Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Sam 27 Juil - 15:49

181 résultats trouvés pour humour

Joseph Heller

Catch 22

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Catch_10

Histoire d'une escadrille d'aviateurs américains basée sur une petite île italienne pendant la Seconde Guerre mondiale, épopée burlesque dont le narrateur, le navigateur-bombardier Yossarian, tente essentiellement de sauver sa vie, cette visée égoïste n’étant finalement pas dépourvue de toute éthique.
« ‒ Ils essaient de me tuer, lui déclara calmement Yossarian.
‒ Personne n’essaie de te tuer, cria Clevinger.
‒ Alors pourquoi me tirent-ils dessus ? demanda Yossarian.
‒ Ils tirent sur tout le monde, riposta Clevinger. Ils essaient de tuer tout le monde.
‒ Et alors, qu’est-ce que ça change ? […]
…] Yossarian avait des preuves de ce qu’il avançait : des étrangers qu’il ne connaissait même pas le canardaient chaque fois qu’il s’élevait dans les airs pour les arroser de bombes, et ça n’était pas drôle du tout. »

« ‒ L’ennemi, rétorqua Yossarian en pesant ses mots, c’est quiconque t’envoie à la mort, de n’importe quel côté qu’il soit, colonel Cathcart inclus. »

Le titre signifie "Comprendre (l’Article) 22". Cet « Article » du règlement intérieur de la base aérienne stipule que « quiconque veut se faire dispenser de l’obligation d’aller au feu n’est pas réellement cinglé. » Sachant que seuls les malades, y compris mentaux, sont dispensés de missions aériennes s’ils en font la demande, on mesure tout ce qu’a d’inextricable cette aporie. C’est le cercle vicieux, le principe de "double contrainte", où deux injonctions s'opposant paradoxalement mènent à la schizoïdie. Pour faire bonne mesure, l’infirmerie est « fermée jusqu’à nouvel ordre », en prévision du « Grrrand Siège de Bologne »… D’autres situations existentielles semblablement paradoxales surgissent dans le récit.
« L’Article 22 dit qu’ils ont le droit de faire tout ce que nous ne pouvons pas les empêcher de faire. »

« L’Article 22 était une pure fiction, il en était certain, mais ça ne faisait pas la moindre différence. Le problème était que tout le monde croyait à son existence, ce qui était bien pire, car il n’y avait pas de texte susceptible d’être ridiculisé, réfuté, critiqué, attaqué, haï, injurié, maudit, déchiré, piétiné ou brûlé. »

Le roman tourne autour de la folie, celle de la société, mais aussi celle des combattants en état de choc, et celle que simulent les hommes pour la fuir ‒ le non-sens par le nonsense :
« Des hommes devenaient fous et recevaient des médailles en récompense. »

Cette satire n’est pas gratuite (qu’on songe au délire maccarthyste, évoqué dans le livre). L’armée est ici une vaste administration bureautique dont le fonctionnement absurde et vicieux broie les hommes. Ainsi, le quota de missions rempli, chaque membre de l’escadrille attend vainement son rapatriement jusqu’à ce que le quota soit augmenté, le renvoyant au combat. L’humour incessant élude mal le principal sentiment des militaires ‒ la peur de la mort inévitable ‒, et renforce le kafkaïen de la machinerie qui les écrase.
« "Les hommes râlent, le moral se détériore ; tout est de votre faute.
‒ Non, c’est de votre faute, riposta Yossarian. Vous n’aviez qu’à ne pas augmenter le nombre des missions.
‒ Permettez, répliqua le colonel Korn. C’est de votre faute, car c’est vous qui avez refusé de voler. Les hommes acceptaient tout à fait d’accomplir autant de missions que nous le demandions, tant qu’ils pensaient ne pas avoir d’alternative. »

Toute une escadrille de figures caractéristiques est décrite, en passant par Mudd, « l’homme mort dans la tente de Yossarian » (abattu en vol avant même d’être intégré dans le groupe), un « soldat inconnu » comme « le soldat en blanc », anonyme momie de plâtre à l’hôpital. Aventures amoureuses sensiblement rapportées, avec une belle Italienne, la femme du lieutenant Scheisskopf ("tête de merde", le passionné des concours de défilés…), l’infirmière Duckett.  
Voici un portrait exemplaire d’un des protagonistes, qui donne à évaluer le style :
« Tout le monde s’accordait à dire que Clevinger irait loin dans la carrière universitaire. En bref, il était de ces gens dotés d’une grande intelligence, mais dépourvus de jugeote – tout le monde le savait, sauf ceux qui n’allaient pas tarder à le découvrir.
En un mot, c’était un imbécile. Yossarian le comparait souvent à ces individus dont les portraits figurent dans les musées d’art moderne, avec les deux yeux d’un seul côté de la figure. Bien sûr, c’était une illusion, due à la tendance très nette de Clevinger à considérer uniquement un seul côté de chaque question et à laisser l’autre dans l’ombre. Politiquement, il était humanitariste, il savait distinguer la droite de la gauche et se trouvait toujours coincé entre les deux. Il prenait constamment la défense de ses amis communistes devant ses ennemis de droite, et celle de ses amis de droite devant ses ennemis communistes ; les deux groupes le détestaient cordialement et ne le défendaient jamais, parce qu’ils le considéraient comme un imbécile.
Mais c’était un imbécile très sérieux, très sincère et très consciencieux. Impossible d’aller au cinéma avec lui sans se faire entraîner dans une discussion sur l’empathie, Aristote, les Universaux, les messages et les devoirs du cinéma en tant que forme artistique dans une société matérialiste. Les filles qu’il invitait au théâtre devaient attendre le dernier entracte pour savoir si elles voyaient une bonne ou une mauvaise pièce – ce qui leur permettait de tomber immédiatement d’accord avec lui. C’était un idéaliste militant qui menait campagne contre le sectarisme racial en s’évanouissant devant ses adversaires. Il savait tout de la littérature, sauf y prendre plaisir. »

Le célèbre arbitraire égalitaire de l’armée :
« ‒ Popinjay, votre père est-il millionnaire ou membre du Sénat ?
‒ Non, sir.
‒ Tant mieux. Z’êtes dans la merde jusqu’au cou, Popinjay, et c’est pas fini. Au fait, il n’est pas non plus général ou haut fonctionnaire par hasard ?
‒ Non, sir.
‒ Tant mieux. Que fait votre père ?
‒ Il est mort, sir.
‒ De mieux en mieux. Vous êtes vraiment dans la mouise, Popinjay. »

La fameuse lettre type de l’administration, qui malgré sa polyvalence peut s’avérer inexacte (lorsqu’il s’agit d’une erreur ‒ administrative ‒ sur la personne) :
« "Chère Madame, Monsieur, Mademoiselle, ou Monsieur et Madame Daneeka, aucun mot ne saurait exprimer la profonde douleur que j’ai ressentie, quand votre mari, fils, père ou frère, a été tué, blessé ou porté disparu." »

Comment ça marche :
« Sans comprendre comment c’était arrivé, les hommes en service actif découvrirent qu’ils étaient à la merci des administratifs payés pour les aider. Ils étaient malmenés, insultés, harcelés, bousculés du matin au soir. Quand ils se fâchaient, le capitaine Black répliquait que des gens vraiment loyaux ne verraient pas d’inconvénient à signer tous les serments de fidélité qu’on exigeait d’eux. »

« "L’essentiel, c’est de pouvoir les faire signer sans arrêt, expliqua-t-il à ses amis. Peu importe qu’ils soient sincères ou non. C’est pour ça qu’on demande aux bambins de vouer allégeance au drapeau avant même de comprendre ce que signifie “vouer” et “allégeance”. »

Éblouissante démonstration de trading où « chacun a sa part » dans le syndicat grâce à son fondateur, Milo Minderbinder, l’officier de mess qui achète des œufs sept cents pièce et les revend cinq cents, l’allégorie du commerce planétaire : ce génie rentabilise la guerre au marché noir, réquisitionnant les avions pour faire tourner les marchandises, et va jusqu’à faire bombarder son propre groupe pour le compte de l’ennemi ‒ avec profit, ce qui l’absout :
« Milo secoua la tête avec lassitude et patience. "Les Allemands ne sont pas nos ennemis. Oh ! je sais bien ce que vous allez me répondre. Bien sûr, nous sommes en guerre avec eux. Mais les Allemands sont aussi d’honorables membres du syndicat, et c’est mon devoir de protéger leurs droits d’actionnaires. Peut-être ont-ils commencé cette guerre, peut-être sont-ils en train de tuer des millions de gens, mais n’empêche qu’ils payent leurs factures beaucoup plus rapidement que certains de nos alliés que je ne nommerai pas. Vous ne comprenez donc pas que je dois respecter le caractère sacré de mon contrat avec l’Allemagne ? Vous ne comprenez donc pas mon point de vue ?
‒ Non", répliqua sèchement Yossarian.
Milo fut blessé et ne fit aucun effort pour dissimuler sa peine. »

L’ouvrage n’est pas dénué de causticité, voire de cynisme :
« Un jour, il faudrait bien que quelqu’un fasse quelque chose. Chaque victime était coupable, chaque coupable une victime, mais un jour il faudrait que quelqu’un brise ce cercle vicieux d’habitudes héréditaires qui les détruisait tous. Dans certains pays d’Afrique, des marchands d’esclaves continuaient à voler des petits garçons pour les vendre à des hommes qui les éventraient et les mangeaient. Yossarian s’étonna que des enfants pussent supporter des sacrifices aussi barbares sans se plaindre ni hurler de terreur. Il y vit une preuve de stoïcisme. Autrement, se dit-il, cette coutume aurait disparu, car aucun être humain n’oserait sacrifier des enfants pour satisfaire sa soif de richesses ou d’immortalité. »

Le moteur qui régit toutes les actions des gradés semble annoncer le principe de Peter :
« ‒ Pourquoi veut-il être général ?
‒ Pourquoi ? Pour la raison qui me pousse à vouloir être colonel. Qu’avons-nous d’autre à faire ? Tout le monde nous enseigne à viser plus haut. Un général est plus haut placé qu’un colonel, et un colonel qu’un lieutenant-colonel. Nous essayons donc de monter en grade tous les deux. »

« Un colonel de plus dans son état-major lui permettait de commencer à réclamer deux majors supplémentaires, quatre capitaines supplémentaires, seize lieutenants supplémentaires et une quantité indéfinie de soldats supplémentaires, de machines à écrire, bureaux, classeurs, voitures et autres équipements et fournitures non négligeables, qui rehausseraient d’autant son prestige et augmenteraient la puissance de sa force de frappe dans la guerre qu’il [le général Peckem] avait déclarée au général Dreedle. »

Une recette stylistique récurrente de l’ouvrage, c’est celle de faire allusion à un épisode, mais de ne le narrer que plus tard. Comme il n’y a pas de temps mort, le lecteur est immergé dans un vaste tourbillon qui le ramène parfois dans le passé, quand le quota de missions à effectuer était moindre. Ces boucles induisent le ressenti d’un vortex fermé auquel les cadets n’échappent pas ‒ et expliquent pourquoi il est fait référence à un épisode avant qu’il soit relaté. C’est aussi la solution toute trouvée aux sensations de déjà-vu du pauvre aumônier. J’ai eu par moments l’impression d’une grande fraise qui entamerait un peu plus à chaque tour la réalité brute. Les répliques répétitives, les reprises de certaines scènes (comme Snowden blessé) participent du même procédé, qui progressivement se révèle particulièrement grinçant (surtout déployé sur environ 600 pages). Le tout forme un ensemble aussi original qu’efficace, une belle réussite.

Remarques :
Puisqu’il n’y a pas de note à son propos, je précise que l’Atabrine est un médicament préventif de la malaria dont la prise était obligatoire dans l'armée américaine (malgré ses effets secondaires) ; c’est la nivaquine, que l’armée française contraignait les soldats à consommer outremer, encore à la fin des années 70 (témoignage personnel).
Hungry Joe, qui hurle dans ses cauchemars de chaque nuit et aura une mort des plus hilarantes, m’a fait penser à G.I. Joe version verso.
Ce livre rappelle plusieurs séries ou films, qu’il a peut-être d’ailleurs inspiré, mais qui n’atteignent pas à sa complexe densité pour ceux que j’ai pu voir. Il n’y a pas que du loufoque dans le tragi-comique, mais aussi de l’horrible, comme la mort de Kid Sampson (et toujours de l’absurde).
Comme souvent avec un livre écrit dans une langue qu’on connaît un peu, j’ai deviné un peu de ce que je manquais à en lire une traduction, même bonne ‒ l’intraduisible, cet esprit spécifique qui infuse quand même.
Son antimilitarisme et l’approche baroque d’un sujet difficile mais personnellement vécu rappelle Abattoir 5 (Kurt Vonnegut).

« Nately prit immédiatement la mouche : "Il n’y a rien d’absurde à risquer sa vie pour son pays !
‒ Tiens donc ! Qu’est-ce qu’un pays ? Tout simplement un morceau de terre entouré de tous côtés par des frontières, artificielles en général. Les Anglais meurent pour l’Angleterre, les Américains meurent pour l’Amérique, les Allemands pour l’Allemagne et les Russes pour la Russie. Il y a maintenant cinquante ou soixante pays engagés dans cette guerre. Ces pays ne valent sûrement pas tous la peine qu’on meure pour eux.
‒ N’importe quelle raison de vivre, rétorqua dignement Nately, est aussi une raison de mourir.
‒ N’importe quelle raison de mourir, répondit le sacrilège, est aussi une excellente raison de vivre. »

« Dans un monde où le succès tenait lieu de vertu cardinale, il [l’aumônier] s’était résigné à l’échec. »

« La patrie était en danger, et Yossarian compromettait ses droits imprescriptibles à la liberté et à l’indépendance en ayant le culot de vouloir les exercer. »



Mots-clés : #absurde #deuxiemeguerre #guerre #humour
par Tristram
le Jeu 25 Oct - 0:49
 
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Sujet: Joseph Heller
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Kalman Mikszath

Kálmán Mikszáth
(1847-1910)

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Avt_ka11


Kálmán Mikszáth (16 janvier 1847 - 28 mai 1910) fut un romancier, journaliste et homme politique hongrois.

Mikszáth est né à Szklabonya (aujourd'hui Sklabiná, située en Slovaquie) dans une famille de la petite noblesse hongroise, sous l'empire des Habsbourg. Il fit des études de droit à l'université de Budapest de 1866 à 1869 sans obtenir de diplôme et écrivit pour de nombreux journaux hongrois, dont le journal de Pest.

Ses premières nouvelles décrivaient la vie de paysans et d'artisans; malgré leur faible popularité, s'y manifestait son talent pour forger des anecdotes humoristiques qu'on allait retrouver dans ses oeuvres ultérieures. Nombre de ses romans commentaient la société, parfois d'un ton satirique, et devinrent de plus en plus critiques envers l'aristocratie, et le fardeau que celle-ci, selon Mikszáth, avait donné à la société hongroise.

Mikszáth fut membre du parti libéral hongrois et fut élu en 1887 à l'Assemblée Nationale de Hongrie.


source : Babélio

Ouvrages traduits en français :


- Un étrange mariage
- Le parapluie de Saint-Pierre






Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Miksza10

Kalman Mikszath : Le Parapluie de Saint Pierre. - V. Hamy

Parce qu'un vagabond un peu cinglé dépose un parapluie sur le berceau d'une petite fille, la sauvant ainsi de l'orage, le dit parapluie est élevé bientôt au rang de sainte relique.
Et en tant que telle, il produit plus d'un miracle.
La réalité est évidemment plus prosaïque, mais elle n'intéresse visiblement pas le conteur, dont le plaisir est de se faire plaisir et de le communiquer. Et il a bien raison.
Pari réussi !

Voilà un récit très malin, fait de fausse naïveté, d'allégations mensongères de parfaite mauvaise foi, et que l'auteur se fait un plaisir de rapporter en dégageant sa responsabilité éventuelle. Où l'art de la digression est souverain et parfaitement assumé.
Les portraits très réussis et le sens de l'ellipse, le rythme entrainent forcément l'adhésion.
Surtout ne rien dévoiler les détails du récit pour ne pas frustrer le lecteur.

L'histoire est censée se passer dans la Hongrie du XIXe siècle, en une période de paix, et l'auteur, Kalman Mikszath, (1847-1910) malheureusement circonscrit aux limites de son pays.
Et c'est bien dommage !


mots-clés : #humour #xixesiecle
par bix_229
le Mer 24 Oct - 18:45
 
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Jim Harrison

En route vers l’Ouest

Regroupe 3 novellas, En route vers l'ouest, La Bête que Dieu oublia d'inventer, J'ai oublié d'aller en Espagne.

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 418tgb11




En route vers l'ouest
Où l’on retrouve Chien Brun (C.B.), déjà personnage dans La femme aux lucioles et Julip… Loin de son Michigan natal (pêche, forêts et fraîcheur), il découvre Los Angeles (occasion d’un réjouissant déluge de surprises et méprises), bientôt avec Bob, un scénariste morfal où l’on a reconnu l’auteur soi-même ‒ mais C.B. lui-même, entre pur crétin seulement motivé par le sexe, l’alcool et la bouffe, « autochtone » au rôle de Candide "simple d’esprit", n’a-t-il pas un peu de Big Jim dans son approche du monde ?
« Le plus difficile pour un homme de la campagne débarquant dans une vaste métropole est de comprendre le rapport entre le métier des citadins et l’endroit où ils habitent. »

« Au plus profond des feuillages tout proches du bosquet de bambous, il se demanda si sa propre existence recelait le moindre secret ou si on lisait en lui à livre ouvert comme dans un vieux bouquin de poche tout fripé. Ce doute lui passa rapidement lorsqu’il remarqua que les carpes orange nageaient invariablement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre au milieu de leur bassin miniature et ombragé. Sans conteste, ces carpes étaient plus intéressantes à observer que les divagations nombriliques d’un type en proie au doute métaphysique. Comme nous tous, C.B. ignorait les tenants et les aboutissants de l’existence. Soudain, la carpe de tête exécuta un demi-tour tort gracieux et se mit à entraîner son banc dans le sens des aiguilles d’une montre. Là se trouvait sans doute l’une des réponses aux millions de questions que la vie ne posait pas. »

« À la taverne, deux vieux vétérans de la Seconde Guerre mondiale lui avaient confié que, dans l’Europe ou le Japon en ruine, on pouvait faire l’amour en échange d’une barre de chocolat, mais cette transaction lui avait paru tout sauf admirable. Le moins qu’on puisse faire, c’était de rôtir un poulet et de préparer de la purée pour la pauvre fille, avant de lui mitonner un pudding aux pommes avec du sucre brun et beaucoup de beurre. »




La Bête que Dieu oublia d'inventer


Le narrateur, un vieux solitaire un peu aigri, établit un témoignage ‒
« Peut-être les écrivains racontant une histoire procèdent-ils en réalité à l’enquête d’un coroner… »

‒ sur son jeune ami disparu (suicide par natation), Joe, au comportement insensé suite à un traumatisme cérébral (une sorte de perception modifiée/ directe du monde, particulièrement "sauvage", car perdue sa mémoire visuelle il « voyait chaque chose pour la première fois ») :
« Est-il un chien malade qui désire se terrer, un mammifère qui trouve sa sécurité dans le secret, un jeune homme blessé qui tente vaillamment de mettre un peu d’ordre dans toute sa confusion ? »

Ayant « perdu toute une vie de conditionnements et d’habitudes », « Joe est parti à pied pour dresser de nouvelles cartes du monde, ou plutôt du seul monde que ses sens toléraient. »
Il y a nombre de réflexions typiques de la manière de Big Jim, tournant comme souvent chez lui sur handicap/ infirmité/ déficience/ incapacité/ diminution physique.
Que le narrateur soit fort cultivé légitime de nombreuses références érudites, et pas que littéraires ‒ comprenant une quantité confondante d’auteurs que je ne connais guère ‒, comme Le Darwinisme neuronal d’Edelman (qui au passage explicite le fait que nous soyons tous des individus différents).
Cette dimension "métaphysique" du texte en rend la lecture complexe, le fil des péripéties étant lui aussi très riche, avec une profusion de détours anecdotiques qui ne nuisent cependant pas à la cohérence à l’ensemble.
J’ai aussi apprécié les remarques, probables fruits de l’expérience personnelle de l’auteur, concernant les observations interspécifiques (geais, corbeaux, ours).
« J’ai actuellement l’impression que mon réservoir humain est vide et que j’en constitue le sédiment, la couche de saleté amassée au fond, le résidu de mes propres années. »

« Je ne veux pas dire qu’une rivière serait une panacée, seulement que notre cerveau est incapable de maintenir ses structures troublées lorsqu’il se trouve confronté à une rivière. Je pense que c’est la raison non avouée qui pousse tant de gens à pêcher la truite, alors que la plupart sont tellement incompétents qu’ils ont très peu de chance d’attraper un seul poisson sur leur mouche. »

« Assis sur la terrasse en somnolant de temps à autre, j’ai pensé qu’on avait beaucoup de mal à reconnaître la part immense de notre vie consacrée à de monstrueuses conneries. »

« Je monte et descends, je tourne en rond, ainsi que le veut la condition humaine, mais ne peut-on faire un nombre limité de nœuds sur une longueur de corde donnée ? »

« …] j’ai toujours trouvé plus intéressantes les raisons pour lesquelles un homme croit à quelque chose, que ce qu’il croit. Il ne s’agit pas là d’une subtilité, mais d’une flagrante évidence. »

« Mon esprit a tourbillonné un instant à l’idée qu’un toubib doit dire au revoir aux vivants, alors que le croque-mort, lui, n’a pas besoin d’attendre la moindre réponse. »

« L’angoisse provient de la monotonie du train-train, de cette "vie non vécue" dont on parle si souvent, de l’impression d’occlusion qui accompagne tout naturellement une curiosité étouffée, ou une curiosité qui s’est enterrée dans un trou familier. »

« Depuis ma jeunesse j’ai toujours eu le sentiment de rater quelque chose, sans doute parce que c’était la vérité. »





J'ai oublié d'aller en Espagne

Encore un quinquagénaire, un écrivain producteur de brèves biographies à défaut des œuvres qu’il avait rêvées, riche, raté et ridicule.
Peut-être parce que la fascination mâle pour les croupes féminines devient lassante, ou qu’il n’y a là pas d’autre vue sur la nature qu’un aperçu du Mississippi, c’est assez décevant.

« Il m’est impossible de considérer mon comportement sexuel autrement qu’en termes comiques, même si j’y trouve des motifs d’émerveillement. »

« Ils auraient mieux fait de brûler mes recueils de poésie. Car mes livres appartenaient à une culture qui n’était désormais plus la nôtre. Les idéaux de la jeunesse vous tuent parfois, mais ils méritent de le faire. Les idéaux de la jeunesse sont façonnés à grand-peine par les maîtres des siècles passés, de Gongora à Cela, de Villon à Char, d’Emily Dickinson jusqu’à nous autres, pauvres Bartleby. »

Question : « mon chien incapable, Charley », dans En route vers l'ouest, « mon pathétique clébard Charley », dans La Bête que Dieu oublia d'inventer, seraient-ce des allusions à Mon chien stupide, de John Fante ?


mots-clés : #humour #identite #nature #vieillesse
par Tristram
le Ven 28 Sep - 20:09
 
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Sujet: Jim Harrison
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Frédéric Berthet

Daimler s'en va

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Image_13


J’ai hésité à ouvrir un fil pour un auteur qui n’a que très peu publié, mais comme j’avais voulu le faire pour Jean de La Ville de Mirmont,  pourquoi pas pour Frédéric Berthet.
De plus, « Daimler s’en va » me semble entretenir certaines parentés avec «Les Dimanches de Jean Dézert » : brièveté du texte, univers du quotidien, humour et intense sensibilité. Le texte de Berthet est cependant plus marqué par l’absurde et les procédés d’écriture de la seconde moitié du XXe siècle.
S’il y a bien un livre auquel s’appliquerait la formule de C. Marker « L’humour est la politesse du désespoir », c’est bien celui-ci. Raphaël Daimler (dit Ralph), probable autoportrait de l’auteur, se révèle comme un funambule, n’ayant pas appris le métier, et virevoltant avec grâce au bord d’un précipice. Il sait qu’il va tomber, mais l’important est de le faire avec une suprême élégance !  

Il est vrai que Raph, sorte de détective sans enquêtes, joue de malchance. Sa belle vient de le quitter pour les îles. Il va faire une vague tentative pour la rejoindre :

Daimler fait passer dans Le Figaro la petite annonce suivante : « Jeune homme sérieux, titulaire d’une licence de droit, bon en équitation, cherche place de précepteur ou secrétaire particulier aux Barbades anglaises » Il ne reçoit AUCUNE réponse.


Rapidement son attention se porte vers d’autres filles qu’il a l’occasion de rencontrer, mais sans grand succès.

Daimler a repéré, dans l’immeuble d’en face, une fille, qui passe et repasse devant une fenêtre (tout habillée). Daimler, quant à lui, est penché à sa propre fenêtre et tient à la main une poêle dans laquelle il vient de faire sauter quelques petites pommes de terre, taillées en cube. Il en lance quelques-unes, pour essayer d’attirer l’attention de la fille. Il rêve d’avoir son téléphone, de l’appeler et de lui dire, sur un ton excédé : « Ecoutez, ça fait un quart d’heure que je vous lance des petites pommes de terre sautées, et… »


Parfois, il observe sa chambre à partir des toits :

Il s’installe confortablement dans l’obscurité, le dos contre la cheminée, les pieds sur une antenne de télévision, et fume une cigarette. Il jette un coup d’œil en direction du fauteuil vide où il était assis une demi-heure avant, et constate avec satisfaction que, vue du dehors, la pièce a l’air paisible, presque studieuse ; elle ressemble à la cabine du capitaine, dans les vaisseaux fantômes.


Daimler souhaiterait beaucoup connaître la gloire littéraire et il s’y prépare :

En fait Daimler prépare déjà le discours qu’il prononcera à Stockholm, lorsqu’on lui donnera le prix Nobel et qu’il sera extrêmement âgé. Il se méfie de ce qu’il sera devenu à cet âge, et prend ses précautions avant.


Il trouve décevant ses tentatives pour renouer avec la poésie :

Quand il avait une quinzaine d’années, Daimler écrivait des poèmes, en octosyllabes, où il était question d’envols de corbeaux au-dessus des terres labourées, d’odeurs citronnées, de parfums capiteux et de femmes alanguies. Il se dit qu’il devrait s’y remettre. Ce qui donne :
Over
Rio Bravo appelle Tango II
Crapaud IV appelle Tango, bon sang
Coyote hurlant appelle Tango malade
Over

A part le fait qu’il soit passé au vers libre, son état d’esprit a changé. L’inspiration ne se commande pas.


Daimler a beaucoup d’états d’âme

Daimler va acheter des croissants. Daimler regarde le journal télévisé. Daimler va au restaurant. Daimler mène une vie normale.
- C’est hallucinant, pense-t-il.


Quand Daimler voit des pigeons dans la rue, il a envie de leur courir après. On lui demanderait pourquoi, et il expliquerait :
- C’est qu’ils manquent d’exercice.


Daimler fait parfois des rêves étranges :

Un autre rêve de Daimler : il est poursuivi par un œuf sur le plat géant, à peu près deux mètres de diamètre, et comme monté sur coussin d’air. Daimler dévale des collines, court à travers bois. De temps en temps, haletant, il se retourne : l’œuf sur le plat continue de le suivre.


Un jour, il aperçoit derrière la fenêtre un pantin le représentant, la tête en bas :

Daimler en a assez. De toute façon, il savait que ça se terminerait comme ça un jour. Ou autrement, mais il devait avoir vu trop de films de vampires
- Eh bien, entre, dit Daimler.
Et, par pure politesse, il va lui-même ouvrir la fenêtre.


Un petit livre drôle, charmant, touchant et qui en offrira beaucoup plus si affinités. Very Happy


Mots-clés : #absurde #humour #viequotidienne
par ArenSor
le Lun 24 Sep - 18:53
 
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Sujet: Frédéric Berthet
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Flannery O'Connor

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Les-br10

Les braves gens ne courent pas les rues

Le titre veut bien dire ce qu’il veut dire. Ou plutôt Flannery O’Connor a bien trouvé son titre. De surcroit, ce titre lui va bien, parce qu’il souligne bien son esprit, si observateur de ses contemporains et sa lucidité extrême à propos de leurs petits et grands travers. Ce qui n’exclut jamais la tolérance et la tendresse qu’elle ressent pour eux.

Certaines nouvelles peignent un personnage qui n’a rien de brave. Comme la première, qui décrit le départ d’une famille en vacances qui finira par rencontrer un homme pour le moins expéditif. Mais en contraste, bien que “Les braves gens ne courent pas les rues”, certains Braves, sont dans les rues, et dans ses nouvelles. Comme ce Grand-Père qui recueille le fils de sa fille, morte, et qui peine à l’élever.
C’est ce que je voulais dire par, “ce titre qui lui ressemble”. Si les braves gens ne courent pas les rues, pour les reconnaitre, il faut bien que par opposition, D’autres le soient, braves.  

Il y a bien sûr la maladie, les paons, les prédicateurs, les mégères, les enfants mal lunés. Tout y est, c’est encore elle.

mots-clés : #discrimination #humour #nouvelle #ruralité
par Pia
le Jeu 20 Sep - 12:55
 
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Sujet: Flannery O'Connor
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Kurt Vonnegut, jr

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Tremblement de temps

quatrième de couverture a écrit:2001 : un « tremblement de terre temporel » renvoie tout le monde en 1991. Un nouveau départ ? Pas vraiment.
L'histoire recommence à l'identique. Les gens commettent des erreurs déjà commises, les mêmes catastrophes se produisent encore et encore. Qui délivrera l'humanité de son infernale apathie ? Kilgore Trout lui-même, l'alter ego littéraire de l'auteur ?

Tel aurait pu être le nouveau roman de Kurt Vonnegut, l'auteur culte d'Abattoir 5 et du Petit déjeuner des champions. Sauf que Kurt n'a pas envie de l'écrire. En tout cas, pas comme ça. À la place, il livre au lecteur la genèse de son récit avorté, et en profite pour l'embarquer dans un étourdissant voyage au pays de la fiction.

Brillante méditation sur les États-Unis, la guerre, les amis, la famille et les choix qui nous composent - la vie, quoi d'autre ? -, Tremblement de temps est un objet littéraire unique, à mi-chemin entre le roman et l'autobiographie. Vonnegut s'y dévoile comme jamais, et livre les clés d'une oeuvre dont le succès, ici comme ailleurs, ne s'est jamais démenti.


Amis de la trame linéaire et explicite passez votre chemin ? Amis du commentaire de lecture clair... aussi ? C'est un joli petit bazar ce Tremblement de temps, tissé d'anecdote, d'appels et de personnages historiques, un petit bazar où distinguer le vrai du faux risque de devenir superflu !

Et il faut en prime s'appuyer l'humour, léger, de l'auteur ainsi que l'omniprésence de Kilgore Trout. Envahissant ? Jusqu'à en devenir sympathique ? Pas impossible.

La sensation d'une lecture décousue mais sympathique, ce Vonnegut a décidément l'air de quelqu'un de bien. L'argument prophétique de la science-fiction est a l'air presque inexploité et en même temps il est là tout le temps, au présent, libre arbitre ? c'est explicite. Tout le reste qui fait une pâte d'images et d'habitudes ça l'est moins et pourtant là-dedans il cherche, retourne, repositionne, rappelle, adoucit beaucoup de choses... sans oublier de dire tout ce qui ne tourne pas rond pour lui, la ligne pacifiste et humaniste est toujours aussi claire.

Et il est observateur. On s'y perd, on s'y amuse, on s'y égare... ça ne donne aucune impression de grand livre mais avec sa manière de brouiller autant les pistes que les niveaux de lecture et pour sa sincérité on en sort forcément mieux qu'on y rentre.

Ca me va moi. Et je reviendrai avec des extraits !

"Réveillez-vous ! Réveillez-vous ! Vous avez à nouveau votre libre arbitre, et il y a du pain sur la planche !"

mots-clés : #contemporain #humour #sciencefiction
par animal
le Lun 17 Sep - 22:08
 
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Sujet: Kurt Vonnegut, jr
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Romain Gary

Adieu Gary Cooper

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Ce n’est certainement pas le plus connu des romans de Romain Gary, mais c’est une satire quelque peu déjantée, et que j’ai trouvé très amusante, de la société des années 60.
En résumé, quelques jeunes hommes américains viennent se réfugier en Suisse pour échapper à la conscription pour le Vietnam. Ils forment une communauté de « ski bums » qui ne se sentent bien que dans la neige, à au moins deux mille mètres « au-dessus de la merde ».

« La montagne blanche, c’est une vraie sirène. Ca vous appelle, ça vous promet. Les sommets. Le ciel. Pour un peu, on se mettrait à penser à Dieu »


Il y a parmi eux Bug Moran, riche homosexuel qui drague dans les toilettes de Zurich et qui rédige des télégrammes d’humour noir lorsqu’un des membres de la communauté va s’immoler par le feu sur les cimes pour des motifs obscurs (c’est l’époque où des bonzes s’immolent de cette façon au Vietnam).

« Votre fils s’était immolé par le feu pour protester contre le briquet de mauvaise qualité qu’on lui avait vendu stop Il est mort dans d’atroces souffrances ce qui explique pourquoi ses dernières pensées furent pour ses chers parents stop Prions chère maman venir recueillir pied gauche demeuré à peu près intact stop Vous assurons que le sacrifice de votre enfant sera pas inutile signé pour l’Association de Lutte pour l’Amélioration des Briquets, Bug Moran, pédéraste ». La poste suisse avait exigé de Moran qu’il supprimât le mot pédéraste. Cela les avait choqués.


On rencontre aussi Al Capone, un poète nouvellement arrivé, mais qui se révèle de la pire espèce :

« Et ce n’était pas tout, l’affreux mec, qui était tout barbu, avec le signe rouge de Brahma peint entre les sourcils, et qui sentait encore le tunnel – tous ses vêtements étaient imbibés de suie – s’était lancé aussitôt dans la philosophie. Bug, sans le savoir, leur avait ramené un « hippy », et s’il y avait une chose que les clochetons, les vrais de vrai, avaient en horreur, c’étaient les « hippies » qui étaient tous des fascistes, enfin, des types qui voulaient sauver le monde, bâtir une nouvelle société, chiasse de merde. Comme si celle qu’on avait n’était pas déjà pas assez jolie. »

Et Lenny (en hommage à Lenny Bruce ?), beau comme un dieu, totalement détaché des valeurs et agitations du monde qui ne possède que deux choses sacrées : sa paire de skis et une photo dédicacée de Gary Cooper, ce qui fait rire ses amis :

« Tu veux que je te dise, Lenny ? C’est fini, Gary Cooper. Fini pour toujours. Fini, l’Américain tranquille, sûr de lui et de son droit, qui est contre le méchants, toujours pour la bonne cause, et qui fait triompher la justice et gagne toujours à la fin. Adieu l’Amérique des certitudes. Maintenant, c’est le Vietnam, les universités qui explosent, et les ghettos noirs. Ciao, Gary Cooper. »


Et c’est bien de cela dont il s’agit dans ce roman, la fin des illusions et d’une conception traditionnelle de l’Amérique avec ses valeurs :

« Il y avait, derrière tout cela, une frontière perdue. Allumer un feu, seller son cheval, abattre son gibier, bâtir sa maison. Il n’y avait plus rien à décider. Toutes les décisions étaient déjà prises. On était toujours chez les autres. On prenait place, on entrait en circulation. Votre vie n’était plus qu’un jeton, vous étiez un jeton qui s’insérait dans le distributeur automatique. Insérez une pièce. Insert one. »


« Perdu rêve américain bon état Dieu famille liberté individualisme. Rapporter contre récompense, si possible avec terres vierges de l’Ouest. Révolutionnaires s’abstenir. »


Lenny comme les autres ski-bums se méfie beaucoup de types comme Al Capone qui prétendent réformer le monde :

« Jésus, pensait Lenny, ça y est. On y est. Psychologie. Sociologie. Analyse. Fais voir ton pipi je te ferai voir le mien. Il n’y a pas moyen de les semer. C’est tout de même pas croyable. Ils ont bâti un monde tellement con et tellement dégueulasse que c’est un vrai Madagascar, bourré de vierges et de poissons néfastes, avec seulement l’aliénation qui a survécu par miracle, quand on arrive à la trouver, et à la garder, et voilà qu’ils vous font encore des leçons de psychologie, de politique, et vous expliquent ce qui ne va pas, comme si quelque chose allait à part la plus grande force spirituelle de tous les temps, comme disait Bug. »


" L'Amérique maintenant c'est Freud, l'angoisse, le doute et la merde. »


« Le marxisme a quand même réussi une chose : nous sommes condamnés à nous branler. C’est ce qu’on appelle « l’absurde ».


En fait, il veut qu’on lui fiche la paix Lenny, quitte à se réfugier en Mongolie extérieure ou plus loin encore :

« Comment s’appelait déjà cet endroit qu’ils ont en Asie, comme la Mongolie extérieure, seulement encore plus loin ? Euthanasie, c’est ça. »


Ils sont parfois un peu rudes les « ski bums », comme pour cette fille, un peu paumée, que Bug a recueilli dans les toilettes de Zurich :

« De millions et des millions de spermatozoïdes qu’ils lâchent dans la nature, et après, ils appellent ça l’Amérique. Regardez-là. Complètement paumée. Les énormes conséquences de la copulation sont totalement ignorées par le couple au cours de l’acte. Cette fille n’aurait jamais dû être mise au monde, ça crève les yeux. Foutre des bébés n’importe où n’importe comment pour qu’ils deviennent n’importe quoi, c’est du génocide. Des naissances comme ça, c’est un assassinat du spermatozoïde. Vous vous rendez compte de ce qu’un spermatozoïde moyen devient aujourd’hui ? Regardez-moi ça. »


Mais quand la fille éclate en sanglot, leur bon cœur réapparait instantanément :

« Les larmes, c’est toujours intelligent. Ca vient de la compréhension. »


La philosophie des « ski bums », qu’ils formulent souvent sous forme de haïkus, est donc quelque peu désabusée et … prudente :

« Le Monde est vachement réussi
Mais que font donc les hommes ici ?
Debout, les damnés de la terre
Foutez-vous bien vite tous en l’air »


« La mort, on connaît pas encore assez là-dessus. C’est comme pour le cancer. C’est pas encore au point. J’aime mieux attendre. »


« Karl Heidegger nous dit qu’au fond,
La mort à quelque chose de con.
D’où, je tire mon argument :
Mourez, mais très, très prudemment. »


Et cette formule qui me ravit :

« Il faut surtout pas aimer ton prochain comme toi-même, il est peut-être quand même un type bien. »


Mais voilà, Lenny qui ne craint rien tant que l’attachement va trouver l’amour en la personne de Jess, fille de diplomate français, milieu que Gary connait bien et qu’il égratigne au passage :

« Vous savez très bien ce que c’est, l’immunité. Vous êtes sous votre cloche en verre en train de regarder le niveau du sang monter autour de vous, et vous traversez de temps en temps le sang dans votre Cadillac pour faire une visite protocolaire au doyen du Corps Diplomatique ou remettre aux assassins une « note verbale » dans laquelle « le gouvernement des Etats-Unis a l’honneur d’informer le gouvernement d’Irak que… » Vous êtes de retour juste à temps pour la réception que vous donnez en l’honneur d’une délégation commerciale venue pour faire des affaires avec les bourreaux… »


Jess est l’exact contraire de Lenny. Elle appartient à un groupe d’activistes parmi lesquels figure un certain Karl Böhm ! Le couple va se trouver entrainé dans une sombre affaire de trafic de devises…

On le devine, transparaît dans ce roman la vision pessimiste d’un Romain Gary qui n’est pas dupe des idéologies et de « l’air du temps », mais qui observe avec ironie, lucidité et tendresse l’univers qui l’entoure. Et toujours chez Gary il y a cet espoir, cette possibilité » de rencontre incongrue entre un Lenny et une Jess  et qui sauve tout.

« Moïse Calvin. Notre chef spirituel. Le grand mufti de Genève. C’est notre Gandhi, quoi. Che Guevara, si vous préférez. »



« La révolte des jeunes bourgeois contre la bourgeoisie était condamnée au canular ou au fascisme, la seule différence entre les deux étant quelques millions de morts. »



" Un journal a écrit que ce qui nous manque, aux jeunes, c'est une guerre, ce qui ne nous apprend rien sur les jeunes mais en dit long sur les vieux. »



Terminons sur ces quelques mots qui pourraient résumer la trajectoire de l’auteur


« Après elle va encore croire que je suis cynique.  Je suis pas cynique, moi. Je voudrais seulement choper la maturité, comme les gars qui se foutent enfin une balle dans la tête. »


Bon, j'édite mais finalement je laisse, ce sont deux citations qui m'ont fait rire (je sais, je suis un grand enfant  Very Happy )

« C’est le genre de sourire qu’un gorgonzola vieux de mille ans aurait eu, s’il avait encore la force de sourire, au lieu de se contenter de puer. »


« Le garçon sortit en courant du café et les regarda avec une expression de veau qui fait une prise de conscience et se rend brusquement compte avec horreur que sa mère est une vache. »


mots-clés : #aventure #humour #politique
par ArenSor
le Mar 21 Aoû - 18:16
 
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Raymond Queneau

Le Chiendent

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La scène se tient à Paris, et surtout sa banlieue, début des années trente (roman paru en 33), dans les classes populaires.
Etienne Marcel (comme la rue et la station de métro), d’abord une silhouette, devient un « être plat », puis un « être de consistance réduite », un « être de réalité minime », prenant de l’épaisseur aux yeux de l’observateur, Pierre Le Grand :
« Au lieu d’être découpé comme un soldat d’étain, ses contours s’adoucissent. Il se gonfle doucement. Il mûrit. L’observateur le distingue fort bien, mais n’en aperçoit aucune raison extérieure. Il a maintenant en face de lui un être doué de quelque consistance. Il constate avec intérêt que cet être doué de quelque réalité a les traits légèrement convulsés. Que peut-il se passer ? Cette silhouette est un être de choix. »

« J’observe un homme.
‒ Tiens. Romancier ?
‒ Non. Personnage. »

… et prenant conscience du monde et de lui-même, devenant « un homme qui pense » ; c’est la naissance d’un personnage au travers de ses propres sensations de narrateur :
« Il m’a suffi de tourner la tête à droite au lieu de la tourner à gauche, de faire un pas de plus et j’ai découvert des choses à côté desquelles je passais chaque jour, sans les voir. Je ne tournais pas la tête ; je l’ai tournée. Mais pourquoi l’ai-je tournée ? »

« …] j’ai beaucoup changé ces derniers temps je m’en aperçois maintenant oui le monde n’est pas tel qu’il apparaît, du moins quand on vit tous les jours la même chose alors on ne voit plus rien il y a pourtant des gens qui vivent pareil tous les jours moi, au fond je n’existais pas [… »

Le hasard fait donc se rencontrer Etienne (jeune employé de banque, propriétaire d'une villa inachevée dans la banlieue) et Pierre (oisif rentier), mais aussi Narcense, jeune saxophoniste de jazz au chômage et fasciné par les femmes, Sidonie Cloche, sage-femme avorteuse, Saturnin Belhôtel concierge, écrivain et philosophe à ses heures, Dominique qui tient une friterie à Blagny, Ernestine sa bonne, le père Taupe, vieux brocanteur misérable, « ivrogne et lubrique », les adolescent Théo et Clovis, le nain Bébé Toutout…
Imbroglio savamment intriqué de coïncidences, des bouts d’existences se croisent pour nouer l’intrigue structurée en boucle.
« Alors, ils quittèrent la clairière qui se trouve devant Carentan et, franchissant les fausses couches temporelles de l’éternité, parvinrent un soir de juin aux portes de la ville. Ils se séparèrent sans rien dire, car ils ne se connaissaient plus, ne s’étant jamais connus. »

Je tiens à préciser que la lecture de ce livre n’est pas laborieuse : le lecteur n’est jamais (vraiment, ou longtemps) égaré, et en définitive peu d’effort lui est demandé.
Accumulations rabelaisiennes, échos et rimes, rêves, stream of consciousness, (et même un désopilant fantasme/ digression, l’histoire du bilboquet), échanges épistolaires (ou d’« épistoles »), satires et tous genres d’humour, toutes formes de parodies (« Ernestine, Ernestine, disparue ! »), diverses techniques littéraires sont utilisées (sans jamais insister jusqu’à devenir lourd) ‒ et c’est toujours un grand plaisir de lecture.
La transcription phonétique qui caractérise partiellement son œuvre y apparaît déjà, comme une des sources de néologisme :
« Non, sa belle argent, elle l’aurait pas chtée comm’ ça su’ l’tapis vert, pour qu’aile s’envole et qu’aile la r’voie pus. Non. »

« Narcense n’ose se risquer. Il presquose, puis recule. »

D’une manière générale, c’est une vaste jubilation de mots, parfois aussi des archaïsmes :
« "Alibiforains et lantiponnages que tout cela, ravauderies et billevesées, battologies et trivelinades, âneries et calembredaines, radotages et fariboles !" se dit-elle. »

Souvent une certaine mélancolie affleure, teintée d’une réelle métaphysique :
« Sur le quai, des tas d’êtres humains tout noirs attendaient. On aurait dit du papier à mouches. Le jour, un peu abruti, n’était pas encore bien levé. L’air, parfaitement purifié par la nuit, recommençait à puer légèrement. À chaque instant, le nombre des attendants augmentait. Les uns ouvraient à peine des yeux rongés par le sommeil ; d’autres semblaient plus bas que jamais. Beaucoup étaient frais et dispos. Et presque tous avaient un journal à la main. Cette abondance de papier ne signifiait rien. »

« " C’est ça la vie, c’est ça la vie, c’est ça la vie." »

« Ils s’enfoncent dans leurs destins réciproques comme des crevettes dans le sable, ils s’éloignent et, pour ainsi dire, meurent. »

Une grande scène, celle des noces, qui se terminent par une macabre agonie :
« Elle ne saurait plus tarder ; l’autocar qui la transporte fend l’air ; sa carrosserie trépide d’impatience ; tel un cheval fougueux transportant sur son dos un capitaine de gendarmerie qui craint d’arriver à l’école du soir quand le cours de versification sera terminé, ainsi le puissant quadricycle emporte la noce joyeuse vers son destin, en avalant des kilomètres et en chiant de la poussière, rugissant comme un lion et ronflant comme un dormeur enrhumé. Il égrène un à un les villages de la route et bondit par-dessus les fossés, les ornières et les caniveaux ; les bicyclistes ne le font pas reculer, il aplatit les poules de son pneu increvable, les virages fascinés se laissent prendre à la corde, il foudroie la campagne et subjugue la ville, l’intelligent l’admire autant que l’imbécile. »

« C’est comme moi. I reste du pourri, mais la p’tite voix qui parle dans la tête quand on est tout seul, i n’en reste rien. La mienne quand è s’taira, è r’ parlera pas ailleurs. C’est ça qu’est drôle. C’est pas qu’ ça m’fâche autrement. On s’ passera d’moi. J’ m’en doute bien. Et je m’ passerai bien d’moi-même.
[...]
Bien sûr, y a quéque chose de très simple et tout l’ monde sait ça : la femme Taupe va mourir passque plus tôt ou plus tard, ça finit par arriver et si on vit c’est parce qu’on mourra. Pas vrai ? »

Grinçante caricature des "idéaux" petits-bourgeois :
« "Dans six mois au plus, songe Mme Belhôtel, nous aurons notre petite maison, notre petite maison close. Je la voudrais dans un quartier tranquille et sûr ; une clientèle bourgeoise et fidèle ; sept à huit filles, pas plus ; mais bien choisies. Il y aura tout plein d’or et de velours rouge, et l’on vivra dans l’abondance et le calme et Clovis deviendra ingénieur et il épousera la fille d’un gros industriel et les petits enfants auront une bonne anglaise avec de grandes dents et des rubans bleus flottant sur ses fesses osseuses. »

« Tu vas décrire avec régularité cette splendide trajectoire, Clovis, et rien ne pourrait t’en empêcher. (À moins qu’il ne crève en chemin, mais c’est pas la peine de le lui dire, il est d’un naturel si peureux, il se frapperait.) »

Queneau anticipe aussi la seconde Guerre Mondiale (roman écrit en 1932), avec « charge à la boyaux-nets » :
« Le conflit entre la Gaule et l’Étrurie va probablement tourner en conflagration mondiale. Les Ligures et les Ibères vont sans doute se joindre aux Gaulois ; les Ombriens, les Osques et les Vénètes aux Étrusques. Le peuple polonais a déclaré qu’il soutiendra son alliée de toujours et qu’il mettra sa Vistule à la disposition du gouvermint froncé. »

« Et de nouveau la culture française allait être sauvée, on allait même lui donner du bon engrais à cette culture, quelque chose de soigné, du sang et du cadavre. »

Impossible de ne pas penser à Céline, qui à la même époque publiait Voyage au bout de la nuit
Je suis particulièrement sensible au thème des personnages qui se savent dans un livre (fréquent dans l’œuvre romanesque de Queneau, pour ce que j’en ai lu) :
« ‒ Quel livre ? demandèrent les deux maréchaux errants.
‒ Eh bien, çui-ci. Çui-ci où qu’on est maintenant, qui répète c’ qu’on dit à mesure qu’on l’ dit et qui nous suit et qui nous raconte, un vrai buvard qu’on a collé sur not’ vie.
‒ C’est encore une drôle d’histoire, ça, dit Saturnin. On se crée avec le temps et le bouquin vous happe aussitôt avec ses petites paches de moutte. »

Parfois même le personnage (ou l’auteur ? ici Saturnin) apostrophe le lecteur :
« Gentil, gentil lecteur, soldat zou caporal, moule à gaufre, fesse de farine, je ne te cacherai pas plus longtemps, je suis soûl, soûl comme une vache, salement soûl. »

Le « coupe-œufs-durs-en-tranches-minces » vendu par un camelot, outre un témoignage des foires d’antan, marque l’absurde et le surréalisme qui affleurent dans ce beau roman.
Le titre fait je pense référence à la vie sous forme de reprises têtues, « multiples et complexes », cf. la première-dernière phrase.
Je regrette de n’avoir pas commencé ma découverte de Queneau par ce roman, certainement la meilleure porte d’entrée dans son univers.


mots-clés : #absurde #humour #universdulivre
par Tristram
le Dim 19 Aoû - 13:39
 
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Éric Chevillard

Défense de Prosper Brouillon
Fantaisie critique publiée en 2017

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 97828810

« C’est un petit bijou d’ironie », selon mon amie H. à qui j’ai demandé de lire Défense de Prosper Brouillon. En effet, cette fantaisie critique écrite par antiphrases est d’une habileté tout à fait remarquable.

Éric Chevillard s’amuse d’abord à détourner quelques remarques destinées au critique un peu sévère afin de nous concocter l’hilarant tableau du « microcosme germanocreusois ».
D’un côté, vous avez Prosper Brouillon ruisselant de sueur, couvert de poussière, qui a œuvré tout le jour dans la carrière pour détacher un beau morceau du monde, un quartier de réel compact avec des gens plantés dessus ; de l’autre, ces prétendus esthètes, oiseux, amphigouriques comme le mot lui-même, celui-ci ayant au moins l’excuse d’être cohérent avec sa définition alors qu’ils ne sont que des faux jetons assoiffés de reconnaissance. Ils jappent en reculant devant les auteurs de best-sellers, ils espèrent être vus enfin dans leur lumière, goûter à leur gloire en leur mordillant les orteils. Quel spectacle navrant !

Quant à Prosper Brouillon, il est la « figure de synthèse d’une vingtaine d’auteurs contemporains », déjà passés à la moulinette dans le Feuilleton qu’Éric Chevillard a tenu durant six années (2011-2017) dans Le Monde des livres. Ici, ces auteurs ne sont pas nommés, mais leurs citations réintégrées dans un petit roman niais conçu pour articuler toutes ces trouvailles horrifiantes, où la dimension érotique, grossière et ridicule, finit par devenir sordide. Je vous laisse le plaisir d’en découvrir toute la délicatesse.
Se coucher dans l’ombre bleue d’un cyprès, à jamais délivré de toutes ces horreurs…

Et déjà notre main fébrile cherche un flingue.

Des imposteurs en littérature. Dont les livres sont souvent placés en tête de gondole dans les librairies. Et ces bouquins bancals, sûrement rewrités pour la plupart, sont alors pris pour ce qu’ils ne sont pas. Nombre de lecteurs doivent être dupés par l’autorité d’une prestigieuse maison d’édition ou les fanfaronnades d’un auteur agile sur les plateaux télévisés.

Il faut le croire. Ou comment comprendre un tel engouement pour ces histoires insignifiantes et parsemées de tournures d’une vulgarité extrême ? Lesquelles laissent entrevoir une vision non moins médiocre du monde, génératrice de représentations accablantes. Parmi les perles pêchées par Éric Chevillard :
Qu’avait-elle en tête ? Des rêves de boniche, des fantasmes puérils, des chimères de ménopausée. Elle allait, oui, se détériorer, devenir une pauvre chose flasque et ridée.

[…] il y a un moment où une femme doit choisir entre son visage et son corps. Grâce à la graisse, elle avait sauvé sa figure […], mais elle était devenue énorme en dessous.


Heureusement, le trésor empoisonné nous est livré dans un fabuleux écrin. On le ressort, on le relit. Pour l’humour caustique, l’écriture ciselée et les fascinantes figures acrobatiques d’Éric Chevillard. Pour les magnifiques illustrations de Jean-François Martin, qui contribuent elles aussi à nous élever toujours plus haut au-dessus de ce marécage, un terrain saturé de clichés nauséabonds, impropre à la culture de notre esprit.

On rit beaucoup. Mais on aurait quand même un peu envie de pleurer.
J’ai coché quelques passages, donc, en lisant Les Gondoliers. Mais je me suis vite fatigué. L’écriture en est aussi hardie de bout en bout. Il faut le savoir : c’est un livre dont on ne sort pas indemne. Le lecteur prend une vraie claque. Mieux : un uppercut le plie en deux, puis le genou le cueille à la mâchoire.

Qui se décroche.


Éric Chevillard, dans l’émission de radio « Caractères » présentée par David Collin, raconte ce qui l’a incité à écrire cette fantaisie critique corrosive :
Le problème est que ça finit par être toxique. Ce n’est pas seulement ridicule. Comme c’est beaucoup lu, ça fige un certain état de la langue aussi. Ça n’est pas sans influence sur le désespoir contemporain. Au bout d’un moment, nos représentations du monde aussi mal formulées finissent par… y’a un effet de retour qui se produit dans le réel et c’est le réel même qui nous paraît cafardeux d’un coup d’un seul. Donc je me sens non seulement le droit mais le devoir de stigmatiser ce type de littérature ; parce qu’elle est toxique.

mots-clés : #humour #universdulivre
par Louvaluna
le Ven 10 Aoû - 23:26
 
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Sujet: Éric Chevillard
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Jean Rolin

La frontière belge.

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j'ai lu ça dans la soirée hier, j'ai trouvé ça drôle, loufoque, truculent. Une bande vauriens-vauriennes foldingues, sordides et poétiques, en territoire du Nord, racontée d'un ton hyper-sérieux par un Jean Rolin imperturbable dans ses subjonctifs habilement parsemés. Pas la lecture impérissable, mais sympa, joyeux, léger. Tellement pas impérissable que, après lecture, je retrouve un commentaire écrit en 2015, sur ce bouquin totalement oublié, à part cette phrase, que j’avais citée à l'époque et qui a remué en moi quelque chose dans les strates tortueuses de la mémoire, parfait reflet du côté pince-sans-rire de l'auteur:
Je n'aime pas les poissons : on voit trop, chez eux, comment le corps ne sert en fin de compte qu'à réunir la bouche et le trou du cul.

C'est très ancré dans le territoire, et comme j'en reviens, cet aspect m'a bien plu.
En fait j'ai beaucoup mieux aimé qu'à l'époque. Est-ce que je vieillis ou est-ce que je suis rattrapée par l'esprit d'enfance (ce qui, au final, n'est qu'une seule et même chose)?


mots-clés : #absurde #aventure #humour #lieu
par topocl
le Ven 10 Aoû - 8:40
 
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Sujet: Jean Rolin
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Richard Jorif

Le Navire Argo

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Le_nav10

Frédéric Mops, une sorte d’enfant sauvage, découvre Paris, les femmes et les livres, les mots : Rousseau, Littré (tenir ce dictionnaire à portée de main est un must). C’est notamment un prétexte à savourer les archaïsmes de la langue avec une dilection un peu artificielle, mais originale : c’est « rafraîchissant » dans son étrangeté, fort travaillé, mais un peu emprunté, et l’auteur y transparaît peut-être un peu trop ?
« Tu n’es pas de ceux qui parlent, tu es de ceux qui écrivent. »

Pour celles et ceux que le sujet intéressait, voir https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00735659
Aussi occasion de s’auto-citer :
« Pourquoi faut-il qu’on se souvienne
au fil des fleuves sans aveu ? »

Ayant commis son Tombeau de Littré, traqué la vie privée et les avis personnels du lexicologue dans les exemples et les citations illustrant ses définitions, Frédéric jette ses propres commentaires dans son « debribus » (joli néologisme, pour une fois). Frédéric (et Richard) témoignent également des évènements du printemps 68, de la destruction des halles et de l’édification du centre Beaubourg :
« Il s'en fallait que l'entreprise de subversion du lutin frondeur [Daniel Cohn-Bendit] recueillît l’adhésion du grand public. Toutes ces furieuses embrassades avec les policiers n’avaient d’autre fin que d’évincer les citoyens des problèmes brûlants. Tandis que de prétendus étudiants s’amusaient à la moutarde, l’équipe de France de tennis se faisait piétiner par les Anglais, et le boxeur Jean Josselin volait en éclats sous les coups d’un Italien sûr de lui, et dominateur. Que pesaient quelques échauffourées au prix de ces désillusions ? »

J’ai souvent pensé à Queneau en lisant ce roman un peu foutraque ‒ aussi à Vian. On reconnaît évidemment l'influence de Rabelais dans les listes et les descriptions d’empoignades soixante-huitardes.
« ‒ […] Le public n’est plus habitué aux excès de vocabulaire.
‒ Je sais. Il lui faut du "naturel", de la sobriété, sujet, verbe, complément, bref un style de circulaire, quelques adverbes en -ment, quelques expressions figées, et une grande liberté de ton : "Il s’éveilla frais et dispos et, sans un mot, encula Marie-Véronique." »

« ‒ Notre mémoire nous surprend comme une voleuse. Et il me déplaît d’être surpris par mes souvenirs, par toutes ces choses d’une vie engloutie qu’un rien ramène à la surface. On dirait que la mémoire profite de nos moments d’inattention, ou pis encore, de notre agonie, pour nous renvoyer à ce qui n’est plus nous, au machinal de la vie… »

« ‒ […] Mais que faites-vous de ce vocabulaire ?
‒ Je le disperse. »

« Je vous vois sans désir si l’on excepte votre goût des mots, qui est une passion morte. »

La fin de l'ouvrage renvoie au second volume de la trilogie : je vais donc lire Le burelain, et vous en rendre compte.

mots-clés : #humour #initiatique
par Tristram
le Mer 25 Juil - 20:52
 
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Sujet: Richard Jorif
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Marcel Aymé

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La tête des autres

Je continue ma découverte d'Aymé, cette fois par cette pièce de théâtre dénichée à Emmaüs.
Sa lecture, aisée, assez prenante, a été rapide. C'est par un premier acte bien cynique que l'auteur plante le décor de cette mordante critique écrite en 1952. Des procureurs se congratulent d'avoir obtenu la peine de mort pour un accusé dont on doute pourtant peut être de la culpabilité. S'ensuit de véritables rebondissements vaudevillesques et mafieux qui en une sorte de spirale n'auront de cesse de démontrer la noirceur des intérêts individuels.
Mon père me signale que cette pièce est truffée d'allusions d'époque, certains personnages font référence à des personnalités au passé trouble, ça a été un scandale lors de sa création.
De mon point de vue moins averti, je reste marquée par un truc qu'Aymé distille tout du long, une espèce de démonstration du pouvoir de la communication : les personnages, tous "ennemis" les uns des autres, trouvent sans cesse moyen de communiquer, voir de laisser filer la rancoeur, sans être dupes pour autant des malveillances, une espèce de tableau de la loi de la jungle individualiste, où la communication primerait pourtant, supplantant l'appareil judiciaire, lui totalement vérolé.
Corrosif.
Malgré toutes les critiques qu'il avait adressées à la justice, il s'est trouvé, en 1961, un conseiller
à la Cour d'Aix-en-Provence pour solliciter et obtenir une contribution de Marcel Aymé à une
réflexion sur l'art de juger. (Michel Lécureur, Président de la Société des Amis de Marcel Aymé)
:
« Cher Monsieur,
Je suis très touché de votre bienveillante insistance, mais je me sens peu qualifié pour dire sur le
sujet dont vous êtes occupé rien qui puisse intéresser des Juges. Je n'ai pas fait d'études de droit
et je n'ai jamais eu de procès.
Pourtant, à deux reprises dans ma vie, mon attention a été fixée sur la Justice de mon pays et
sur son appareil : la première fois, alors qu'étant collégien, je faisais l'école buissonnière, je
fréquentais, les jours de grand froid, le Tribunal correctionnel dont l'audience était chauffée. À
cette époque, en 1916, la Justice était une Justice de classe (il semble qu'elle le soit encore,
quoique avec précaution). J'ai été profondément remué et scandalisé par la dureté et la
grossièreté avec lesquelles les Juges traitaient les gens pauvres. La deuxième fois, ce fut à la
Libération, le spectacle sans précédent en France, d'une Justice d'exception acharnée à la
vengeance, et à laquelle une magistrature craintive n'a pas ménagé son concours. Comme tout le
monde, j'ai été également au courant des nombreux scandales où la Justice s'est gardée
d'intervenir, sinon de venir en aide aux concussionnaires. Voilà qui n'est pas fait pour donner
une idée rassurante de ce qu'est devenue, en France, la plus haute des fonctions. Certes, des
Juges peuvent se sentir à l'aise dans une recherche consciencieuse du verdict, lorsqu'il s'agit de
l'assassinat d'une rentière ou de l'attaque d'un coffre-fort. Mais est-ce là tout l'exercice de la
Justice ?
Les profanes de mon espèce attendent des Juges qu'ils aient le courage de poursuivre le crime et
le délit sans égard à l'argent ni au pouvoir. Il leur semble que si la Justice consent à se laisser
entamer dans ses positions les plus avancées, elle n'est plus la Justice et qu'un Juge ne peut
avoir bonne conscience, même en face d'un criminel de droit commun. Je souhaite que, dans
votre discours d'ouverture, vous mettiez en garde la magistrature contre l'indifférence et la
légèreté, bien sûr, mais d'abord contre toute espèce de complaisance. Et je souhaite que vous
soyez entendu ! »

Marcel Aymé



mots-clés : #humour #justice #théâtre
par Nadine
le Dim 22 Juil - 19:19
 
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Sujet: Marcel Aymé
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Irmgard Keun

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Après minuit

J'ai lu Après Minuit, et c'est un très bon livre.
En plus c' est un témoignage sur le vif de l'atmosphère en Allemagne
en 1936. Plus précisément à Francofort.
Un peuple dopé, hypnotisé et sous influence. Il fallait avoir de la lucidité pour s'en rendre compte et prendre peur et avoir envie de partir.
Elle n'avait que 18 ans pourtant Irmgard Keun à l'époque.
Bergman a traversé le pays à cette époque et a été saisi par cette atmosphère à la fois fascinante, empoisonnée et morbide.
Il en parle dans Laterna magica.


Mots-clés : #humour #regimeautoritaire
par bix_229
le Mar 1 Mai - 16:24
 
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Kenneth Cook

Le Koala tueur et autres histoires du bush

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 6424_310
Recueil de nouvelles autobiographiques venant de ce journaliste amoureux de son pays manifestement mais réaliste sur tout ce qu'il contient de bizarreries.
Truculent est le terme le plus adéquat pour définir l'atmosphère du livre dont les histoires sont placées sous un second degré et une causticité très drôles et très agréables.
Dépaysant, frais, bien écrit, drôle, il ne postule pas à la pléiade mais nous divertit et on passe un super moment ce qui est bien le plus important.
Très belle découverte et belle entrée en matière dans la découverte de cet auteur qui ne demande qu'à être répétée.



mots-clés : #autobiographie #humour #nouvelle
par Hanta
le Mar 1 Mai - 10:15
 
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Nicolas Fargues

Rade Terminus

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Rade Terminus est un livre qui parle des expatriés français à Madagascar avec une certaine ironie.

Des couples, des célibataires se préparent d’abord à partir. Ils feront connaissance là-bas, à Diégo-Suarez. Et se préparer pour partir ce n’est pas forcément de la tarte !

Les personnages, qui vont se croiser à Diégo-Suarez, qui n’est autre que la ville d’Antsiranana, sont plutôt caricaturaux, comme Philippe par exemple, qui travaille pour l’association humanitaire Écoute et Partage, une ONG, et qui souffre de ses TOCs. Que ce soit dans le comique – Amaury recruté en France par Philippe pour le seconder – ou dans le dramatique (Phidélyce qui a vraiment baisé la gueule à Maurice qui a tout quitté pour elle).

« À 65 kilomètres d’Ambanja, sans prévenir, Dieu lui donna l’ordre de pousser à 150 kilomètres à l'heure, juste pour voir : “Tu atteins 150 et puis tu redescends, d’accord ?”
– Ah non ! Arrête Dieu ! Ne me fais pas jouer avec le feu sur ce coup-là ! Faut pas déconner, là ! Je suis en bagnole, là, c’est dangereux, tu peux pas me forcer !
Dieu affecta cet air attristé qui cachait une vexation sans appel.
– Bon bon, O.K., O.K. Mais après on arrête, hein ? »


Voilà pour le TOC qui nous amuse et nous inquiète !

La description de la vie des personnages en exil, on sent que c’est du vécu ! parce que Nicolas Fargues a été le directeur de l’Alliance française de Diégo-Suarez à Madagascar, il a dû en voir passer, des expat’s !!! Le ton employé est plein d’humour, il se moque beaucoup de ses personnages (l’air de rien comme ça, un peu pince-sans-rire !).

Les Malgaches en prennent aussi pour leur grade ! Il les a bien connus et nous en décrit le portrait et les caractéristiques, selon leur origine, côtiers ou des hauts plateaux, c’est pas pareil ! Et quand un Malgache vient en France, c’est tragi-comique !

« Les Français, je leur faisais peur dans le métro parce qu’ils me prenaient pour un Arabe. Les Arabes de la cité où je dormais, eux, ils m’agressaient parce que je mangeais du porc. J’avais beau leur dire que j’étais malgache d’origine indienne mais malgache, Madagascar ils avaient jamais entendu parler, ils voulaient savoir et me traitaient de traître ! Pire encore avec les Indiens ! Je parlais pas tamoul, j’allais pas à la mosquée, ils me traitaient de Français ! »


– Tu sais, ici, toutes les filles vont voir le sorcier pour se marier avec un vazaha [un Français]. J’ai jamais vu une ville où de dix à quarante-cinq ans, la recherche du Blanc est aussi ancrée dans les esprits et, surtout aussi généralisée chez les femmes. Je ne connais pas une seule nana ici qui dirait non à un vazaha, même pas spécialement friqué. Je n’exagère pas, pas une ! »


J’ai apprécié de lire ce petit livre, plutôt drôle, et plutôt à lire en été sur une chaise longue, ou dans l’avion, ou dans l’aérogare ! (mais ce n’est pas un roman de gare !)


mots-clés : #exil #humour #lieu
par Barcarole
le Ven 6 Avr - 9:17
 
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Sujet: Nicolas Fargues
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Julio Cortázar

Cronopes et Fameux

Tag humour sur Des Choses à lire - Page 6 Cronop10

Recueil de courts récits regroupés en quatre parties : "Manuel d'instructions" (loufoques), "Occupations bizarres" (d’une famille assez déjantée), "Matière plastique" (la souplesse est une qualité récurrente) et "Histoires de Cronopes et de Fameux".
Depuis Platon, nous distinguons deux types d’hommes, sans oublier le troisième ; nous avons donc les Cronopes et les Fameux ‒ ainsi que les Espérances :

« Les Espérances, sédentaires, se laissent voyager par les choses et les gens, elles sont comme les statues qu’il faut aller voir puisqu’elles ne se dérangent pas. »
Julio Cortázar, « Voyages », in « Histoires de Cronopes et de Fameux », in « Cronopes et Fameux »


Essayer de décrire ces brefs aperçus serait aussi compendieux qu’ils sont lapidaires : il vous sera beaucoup plus vite fait de les lire. Indescriptibles, ils font penser aux Surréalistes, à Vian, à Michaux surtout ; c’est aussi du ressort de l’absurde, avec beaucoup d’humour, et de poésie. Pire, plus on s’avance dans le livre, plus c’est jubilatoire.
Les moralités éventuellement à tirer de ces sortes de contes seraient du domaine du ludique ou de l’illusoire ‒ encore que : les rigides et les légers ? les cigales et les fourmis ? les prosaïques et les poètes ? Sans oublier le troisième type...
Si j’aime ? c’est le genre d’histoires auquel je suis particulièrement sensible.

Assez inclassable ; je verrais à la rigueur l’hashtag Nouvelle ‒ voire Fantastique.

Je recommande également l’incontournable Marelle, mais aussi Le livre de Manuel, et ses nouvelles.


mots-clés : #fantastique #humour #nouvelle
par Tristram
le Mar 3 Avr - 13:50
 
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Julie Wolkenstein

Les vacances
Prix des Deux magots

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Paul, jeune thésard travaillant sur Eric Rohmer, et Sophie, universitaire retraitée spécialisée dans la Comtesse de Ségur se retrouvent par hasard à l'Institut des Mémoires de l'Edition Contemporaine de Caen pour consulter les archives relatives  au premier long-métrage de Rohmer, Les petites filles modèles, film jamais fini, disparu, méconnu… Entre recherches Google, rencontres éclairantes et pauses-cigarettes, chacun va approfondir sa connaissance de lui-même, où les liens avec leur travail émergent les uns après les autres.

C'est un livre tendre, léger et ludique, qui ne se prend absolument pas au sérieux. A travers cette recherche désespérée de points de détails sans intérêts, les deux héros arrivent finalement à l’essentiel : eux-mêmes, dans une accumulation d’observations loufoques, de détails quotidiens magnifiés, et de coïncidences astucieusement multipliées. Ce sont de vrais personnes , avec leurs incohérences, pas des héros de roman tout d'un bloc et cela les rend réellement proches du lecteur.
Un bon moment plein d'humour et de subtilité.


mots-clés : #humour #identite
par topocl
le Lun 19 Mar - 9:59
 
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Sujet: Julie Wolkenstein
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Sergueï Dovlatov

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Le Domaine Pouchkine


aussi publié comme "La Reserve"

Originale : Заповедник (Russe, 1983)

CONTENU :
Boris prend le bus de Leningrad vers Pskov, où se trouve le grand mémorial de Pouchkine, la domaine de ses parents où le poète a vécu et où on a construit plus tard un musée. C'est là que notre héros se présente en vue de devenir guide à travers la domaine. Il fait cela avec une certaine nonchalance typique pour lui et on l'embauche. Sans grandes ressources, il trouvera un abri assez modeste, voir sale, chez un alcoolique du lieu. Peu à peu il fait connaissance des lieux et va faire ses premiers tours guidés après quelques jours d'apprentissage. Pendant ce temps, sa femme Tania réfléchit à la maison, si elle va émigrer avec leur fille. Elle va venir rendre visite à Boris...

REMARQUES :
Malgré un changement de nom, on trouver sans difficultés chez le narrateur des concordances avec la biographie et le caractère de Dovlatov lui-même. Beaucoup de ses livres partent de ce matériel autobiographique. Mais il le transforme (à quel point?) et sait raconter ses évènements de sa vie avec humour, un savoir pour utiliser la langue. Ainsi on ne passera pas beaucoup de paragraphes sans rire ou sourire. L'auteur souligne et transforme encore les situations les plus absurdes et grotesques. Mais il est possible que pour certains un tel approche ne passe pas : l'alcool omniprésent (comme chez beaucoup de Russes), son amour inconsidéré pour (toutes?) les femmes.

Évidemment on ne se passe pas dans un livre d'un intellectuel russe de pas mal de références de toutes sortes, surtout littéraires. Naturellement un livre, jouant en grande partie sur le « Domaine Pouchkine » va parler de ce grand auteur et poète russe génial, considéré comme un monument national.
A coté de cela nous trouvons aussi d'autres descriptions de caractères bizarres, de vrais originaux.

Concernant la langue, on ne peut que deviner par la traduction (et les commentaires intéressants d'introduction par un ami dans la version française!) l'originalité et la pointillesse de Dovlatov.

Donc, ma deuxième lecture de cet auteur, et une invitation, de continuer dans la découverte !


mots-clés : #autobiographie #creationartistique #humour
par tom léo
le Dim 18 Mar - 16:27
 
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Sujet: Sergueï Dovlatov
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Antonio Skármeta

Une ardente patience

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C'est un petit livre tout à la fois charmant et grave, un conte moderne, qui, sous une approche poétique, facétieuse, dresse le portrait politique du Chili au  XXème siècle à travers la figure emblématique de Pablo Neruda.

Celui-ci s'est retiré à l'ïle Noire avec Matilde Urrutia, l'amour de sa vie, pour se consacrer au calme à la littérature. Mario, le jeune, facteur qui lui porte chaque jour des dizaines de lettres, arrive à l'approcher et dans sa naïveté sympathique, devient un ami  qui le relie au monde extérieur. Mario commence par apprendre ce qu'est une métaphore, vole quelques vers au Maître pour séduire sa belle, puis se met peu à peu à écrire ses propres vers. Tout le texte devient peu à peu une métaphore géante, dans un mécanise ingénieux et aérien.

Même si le monde est bien décidé à rattraper Neruda, envoyé par Allende en ambassade à Berlin, puis revenant mourir au moment du putsch, le livre reste d'une douceur amicale et plaisante. Les connaisseurs de Neruda y prendront sans doute un plaisir décuplé, car on se doute bien que le texte est truffé d'allusions, hommages et références à l’œuvre du poète.

mots-clés : #amitié #biographie #historique #humour
par topocl
le Sam 10 Mar - 10:13
 
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Sujet: Antonio Skármeta
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Jonas Jonasson

Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

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Alors que tous dans la maison de retraite s’apprêtent à célébrer dignement son centième anniversaire, Allan Karlsson, qui déteste ce genre de pince-fesses, décide de fuguer. Chaussé de ses plus belles charentaises, il saute par la fenêtre de sa chambre et prend ses jambes à son cou. Débutent alors une improbable cavale à travers la Suède et un voyage décoiffant au cœur de l’histoire du XXe siècle. Car méfiez-vous des apparences ! Derrière ce frêle vieillard en pantoufles se cache un artificier de génie qui a eu la bonne idée de naître au début d’un siècle sanguinaire. Grâce à son talent pour les explosifs, Allan Karlsson, individu lambda, apolitique et inculte, s’est ainsi retrouvé mêlé à presque cent ans d’événements majeurs aux côtés des grands de ce monde, de Franco à Staline en passant par Truman et Mao...


Mon avis
J'ai beaucoup aimé le début, tout un décalage : un centenaire qui doit fêter son anniversaire dans une maison de retraite alors qu'il a vécu tellement de choses au cours de sa vie. Décalage aussi au niveau de l'écriture, j'en ai beaucoup rigolé.
Nous avons le récit de sa vie "ancienne" en parallèle de sa vie actuelle, ce qui aide à comprendre la réaction de ce vieux.
J'ai trouvé dommage que les passages de sa vie antérieures soient de plus en plus longs. Je voulais savoir ce que pouvait faire un centenaire en partant de sa maison de retraite mais j'ai eu l'impression surtout de lire son passé. Ce décalage qui me plaisait a fini par être lourd, ce qui pouvait être ironique devenait lourd aussi. C'était un peu trop pour moi, ce "vieux" a survécu à toutes les guerres, a rencontré tous les dirigeants du monde, ça a fait un peu "flouf" au bout d'un moment.

mots-clés : #humour #vieillesse
par oceanelys
le Dim 4 Fév - 20:06
 
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Sujet: Jonas Jonasson
Réponses: 2
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