fille de Nelson (ou Nielson), établi sur les Sept-Îles dans l’Archipel malais, et ils ont prévu de prochainement partir ensemble sur leur beau navire. Mais Heemskirk, le commandant de la canonnière hollandaise Neptune, a aussi des vues sur cette jeune beauté – et brisera leur rêve comme leur vie.
« Pendant des jours on eût pu voir le Neptune croiser lentement en vue de ce sombre rivage, ou stationner avec un air attentif auprès des embouchures argentées de larges estuaires, sous le grand ciel lumineux dont rien ne venait jamais adoucir ni voiler l’éclat et qui inondait la terre de l’éternelle clarté des tropiques – cette clarté dont l’incessante splendeur oppresse l’âme d’une inexprimable mélancolie plus intime, plus pénétrante, plus profonde, que la grise tristesse des brumes du Nord.
Le brick de commerce Bonito apparut, doublant lentement un promontoire couvert d’une forêt sombre à l’embouchure argentée d’une large rivière. La brise qui lui donnait de l’erre n’aurait pas agité la flamme d’une torche. Il déboucha d’un rideau de feuilles immobiles, mystérieusement silencieux, comme un blanc fantôme, et son imperceptible mouvement lui donnait un air à la fois solennel et furtif. »

Trois récits traités avec humour (sauf le second), où Conrad confirme ses talents de conteur.

\Mots-clés : #aventure #merlacriviere #nouvelle
par Tristram
le Jeu 30 Mai - 5:32
 
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Sujet: Joseph Conrad
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Joseph Conrad

Gaspar Ruiz et autres histoires


Gaspar Ruiz (conte romantique)
Gaspar Ruiz est un pauvre guaso (paysan) chilien, un docile colosse embrigadé par les patriotes dans la guerre d’indépendance, et indûment condamné à mort pour désertion. Le jeune lieutenant Santierra, devenu un vieux général, raconte comme il en réchappa et fut recueilli par Dona Erminia, une jeune et belle royaliste. Après quelques péripéties dont un tremblement de terre, Gaspar Ruiz est réhabilité par San Martin, « le grand Libérateur » du Pérou et du Chili. Il se distingue au combat, mais bientôt se rebelle contre le gouvernement républicain et forme une armée séditieuse alliée des Indiens araucans ; il est inspiré par l’injustice dont il fut victime, et par la vengeresse Dona Erminia, qui lui donne une fille. Gaspar Ruiz, « l’homme fort qui périt par sa propre force », mourra en servant d’affût pour le canon qui devait les libérer.

L’indicateur (conte ironique)
Plongée dans la sphère anarchiste, d’où une jeune sympathisante de l’establishment ne sort pas grandie (proche du personnage féminin dans la Pastorale américaine de Philip Roth).

La brute (conte indigné)
C’est la Famille Apse, un bâtiment peut-être fou…
« Voilà comment elle était. On ne pouvait jamais prévoir ce qu’elle allait inventer. Il y a des bateaux difficiles à manœuvrer, mais en général, on peut compter sur une certaine logique de leur part. Avec cette brute-là, quoi qu’on fasse, impossible de savoir comment elle allait réagir. C’était une sale bête. Ou peut-être était-elle folle, tout simplement. »

Un anarchiste (conte enragé)
Encore une histoire d’anarchiste, cette fois malgré lui, envoyé au bagne des îles du Salut dont il s’évade, et occasion d’une savoureuse diatribe sur l’alimentation ultra-transformée et sa publicité, mais aussi une certaine conception de l'égalité humaine.
« Naturellement, tout le monde connaît la B.O.S. Co Ltd, avec ses produits sans rivaux. Vinibos, Jellybos, et la suprême, l’inégalable perfection, le Tribos, dont les vertus nutritives vous sont offertes sous une forme non seulement hautement concentrée, mais déjà à moitié digérée. »

« Mais, étant moi-même animé de sentiments d’affection pour mes frères en humanité, je suis attristé par le système de publicité moderne. Malgré tout ce qu’il peut attester d’énergie, d’ingéniosité, de trouvailles et d’impudence chez certains individus, il trahit surtout, à mon sens, la triste prédominance de cette forme de dégradation mentale qui s’appelle crédulité. »

« Je vous dis qu’il faut protéger la conscience chez les gens qui en possèdent, comme vous et moi, sans quoi la première fripouille venue vaudrait autant que moi à tous égards. Jugez un peu : quelle absurdité ! »

Le duel (conte militaire)
Deux officiers des hussards de Napoléon se battent en duel. Féraud est un méridional emporté, et le fautif de ce ridicule différent. D’Hubert, le cœur plus haut sans doute et le sens de l’honneur au moins aussi développé, ne saura enrailler la suite de leurs duels qu’après la Seconde Restauration.

Il Conde (conte pathétique)
Rencontre perturbante avec un jeune Cavaliere de la Camorra à Naples.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Dim 12 Mai - 10:06
 
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Fernando Pessoa

Histoires d'un raisonneur

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Histoi10

L’ex-sergent William Byng, Anglais (et ivrogne) est l’enquêteur, et le narrateur jouera les docteur Watson (c’est loin de constituer la seule similitude avec l’œuvre de Conan Doyle).
« Il possédait un intellect d’une acuité extraordinaire et néanmoins somnolent et plein de rêves ; toutes choses d’inactivité. »

L’affaire du professeur de sciences
Phrénologie et catégorisations caractérielles (fort désuètes) avec pour prétexte un assassinat énigmatique dans un collège.

L’affaire de l’équation quadratique
Contient d’intéressantes considérations psychologiques sur la peur, à partir d’un (autre) professeur amené à se suicider par la lecture d’une lettre d’apparence banale.
« Dans la peur physique, l’animal entier se recroqueville, se contracte pour se faire le plus petit possible, comme pour s’échapper ; dans la peur mentale, l’esprit s’efforce de se cacher, de ne pas voir ce qu’il ne peut pas comprendre. »

L’affaire de M. Arnott
Étrange histoire d’un homme apparemment engagé par une société secrète et menacé de mort (manque le dénouement).

Le document dérobé
Début d’une reprise de La lettre volée d’Edgar Allan Poe.

Histoire policière
Notes pour un essai sur l’histoire policière, « récit d’investigation ».
Comme tous les autres textes, celui-ci est inachevé (il manque notamment la fin), présenté avec des variantes, et contient de nombreuses redites.
Bref, une collection de bribes et brouillons qui ne retiendra l’attention que des afficionados.

\Mots-clés : #nouvelle #polar
par Tristram
le Jeu 9 Mai - 11:47
 
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Joseph Conrad

Typhon et autres récits


Typhon
Le capitaine MacWhirr, « avec son esprit littéral et son indomptable tempérament » (entendre prosaïque, "premier degré", et pragmatique, imperturbable), commande le Nan-Shan, qui transporte 200 coolies chinois sur les « étroites » mers de Chine. Le jeune Jukes est son second, et Salomon Rout le mécanicien en chef. Un typhon s’annonce, que le capitaine n’envisage pas d’éviter.
« La noirceur lointaine du ciel, à l’avant du navire, semblait une seconde nuit vue à travers la nuit étoilée de la terre, une nuit sans étoiles, gouffre d’obscurité par-delà l’univers créé, et dont la déconcertante tranquillité apparaîtrait dans une échancrure de l’étincelante sphère dont notre terre forme le noyau. »

La description du cyclone est un chef-d’œuvre du genre.
« Un faible éclair tremblota tout autour comme sur les parois d’une caverne, d’une chambre de la mer secrète et noire, au pavement d’écume et de flots.
Sa palpitation sinistre découvrit un instant la masse basse et déchiquetée des nuages, le profil allongé du Nan-Shan, et sur le pont, les sombres silhouettes des matelots à la tête baissée, surpris dans quelque élan, butés et comme pétrifiés. »

Dans l’entrepont, les « Célestes » s’entre-déchirent pour leur magot éparpillé par la tempête.

Falk : un souvenir
Histoire retorse d’un jeune capitaine aux prises avec le patron d’un remorqueur qui a le monopole de son activité. Une fois encore, la description de personnages souvent hauts en couleur fait l’essentiel du récit, sans qu’on puisse parler de psychologie (appliquée ou applicable). La novella se termine sur le compte rendu d’une affaire d’anthropophagie en mer.

Amy Foster
J’ai déjà commenté ce texte ICI. Le personnage de la jeune femme m’a aussi ramentu Un cœur simple, de Flaubert (il y a même une allusion à un perroquet). Au début du récit, le médecin qui raconte l’histoire au narrateur déclare notamment (et c’est fort conradien) :
« D’autres tragédies, moins scandaleuses, et d’une violence plus subtile, prennent naissance dans d’inconciliables différences et dans cette peur de l’incompréhensible qui est suspendue au-dessus de toutes nos têtes – au-dessus de toutes nos têtes… »

J’ai aussi été frappé du fait qu’Amy et Yanko, réciproquement tombés amoureux à leur rencontre, vivent heureux en ménage jusqu’à la naissance de leur enfant : il semble que le père, qui veut transmettre à son fils sa langue slave, déclenche la peur et le rejet chez sa mère, jusque-là pleine d’empathie pour tous les êtres vivants.

Pour demain
« Tous les états d’esprit, même la folie, trouvent un équilibre dans l’estime de soi. La laisser troubler rend malheureux ; et le capitaine Hagberd vivait dans un cadre de notions établies qu’il lui était intolérable de sentir ébranlées par les ricanements des gens. Oui, les ricanements des gens étaient terribles. »

Le capitaine Hagberd, ancien caboteur, s’est installé dans le village de Colebrook où on aurait vu son fils, dans l’attente du retour de ce dernier, qui comme tout est « pour demain ». Il porte un costume de toile à voile cousu par ses soins, « pour le moment », comme tout ce qu’il fait.
« Tout était ainsi remis et tout était également préparé pour le lendemain. »

Il a pour voisin Carvil, un vieux charpentier de navires devenu aveugle et irascible, avec sa fille Bessie, à qui il s’est promis de donner son fils.
Lorsque celui-ci est de passage, son père ne le reconnaît pas, et Bessie ne saura pas le retenir.

\Mots-clés : #merlacriviere #nouvelle
par Tristram
le Sam 20 Avr - 17:43
 
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Donald Ray Pollock

Tag nouvelle sur Des Choses à lire 61sxp310

Knockemstiff

Knockemstiff  dans l’Ohio, c’est la ville où l’auteur a grandi et travaillé (dans l’usine à papier) avant de rejoindre l’Université.

La dénomination de cette ville est expliquée par l’un de ses habitants à un visiteur de passage :

Dispute entre deux femmes qui se seraient crêpé le chignon pour un homme, juste devant l’église. Légende ou pas ce nom image la ville.

Knockemstiff est une ville de pauvres dans une Amérique riche. Alors tous ont des rêves d’avenir meilleur mais curieusement peu souhaitent quitter ce lieu et surtout ceux vivant dans le Val.

Combien de violence, physique et/ou verbale ; de tentatives de se sortir de cette vie, par le vol, la drogue, la sexualité. La voiture apparaît souvent comme l’élément de richesse et même si l’on n’arrive pas à payer le loyer, à se nourrir correctement, on emprunte pour se pavaner avec une Mustang, par exemple.

Les enfants voient, subissent et même si dans leur jeunesse ils espèrent, ils se retrouvent adultes dans une désespérante situation, le malheur semble générationnel.
Au fil des années la ville se délabre, comme leur vie, les quelques magasins sont fermés comme l’est leur avenir.

L’écriture sensitive reflète le parler des gens - de la grossièreté, insultes, menaces -  ; s'y ajoutent  les drogues et l’alcool pour oublier.

Il semble que la « mortadelle » soit très prisée ; à cause du prix accessible ?

Donc tout est sombre, désespérant et malgré le dégout qu'inspirent certains personnages ou situations leur sort est pitoyable.

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Knock210


Des extraits significatifs :
Daniel

le vieux a surpris son monde en sortant le long couteau tout en poussant son fils sur une chaise.
– Tu bouges d’un chouïa, putain, je te scalpe comme un Indien, il lui a dit en saisissant une longue mèche brune dans son poing, avant de se mettre à la scier au ras du crâne
Tout l’été, Daniel avait rêvé de descendre du car de ramassage scolaire après Labor Day 1 avec les cheveux aux épaules. La scène était aussi claire et frappante qu’un film dans sa tête, et maintenant le vieux lui avait pris tout ça.

Chez Théo – Teddy –
À part les capsules noires qu’elle obtenait des fois de sa sœur Wanda, la peur semblait la seule chose qui pouvait réveiller ma mère, la rendre à la vie. Et parce que je voulais tellement la rendre heureuse, j’étais devenu maître dans l’art de lui foutre les foies. Albert DeSalvo était son cinglé préféré, et elle avait sa photo collée au scotch dans son placard de chambre. Des fois, si elle avait eu une vraiment sale journée, j’allais dehors et je fendais un des écrans moustiquaires avec un couteau, ensuite j’entrais chez elle et je lui nouais un nœud savant autour du cou avec un de ses collants, tout en avouant que c’était moi le vrai Boston Strangler.

Frankie le balafré vole l’argent – héritage de sa grand-mère – de Toddy

Sa dernière pensée avant de tourner de l’œil c’était qu’il allait retrouver sa grand-mère. Mais au bout d’un moment il est revenu à lui, couché sur le ventre par terre dans une mare de sang, son jean baissé jusqu’aux chevilles. Il s’est remis sur le dos pour cracher sa dent. Frankie était debout au-dessus de lui, en train de s’essuyer la pine avec un chiffon. En soulevant les hanches pour remonter son pantalon, Todd s’est mis à sourire.
– Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça, sale tantouze ? a fait Frankie.
Et il a frappé Todd en plein visage avec le talon de sa chaussure.

Géraldine la fille qui se promène avec dans son sac des poissons panés qu’elle offre.

Del a placé Veena doucement sur le canapé et sorti la dernière couche d’une boîte de Pampers. Là, au fond du carton, se trouvait une petite réserve de poissons panés enveloppés dans une serviette en papier graisseuse. Il regardait les miettes brunes sans y croire. Geraldine n’avait pas touché à un poisson pané depuis qu’il était devenu son tuteur légal ; ça faisait partie de leur arrangement. Il a torché Veena, lui a saupoudré du talc sur les plaques d’irritation qu’elle avait entre ses cuisses dodues. En regardant sa fille, Del a soudain ressenti une grande peine l’assaillir. Il était à genoux, sur le point de demander pardon au bébé, quand il a entendu sa femme débouler dans le couloir et claquer la porte de la chambre. Le boucan a fait sursauter père et fille, l’une encore rose d’innocence, l’autre coupable de mille transgressions.

Bernie

Je ne réponds pas. Les gars dans la Camaro m’ont vu mater la fille, et l’un d’eux se met à imiter Jerry, faisant la grimace et laissant tomber la tête contre sa poitrine. La fille rigole toujours, mais maintenant elle rabaisse son haut. Et j’ai beau savoir qu’il y a deux ans Jerry aurait été avec eux à se moquer du demeuré, je tire le frein à main et j’extirpe mon gros cul de la voiture. Je reste là debout un moment à rabaisser ma chemise par-dessus mon ventre blanc, et à me demander ce que je suis supposé faire maintenant ; mais juste comme je vais me dégonfler, un des gars crie « Porky », et un autre se met à grouiner « Oink, oink ». Je respire un grand coup, marche jusqu’à leur voiture et commence à coller des coups de lattes dans la portière. Croyez-moi, j’ai beau être un gros lard, quand le chauffeur saute de la voiture – un grand serin avec des grandes dents et du fil barbelé tatoué autour de ses bras fluets –, je l’étends d’un seul punch. Je n’ai jamais frappé personne aussi fort de ma vie, même pas Delbert Anderson

Le voleur marié à Dee

Ma tête était en vacances permanentes, mes nerfs, des petits grumeaux de lait moussant. L’Oxy remplissait des trous en moi que j’avais jamais soupçonnés vides. C’était, du moins pour les premiers mois, une façon épatante d’être invalide. Je me sentais béni des dieux.
En réalité, pourtant, ma vie était maintenant sur la pente. Sous l’influence de l’Oxy, j’ai perdu jusqu’à l’ambition de voler le bien des autres. Tex s’est trouvé un autre partenaire, et la banque a repris la Monte Carlo. Heureusement, on avait gardé la Pinto en secours. Une fois ma lune de miel aux opiacés terminée, on s’est retrouvés à louer une caravane qui prenait l’eau et sentait le moisi en bordure de Knockemstiff, le val où j’ai grandi. J’avais beau m’être juré un million de fois de ne jamais y retourner, je n’ai pas tenu ma promesse, comme pour tous les autres serments que j’ai faits avant mon accident.



\Mots-clés : #addiction #misere #nouvelle #social #viequotidienne #violence
par Bédoulène
le Mer 27 Mar - 10:09
 
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Saul Bellow

Un futur père et autres nouvelles

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Trois nouvelles extraites du recueil Au jour le jour (qui en contient cinq).
Un futur père
Rogin prend le métro pour rejoindre sa fiancée Joan, et sa pensée dérive à partir de l’idée de la charge qui opprime tout un chacun (or Joan est assez désinvolte et dépensière). Il imagine que l’un des passagers, à cause d’une certaine ressemblance avec Joan et son père, pourrait être son fils.
« Les buts personnels de l’homme n’étaient qu’illusion. La force vitale habitait chacun de nous tour à tour et marchait vers sa propre réalisation, piétinant notre individualité, se servant de nous pour ses propres fins comme de simples dinosaures ou abeilles, exploitant l’amour, sans pitié, nous forçant à nous engager dans le processus social, le travail, la lutte pour l’argent et à nous soumettre à la loi de la pression, la loi universelle des couches, de la superposition ! »

Il s’échauffe, se monte la tête…
« Supprimez les différences extérieures, les muscles, la voix plus basse, etc., que reste-t-il ? Deux intelligences, pratiquement semblables. Pourquoi n’y aurait-il donc pas égalité ? Je ne peux pas toujours être le plus fort. »

…, mais son accès d’irritation passe comme il retrouve Joan.

À la recherche de Mr Green
Pendant la Crise, George Grebe en est venu à distribuer les chèques d’assistance sociale dans un quartier noir déshérité. C’est l’occasion d’une expérience d’une partie de la ville qu’il ne connaissait pas, et où personne ne semble vouloir le renseigner.
« Mais à Chicago, où les cycles étaient si rapides et où le familier disparaissait et renaissait, changeait et mourait en trente ans, on voyait le commun accord ou la convention et on était obligé de penser aux apparences et aux réalités. »

Les manuscrits de Gonzaga
Clarence Feiler est un États-Unien revenu à Madrid, à la recherche des poèmes posthumes de Manuel Gonzaga, « un des plus grands génies de l’Espagne moderne », inédits car critiques envers « l’Armée et l’État » (dans l’après-guerre franquiste). Lui parle de poésie, on lui parle bombe atomique…
Dialogue avec une Anglaise, déjà bien informé dans un recueil paru en 1956.
« "Les Américains font des explosions sous l’eau. Des trous sont ouverts au fond de l’océan. L’eau froide s’y précipite et refroidit le centre de la terre. Puis la surface rétrécit. Personne ne peut dire ce qui arrivera. Le temps s’en ressent déjà." […]
"Je me souviens avoir lu quelque part que l’industrie rejette six billions de tonnes d’anhydride carbonique, chaque année, et qu’ainsi la terre se réchauffe parce que l’anhydride carbonique ne laisse pas passer les radiations de chaleur dans l’air. Tout cela veut dire que les glaciers ne reviendront pas."
— Oui, mais, et le Carbone Quatorze ? Vous les Américains vous remplissez l’air de Carbone Quatorze, ce qui est très dangereux.
— Je n’en sais rien. Je ne suis pas toute l’Amérique. Vous n’êtes pas toute l’Angleterre. Vous n’avez pas battu l’Armada, je n’ai pas défriché l’Ouest. Vous n’êtes pas Winston Churchill. Je ne suis pas le Pentagone. »

(J’ai un doute sur la traduction de cet ouvrage).

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Mar 5 Mar - 9:59
 
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Sujet: Saul Bellow
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Joseph Conrad

Histoires inquiètes

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Inquiz10

Premier recueil de nouvelles de Joseph Conrad, aussi connu sous le titre d’Inquiétude.
Karain : un souvenir : le narrateur et deux autres marins trafiquent des armes avec un puissant rajah malais ; celui-ci s’avère être poursuivi par le fantôme de son ami, qu’il tua pour sauver sa sœur enfuie avec un Hollandais. Déjà le souffle d’Au cœur des ténèbres.

Les Idiots : ce sont les quatre enfants d’un fermier breton, et cette « malédiction » provoquera un drame.

Un avant-poste du progrès : deux nouveaux colons français ont la charge d’un petit comptoir d’Afrique, mais sont incapables d’agir étant livrés à eux-mêmes pour six mois.

Le Retour : Alvan Hervey est un fat très convenable parmi d’autres à Londres :
« Après leur mariage, ils s’employèrent, avec un succès marqué, à agrandir le cercle de leurs relations. Trente personnes les connurent de vue ; vingt autres tolérèrent avec des sourires leur présence de temps à autre à leur foyer hospitalier ; cinquante autres personnes au moins apprirent leur existence. Ils vécurent dans ce cercle accru, parmi des hommes et des femmes tout à fait charmants qui redoutaient l’émotion, l’enthousiasme ou l’insuccès plus que le feu, la guerre ou les maladies mortelles ; qui ne toléraient que les formules les plus habituelles des idées les plus courantes, et n’admettaient que les faits avantageux. C’était une sphère parfaitement charmante, le lieu de toutes les vertus, où l’on n’accomplit rien et où l’on ramène soigneusement les joies et les chagrins au niveau des plaisirs et des ennuis. Dans cette région sereine où l’on cultive les nobles sentiments en profusion suffisante pour dissimuler l’impitoyable matérialisme des pensées et des aspirations, Alvan Hervey et sa femme avaient passé cinq ans d’une prudente félicité que n’était venu obscurcir aucun doute sur la bienséance morale de leur existence. »

Son épouse est partie avec un autre, lui laissant un mot :
« Et il se mit à penser à sa femme sous tous les aspects possibles, excepté l’essentiel. Il pensa à elle comme à une jeune fille bien élevée, à une personne cultivée, à une maîtresse de maison, à une dame ; mais, pas un moment, il ne pensa à elle simplement comme à une femme. »

« Si encore elle était morte ! Il en vint à envier une aussi respectable perte, si dénuée de toute maladresse que son meilleur ami même ou son pire ennemi ne pourrait en éprouver la moindre satisfaction. Personne ne s’en fût soucié. Il chercha un réconfort dans la contemplation du seul fait de la vie que les efforts résolus des hommes n’ont jamais manqué de couvrir de la sonorité et de l’éclat des phrases. Rien ne se prête mieux aux mensonges que la mort. Si encore elle était morte ! Il aurait entendu prononcer certaines paroles d’un ton attristé, et, avec un courage convenable, il aurait fait des réponses appropriées. Il y avait des précédents à une telle situation. Personne ne s’en fût soucié. Si encore elle était morte ! »

Mais elle revient sans avoir passé le pas ; pour lui, la question est surtout que l’affaire reste secrète. Cette novella se joue en long huis clos, notamment dans un cabinet de toilette démultiplié par des miroirs. Texte assez inattendu chez Conrad, mais qui m’a paru bien mené.
« Tout son aspect trahissait un complet abandon, un mépris de toute tenue, cette laideur de la vérité que seul un souci constant des apparences peut tenir éloignée de la vie quotidienne. »

« Elle se mit à haleter soudain : "J’ai un droit, j’ai un droit sur… sur… moi-même…" »

La Lagune (ou Le lagon) : vue de la rivière, la forêt n’est que ténèbres.
D’une seule phrase, un vol d’oiseaux évoqués sans les nommer :
« Un nuage rose et floconneux glissait haut dans le ciel, et promenait la délicate couleur de son image sous les feuilles flottantes et les fleurs argentées du lotus. »

Un « blanc » fait halte avec son sampan chez un ami, Arsat, un Malais, qui vit seul avec Diamelen au bord d’une étendue d’eau (qui n’est semble-t-il ni une lagune, ni un lagon) ; Diamelen est à la mort.
« Le blanc sortit de la cabane au moment où l’énorme embrasement du soleil reculait devant les ombres rapides et furtives qui, s’élevant comme un voile noir et impalpable au-dessus du faîte des arbres, s’étendaient sur le ciel, masquant le reflet écarlate des nuages flottants et l’éclat rouge du jour qui s’éteignait. En un moment, toutes les étoiles jaillirent au-dessus des ténèbres épaisses de la terre et le grand lagon, soudain tout étincelant de reflets, eut l’air d’un morceau de ciel tombé dans la nuit sans espoir ou rémission de cette solitude sauvage. »

« Le blanc, les yeux grands ouverts, regardait fixement dans l’obscurité. La crainte et l’attirance, la solennité et l’étonnement de la mort, de la mort toute proche, inévitable et furtive, apaisaient l’inquiétude de sa race et éveillaient ses pensées les plus confuses, les plus profondes. »

« Un murmure plaintif s’éleva dans la nuit ; un murmure désolant et prolongé, comme si la vaste solitude des forêts environnantes tentait de murmurer à son oreille la sagesse de son immense et orgueilleuse indifférence. »

Arsat ravit Diamelen avec son frère, qui mourut lors du rapt.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Ven 1 Mar - 11:18
 
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Dorothy Marie Johnson

Dorothie Marie Johnson

1905/1984


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Dorothy Marie Johnson est née à McGregor, Iowa , fille unique de Lester Eugene Johnson et Mary Louisa Barlow. Dorothy Marie Johnson (19 décembre 1905 – 11 novembre 1984) était une écrivaine américaine surtout connue pour ses fictions occidentales.

Sa carrière d'écrivain semble décoller en 1935, lorsqu'elle vend sa première nouvelle au Saturday Evening Post pour 400 $. Cependant, Johnson n'a pas vendu d'autre histoire pendant 11 ans, jusqu'en 1941, quatre histoires racontées par un personnage récurrent, "Beulah Bunny", vendues au Saturday Evening Post pour 2 100 $.  Son écriture a été temporairement détournée par la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'elle est allée travailler pour l'Air Warden Service. Après la guerre, elle a produit certaines de ses histoires occidentales les plus connues. Trois d'entre eux ont été transformés en films remarquables, à savoir A Man Called Horse (1970) avec Richard Harris , The Man Who Shot Liberty Valance (1962) avec John Wayne et James Stewart , et The Hanging Tree (1959) avec Gary Cooper .

Entre 1956 et 1960, Johnson a enseigné l'écriture créative à l'Université du Montana, dont elle a obtenu son diplôme en 1928. Avant et pendant son mandat, elle a écrit de nombreux articles et histoires de fiction pour de nombreux magazines différents. Celles-ci étaient souvent basées sur des entretiens avec des anciens occidentaux, des Amérindiens et des personnages qu'elle a rencontrés au cours de son mandat de secrétaire et chercheuse à la Montana Historical Society . Elle a également été secrétaire/directrice de la Montana Press Association dans les années 1950.
Johnson s'est toujours vantée de son autosuffisance après un mariage raté au début de sa vie. Elle a déclaré que son épitaphe devrait lire « Payé en totalité ». Sa tombe au cimetière de Whitefish, dans le Montana, porte simplement la mention « PAYÉ ». Elle est décédée le 11 novembre 1984, à l'âge de 78 ans.


Bibliographie

Femme buffle (1977)
Tous les buffles reviennent (1979)
Adieu à Troie (1964)
Princesse sorcière (1967)
Nouvelles
" Un homme appelé Cheval " (1950)
"L'homme qui a tué Liberty Valance" (1953)
"Le jour où le soleil est sorti" (1955)
"La robe aux dents d'élan" (1958)


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Les histoires de Dorothy Johnson dressent le tableau d’une époque où il n’était pas rare qu’un homme rentre d’une journée de chasse pour retrouver sa maison en flamme, sa femme et ses enfants disparus. Ces histoires de captures et d’évasion, d’hommes et de femmes décidant de quitter la Frontière et de revenir au pays tandis que d’autres font le choix de rester au milieu des tribus hostiles, mettent à nu l’Ouest américain du XIXe siècle avec une vivacité réjouissante.
Les nouvelles de Dorothy Johnson sont d’une vigueur et d’une sincérité hors du commun, car elles savent aussi bien épouser le point de vue de pionniers désireux de construire leur vie en territoire sauvage que celui de guerriers sioux ou crow qui luttent désespérément pour préserver leur liberté.


                        
Dorothy M. Johnson, cette grande écrivaine de Western, membre honoraire de la tribu blackfoot, publiée chez Gallmeister, une aubaine !
D'autant plus que ce recueil est présenté pour la première fois en integralité nous offrant, en prime, trois nouvelles inédites en français.

Ils sont au nombre de dix, dix récits nous contant l'ouest américain, d'êtres divergents tant par le sang que la culture, les coexistences difficiles mais aussi les assimilations. Des langages discordants ressort la fierté des peuples et des tribus, de la subsitance apparaissent l'adversité, les épreuves et les identifications à l'image d'une jeune soeur enlevée par les indiens et qui en deviendra une à son tour.
L'ouest americain du XIXe siècle, c'est aussi la nouvelle terre des Cowboys et hors la loi qui souhaitent rester loin de la justice, se faisant rattraper parfois par les comités de vigilance se délectant des pendaisons sans procès, viennent alors les dernières fanfaronnades des plus héroïques.
Ce sont les troupeaux de bétails déplacés et volés, les attaques de trains postaux par les bandits de grandes contrées comme les Rough String( les durs à cuire) et ceux qui pensent en être, se rêvant au réveil hors la loi à leur côté, s'engageant fébrilement, simulant des airs de caïds puis encore, ces légendes retentissantes, tel le Buckskin Kid, le gangster qui alimente les langues et les contes pour enfant, le vieux Crawford ayant vécu une époque de grandeur, échangeant les fourrures de castor, vivant avec les indiens avant de les quitter et se battre contre eux, scalpant, traversant les grandes montagnes et la surface de la terre faisant jaillir l'eau bouillante.
C'est l'époque des grands espoirs, des convictions d'une vie meilleure, des grands  dangers et des attaques assassines, des visiteurs devenus colons mais aussi de l'amour sans frontière, du sens de l'honneur et de la ruée vers l'or, mais ne vous y trompez pas, l'encerclement des indiens n'est jamais bien loin.

Dorothy Marie Johnson manie ses nouvelles avec une fabuleuse ingéniosité et j'ai vite compris , au même titre que Bertrand Tavernier, qu'au delà d'une conteuse de western, elle est une écrivaine tout court et de grand talent.
Maîtrisant un humour féroce et la mise en scène, pas étonnant que Gary Cooper se prête au rôle du Dr Joe Frail dans "la colline des potences" réalisé par Delmer Daves en 1959.
Il n'est pas difficile de plonger dans le grand ouest, d'humer le grand air des plaines et d'observer les couleurs changeantes des grandes étendues du Montana au grand canyon d'Arizona, d'entendre le tintement des éperons des Cowboys marchant nonchalamment , les portes batwing des saloons et le retentissement des Winchester ou du Colt.
Des nouvelles qui méritent le détour et si vous passez par la colline sous la branche horizontale d'un grand peuplier, là ou pend la corde du dernier pendu, n'oubliez pas que vous êtes une colombe désarmée.

Un régal de lecture.


\Mots-clés : #nouvelle
par Ouliposuccion
le Lun 12 Fév - 9:26
 
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Franz Hellens

Herbes méchantes et autres contes insolites

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Quinze nouvelles, parfois originales par le thème, toujours écrites dans un français châtié.
Incipit du bref texte éponyme, où les morts préfèrent à un écrasant tombeau la végétation de la fosse commune :
« Il n’y a ni bêtes méchantes ni herbes méchantes ; il n’y a que méchantes gens, méchants yeux, méchantes langues, humaine méchanceté, d’un pôle à l’autre.
La société végétale n’est mal faite qu’à l’égard et à l’égal de l’homme. Comment une herbe poussant en terre pourrait-elle être méchante ? Parce qu’elle dérange l’ordre du parterre, un ordre dont elle n’a aucune idée ? Son ordre à elle est de vivre dans l’ordre de la nature, que l’homme civilisé veut ignorer. L’ordre du parterre, c’est la loi du sécateur, la tyrannie du tuteur, pour le plaisir de l’œil humain, la satisfaction de sa vanité. Ainsi le troupeau s’aligne, mordu à l’oreille par le chien de garde. Le rosier est le chien de garde du jardin, qui n’a pas encore trouvé sa proie à déchirer de ses épines. »


\Mots-clés : #fantastique #nouvelle
par Tristram
le Ven 9 Fév - 11:33
 
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Jorn Riel

Un curé d'enfer et autres racontars

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Où on retrouve la même équipe dispersée au Groenland, pour de nouvelles aventures, certes loufoques, mais qui évoquent aussi un monde à la fois dur et attirant.
« Le vertigo polaire pousse lentement, et se construit selon le même schéma dans tous les cas connus. Les problèmes enflent et grossissent et étouffent à la fin leur victime au point qu’elle craque dans la grande crise libératrice du vertigo. Le vertigo en lui-même comporte un nombre abondant de variantes. Certains sont frappés d’une sorte de maladie du sommeil, où l’assoupissement permanent tient lieu de mécanisme protecteur contre les problèmes insolubles. Ceci est une forme assez bénigne que l’on peut observer chez des nourrissons qui ne sont pas à l’aise dans la vie. D’autres deviennent fous au sens le plus littéral du mot. Courent comme des insensés, hurlent comme des renards à la lune, cassent n’importe quoi, tirent sur tout ce qui bouge ; dans le même temps – ceci est commun pour tous – ils jurent, pleurent, rient et chantent des chansons cochonnes. Cette variante-là n’est pas préoccupante, il suffit de la laisser s’épuiser. La crise passe au bout de quelques jours, et celui qui en est la proie tombe dans un état d’épuisement d’où il se réveille avec une légère amnésie, clair et purifié.
Il y a aussi le cas bien connu des marcheurs solitaires. Des candidats au vertigo qui se mettent à marcher vers le sud à la chasse au bonheur, ou des gens qui s’installent dans une yole et commencent à ramer vers l’Islande. Ceux-là sont pénibles parce qu’il faut les suivre et les surveiller. À cette liste on peut ajouter une irrépressible envie de bisous-de-nègre, des exterminations intempestives de lièvres à trois pattes ainsi que de tenaces fantasmes féminins. »

« Parce que ni l’esprit missionnaire ni la Mission intérieure n’étaient plus ce qu’ils avaient été avant l’avènement de ce siècle. Des vents adoucissants avaient, avec le nouveau siècle, soufflé sur le mouvement de réveil religieux, et ce qui auparavant avait été si empreint d’un zèle répressif de toute joie était en train de se doter d’un visage plus positif et tolérant. Pour la direction supérieure, des fanatiques comme Pollesøn étaient donc devenus de vraies patates brûlantes. D’un côté, on ne pouvait pas sous-estimer ses mérites au Groenland, d’un autre côté, il ne fallait en aucun cas compromettre l’image en cours d’édification. »


\Mots-clés : #aventure #humour #nouvelle
par Tristram
le Dim 21 Jan - 11:10
 
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Miguel de Cervantes

Nouvelles exemplaires

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La Petite Gitane
C’est la jeune et belle danseuse Précieuse, qui exige du jeune gentilhomme tombé amoureux d’elle qu’il suive les coutumes des siens (au nombre desquelles le larcin) pendant deux ans avant de la conquérir.
« Ô puissante force de celui qu’on appelle le dieu délicieux de l’amertume (titre que lui ont donné notre oisiveté et notre négligence), avec quelle rigueur tu nous asservis ! Comme tu nous traites sans égards ! André est gentilhomme et jeune, et de bon entendement, nourri presque toute sa vie à la cour, choyé par ses riches parents ; un jour a suffi pour ce changement : voilà qu’il a dupé ses domestiques et ses amis, détrompé les espérances que ses parents avaient mises en lui, laissé le chemin de Flandres où il devait exercer la valeur de sa personne et accroître l’honneur de sa lignée, pour s’aller prosterner aux pieds d’une fillette et se faire son valet, car pour belle qu’elle fût, enfin elle était gitane… Privilège de la beauté qui tire à soi et par les cheveux et à rebrousse-poil la volonté la plus franche ! »

Devenu le gitan André Caballero, don Juan ne parvient cependant pas à accepter de voler. Un « page-poète » qui avait donné ses romances à Précieuse réapparaît, et inquiète André jaloux. Celui-ci échappe à un danger mortel comme, fort conventionnellement et sans surprise, Précieuse se révèle bien née et retrouve ses parents pour lui être mariée.

L'Amant libéral
Richard, un chrétien captif des Turcs à Nicosie (de même que Cervantès l’a été à Alger), fut ravi par une galiote, et son amour Léonise par une autre. En partie grâce à son ami Mahamoud, mais surtout à cause de l’entretuerie de leurs ravisseurs qui les convoitent à leur propre usage, ils recouvreront la liberté et s’uniront. Là encore le happy end de rigueur n’est pas une surprise pour le lecteur.
À noter le rôle effacé de Cornelio, rival de Richard, un peu comme il en était du « page-poète » dans la nouvelle précédente.

Rinconete et Cortadillo
Rincon et Cortado sont deux jeunes picaros, des voyous poursuivant leurs aventures au sein d’une confrérie sévillane qui pratique l’argot (et le galimatias), organisée avec une méthode hiérarchique et protocolaire. Un regard teinté d’humour sur le milieu des mauvais garçons, déjà corporatif voilà quatre siècles : un témoignage historique, presque ethnographique, notamment sur la langue jargonnière.

L'Espagnole anglaise
Le gentilhomme Clotalde ramène en Angleterre la petite Isabelle, enlevée lors de la bataille de Cadix. Elle est élevée dans cette famille secrètement catholique avec le fils, Ricarède, qui en tombe amoureux. La reine Élisabeth l’envoie guerroyer pour mériter de l’épouser (et accroître ses propres richesses) ; il vainc les Turcs qui avaient arraisonné un riche vaisseau portugais, libère leurs captifs chrétiens, et ramène à Londres les parents d’Isabelle, qui étaient du nombre (ainsi que le butin). Surgit le comte Arnest, rival de Ricarède auprès d’Isabelle, et sa mère empoisonne celle-ci, qui survit fort enlaidie. Mais Clotalde et sa femme Catherine décident de lui substituer l’épouse originellement prévue pour leur fils. Isabelle et ses parents retournent en Espagne, où ils rétablissent leur crédit de marchands grâce à la générosité d’Élisabeth ; elle, qui a recouvré sa beauté, attend Ricarède, qui lui a promis de la rejoindre dans les deux ans.
« Bref, elle ne connut aucune des fêtes de Séville : elle était tout entière à son recueillement, à ses oraisons, à ses honnêtes rêveries. Elle attendait Ricarède. »

Celui-ci est donné pour tué par Arnest, mais il a survécu, captif des mores, et réapparaît comme Isabelle allait prendre le voile…
Ce texte, sur fond de guerre de Religion (tant les Anglais ne semblent point être considérés comme chrétiens), montre à l’évidence la nouvelle approche littéraire introduite par Cervantès, qui permettra par exemple les romans de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas père (et fils) : des intrigues pleines d’aventures et de ressorts, du suspense au pathos, dans des mélodrames qui font rêver le lecteur.

Le Licencié de verre
Histoire plaisante de celui qui, empoisonné, survécu mais devint fou, se croyant de verre. Pérorant en public, il joue bouffonnement sur les mots.

La Force du sang
À Tolède, Rodolphe a enlevé Léocadie. Un enfant naît du viol, mais celui-ci permettra leur mariage, à la satisfaction générale…
« Sache, ma fille, qu’une once de déshonneur public blesse plus qu’une arrobe d’infamie secrète. Tu peux vivre en public honorée et avec Dieu : ne t’afflige point d’être en secret, avec toi-même, déshonorée. »

« L’intention de ses grands-parents était de le faire vertueux et savant, puisqu’ils ne pouvaient le faire riche : comme si la sagesse et la vertu n’étaient pas les richesses sur quoi n’ont nulle juridiction les voleurs ni cela qu’on appelle Destin. »

Le Jaloux d'Estrémadure
Un aventurier parcourt lui aussi l’Espagne, l’Italie et les Flandres, mais également le Pérou.
« Se voyant donc si dépourvu d’argent et autant que d’amis, il recourut au remède où finissent par recourir tous les garçons perdus, qui est de s’embarquer pour les Indes, refuge ordinaire des Espagnols désespérés, église des banqueroutiers, sauf-conduit des homicides, paravent de ces brelandiers que les habiles connaissent pour pipeurs, appeau des femmes libres, salut particulier d’un petit nombre et leurre commun du plus grand. »

Devenu riche et vieux, il épouse une jeune innocente qu’il croître jalousement à Séville. (Là encore, on découvre les coutumes du temps, comme l’esclavage.)
« …] il acheta aussi quatre esclaves blanches et les marqua au fer rouge sur le visage, et deux négresses fraîchement débarquées d’Afrique. »

Un jeune homme parvient à pénétrer chez lui, et la duègne rapproche les deux jeunes gens. Mais le mari découvre la vérité, pardonne et meurt.

L'Illustre Laveuse de vaisselle
« Carriazo pouvait avoir treize ans lorsque, mené par quelque inclination picaresque, sans qu’aucun mauvais traitement de ses parents l’y obligeât, rien que pour son plaisir et sa fantaisie, il s’arracha, comme disent les jeunes gens, à la maison paternelle et s’en fut par le vaste monde si content de la vie libre que, au milieu des incommodités et misères qu’elle entraîne après soi, il ne regrettait point la demeure de son père, et ne se sentait fatigué de marcher, offensé du froid, ni incommodé de la chaleur [… »

(Il semble qu’un picaro soit un coquin, un truand.) Carriazo engage le jeune Avendaño à la vie picaresque dans les madragues à thons (et fripons) ; en chemin, le cadet veut voir l’écureuse tant vantée d’une posada de Tolède, Constance, et s’en éprend. Plusieurs péripéties annexes se déroulent en épisodes aux accents lyriques et humoristiques, avec un aperçu des danses populaires (de la turba multa), tandis que Carriazo se fait porteur d’eau avec un âne. Il s’avère que Constance est la fille d’une noble et riche dame qui accoucha incognito à l’auberge, pélerine de passage se prétendant hydropique. C’est don Diègue, le père de Carriazo, qui l’abusa, et la donne en mariage à Avendaño.

Les Deux Jeunes Filles
Elles fuient, déguisées en hommes que dénonce la beauté de leur noble origine, et se rencontrent : Théodosie a été abandonnée par Marc-Antoine, et Léocadie aussi de son côté, mais celle-ci sans consommation charnelle. Elle a été dévalisée par les bandouliers, et se confie à Théodosie : les deux jeunes filles sont rivales dans leur jalousie. Don Rafael, le frère de Théodosie, à qui elle s’est confiée sans le reconnaître dans l’obscurité d’une chambre d’auberge, s’éprend de Léocadie tandis qu’ils poursuivent Marc-Antoine, et le retrouvent en plein combat entre les soldats des galères et les gens de Barcelone. Il est blessé, se déclare l’époux de Théodosie, et Léocadie épouse don Rafael, suspendant de justesse le combat des trois pères qui allaient s’entretuer. Histoire particulièrement abracadabrante !

Madame Cornélie
« Don Antonio de Isunza et don Juan de Gamboa, tous deux gentilshommes, du même âge, gens d’esprit et grands amis, déterminèrent, étant étudiants à Salamanque, de laisser là les études et de se rendre en Flandres où les appelaient le bouillonnement de leur jeune sang et le désir, comme l’on dit, de voir du pays. »

Cependant, suite à cet incipit, la paix en Flandres les incite à rentrer en Espagne, passant par l’Italie (la France n’est pratiquement jamais évoquée dans le recueil). Ils reprennent leurs études à Bologne, et tentent d’approcher « la dame Cornélie Bentibolli, de l’antique et généreuse famille des Bentibolli ».
« Sa renommée donnait à don Juan et à don Antonio de grands désirs de la voir, fût-ce à l’église. Mais les efforts qu’ils y firent demeurèrent vains, et l’impossibilité, couteau de l’espérance, fit décroître leur désir. »

L’un des Espagnols recueille un bébé, l’autre vient en aide à qui se révélera être le duc de Ferrare, aux prises avec les hommes du frère de Cornélie, et recueille une femme éplorée, celle-ci même qui vient d’accoucher, évidemment Cornélie. Tout sera bien qui finit bien, comme toujours, et ce malgré une « bourde » (plaisanterie, farce) assez incongrue.

Le Mariage trompeur
L’enseigne Campuzano rencontre le licencié Peralta et lui narre comme il relève d’une maladie vénérienne transmise par la femme qui l’a berné pour l’épouser, et surtout le dépouiller.
« Mais de quelle couleur et en quel état vous voilà ? »

Il paraît qu’en Syrie on se salue en demandant "quelle est ta couleur ?", et il y a peut-être un rapprochement à faire, d’autant que les influences arabes sont nombreuses en l’Espagne du XVIIe (comme le port du voile).
« Enfin, pour en revenir au fait de mon roman (on peut bien donner ce nom à l’histoire de mes aventures), j’appris que doña Stéphanie était partie avec ce cousin qui avait assisté à ses noces et qui, depuis belle lurette, était son doux ami. »

Le Colloque des chiens
Celui-ci est inséré à la suite du précédent récit, et prend place comme Campuzano, pris de fièvre à l'hôpital, surprend un dialogue entre Berganza et Scipion, deux chiens qui viennent de recevoir la capacité de parler, se racontent leur existence. Appartenant d’abord à un voleur d’abattoir, Berganza devint chien de berger, puis se choisit des maîtres à Séville.
« …] la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. »

Première occurrence de cette expression ? De même, « reviens à tes moutons » et « l’oisiveté, racine et mère de tous les vices » ; d’ailleurs les deux chiens font référence à la littérature du temps, et leur conversation farcie de proverbes et aphorismes est moralisatrice en s’efforçant d’éviter de médire, sur le mode plaisant. Ils dénoncent la subornation des agents de l’autorité, et renseignent sur les coutumes de l’époque. Devenu chien savant, Berganza aura notamment affaire à une sorcière, dont il dénonce l’hypocrisie.
« Qui donc a fait cette vieille si discrète et si méchante ? D’où sait-elle la différence des maux par accident et des maux par coulpe ? Comment entend-elle et parle-t-elle tant de Dieu et œuvre-t-elle tant du diable ? Comment pèche-t-elle avec tant de malice et sans l’excuse de l’ignorance ? »

Puis il aura affaire à des gitans, un morisque (apparemment plus juif que more), un poète, des comédiens.

La Tante supposée
Claudia a trois fois vendu pour vierge la jeune Espérance, à chaque fois recousue « au fil de soie rouge ». Deux étudiants de Salamanque lui donnent la sérénade, et une fois encore la supercherie sera découverte à cause d’une duègne corrompue.

Lecture un peu fastidieuse, qui vaut pour la découverte des mœurs de l’époque, et surtout des origines du roman tel qu'il se développera en Occident.

\Mots-clés : #aventure #documentaire #nouvelle
par Tristram
le Jeu 11 Jan - 11:55
 
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Michel de Ghelderode

Sortilèges et autres contes crépusculaires

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L'Écrivain public
Le narrateur visite la figure de cire de Pilatus, écrivain public qui pratique la « Discrétion d’honneur » (j’entends qu’il se flatte sur son honneur de ne rien divulguer des confidences qu’il ne livre qu’au papier). Il lui confie ses tristes souvenirs, lui parlant et bientôt par la pensée. Puis tous deux souffrent de la chaleur estivale, lui reclus dans sa chambre, et le mannequin à l’ombre. Le gardien du béguinage lui apprend qu’il n’a cessé de visiter les lieux, écrivant à la place de ce dernier.

Le Diable à Londres
Une rencontre, dans l’ennui de l’immonde Londres, du diable en prestidigitateur méphistophélique.
« La vie des autres ne m’intéresse pas et je présume que la mienne ne doit intéresser personne. C’est pourquoi j’évitais de me lier avec mon semblable, ce qui n’est pas difficile en terre anglaise. »

Le Jardin malade
Le narrateur s’installe avec son chien au rez-de-chaussée d’une vieille bâtisse, déjà habitée à l’étage par une discrète dame en gris. Son logis est imprégné d’une odeur de moisi médicamenteux et donne sur un jardin à la fois luxuriant et maladif. C’est l’emplacement d’un ancien cimetière conventuel, où vit un démoniaque chat cadavéreux. Celui-ci surveille une petite fille monstrueuse, à cause de laquelle lui et le chien s’affrontent.

L'Amateur de reliques
Joute avec un antiquaire à propos d’un ciboire profané.

Rhotomago
« Parmi les objets bizarres, inusités, qui encombrent ma chambre, se voit un assez joli bocal ancien, en verre de Bohême, empli d’une eau émeraudine et dont l’ouverture est couverte d’un parchemin. Il contient une sorte de menaçant insecte tout en griffes et antennes, de verre aussi et d’un rouge brillant. À le regarder de plus près, on remarque qu’en cet insecte se précise une forme humaine, à laquelle les antennes et les griffes confèrent un aspect diabolique. Le bocal contient un petit diable. Et pour que nul n’en ignore, une main a tracé jadis d’une encre décolorée l’état civil et la profession du ci-devant diable, sur le parchemin qui l’emprisonne : Je m’appelle Rhotomago, je monte, je descends et je dis l’avenir de Madame !… »

Ce diabolique ludion trouvera son maître, sur un mode facétieux.

Sortilèges
Dédiée à Ensor, cette nouvelle raconte l’arrivée d’un narrateur névrotique à l’abord d’une ville au bord de la mer (apparemment Ostende) en temps de carnaval. Ayant réchappé à son suicide grâce à un « apparu », il fuit les sortilèges des masques-méduses à l’issue de leur débauche.

Voler la mort
« La Mort vient comme un voleur ! »

Ou comment l’amitié vraie peut se révéler au seuil de la mort qui veut vous enlever.

Nuestra señora de la Soledad
Éloge presque mystique de la solitude.

Brouillard
Un narrateur accoutumé à s’entendre appeler par son nom subit une fébrile hallucination par une nuit de brouillard. Une personne qu’il avait décidée morte il y a vingt ans l’est effectivement devenue.

Un crépuscule
« …] un ciel bizarre, en creux, d’une fantaisie préhistorique, et fait d’une accumulation de grottes gazeuses. Et la lumière, une froide et baveuse lumière à couper au couteau, bouillonnait de ces poches nuageuses ; une lumière de teinte vénéneuse lentement éjaculée… Cela me parut l’invention d’un peintre fou ou possédé. La découverte de ce ciel catastrophique réveilla mon oppression en même temps que le sentiment de l’imminent malheur qui menaçait la Terre et l’espèce pullullant sur ses croûtes. Je ne pouvais me résoudre à y voir un crépuscule à son instant critique, un orgasme lumineux. Mon esprit autant que mon regard récusait ce ciel impossible, parce qu’il réverbérait par inversion les entrailles du globe et ses abominables flux, et encore, si j’ose écrire, parce que ce phénomène météorique m’apparaissait comme une monstrueuse erreur de la nature… Et je cachai mes yeux irrités. »

Le narrateur se réfugie dans une église, sans doute Saint-Nicolas de Bruxelles, qui s’enfonce dans le sol. Puis elle resurgit.
« Le monde ne finissait pas ; le monde odorait charnellement, après le déluge. Et j’allai avec les troupeaux chantants et si fatalement beaux, sous les projecteurs lunaires, déporté vers les abattoirs cruels, où sont sacrifiées les bêtes, dont le sang coule à torrents pour apaiser, on ne sait, la colère des dieux, ou la faim des hommes… »

Tu fus pendu
Jef, le patron de l’auberge La Petite Potence, est aussi antiquaire, et possède une pie parlante.
« En sa présence et dans sa maison, j’oubliais le Temps, ce Temps qu’il méprisait et ignorait, car céans, les horloges marquaient des heures folles ou s’arrêtaient sans motif. »

Dans un vocabulaire très riche, j’ai découvert le terme de « mauclair », apparemment la pièce de bois rapportée qui vient couvrir le joint formé par deux vantaux en masquant le système de fermeture (mot usité dans les Flandres).

L'Odeur du sapin
Un acariâtre asthmatique vit seul avec sa « meskenne » (peut-être une déformation de l’ancien français "meschine", pour une domestique), gentiment appelée Péché Mortel. Il reçoit la visite d’un puant nautonier à l’œil de poisson, et ils jouent une inéluctable partie d’échecs.
« Bois prédestiné, monsieur. Le sapin, si humble, dont on fait des planches de cercueil et des planches d’échiquier – deux objets qui vous mettent en contact avec l’infini… »

Le style de ces contes d’horreur et d’humour m’a ramentu Barbey d’Aurevilly, bien sûr Jean Ray, voire Bruno Schulz et ses mannequins, mais aussi l’angoisse de Maupassant.

\Mots-clés : #fantastique #nouvelle
par Tristram
le Dim 7 Jan - 10:26
 
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Sujet: Michel de Ghelderode
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Ryûnosuke AKUTAGAWA

La Magicienne

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Cinq textes :
Les Poupées
Au début de l’ère Meiji, une famille ruinée par le changement social causé par la modernisation (essentiellement une occidentalisation) se voit contrainte de vendre ses traditionnelles poupées précieuses à un Américain. C’est un déchirement, surtout pour la jeune fille et la mère, le fils se tournant résolument vers le progrès.

Un crime moderne
Confession-testament d’un médecin de la même époque, formé en Angleterre où il est devenu chrétien. Son secret amour d’enfance a été marié à un riche corrompu qu’il empoisonne pour permettre le remariage de l’aimée à son amant de cœur. Mais il lutte pour ne pas tuer à son tour l’élu, et se suicide.
« À y bien réfléchir, je comprends que ma tentative de retranscrire mon passé en m’assurant de l’exactitude des faits revient à me faire revivre les événements, et au bout du compte, finit par abolir la distance. »

Un mari moderne
Rattaché au passé et à un idéal d’amour pur, il tarde à comprendre l’immoralité de son épouse qui à une liaison avec un cousin, et est même une « féministe » : « l’émancipation des femmes » fait partie des nouvelles valeurs répugnantes…
« Tout avait un parfum de nouveauté surannée, la décoration vous plongeait presque dans l’angoisse à force de faste, et si je voulais la qualifier encore, je dirais que l’ensemble faisait songer au son d’un instrument de musique désaccordé, oui, ce cabinet de travail était un reflet fidèle de l’époque. »

La Magicienne
En référence à Poe et Hoffmann, le narrateur évoque les « phénomènes insolites que recèle la nuit de Tôkyô » pour introduire son récit autrement difficile à croire. Son histoire est celle de Toshi et Shinzô, qui se sont promis l’un à l’autre. Mais la vieille Shima, nécromancienne de la famille de Toshi, à subjugué celle-ci pour s’en servir comme oracle auprès du dieu Basara après l’avoir mise sous hypnose. Deux papillons noirs, un œil fantastique et d’autres phénomènes inquiétants alarment Shinzô, qui veut la sauver de cette emprise. Son ami Tai décide Toshi à simuler un ordre de la divinité, mais elle succombe à la possession. Cependant le dieu, décidément ambivalent, enjoint à Shima de préserver les deux amoureux ; croyant à une feinte, la magicienne s’y refuse et meurt foudroyée.

Automne
Nobuko s’est-elle sacrifiée pour sa jeune sœur Teruko en lui laissant épouser Shunkichi ? Un assez bref texte plein de sensibilité, de subtilité et de grâce.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Dim 31 Déc - 11:07
 
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Sujet: Ryûnosuke AKUTAGAWA
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William H. Gass

Sonate cartésienne

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Le texte éponyme :
« Ceci est l’histoire d’Ella Bend Hess, de la façon dont elle est devenue extralucide, et de ce qu’elle a pu voir. »

Dans la première partie, un auteur phrase et divague oisivement, notamment sur l’écriture, et la description de ses personnages.
« …] traçant un des secrets de sa vie sur le mur ou dans la lunette des cabinets, pas toujours quelque chose de bas ou de vulgaire, d’ailleurs, car après tout c’est la forme et non le contenu qui importe [… »

« Sauf quand j’aurai mal, ceci sera votre histoire. Alors, bien que les qualités physiques d’une dame, disons une dame pour le moment, existent en tant qu’unité et apparaissent pour l’essentiel de la même façon, sa description, dans la mesure où elle doit former une séquence de mots, dispose ces qualités pour la compréhension du lecteur, de sorte qu’elle apparaît au regard à la manière d’un navire lointain, petit bout par petit bout. Sa description peut être dessinée avec des lignes droites ou des zigzags, des courbes ou un nuage de petits points discrets mais, quelle que soit la géométrie, l’auteur, pour autant qu’il comprend la nature de son art et en a la capacité, composera une image à partir des inflexions fournies à notre attention qui non seulement seront aussi passionnantes qu’une aventure narrée par le détail, mais constitueront aussi, lorsque le lecteur saisit l’ensemble comme il saisit un thème musical, un drame du passage de l’esprit, son début, son milieu et sa fin y compris, reconnaissance et renversement inclus, l’art de l’auteur l’exigerait-il ; et ce qui peut être vrai de la description physique d’une dame peut être vrai de l’arrangement de n’importe quel ensemble de mots, même si le but de cet arrangement peut être plus difficile à discerner, les liens plus subtilement établis. […]
Ce sont précisément des considérations de cette sorte qui distinguent l’attitude de l’artiste envers le langage de celle des autres ; c’est l’intensité de son souci qui est la mesure de son engagement, leur multiplication qui révèle la grandeur de sa vision ; et c’est l’effet de pareils scrupules, lorsqu’ils réussissent à prendre corps, que ce soit avec la facilité d’un génie débordant ou au prix des douleurs d’un talent allié à l’ambition, que de faire s’élever une fiction, ou toute autre œuvre de création, de ce qui serait sous tous autres rapports un lieu commun, à la hauteur du beau. »

« Quand Dieu écrivit sur le mur de Belschatsar, le critique Daniel décida que les mots énigmatiques signifiaient « compté compté pesé et divisé », et qu’ils voulaient dire que le règne du roi avait été jugé insatisfaisant, et que sa terre devait être divisée. Mais ici, plutôt que d’un jugement, il s’agit d’une injonction : écrivain lecteur, pesez deux fois chaque chose, veillez à ce que tout compte, et séparez-vous de votre écriture lecture à la manière dont un serpent se débarrasse de sa peau, en gardant également à l’esprit qui vous êtes, écrivain lecteur – vous êtes la mue, et le texte qui vous est commun est le serpent luisant et rusé. »

Dans la seconde partie, Ella elle-même rend compte d’une sorte d’hyperesthésie de l'ouïe, et d’une métamorphose tératologique.
« L’espace n’était pas de l’espace pour Ella, c’était des signaux. Tout émettait quelque chose : une fleur son parfum, une chauve-souris son bip, une lime sa rugosité, un citron son acidité, une fille sa magnificence, une rue d’été sa chaleur d’été, chaque muscle son mouvement ; l’espace fait plus de vagues que l’océan : rayons X, transmissions radiophoniques et télévisuelles, conversations sur walkie-talkie, messages de téléphone de voiture, ultraviolets, micro-ondes, cosmitudes en tous genres, gosses qui se causent avec des boîtes de conserve, radiations des lignes à haute tension, boîtes à signaux, transistors et transformateurs, infinillions de pièces électroniques suintant l’information, tremblements de la terre, avions à réaction, autres sillages, autres vents ; mais au-delà de tout ça, et de surcroît, l’odeur dit sucre, le bip dit victime, le rugueux émet un avertissement râpeux, l’amertume stimule la salivation, cette magnificence mérite turgescence, ou au moins d’éveiller l’intérêt, la chaleur est sa propre menace, et le mouvement témoigne d’une volonté ; pendant ce temps l’odeur qui voulait dire sucre pour l’abeille lui enduit le flanc de pollen, chaque victime que mange la chauve-souris signifie que moins d’insectes mordront cette cuisse tant admirée ; il est de plus écrit qu’on n’évite une bagarre que pour tomber dans une autre, que le citron fait passer la salade dans une bouche qui mâche jusque dans un estomac où les vitamines sont diffusées comme des informations ou des messages publicitaires, le pénis qui a eu son plaisir, à supposer un tel résultat, peut causer une grossesse inattendue – peut-être, dans ce cas précis, s’agit-il d’un déséquilibre entre cause et conséquence –, des pieds échauffés recherchent l’ombre là où l’herbe qui pointe tant bien que mal se fait piétiner, et la volonté frustrée s’acharne péniblement à atteindre une fois de plus un but remis à plus tard ; de sorte que parfum, surface, acidité, son, vision, sexe, la chaleur du monde, la volonté des hommes ne sont que médiocre crincrin de violoniste des rues parmi tous ces messages, une fête riquiqui sous pareille avalanche de confettis ; car chaque petite alvéole d’un morceau de métal alvéolé hurle, et les plantes s’imprègnent doucement de leurs propres jus jusqu’à la musique, et le duvet des oiseaux murmure dans un autre registre ce que l’oiseau recèle en son cœur. »

Dans la troisième et dernière partie bartlebyennement intitulée J’aimerais autant pas), son mari, l’auteur, parle d’elle avec rancœur.
Avec le compte rendu de ces états d’âme et flux de conscience, ce texte me paraît être une prolongation de l’Ulysse de Joyce, ne dédaignant pas la vulgarité, riche en innovation formelle et notamment lexicale.

Chambres d’hôtes
C’est cette fois de Walt Riff (Walter Riffaterre), comptable itinérant (et véreux), dont on suit le monologue tandis qu’il examine de vieux livres dans sa « chambre de motel ringarde », et songe à « maman », à certaines Eleanor et Kim, et à son ancienne secrétaire Miz Biz. Le lendemain, sa chambre d’hôtes est totalement différente, un havre bourré de souvenirs familiaux, précieusement décoré et kitsch, qu’il ne se résigne pas à quitter.
« La télé, s’il l’allumait, lui proposerait des images pareilles à de la tourte sous cellophane, l’appareil se souciant aussi peu de sa fonction que le dessert s’intéresse au comptoir de Formica sur lequel il attend le client. »

« Une lumière conçue dans des globes gravés et peints traversait en dansant le plissé des voilages pour baigner de confort la pièce et tous ses aménagements. Le tapis de cheviotte bleu pâle semblait la boire. Il existait un nom pour ce genre de tapis, mais Riff n’arrivait pas à le retrouver. C’était là tout un univers auquel il était étranger. »

« Il éprouvait ce besoin de noms. Son œil, une fois qu’il s’était mis enfin à regarder les choses, s’était fait littéral. »

Même procédé que dans le texte précédent, avec plaisanteries intimes, recherche du mot juste, description minutieuse des lieux (qui m’a ramentu le Nouveau Roman).

Emma s’introduit dans une phrase d’Élizabeth Bishop
Emma Bishop est une maigre vieille fille qui se ressouvient de sa misérable enfance (son père la dénigrait physiquement), au cours de laquelle elle lisait sous son frêne (qui va être abattu) ; elle évoque la vie et l’œuvre d’Elizabeth Bishop et Marianne Moore, poètes (et amantes), mais aussi Edith Sitwell et Emily Dickinson. Solitaire dans sa ruralité, vivant à peine, elle tue les mouches, crée des babioles pour exister. Peu à peu elle se détache du monde, voire de la poésie, de façon de plus en plus bizarre et dramatique.
« Comme les autres Emmas avant moi, je lisais sur l’amour à la lumière d’une demi-vie, et l’ombre de sa moitié absente donne de la profondeur à la page. »

Poétique et avec de nouveau beaucoup d’inventivité formelle, ce texte m’a cette fois remis en mémoire Virginia Woolf.

Le maître des vengeances secrètes
Luther Penner cultive de discrètes et mesquines vengeances depuis un âge puéril, et en fait un système théologique inspiré de la loi du talion, développant une rhétorique basée sur l’histoire de l’antiquité au cinéma nord-américain en passant par la Bible et Shakespeare (entr’autres auteurs).
« Il nous faut écarter, avec le plus grand respect, naturellement, la vision exagérément linéaire qu’a Descartes de l’explication rationnelle, parce que les révélations résultent rarement de l’escalade d’une échelle par l’esprit, chaque barreau bien net et bien placé gravi par un pied puis par l’autre comme un pompier en opération de sauvetage ; elles s’accomplissent plutôt à la manière indirecte dont la crème remonte à la surface d’un carton de lait : le petit-lait coule partout vers le fond alors que dans le même temps d’innombrables globules de graisse se libèrent et glissent vers le haut, chacun seul de son côté, aussi indépendant des autres que les monades de Leibniz, jusqu’à ce que, progressivement, presque sans qu’on s’en aperçoive, les globules en question forment une masse qui submerge le lait bleu alors que la crème douce couronne la surface, qui attend qu’on l’écrème. »

« C’est peut-être à cause de la façon dont on les élève, mais il semble que les gosses, dans notre société, on s’attende à ce qu’ils déçoivent leurs parents en ne réussissant pas à « concrétiser » telle ou telle attente, en prenant une orientation qu’on ne voulait pas leur voir prendre, ou en embrassant des valeurs et des opinions parfaitement insupportables. »

« Je pense que nous nous traitons mutuellement comme des imbéciles parce que nous avons acquis, à force d’entraînement, la parfaite compétence qui nous permet à la fois d’être des imbéciles et de traiter les autres comme tels, de sorte que nous méritons les insultes qui nous grêlent sur la tête. »

« Donc : les vengeances secrètes sont secrètes dès lors qu’elles ne sont pas perçues comme représailles par leur victime, qui vit avec une claudication qu’elle apprend à considérer comme normale ; et elles deviennent transcendantales lorsque même celui qui les inflige est ignorant de la nature de son acte. La transmission d’idées stupides, par exemple. Ou la création d’illusions absolues avec une parfaite sincérité, lorsqu’il ne s’agit plus de mensonges mais de notions fallacieuses servies sur des plats de porcelaine et mangées avec des couverts en argent. »

« Je pense plutôt que Luther Penner nous a apporté une métaphysique, caustique, assurément, mais magnifique : la vie perçue non pas simplement comme si elle était vécue dans un tourbillon de mythes en conflit et en concurrence, mais comme si elle était habillée d’illusions délibérément conçues par ceux qui, ayant été précédemment égarés, prennent ainsi leur revanche comme seuls peuvent secrètement le faire des ennemis secrets. Combien, dans notre propre maison ou notre propre quartier – pour ne considérer qu’un échantillon réduit –, ont-ils été trahis par des ismes et des logies d’une espèce ou d’une autre, ont donné de l’argent pour des causes démentes, et gaspillé une énorme partie du temps précieux de leur vie en vaines quêtes spirituelles ? »

Sur le mode humoristique, parfois d’une causticité politiquement incorrecte, toujours avec des comparaisons percutantes, c’est une belle analyse de l’esprit tordu, voire du complotiste parano, des dérives évangéliques et de l’avènement de l’ère post-vérité, éclairés fort tôt avant leurs récents développements, d’abord états-uniens.

Quatre nouvelles (voire novellas) qui démontrent (au minimum) une façon d’écrire assez expérimentale (mais restant fort lisible), c'est-à-dire hors de l’ornière ordinaire.

\Mots-clés : #contemporain #creationartistique #ecriture #nouvelle #portrait
par Tristram
le Ven 15 Déc - 11:03
 
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Raymond Carver

Tais-toi, je t'en prie

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Tais-t11

D’abord de minces tranches de vie, narrées très sobrement (une serveuse sert un obèse, etc.)
Plus original et développé, Pourquoi l’Alaska, une soirée fumette avec des dialogues décalés, et surtout L’aspiration, l’histoire d’une sorte de démarcheur en pantoufles qui shampouine la moquette chez un chômeur divorcé (et repart avec son courrier) ; avec cette dernière, j’ai pensé à l’esprit de Brautigan.
« Rilke a été toute sa vie de château en château. Les mécènes ! Il parlait fort, pour couvrir le bourdonnement de l’aspirateur. Il ne montait qu’exceptionnellement à bord d’une automobile. Sa préférence allait aux trains. Et regardez Voltaire à Cirey, avec Madame du Châtelet. Son masque mortuaire. Quelle sérénité ! Il a levé la main droite comme si je m’apprêtais à le contredire. Non, non, ce n’est pas vrai, n’est-ce pas ? Inutile de me le dire. Mais qui sait ? Puis il a fait demi-tour et il s’est dirigé vers l’autre pièce en traînant sa machine derrière lui. »

Dans Qu’est-ce que vous faites, à San Francisco ?, un facteur assez commère rapporte l’emménagement d’une famille de « beatniks » (et leur départ en ordre dispersé).
« Un barbu, pour nous, c’est un oiseau rare – aussi rare qu’un homme qui ne travaille pas. »

Pourquoi, mon chéri ? est un de ces textes qui interrogent : la mère célibataire d’un fils menteur et assez odieux en vient à en avoir peur jusqu’à se cacher lorsqu’il a accédé au pouvoir politique.

\Mots-clés : #nouvelle
par Tristram
le Lun 11 Déc - 11:12
 
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Jean Giono

Solitude de la pitié

Tag nouvelle sur Des Choses à lire Solitu10

Vingt nouvelles souvent assez brèves :

Solitude de la pitié
Prélude de Pan
Champs
Ivan Ivanovitch Kossiakoff
La main
Annette ou une affaire de famille
Au bord des routes
Jofroi de la Maussan
Philemon
Joselet
Sylvie
Babeau
Le mouton
Au pays des coupeurs d'arbres
La grande barrière
Destruction de Paris
Magnétisme
Peur de la terre
Radeaux perdus
Le chant du monde


La première et l’éponyme me choque toujours malgré les relectures : un curé de village et sa servante profitent de manière particulièrement sordide du dénuement de nécessiteux, sans songer dans leurs calculs à en soulager la misère.
La seconde, Prélude de Pan, déjà présentée par Aventin ICI, demeure extraordinaire : après de menaçants signes météorologiques de la nature, l’homme avec « sa face de chèvre avec ses deux grands yeux tristes allumés », révolté par un assassin d’arbres (un bûcheron) qui a brisé l’aile d’une colombe des bois pour l’assujettir…
« De quel droit toi, tu l'as prise, et tu l'as tordue ? De quel droit, toi, le fort, le solide, tu as écrasé la bête grise ? Dis-moi ! Ça a du sang, ça, comme toi ; ça a le sang de la même couleur et ça a le droit au soleil et au vent, comme toi. Tu n'as pas plus de droit que la bête. On t'a donné la même chose à elle et à toi. T'en prends assez avec ton nez, t'en prends assez avec tes yeux. T'as dû en écraser des choses pour être si gros que ça... au milieu de la vie. T'as pas compris que, jusqu'à présent, c'était miracle que tu aies pu tuer et meurtrir et puis vivre, toi, quand même, avec la bouche pleine de sang, avec ce ventre plein de sang ? T'as pas compris que c'était miracle que tu aies pu digérer tout ce sang et toute cette douleur que tu as bus ? Et alors, pourquoi ? »

…Pan déchaîne une bacchanale orgiaque en manière de leçon aux hommes.
« Et ça entrait dans la pâte que l'homme pétrissait par la seule puissance de ses yeux, et ça entrait dans la pâte du grand pain de malheur qu'il était en train de pétrir. »

Ivan Ivanovitch Kossiakoff est une histoire apparemment autobiographique : agent de liaison avec les Russes dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, il lie une amitié sans parole avec un colosse.
L’auteur est d’ailleurs mis en scène dans la plupart des textes, où « Monsieur Jean » converse avec paysans, vieillards et bergères ; il collecte ainsi les paroles, l’enseignement du monde.
Il s’intéresse notamment aux arbres :
« On voit que vous ne le connaissez pas. Si on n'y était pas, ça ferait tout à sa fantaisie. L'arbre, c'est tout en fantaisie. C'est intelligent, je dis pas ; ça comprend des choses... mais c'est comme des bêtes, ça passe son temps à l'amusement. »

(Le mouton)
« Donc, pour nous remplacer la fontaine on plantait un cyprès au bord de la ferme, et comme ça, à la place de la fontaine de l'eau, on avait la fontaine de l'air avec autant de compagnie, autant de plaisir. Le cyprès, c'était comme cette canette qu'on enfonce dans le talus humide pour avoir un fil d'eau. On enfonçait le cyprès dans l'air et on avait un fil d'air. »

Le dernier extrait provient d’Au pays des coupeurs d'arbres où Giono, déjà écologiste, déplore les coupes rases :
« On a passé toute notre terre à la tondeuse double zéro : le pays vient d'être condamné aux travaux forcés à perpétuité. »

Ce recueil est une pépinière d’images, mais aussi de romans, comme avec le thème de la réaction cataclysmale de la nature ; c’est notamment le cas du dernier texte, Le chant du monde, qui annonce le roman du même nom et revendique l’égalité de traitement (sensoriel, littéraire, voire juridique) des éléments de la nature comme de l’homme, jusque dans leur violence.
« Il faut, je crois, voir, aimer, comprendre, haïr l'entourage des hommes, le monde d'autour, comme on est obligé de regarder, d'aimer, de détester profondément les hommes pour les peindre. Il ne faut plus isoler le personnage-homme, l'ensemencer de simples graines habituelles, mais le montrer tel qu'il est, c'est-à-dire traversé, imbibé, lourd et lumineux des effluves, des influences, du chant du monde. »

Ce qui m’a cette fois encore marqué dans ce recueil, c’est la « lutte entre l'homme et la garrigue » (Champs), combat désespéré qui trouve souvent son issue dans le suicide « Des hommes perdus sur des radeaux, en pleine terre » (Radeaux perdus), faibles dans le dur monde : pas la moindre notion de liberté évoquée à propos de l’humanité.

\Mots-clés : #amitié #contemythe #ecologie #nature #nouvelle #ruralité #spiritualité
par Tristram
le Ven 17 Nov - 11:09
 
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Sujet: Jean Giono
Réponses: 188
Vues: 20073

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