Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Avr - 1:16

352 résultats trouvés pour famille

Édouard Glissant

Le Quatrième Siècle

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Le_qua10


Le vieux quimboiseur ("maître de la connaissance" voire sorcier, qui guérit avec des tisanes ‒ "tiens, bois") papa Longoué raconte au jeune Mathieu Béluse l’histoire de leurs familles (lui est le dernier de la sienne). Les premiers Longoué et Béluse abordent en 1788 en Martinique comme esclaves, et malgré les conditions atroces de la traversée se jettent l’un sur l’autre à l’occasion du débarquement. Longoué, qui semble avoir eu le dessus, marronne dès que vendu à La Roche (plantation Acajou), tandis que Béluse est acheté par Senglis le bossu, époux de Marie-Nathalie, « amazone sans cheval » à la cravache cinglante, planteur et perpétuel antagoniste de La Roche. Longoué (ou La-Pointe) enlève Louise, exposée sur une croix, la « sauvage et guerrière » qui avait coupé ses liens pour qu’il s’enfuie, et l’emmène dans les bois des mornes, où ils auront leurs deux enfants. Il fait le signe du serpent, tandis que La Roche ne se sépare de sa petite barrique que pour l’offrir à Longoué. Béluse quant à lui prospère au cœur d’un programme de reproduction esclavagiste dans la propriété Senglis en déclin de folie. Son fils, Anne, passe son enfance avec le second fils de Longoué, Liberté, qu’il tue. Les esclaves se révoltent, les descentes des marrons respectent les plantations Acajou et Senglis ; il y a une dualité entre hauts et fonds, marrons-esclaves, Longoué-Béluse. Le fils aîné de Longoué, Melchior, devient quimboiseur et père de Liberté, aïeule des Celat, et d’Apostrophe. Fête des morts de la Toussaint et lignée rompue par la déportation, à l’origine des zombis. Stéfanise, fille d’Anne, est attirée par Melchior, puis Apostrophe, qui lui donnera papa Longoué.
Une des femmes arrivées avec celui qui sera Longoué a un fils du géreur Targin, et lui donne ainsi « une descendance par le nom », avec un lopin en propriété, La Touffaille. Il y a au milieu du livre un passage très fort sur le nom, la dénomination :
« "Parce qu’ils y tenaient, à leurs noms. Ils acceptaient bien que tu portes un nom, à condition qu’ils te le donnent. S’ils avaient décidé pour La-Pointe, va donc leur faire admettre que tu veux Longoué, à cause que Longoué est comme un dongré de farine bien pris dans le bouillon de crabes, et raide comme un bois-campêche. Va leur faire admettre ! Que ton nom est pour toi, choisi par toi ? Ils n’acceptent pas !" Sauf s’ils y trouvaient un plaisir particulier ; et c’est Marie-Nathalie par exemple qui ne voulut jamais qu’on appelât l’homme autrement que Béluse (ni Pierre ni Paul mais Béluse) et qui prenait un tel goût à rouler le mot dans sa bouche : Béluse. Car elle savait que le nom était né de sa propre bonne humeur, du rire qui gonfla en elle et qu’elle eut tant de peine à refouler quand ce géreur déclara : "C’est pour le bel usage, madame !" Et ce bel usage, qui devait en elle faire grossir une si belle folie, jusqu’au moment où elle ne put que se raccrocher à la seule et hypothétique fécondation dont elle avait passé commande, elle voulut pour commencer qu’il soit accolé à celui qui l’assumerait, et que l’homme du bel usage s’appelât en effet Béluse. Dans ces cas-là, oui, ils te tueraient plutôt que de t’enlever le nom, si dans d’autres cas ‒ quand tu osais en choisir un et décidais de le porter toi seul ‒ ils t’auraient tué pour te l’ôter sans retour. Ils décrétaient alors : "Il n’a aucun droit à porter un nom." […]
Ceux des hauteurs choisissaient leurs noms : on ne les appelait pas Tel ou Tel, on ne prenait pas l’habitude de les appeler, ils choisissaient et ils disaient à la ronde : "Voilà, c’est Tel mon nom." Tu vois la différence. Ils s’appelaient eux-mêmes, avant qu’on les appelle. »

Le thème est prolongé par l’onomastique farfelue des commis au recensement après l’abolition de l’esclavage, qui ne savent plus qu’inventer comme noms :
« Quand l’impudence était trop visible, ils s’amusaient à inverser les noms, à les torturer pour au moins les éloigner de l’origine. De Senglis en résulta par exemple Glissant et de Courbaril, Barricou. De La Roche : Roché, Rachu, Réchon, Ruchot. »

Une belle observation de la fascination pour la culture dominante, aisément transposable :
« Parce que depuis longtemps déjà la passion était née, s’était fortifiée, de tout ce qui arrivait d’ailleurs, d’au delà l’horizon ; et la confiance éblouie en tout ce qui, légitimement ou non, se proclamait l’émanation et la représentation de l’ailleurs. Comme si c’était un morceau miraculeux du monde qui venait chaque fois traverser en météore l’espace clos de l’ici. »

Dans l’histoire en contrepoint de ces deux lignées, ce roman constitue une réflexion sur la mémoire et le temps ‒ passé, présent et avenir du « pays » ; et le quatrième siècle c’est, en comptant depuis l’extermination des Indiens Caraïbes, l’époque d’un nouvel enracinement dans le terroir…
Le style alterne français châtié et créolismes, flux de conscience faulknérien et métaphores lyriques.
On y retrouve bien des éléments caractéristiques de l’écriture franco-antillaise à venir, notamment celle de Chamoiseau.
A propos, le dongré, ou dombré, est une boulette de pâte qui cuit dans les crabes de terre en matété, mais aussi les haricots rouges à l’antillaise ‒ au moins autant idoine que la queue de cochon dans ce plat !


Mots-clés : #esclavage #famille
par Tristram
le Sam 13 Avr - 0:56
 
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Sujet: Édouard Glissant
Réponses: 4
Vues: 986

Julian Barnes

Dix ans après

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 51t6sg13

Suite de Love, etc., 1992 (titre original Talking It Over, alors que celui de 2002 est appelé en français… Love, etc. !) ‒ ce n’est pas l’éditeur qui l’aurait clairement indiqué ! et bien sûr je n’ai pas lu Love, etc. (le premier, hein…) D’ailleurs j’ai eu du mal à comprendre qui sont les personnages secondaires ; pour qui serait dans le même cas (lire ce livre avant le précédent), je précise que Mme Wyatt est la mère de Gillian (d’origine française), et Ellie une jeune collègue de cette dernière (restauratrice de tableaux). Mais le trio central, c’est Gillian, qui a divorcé de Stuart pour épouser son meilleur ami, Oliver, alors qu’ils avaient la trentaine. Stuart revient des USA, où il s’est remarié et a redivorcé, ainsi qu’eu du succès dans le négoce agro-alimentaire, tandis qu’Oliver est un cossard facétieux et dépressif qui a donné deux filles à Gillian.
Ce que Barnes représente dans ce texte, c’est donc les retrouvailles des personnages dix ans après, selon un projet littéraire qui serait sous-entendu dans ce qu’expose Stuart ici :
« Dans les romans, quelqu’un se marie et c’est fini ‒ eh bien, je peux vous dire par expérience que ce n’est pas le cas. Dans la vie, chaque fin est le début d’une autre histoire. Sauf quand on meurt ‒ ça c’est une fin qui est vraiment une fin. Je suppose que si les romans reflétaient fidèlement la vie, ils se termineraient tous par la mort de tous leurs personnages ; mais alors on n’aurait pas envie de les lire, n’est-ce pas ? […]
Mais la vie n’est jamais comme ça, hein ? On ne peut pas la poser comme on pose un livre. »

Le livre est constitué de monologues, peut-être adressés à l’auteur, et de dialogues qui se répondent. Ces soliloques et conversations sont bourrés d’humour, sans doute le plus difficile à traduire, d’autant que l’esprit est souvent idiosyncrasique d’une culture… Humour fort spirituel donc, allant des jeux de mots jusqu’à l’ironie la plus cruelle entre les deux rivaux ‒ Stuart vu par Oliver :
« Ô narcoleptique et stéatopyge individu, à l’entendement crépusculaire et à la Weltanschauung en Lego… »

« Un Anglais doté d’une Théorie, oh mon Dieu ‒ c’est comme de porter un costume en tweed au Cap-d’Agde. Ne fais pas ça, Stuart ! "Mais non, il leur faut encor / Plier leur prochain à leur volonté." Et donc Stuart, vêtu de pied en cap de laine six-fils, nage en chien parmi les nudistes en tenant le manifeste suivant entre ses canines : L’humanité elle-même doit devenir biologique ; le citadin peut revendiquer une certaine parenté avec le goret stressé ; nous devons nous griser d’air pur loin de ces redoutables sigles de pollution avec lesquels il prend plaisir à nous effrayer ; nous devons cueillir des baies sauvages et occire le lapin du dîner avec un arc et une flèche, puis danser sur la mousse humide comme dans une vision arcadienne de Claude le Lorrain. »

On découvre aussi « la loi de l’effet non voulu », le dilemme des causes endogènes ou exogènes à la dépression (héritage génétique versus vicissitudes de son vécu…) La dépression est bien décrite :
« On dit que l’alcoolisme est une maladie, alors je suppose qu’on peut l’attraper d’une façon ou d’une autre… Et pourquoi n’en serait-il pas de même avec la dépression ? Après tout, ça doit être terriblement déprimant de vivre avec une personne déprimée, non ? »

« Avant je pensais qu’il y avait quelque intérêt à être moi. Maintenant je n’en suis plus convaincu. »

« Non, c’est le hic avec tout ça… Je ne peux décrire que ce qui est susceptible d’être décrit. Ce que je ne peux pas décrire est indescriptible. Ce qui est indescriptible est insupportable. Et d’autant plus insupportable que c’est indescriptible. »

« Non pas que je croie à l’âme. Mais je crois à la mort d’une chose à laquelle je ne crois pas. »

Julian Barnes, un des plus francophiles et pourtant parfaitement britannique parmi les auteurs de langue anglaise, est aussi un profond observateur de la société :
« En fait de héros il n’y a plus que ce pâle ersatz, le "modèle". On n’aspire plus à l’individualisme, on aspire à représenter une catégorie. »

Question cuisine, on parle sandwich frites-beurre et curries (Oliver), mais aussi risotto et même une exceptionnelle frittata (Stuart) que j'ai sauvegardée dans les Recettes culinaires et littéraires.
Barnes ne précise pas le genre de ce texte (si l’éditeur a respecté sa volonté), qui effectivement n’est pas tout à fait du roman.
A propos, quand on aura sauvé la planète et mené à bien toutes nos saines revendications, il faudra mettre la pression sur les éditeurs pour qu’ils se résignent à une éthique les obligeant à indiquer sur la couverture qu’ils publient la suite d’un autre livre !


Mots-clés : #contemporain #famille #humour #social
par Tristram
le Mar 9 Avr - 1:07
 
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Sujet: Julian Barnes
Réponses: 60
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Anne Hébert

Les fous de Bassan

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Proxy156

L'austère village s'accroche aux rochers, et à sa petite communauté protestante consanguine.  Le pasteur, imbu de l’arrogance de sa toute-puissance ecclésiastique,  entretient le spectre du péché, les hommes brident(s ou ne brident pas) leurs instincts, les femmes se taisent, obéissent, et les jeunes filles brillent par leur beauté virginale. Un jeune idiot épie tout ce monde. Les marrées, les vagues, et le vent sauvage attisent l’âpreté de cette atmosphère hostile. Et depuis que deux jeunes filles ont disparu, le 31 août 1936, les fantômes errent sur la grève et attisent le malheur.

C'est dans cette ambiance à la poésie tragique, que Anne Hébert nous décrit, dans une langue ardente ces âmes perclues  de rancœurs, de passions et de non-dits dont le ressassement répond aux assauts d'une nature hostile.
Très beau texte, dans une prose fiévreuse et pleine de lyrisme, de mystères et de romantisme.


Mots-clés : #famille #huisclos #humour #mort #violence
par topocl
le Ven 5 Avr - 15:48
 
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Sujet: Anne Hébert
Réponses: 7
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Jim Harrison

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Images14

Dalva

Dalva, femme libre, émancipée, est originaire du Nebraska où sa mère, Naomi, vit toujours dans leur grand ranch. Dalva a toujours eu besoin de bouger et pour le moment, elle vit à Santa Monica (Californie) où elle travaille dans un centre social.
Elle n'est pas mariée mais a des aventures. Elle a eu un enfant à l'âge de 16 ans avec Duane, son amour de jeunesse, enfant qu'elle a dû laisser à une famille d'adoption, son unique fils qu'elle voudrait rencontrer ou du moins avoir des nouvelles. Elle décide donc, à 45 ans, d'écrire une espèce de journal pour son fils, pour qu'il sache qui était sa mère.
Parler de son histoire, c'est parler de Duane qu'elle aime toujours même si leur histoire a été "avortée" du fait qu'ils étaient demi frère et soeur. Et c'est sans doute parce qu'elle sait cet amour toujours bien présent que Dalva bourlingue un peu partout pour ne pas avoir à revenir au Nebraska.

Dalva va perdre son travail car elle s'est trop impliquée en voulant protéger un gamin qui a été violé par son oncle. Finalement, cet oncle violeur va la menacer et Dalva va prendre la décision de retourner dans sa maison dans le Nebraska.
Parallèlement à cela, Michael, ami et amant de Dalva, va vouloir l'aider à retrouver la trace de son fils en échange de quoi il lui demande la grande faveur de le laisser consulter les journaux intimes de ses arrière-grand-père, grand-père et  père, c-à-d les 3 générations de Northbridge qui ont toujours été très proches des Sioux.

Ces 2 retours dans le passé vont être riches car à travers l'histoire de Dalva et sa famille, c'est la douleureuse histoire des Indiens d'Amérique que l'on découvre. On est parfois révolté car Harrison ne maquille rien et établit un constat réaliste sur les méfaits commis sur les hommes mais aussi sur la nature. C'est un roman qui crie la Nature et la liberté de ses espaces, qui crie l'Homme, l'homme et son lien à la Terre, un roman qui bat avec l'Amour, l'amour des hommes, des mères, des pères, un roman qui met les Traditions en avant, le fait de mémoire.
Le livre est divisé en trois parties: Dalva - Michael - Retours. Le style coule comme le flux d'une rivière fraîche, les personnages sont attachants, forts en constrastes. Beaucoup de dérision chez les hommes. J'ai trouvé intéressante la façon dont l'auteur prend la voix d'une femme. Les descriptions des grands paysages américains sont splendides.
Une lecture d'une intense émotion.

(A mon grand regret, je n'ai pas d'extraits à vous proposer.)

Mots-clés : #famille #nature #traditions
par Cliniou
le Lun 1 Avr - 13:56
 
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Sujet: Jim Harrison
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Alessandro Baricco

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Produc10

La jeune épouse

ça faisait longtemps que je n'avais pas lu Baricco. Je n'ai d'ailleurs lu qu'un seul de ses livres et à part le souvenir qu'il a été adapté au cinéma avec Béatrice dalle comme actrice je ne m'en souviens pas dutout. mais je crois que j'avais bien aimé.

La jeune épouse est empreint d'un charme un peu étrange, langoureux et violent à la fois, il nous amène résolument dans des codes écartés du réel.
Dés l'ouverture on est frappé par la force expressive du style de l'auteur : j'ai bien vu la scène du levé, l'enfilade en couloir, les portes ouvertes à la volée, les embrassades hébétées de la famille sortie d'une nuit inquiète.
J'ai été un peu chiffonnée par leur nudité ostentatoire et sensuelle, convaincue d'avoir à faire à un érotisme facile de par son transgressif, allons-y pour le soufre de l'inceste littéraire et romantique à mes yeux difficilement attractif etc
Et puis non, Baricco m'a quand même entrainée dans sa lenteur moite, et baroque, son imaginaire sensuel, sa liberté narrative.

Je pourrais dire que je n'étais pas conquise et pourtant des images uniques me restent, qui démontrent la force du voyage créatif.
Un enchantement étrange, où seules des bribes rares n'auront pas été maitrisées (je pense à une ou deux incohérences de ton, la jeune épouse parlant au valet, lors de leur étroite discussion, seuls dans la maison vide, où le lexique soudain trop moderne semble , au détour d'une réplique, rompre la transe involontairement, par exemple) et qui permet de créer des Personnages immortels. le valet m'a beaucoup frappée, il est puissant, magnifique figure.
Des images inouies inédites et in-lues (ça se dit ça ?) comme celle des actions inachevées , pour mieux préparer le retour de villegiature : tiroir entrouvert, fruit à demi pelé, et de multiples foisonnements de temps amorçés pour nier l'arrêt du temps.

Quelques îlots restés inaccessibles : la jeune epouse sale et parée, bon, très érotique mais qui ne me parlais pas, son va et vient sur les genoux du valet, bon, que moi j'ai pas trop aimé, même si la fuite vers les sens prend son illustration dans cette incongruité et ce cap franchi. En fait un contenu très érotique qui ne m'a pas vraiment parlé mais que je reconnais chiadé, sinon original dumoins décliné de manière brillante.
Et un élan , un mouvement, un sens , une "thèse" métaphysique très réussis, que j'ai reçu totalement, sans dutout être dérangée par les choix qui ne m'étaient pas chers, un contenu de sens très spécifique, et un final doublement beau : la mort du père est une scène que j'ai trouvé splendide, et ma tendance à aimer les happy ends s'est trouvée comblée par l'issue du livre.

Un texte où le miroir de l'écrivain- faisant est un pari osé, réussi, un texte un peu vénéneux; comme le mal vivre de l'écrivant qui est exprimé, sublimé; un roman des faux semblants et des réels instinctifs.
C'est beau. C'est vrai.

Mots-clés : #amour #erotisme #famille #huisclos #initiatique
par Nadine
le Dim 24 Mar - 17:26
 
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Sujet: Alessandro Baricco
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Daniel Mendelsohn

Les Disparus

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Les-di10

Très tôt dans l’ouvrage, les commentaires du commencement de la Torah, l’origine du monde et le début de l’histoire de l’humanité, le présentent comme une sorte de travelling du général au particulier, procédé choisi par souci de raconter une histoire particulière pour représenter l’universelle. Une intéressante glose de la Bible se déroule en parallèle de l’enquête de l’auteur, insérée en italiques comme tout ce qui est externe à son cours, et concernant notamment les annihilations divines (le déluge, Sodome et Gomorrhe) ; on apprend aussi qu’Abraham, le premier Juif, s’est enrichi comme proxénète de sa propre femme auprès de Pharaon (IV, 1)…
Daniel Mendelsohn revient sur les mêmes points, répète les mêmes choses, cite plusieurs fois le même document ou le même extrait dans une sorte de délayage qui ne m’a pas toujours paru approprié ou plaisamment effectué ; de plus, l’ouvrage fait 750 pages, et c’est long. Peut-être est-ce calqué sur la forme litanique de lamentations du type kaddish, comme le livre éponyme d’Imre Kertész ; il est vrai que par contraste les témoignages précis (et horribles) marquent d’autant plus. En tout cas, on peut s’attendre à des moments d’ennui ou d’agacement avec d’être totalement pris par les attachantes personnes rencontrées dans cette quête étendue dans le temps et l’espace.
Les Disparus, c’est ceux (personnes et culture) dont il ne reste apparemment rien et dont Mendelsohn tente de retrouver trace, mais c’est aussi beaucoup l’histoire de sa parentèle ; le goût prononcé pour la famille et la généalogie, un peu désuet voire étonnant pour certains.
Ce livre, c’est encore comment conter, le compte-rendu de l’élaboration de sa narration, la transmission des faits de la Shoah par les petits-enfants des témoins ; focus et importance des détails.
« Un grand nombre de ces fêtes [juives], je m'en étais alors rendu compte, étaient des commémorations du fait d'avoir, chaque fois, échappé de justesse aux oppressions de différents peuples païens, des peuples que je trouvais, même à ce moment-là, plus intéressants, plus engageants et plus forts, et plus sexy, je suppose, que mes antiques ancêtres hébreux. Quand j'étais enfant, à l'école du dimanche, j'étais secrètement déçu et vaguement gêné par le fait que les Juifs de l'Antiquité étaient toujours opprimés, perdaient toujours les batailles contre les autres nations, plus puissantes et plus grandes ; et lorsque la situation internationale était relativement ordinaire, ils étaient transformés en victimes et châtiés par leur dieu sombre et impossible à apaiser. » I, 2

« …] écrire ‒ imposer un ordre au chaos des faits en les assemblant dans une histoire qui a un commencement, un milieu et une fin. » I, 2

« Nous ne voyons, au bout du compte, que ce que nous voulons voir, et le reste s'efface. » I, 2

« Mais, en même temps, qui ne trouve pas les moyens de faire dire aux textes que nous lisons ce que nous voulons qu’ils disent ? » II, 1

« La première Aktion allemande, a commencé Bob, qui voulait que je comprenne la différence entre les tueries organisées des nazis et les vendettas privées de certains Ukrainiens, ceux qui avaient vécu avec leurs voisins juifs comme dans une grande famille, comme m'avait dit la gentille vieille Ukrainienne à Bolechow, a eu lieu le 28 octobre 1941. » III, 2

Curieuse reconnaissance de la judéité chez quelqu’un, ici par un autre juif :
« Quelqu'un en uniforme français, et je me suis approché de lui, et il avait l'air d'être juif. » III, 2

Francophobie, ou french bashing ?
« (Le rabbin Friedman, au contraire, ne peut se résoudre à envisager seulement ce que les gens de Sodome ont l'intention de faire aux deux anges mâles, lorsqu’ils se rassemblent devant la maison de Lot au début du récit, à savoir les violer, interprétation que Rachi accepte placidement en soulignant assez allègrement que si les Sodomites n'avaient pas eu l'intention d'obtenir un plaisir sexuel des anges, Lot n'aurait pas suggéré, comme il le fait de manière sidérante, aux Sodomites de prendre ses deux filles à titre de substitution. Mais, bon, Rachi était français.) » V

« Parfois, les histoires que nous racontons sont les récits de ce qui s'est passé ; parfois, elles sont l'image de ce que nous aurions souhaité voir se passer, les justifications inconscientes des vies que nous avons fini par vivre. » IV, 1

« …] plus nous vieillissions et nous éloignions du passé, plus ce passé, paradoxalement, devenait important. » IV, 2

« …] les petites choses, les détails minuscules qui, me disais-je, pouvaient ramener les morts à la vie. » IV, 2

« Les gens pensent qu'il n'est pas important de savoir si un homme était heureux ou s'il était malheureux. Mais c'est très important. Parce que, après l'Holocauste, ces choses ont disparu. » IV, 2

« …] la véritable tragédie n'est jamais une confrontation directe entre le Bien et le Mal, mais plutôt, de façon plus exquise et plus douloureuse à la fois, un conflit entre deux conceptions du monde irréconciliables. » V

« Il n'y a pas de miracles, il n'y a pas de coïncidences magiques. Il n'y a que la recherche et, finalement, la découverte de ce qui a toujours été là. » V



Mots-clés : #antisémitisme #campsconcentration #communautejuive #devoirdememoire #entretiens #famille #genocide #historique
par Tristram
le Sam 23 Mar - 20:29
 
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Sujet: Daniel Mendelsohn
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Garth Risk Hallberg

Vies et mœurs des familles d'Amérique du Nord

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Au départ deux bonnes idées
- Faire un roman de l'Amérique ordinaire, celle de la classe moyenne, des voisins et des barbecues, à travers l'histoire de deux familles mitoyennes et des événement banaux qui rythment leurs vies: divorce, enterrement, amours adolescentes, fiston qui se drogue, fille pom-pom girl, première voiture où oh surprise a lieu la première pipe, accident etc...
- Pour cette idée ordinaire, choisir un mode de présentation atypique fait de textes de moins d'une page, couronnés de titres classés par ordre alphabétique, en dépit de la chronologie. Le lecteur est invité à voyager soit dans l'ordre de présentation, soit en fonctionnant par des hyperliens énumérés à la fin de chacun des textes (soit de façon totalement aléatoire précise l'auteur)
Et voila donc 100 livres possibles, aux épisodes identiques, mais que le lecteur découvre dans un ordre dont il est le décideur.

A l’arrivée, un livre visuellement très réussi, les pages ressemblent à des pages de vieux livres ou cahiers, et chaque texte est illustré d’une photo. c’est très soigné, jusqu'à la première page, fac similé d'une vieille carte de bibliothèque glissée dans sa pochette collée, les vieux me comprendront. C'est juste dommage que les textes ne soient pas toujours à la hauteur, mais n’était-ce pas aussi prévisible ? Car au final, la banalité n'est jamais que banale. Et le roman une forme plus avancée de littérature que la liste.

On se retrouve donc avec un très bel objet un peu creux.


Mots-clés : #contemporain #famille #viequotidienne
par topocl
le Mar 12 Mar - 20:06
 
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Sujet: Garth Risk Hallberg
Réponses: 2
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Heinrich Böll

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Rentrez chez vous Bogner !

Bogner ère dans la ville. Leçons, petit boulot à l’évêché et chercher à emprunter de l'argent, et un endroit pour dormir. Un verre de temps à autres.

Käte, sa femme, s'occupe des enfants. Deux sont décédés pendant la guerre, deux sont vivants, peut-être en attend-t-elle un autre. Elle rumine et attend son mari.

Pas d'argent. Promiscuité, société qui se reconstruit sur des ruines. Les chapitres alternent le temps d'une grande journée la vie de l'un et de l'autre qui se retrouveront dans un hôtel miteux.

Énormément de choses et d'observations passent au fil des pages. Un regard triste et mélancolique qui n'est pas qu'introspectif mais se situe aussi en retrait de son environnement.

Beaucoup de choses vont mal et sont irréparables, beaucoup de choses sont fausses ou évoluent dans l'indifférence et pourtant c'est apaisant. Les tourments et la tendresse sourde, enfermée de ces personnages abîmés ça fait un peu de lumière dans tout ce qui va de travers.

Famille, alcool, apparences, blessures,... ce n'est pas très joyeux mais c'est un beau livre.

Quelques pages plus envolées qui ne sont pas forcément mais préférées mais un bien beau livre et le réconfort de retrouver le ton de l'auteur.


Mots-clés : #addiction #deuxiemeguerre #famille #viequotidienne
par animal
le Jeu 7 Mar - 13:32
 
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Sujet: Heinrich Böll
Réponses: 19
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Kate Atkinson

Dans les replis du temps

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ça fait longtemps que je n'avais pas lu un livre de Kate Atkinson. Ce recul m'a fais penser à des trucs, liés à ce que j'en dis plus haut (du bien et que c'est drôle et psychologue) : c'est en effet assez drôle, mais j'ai été frappée par le fait que j'aime, alors que ma lecture de Kasischke, une autre auteur qu'on ne relie en général pas, avait soulevé des points que je trouve communs, et que j'aime ici, et pas chez Kaschiche, mais j'y reviendrai parce que ça m'omnibule :
le style.

Il n'existe pas réellement, à mon sens.Cette litterature ne cherche pas à briller par les tournures, elle est directe,  les phrases veulent dire quelque chose , elles avancent le sens, mais il n'y a pas d'identité qui nait de ça. Non la manière d'Atkinson c'est d'articuler les strates et la psychologie.

Ici on suit la narratrice, une très jeune adolescente, Isobel, et son regard froid, mais sensible, cynique mais sensible, pragmatique, enfin, mais passionné, est le fil rouge de la narration. On la suit, elle raconte ce qu'elle vit , ce qu'elle rêve, ce qu'elle pense.

En cela c'est aussi du Kasischke tel que je n'aime pas, "Regardez vous un peu, espece de trainée !glapit la Veuve, tandis qu'Isobel, les orteils tous contractés, se hâtait d'avaler son porridge".  Ainsi cette phrase en exemple, au pif. çanme fais aussi penser à certaines maladresses de Philippe Besson, qui question style est de la même famille , mais façon francophone. "Glapir", "porridge" (Besson ce sera "Martini") etc, normalement ça me gave.
Et j'ai détesté Kasischke et suis passée à côté de sa construction dramatique pour ça.

Alors pourquoi Atkinson me tient jusqu'au bout, pourquoi d'elle je dis "c'est de la grande Littérature Populaire" avec tout ce que ça a de très noble pour moi ?
Alors je pense que c'est d'abord parce que ça penche d'apparence sur la comédie, le ton est lèger, on dit des trucs grâves sur un ton mi figue mi raisin, et la comédie sociale prend le dessus sur des velleités qui paraitraient au fond snob. Grand bon point.

Mais surtout, en fait, cette fois, j'ai trouvé qu'en fait ce n'était pas si drôle que cela, mais profond , surtout profond.

Atkinson choisit la parole d'un personnage, elle la tient jusqu'au bout, et toute une psychée est explorée de manière impressionnante, de manière impressionniste mais très fine, Atkinson a certainement une empathie extrèmement bien rodée.

Isobel, le personnage, a grandit auprès d'une mère qui disparait du jour au lendemain. Tout le livre enclot ce mystère, l'éclaircit, mais à travers les strates de déni, de quête et de souffrance de cette enfant, et de son frère, et c'est une plongée au coeur des chocs affectifs, des dysfonctionnements de mémoire pour survivre.
un très très très beau livre. Accessible aux adolescents en plus. Je ne la vois plus comme avant. ce n'est plus un doudou, c'est une passeuse, un thérapeute, qui montre dans ce roman comment l'esprit se débat face à ce qui ne peut être ni énoncé ni admis.

Parlant avec une copine elle me dit que Kasischke a aussi écrit sur une histoire un peu similaire. Un roman où le père tue la mère.
La complexité de ses restitution du chaos mental semble me convenir infiniment moins. peut être parce qu'il est morbide.
Ici , chez Atkinson, le ton fait passer la pilule, pourtant se dessine plus d'une fois la terreur d'un geôle enfantine totale.

J'aimerais bien que l'un/l'une de vous ait lu ces deux auteurs pour m'aider à dépasser ce parallèle manichéen.

Voilà.



mots-clés : #culpabilité #enfance #famille #fratrie #psychologique
par Nadine
le Sam 2 Mar - 18:47
 
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Sujet: Kate Atkinson
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Joseph Roth


La marche de Radetzky

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 97827510



C’est au son de la marche de Radetzky que se déroule le destin de la famille Von Trotta du grand-père, héros de la bataille de Solferino au petit-fils Lieutenant des Chasseurs dans l’armée Autrichienne.

De souche paysanne Slovène le capitaine Joseph Trotta, le héros, sera ennobli par l’Empereur François-Joseph auquel il a sauvé la vie lors de la bataille de Solferino. Cependant l’acte héroïque, sera décrit de manière romancée dans les manuels scolaires ce que le Capitaine n’ acceptera pas, il quittera l’armée, se retranchera comme son père dans ses terres ; il recevra les faveurs de l’Empereur comme une offense.

L’acte du grand-père Von Trotta pèsera lourdement sur la vie du petit-fils Charles-Joseph qui ne sera jamais à la hauteur du grand-père vénéré d’autant que son père le Prefet Von Trotta lui imposera une carrière militaire.

La bataille de Solferino annonce la fin de la monarchie des Hasbourg et de l’empire Austro-Hongrois. Mais jusqu’à l’assassinat du Prince héritier et la déclaration de la grande guerre la famille Von Trotta sera d’une fidélité aveugle envers la monarchie, la patrie. Les Von Trotta comme d’ ailleurs l’aristocratie ne peuvent imaginer l’effondrement de l’ empire.
Ce grand empire aux nombreux peuples ne comprendra pas les prémisses de la guerre : les grèves ouvrières, l’ attitude du Prince héritier, l’ agitation de la Russie qui arrive à la frontière, le nationalisme qui divise les peuples de l’empire (hongrois, Slovènes …..)

Charles-Joseph ne faillira pas à son devoir envers sa patrie, dans la guerre, alors même qu’il avait démissionné de la carrière militaire quelques jours auparavant comme l’avait fait d’ailleurs en son temps son grand-père, le Capitaine Von Trotta.


C’était une lecture très intéressante que cette histoire de famille dans la grande Histoire. A travers l’ennoblissement de la famille Von Trotta l’auteur montre l’honneur, l’orgueil, de faire partie de la noblesse de l’empire, de servir cet empire que porte la Maison de Hasbourg depuis des siècles. Longévité qui mesure justement l’effondrement à la fin de la Grande- Guerre.

L’ amour de l’auteur pour son pays d’origine est sensible dans son écriture.

Cette lecture m’a rappelé celle de Lajos Zihaly « les Dukay » même si le thème est plus celui de la décadence de l’aristocratie européenne.

Extraits :
La guerre de l’armée autrichienne commençait par des tribunaux militaires. Pendant des jours, les traîtres, véritables ou supposés, restaient accrochés aux arbres , sur la place de l’église pour faire peur aux vivants. Mais les vivants de toute la région avaient pris la fuite. »

« Le serviteur le suivait au même rythme que lui. Le sous-lieutenant s’efforçait d’aller au même pas que les bottes de son suiveur. Il avait peur de décevoir Onufrij en e trompant de pas par inadvertance. Elle était toute entière dans le loyal martèlement de ses bottes, la fidélité d’Onufrif. Et chaque pas nouveau émouvait Charles-Joseph. Et c’était comme si, derrière son dos, un pauvre gars maladroit essayait de frapper de ses pesantes semelles à la porte du cœur de son maître. Gauche tendresse d’un ours éperonné et botté ! »





mots-clés : #famille #historique #premiereguerre
par Bédoulène
le Jeu 24 Jan - 17:54
 
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Sujet: Joseph Roth
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Marie Chaix

L’âge du tendre

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Cvt_la12


Je remercie Quasimodo ( Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 1183390247 ), qui m’a donné le coup de pouce nécessaire pour mettre en forme des impressions très ambivalentes, contradictoires, dont l’exploration m’effrayait.

Je ne veux pas vous ressembler, femmes-patience, femmes– broderie. Je ne veux pas finir femme – paillettes au fond d’un placard, je n’ai que faire de l’amour à leur façon, d’un amour posthume, je ne veux pas de monument.
Je vous aime et vous salue, toutes les Marie de laine et de coton, de soie et d’argent, mais je désapprendrai vos leçons de bonne conduite, de sainte table, de devoir conjugal. Dans la maison blanche, je ne le sais pas encore. Je vous regarde, vous écoute et me souviens de vous de mère en fille. Ce que je recueille de vous repose dans une de mes chambres obscures. Je vous vis avant de me vivre mais, peu à peu, je vous dévoilerai. L’amour à travers vous est une gravure mélancolique où une femme, en haut d’une tour, agite une main lasse en direction d’un homme qui disparait sur son cheval. Femmes – attente, femmes – chagrin, je ne vous ressemblerai pas.


C’est donc la carte du tendre personnelle, de Marie Chaix, les étapes clés, les moments où la tendresse est soit bafouée, soit exaltée , les écueils et les récifs où se raccrocher. Ces temps où la vie  et la féminité se construisent.

Ca commence par un très beau prologue qui montre le "ludion" Marie Chaix dans le ventre de sa mère, et qui s'y trouve si bien, mais il va bien falloir découvrir le vaste monde. C'est vraiment beau, cette partie, peur et curiosité mêlées.
Ensuite, des choses sur cette enfance entourée de femmes, avec le père qui débarque au milieu, sortant de prison, et plus rien n’est pareil. Il aime et repousse. Puis, les classiques de l'éducation  des filles  et jeunes filles de la petite bourgeoisie catholique, le poids de cette religion qui n’a guère de sens que celui du cérémonial,  les premières règles dont on ne vous a pas prévenue, l’apprentissage que les possibilités sont différentes pour les garçons et pour les filles. La sagesse, la soumission, la tendresse, l’envie de bien faire, qui n’empêchent pas de s’interroger.
Alors, prendre de la distance, un premier homme qui n’est qu’utilitaire pour assurer un passage.
Assez classique tout cela, mais raconté avec une vraie poésie, une musique, une fougue, presque, quelque  chose de quasi sensoriel que l’âge adulte a autorisé.

Femmes protectrices, femmes mal-aimées, femmes sans hommes, je vous rends grace de m’avoir portée, bercée, nourrie, lavée, soignée, aimée, mais comme vous m’avez peu aidée à apprendre les hommes, à ne pas en avoir peur. Je savais qu’il y avait un genre féminin - le mien – et un genre masculin – celui des garçons qui ont les cheveux courts et ne portent pas de jupe, – mais de là à envisager que le féminin avait un sexe, le masculin un autre et que, s’ils se rencontraient, ce n’était pas forcément dégoutant, il y avait un monde que je mettrais longtemps à explorer.



Ca se gâte dans la description des relations féminines-clés, ça devient tout confus,  c’est assez bizarre de sortir de l’âge adulte et que l’histoire devienne comme un rêverie inaccessible, emberlificotée, dans une apothéose du poétique et du sensuel, qui m’a carrément fait lâcher prise, cartésienne que je suis. Qui sont ces femmes mystérieuses, adulées mais non dévoilées ? j’ai cru y reconnaître Barbara, femme en noir, mais c’était si flou que j’ai dû faire des recherches, et , oui, Marie Chaix a été la secrétaire de Barbara. Et les autres ? Est-ce un roman à clé ? Devrais-je les reconnaître ? Elles sont tellement évanescentes. Et quel type de relation Marie Chaix entretient-elle avec elles ? J’avoue avoir été  submergée par la vague.

Enfin il y a un homme, vital, mais quasi aussi flou. Et une enfant qui naît à son tour, qui boucle la boucle, curieusement enfermant la femme dans la seule image de la procréation.

Voilà.
C’est très disparate, pour le moins. En tout cas, mon vécu est très disparate. J’y ai glané de belles choses, et c’est déjà énorme. j’y ai trouvé du  plus convenu (ce genre de parcours n‘a t’il pas été raconté 100 fois?), mais joliment raconté. Et je m’y suis aussi sentie totalement perdue par moments.  Il n’en reste pas moins une écrivaine, une femme touchante, qui prend sa vie comme un champ de labour où germe une belle écriture, très chaleureuse.

Maison blanche, maison grise, dans l’enfance, il y a des maisons. Elles sont petites ou elles sont grandes, il y fait chaud, il fait froid, parfois elles s’écroulent. Dans les maisons il y a des gens. D’une maison, que l’on passe dans l’autre, les gens suivent. Ce sont les membres de la famille. On peut les aimer, les détester ou les oublier, on peut les tuer ou les faire revivre, les promener dans les maisons, dans les jardins, les enterrer, ils sont irremplaçables. Ils vivent, ils sont toujours là, ils vous suivent.





mots-clés : #autofiction #conditionfeminine #enfance #famille
par topocl
le Mer 23 Jan - 17:39
 
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Sujet: Marie Chaix
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Gila Lustiger

Nous sommes

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 G10

Mon père a toujours voulu nous protéger de lui-même ; pas des Allemands, de lui-même. Pas de l’homme, bien sûr, qu’il était venu après tant d’années vouées à la rigueur et à la discipline de son travail de refoulement; mais de son pire ennemi, qu’il a combattu pendant cinquante nous ans et qu’il croit à présent avoir vaincu, lui, l’homme d’affaires et l’essayiste en vue : le garçon exténué du camp de concentration. Mon père a toujours voulu nous protéger de ce jeune homme et ne nous a jamais laissé voir son visage d’enfant parce qu’il n’était ni innocent, ni tendre, ni joufflu, ni pur. Mais c’est justement ce visage que ma sœur et moi avons cherché toute notre vie. En vain.


Dans ce texte tardivement autobiographique, Gila Lustiger raconte sa famille Ses parents, ses grands-parents. Son grand-père maternel, le jeune sioniste, communiste convaincu, qui embarque de Pologne sa bourgeoise de fiancée, pour de ses mains  participer à la création de l’État d’Israël. Son père réchappé d’Auschwitz, enfermé dans son silence, ses journaux, ses livres et qui a nommé ses filles l’une Bonheur, l’autre Joie.

Au-delà des portrait émouvants, et souvent savoureux, elle raconte aussi ce livre en train de se faire, ce que cela coutes d’être écrivain et romancière dans une famille  vouée au silence, et qui  peut considérer la fiction comme une insulte à ce qu’elle a vécu.

Gila Lustiger est prise entre une fougueuse admiration, une compassion bouleversée, mais aussi une détestation déterminée : le poids du silence, le devoir d’assumer ce fardeau, censé déterminer la conduite de tous les descendants, un devoir de courage et de bonheur par respect pour ceux qui sont revenus.

Pas facile de grandir, puis d’être une adulte libre là au milieu

C’est assez disparate,  La traduction joue peut-être son rôle. Mais Gila Lustiger gagne son lecteur par son humour décapant, son ironie, qui peut parfois aller jusqu’à la hargne, sa capacité à briser les tabous et à s’autoriser la subversion.

Eh oui, c’est la vérité, même si elle est inavouable : ce n’est pas aux assassins que j’en voulais, ni aux collaborateurs, aux lâches, aux voleurs, aux tortionnaires et aux traîtres, mais à ma famille qui avait été anéantie pendant la guerre à cause des Allemands. Je pensais : Il fallait que ça tombe sur toi. Être justement ce qui te déprime, le rejeton d’une famille anéantie.



En tout cas, merci à bix pour cette lecture qui, derrière l’émotion, marque son originalité par un côté pas toujours politiquement correcte, pas du tout.


mots-clés : #autofiction #campsconcentration #communautejuive #conflitisraelopalestinien #devoirdememoire #famille
par topocl
le Jeu 17 Jan - 20:35
 
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Sujet: Gila Lustiger
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Amélie Nothomb

Les prénoms épicènes

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 41hdvf10

J’ai donc voulu lire mon Amélie Nothomb, revenir sur des traces que j’avais autrefois aimées, et dont je m’étais détachée assez rapidement.  Histoire de savoir si c’était sa faute ou la mienne. Et de savoir de quoi je parle (encore que je ne parle pas vraiment souvent d’Amélie Nothomb, on a les contradictions qu’on peut).

Et bien voila. Je n’ai pas été déçue… Il paraît pourtant que je n’ai que ce que je mérite, c’est ce qui se dit ici.

Cette lecture aura au moins eu l’intérêt de me rappeler ce qu’est (ou n’est pas) la littérature, la différence entre un livre et un objet de consommation.
Ce livre est nul, mauvais, pitoyable, niais, foutage de gueule,… toutes ces choses que je ne m’autoriserai jamais à écrire sur un livre, moi, humble lectrice face à une auteure, une artiste (ou plutôt une profiteuse, une femme d’affaire ?) Même en se disant que c’est du second degré, ça ne passe pas.

Ca commence dès le titre : Les prénoms épicènes. Mot que « personne » ne connaît à part Amélie Nothomb, qui se fait bien briller en daignant le partager avec nous
wikipedia a écrit:Un mot épicène est un mot qui n'est pas marqué du point de vue du genre grammatical et peut être employé au masculin et au féminin sans variation de forme .

Et bien oui, quelle idée géniale, les héros s’appellent Claude et Dominique. Et nomment leur fille… Epicène. Hahaha ! Seulement cela ne change rien à rien, n’a aucune place particulière (ni intérêt il faut bien le dire), il s’agit juste d’un titre accroche-chalant.

L’intrigue  est digne du plus basique des romans-photos.  On croise là grand amour, passion, vengeance démoniaque, cynisme, fric facile, et autres balourdises.  Bref, tout cela est définitif, tout noir ou tout blanc, convenu à en être pathétique, et on n’oublie pas au passage de se tomber dans les bras de bonheur. « Celui qui aime est toujours le gagnant ». Que c’est beau !

Les personnages sont des stéréotypes ambulants. Un couple asymétrique, non pas un médecin et une infirmière, mais un cadre sup et une secrétaire bécasse provinciale, qui croit vivre le grand amour et qui est habilement (?) manipulée. Elle est finalement séduite par … l’achat d’un  flacon de Chanel Numéro 5. Fallait oser. Leur fille est très malheureuse (mais très intelligente). Sa meilleure amie est issue d’une famille marocaine de moindre milieu social, où, évidemment, on est beaucoup plus heureux, qui pouvait donc en douter. Elle raisonne comme une adulte revenue de nombreuses expériences. Et ne pas oublier la grande amie de la mère, aristocrate, prénommée si habilement Reine, prénom pas épicène, mais qui pourtant ne manque ni de simplicité, ni de finesse, pas du tout. Ni le beau-père méprisé, encore un provincial impécunieux,   mais qui, tadam,  « connaissait par cœur des pages et des pages de poésie de Victor Hugo et les récitait de sa voix rocailleuse » (j’insiste sur le mot rocailleuse, si bien choisi)

L’écriture est loin de rattraper quoique ce soit. Le style a la platitude d’une rédaction de CM2, exposer des faits ce n’est pas raconter.  C’est  bourré de dialogues indigents, le vocabulaire ne dépasse pas les 1000 mots, à part 4 ou 5 mots « savants » semés ça et là pour masquer la pauvreté du reste, et montrer la culture si généreusement partagée de Mme Nothomb.

Le seul avantage c’est que c’est court, très court, pourquoi donc se fatiguer sur la quantité quand on néglige la qualité, et que cette indigeste production annuelle, bien orchestrée par le service marketing d’Albin Michel et les médias  le petit doigt sur al couture du pantalon est sûre de trouver son public, quoi qu’il arrive ?

Ne me dites pas que des gens sont susceptibles de payer 17 euros pour cela.
Ne me dites pas à quel tirage ce bouquin est sorti
Ne me dites pas qu’Amélie Nothomb fait chaque année en septembre la rentrée de la Grande Librairie
Ne me dites pas que Télérama fait mine de la défendre (mais donnez-moi le montant du dessous de table).
Et surtout, dites-moi encore moins que cela va mener des gens à la lecture. C’est faux. La lecture ce n’est pas ce mépris du lecteur et du texte, ce n’est pas ce truc ouvertement mercantile. Ca ne sert à rien de lire plutôt qu’autre chose, si c’est pour ça.
Dites moi plutôt que je ne comprends rien à rien. Et laissez-moi simplement pleurer dans mon coin.

Je suis quand même quelqu’un d’hyper-zêlée à en plus chercher de mots-clés pour un truc pareil.

mots-clés : #conditionfeminine #famille #vengeance
par topocl
le Mer 16 Jan - 16:51
 
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Sujet: Amélie Nothomb
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Russell Banks

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La Réserve


« La Réserve », c’est un lieu de villégiature, perdu dans les Adirondaks, un lieu majestueux, au nord-est de l'État de New York. Les habitants des maisons, des chalets luxueux, perdues au fond de cette végétation luxuriante et montagneuse sont des riches, parmi les plus riches, des New-Yorkais entre autres. Ce lieu est tellement préservé qu’il est gardé, balisé, entouré d’une garde armée. Comme une sorte de cité idéale.

Parmi ces riches, la famille Cole dont la maison est au bord du lac, vient y passer des mois, le père est un médecin de renom. La fille, Vanessa Cole, fille adoptive, se plaît dans ce lieu de refuge. Séduisante et séductrice, elle sait y faire pour attirer les hommes dans ses rets. Mais en même temps elle est considérée comme une foldingue, et surtout par sa mère qui rêve de la faire interner et envisage sérieusement de le faire, c’est une réalité.

Le peintre Jordan Groves, ami du père, vient de temps à autre, avec son petit avion, rendre visite à la famille. Il est vite repéré par les gardes, et on n’aime pas les intrus qui sont vite renvoyés d'où ils viennent. Il se laisse séduire par la belle et élégante Vanessa et se rendra de plus en plus souvent à la Réserve après la mort du père, le Dr Cole.

Jordan Groves, qui vit hors de la Réserve, suffisamment loin pour y venir en avion, un biplan qui peut se poser (en douce) sur le lac, est marié avec une belle femme, discrète, une sorte de femme idéale et à laquelle il tient, a deux fils et sa vie rangée va être pas mal chahutée. Rien à faire, il a besoin de retourner à la Réserve car quelque chose se passe entre ces deux-là !
Et puis la jalousie qu’il ressent lorsqu’il a la surprise de voir que Vanessa se rend chez le jardinier et homme à tout faire de la Réserve, un homme canon physiquement, est une émulation. Il veut Vanessa Cole.

La mère de Vanessa, Evelyn Cole, de son côté, femme riche et éprise d'argent, confisque celui qui doit revenir à Vanessa à la mort du père, malgré un testament. Elle aimerait mettre sa fille sous tutelle, et pire encore, la faire interner en Suisse, d'ailleurs les contacts sont déjà pris.

Mais la terrible Vanessa Cole est-elle réellement folle ? Et aura-t-elle le choix ? En tout cas elle n'a pas l'intention de se laisser faire par sa mère, et elle va le lui montrer. On entre dans un univers un peu pervers et perverti, où se côtoient la beauté et la noirceur, le meilleur et le pire de la laideur.

Chaque chapitre de ce livre commence par des « flashs » de ce qui adviendra plus tard, on voit évoluer tous ces personnages dans l'avenir, et la guerre d’Espagne gronde et bombarde. La vie change. Même pour les riches.

C’est mon premier Russel Banks, j’y ai pris du plaisir, et parfois mon avis était mitigé, mais avis aux amateurs de Russel Banks ! C'est pour vous !


mots-clés : #amour #famille #guerredespagne #lieu #pathologie
par Barcarole
le Mer 9 Jan - 19:01
 
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Elisa Shua Dusapin

Les billes du Pachinko


Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 41o38f10

Originale : Français, 2018

CONTENU :
Claire, avec une mère coréenne, un père Suisse (organiste), ayant grandi en Suisse, passe l'été chez ses grands-parents maternels à Tokyo. Son idée : convaincre son grand-père de quitter quelque temps le Pachinko qu'il gère ; aider sa grand-mère à mettre ses affaires en ordre ; et les emmener revoir leur Corée natale, où ils ne sont pas retournés depuis la guerre, il y a cinquante ans. Le temps de les décider à faire ce voyage, Claire s'occupe de Mieko, une petite Japonaise à qui elle apprend le français.

REMARQUES :
Une petite note sur le titr : les « Pachinkos » sont des lieux pleinns de machines à billes, sortes de « flipper vertical », rangées en longues files. C’est le grand-père de Claire, la narratrice, qui tient une telle boutique, le « Shiny », dans un quartier de Tokyo. Jeu extrêmement répandu au Japon, mais aussi : mal famé et presque entièrement dans les mains des Corées. Ce qui les met doublement à part dans la societé japonaise. Il y a en a deux « sortes » de Coréens vivant le pays : ceux qui avaient été déportés par les Japonais lors de leur main-mise sur la Corée (jusqu’en 1945), et ceux qui avaient fui la Corée suite aux guerres, mondiales, ou civile (1950-53). Ces Coréens ne se mèlent pas beaucoup, vivent souvent dans « leur » quartier, prolongent des cultures de leur pays, etc. Ainsi même après 50 ans de présence dans leur pays d’accueil, on sent une certaine forme d’étrangereté chez les grands-parents : ils parlent encore très mal le Japonais !

Et Claire ? Avec sa peau asiatique est pris dans sa Suisse natale aussi comme une « étrangère ». Ayant étudiée le Japonais (faute de pouvoir apprendre le Coréen dont elle ne maîtrise pas ou plus la langue) en Suisse, elle ne peut que difficilement communiqué avec ses grands-parents. Lors de son séjour estival (on devrait se trouver dans ce roman autour de 2013) chez eux, elle va s’engager auprès de Mieko, fille d’une prof de français qui, elle, rêve d’envoyer sa fille en… Suisse pour l’éduquer.

On l’aura compris que ce roman joue sur différentes niveaux avec le sujet du « chez soi », et du sentiment restant d’être étranger. L’auteur nous suggère très finement les décalages, les petites fissures, mal-entendus, des mal-à-l’aise suite à leur insertion ou non-insertion dans des milieux étrangers. Légères ruptures entre pays, cultures, générations, dans les relations de couples…

Tout cela est bien écrit, sans coups de marteaux fracassant, mais avec beaucoup de finesse. C’est raconté dans le présent, et on suit Claire dans son chemin.

Recommandation !


mots-clés : #exil #famille #lieu
par tom léo
le Mar 8 Jan - 7:47
 
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Sloan Wilson

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 L_homm10

Sloan Wilson : L'Homme au complet gris. - Belfond

Lorsque Thomas Rath revient de guerre, celle de 4O, il a perdu des années précieuses et ses illusions de jeunesse.
De plus, il a été constamment confronté à la nécessité de tuer ou d'être tué.
Et il a tué de sang froid.
La femme qu'il a épousé ne sait rien de cette réalité qu'est l'horreur de la guerre.
Elle est restée affectivement et intellectuellement dans un état d'immaturité et d'idéalisme que sa situation de femme au foyer et de mère ne peut qu'aggraver.
Et Tom n'a aucune envie de raconter son vécu, mais plutôt essayer de l'oublier.

Il faut oublier tout cela [la guerre], et tout ce à quoi cela a mené, songea Tom ; il faut l'oublier maintenant tout comme il a fallu l'apprendre d'abord. On devrait commencer les guerres par un cours d'instruction de base, et les terminer par un cours d'oubli de base. Le truc, c'est d'apprendre à croire que l'on vit dans un monde à part, un monde de fous, où ce qui est vrai aujourd'hui n'était pas vrai alors ; où le "tu ne tueras point" et le fait d'avoir tué un grand nombre d'hommes ne veulent rien, absolument rien dire, car maintenant c'est le moment d'élever des enfants légitimes, de gagner de l'argent, de s'habiller correctement, d'être gentil avec sa femme, d'admirer son patron, d'apprendre à ne pas s'inquiéter, et de penser que soi-même l'on est quoi ? Cela n'a aucune importance, songea-t-il... je ne suis qu'un homme en complet gris. (p. 161-162)

Déjà un fossé se creuse entre eux qu'ils n'ont pas le temps ni l'envie d'explorer.
A trente cinq ans, il a déjà trois enfants et la volonté de "réussir".
Réussir, c'est pour toute une génération, celle des années 50, grimper dans l'échelle sociale, et gagner le maximum d'argent dans le minimum de temps.
C'est la logique même du consumérisme et du rêve américain qui prétend que tout américain courageux peut devenir Rockfeller ou Ford.

Tom a déjà grimpé quelques échelons et constaté l'étendue du mensonge  de l'idéologie américaine. Suffisamment pour se rendre compte que sauf  miracle, il ne pourra résoudre le noeud de problèmes dans lesquels il se débat. Qu'il ne pourra jamais s'occuper de sa famille alors qu'il se tue au travail et qu'il va perdre sa vie à trop vouloir la gagner.
En outre, il n'a jamais surmonté le traumatisme de la guerre.
Il se souvient aussi comment, pendant une trêve des armes, il a connu une jeune italienne à Rome. Et comment ils ont vécu une idylle heureusement partagée dans les marges amnésiques d'un provisoire que le tragique avive.
Lorsque l'armée l'envoie combattre les Japonais dans le Pacifique, la jeune italienne est enceinte. Elle le dit à Tom et elle va garder l'enfant.

Tom contrairement à beaucoup de jeunes américains de son âge n'est ni stupide ni oublieux ni immoral.
Il essaie d'assumer une situation qui lui échappe et dont il est prisonnier.
Le poids de l'avenir et d'une "réussite" sociale pèse sur lui comme une malédiction.
Il sait qu'il a fait fausse route et qu'il est forcé, vaille que vaille de continuer sans trop faire de dégâts autour de lui.
Et il aura la chance d'échapper au pire et de limier les dégâts.

Ce que j' ai retenu de ce livre bien conduit et qui réserve pas mal de surprises, c'est l'itinéraire d'un homme attachant et honnête et qui, en pleine tourmente essaie de faire face.
Clairement ce qu'il en est du rêve américain, alors et encore.
Des réflexions profondes sur l'amour et la conjugalité, la guerre, l'argent, le travail et le rapport au temps.
Bref c'est un livre qui méritait amplement d'être redécouvert.


mots-clés : #deuxiemeguerre #famille #mondedutravail
par bix_229
le Lun 7 Jan - 17:19
 
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Marie Chaix

Les lauriers du Lac de Constance

Tag famille sur Des Choses à lire - Page 7 Proxy_16

Son père collaborationiste, l’un des proches de Jacques Doriot, Marie Chaix ne l’a guère connu :  née en 1942, il était sans cesse en partance, en mission, puis en fuite, puis en prison.
Elle retrace son parcours en mêlant ce qu’elle a tiré des carnets personnels de son père, de l’image qui lui en a été donnée dans son enfance par son milieu familial, de ce qu’elle a vécu intimement de cette perpétuelle absence, puis de cette faute dénoncée  par l’extérieur étant enfant et adolescente. Qu’est ce qu’être la fille d’un homme inconnu qui préfère sa cause à sa famille pourtant aimée, qui fait le mauvais choix, que tous accusent, qui est emprisonné et risque la peine de mort ? Qu’est ce  que vivre entourée de silences mal gardés ?

Se mêlent donc dans le récit des éléments très historiques, retraçant l’histoire du Parti Populaire Français, et des choses plus familiales, cette femme élégante,  amoureuse perpétuellement fidèle, ces enfants fascinés par un père absent et  charismatique.

Ecrivant ce livre des années après, Marie Chaix fait une réelle œuvre d’écrivain, par un style percutant, très personnel, surprenant, adoptant le point de vue de cette enfant à qui on ne dit pas grand chose, mais qui ressent tout. Son portrait paternel est exempt tout à la fois d’admiration et de critique, dans une tentative d’objectivité rétrospective, mais porteur d’un amour étrange, envahissant, bien qu’en creux. Elle lui reconnaît sa sincérité dans l’erreur, une grande dignité qui n’est pas exempte de courage.

C’est un roman très personnel quoiqu’il appartienne à l’Histoire, avec un réel travail d’écrivaine, qui rapporte des faits objectifs mêlés de façon troublante à la subjectivité du vécu de cette enfant solitaire.


Mots-clés : #autobiographie #biographie #deuxiemeguerre #enfance #famille #historique
par topocl
le Sam 22 Déc - 17:42
 
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Christophe Boltanski

La cache

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Christophe Boltanski, neveu du plasticien Christian et du sociologue Luc, raconte l'histoire de sa famille et de ses origines. Mais ce n'est pas tant ceux-là qui tiennent la place centrale que ses grands- parents. Elle, abandonnée enfant par sa famille à une riche « marraine », très handicapée par une polio, communiste et nantie, qui vampirise sa famille dans un mode de vie bohème et fusionnel. Lui, fils d'immigrés juifs ukrainiens, qui a passé 20 mois caché dans leur appartement, l'oreille aux aguets, survivant terrorisé par ses semblables. Autour d'eux, enfants et petits enfants, comme scotchés les uns aux autres : le point d'ancrage est une grande maison, rue de Grenelle où on mange ensemble, on dort ensemble, d'où on se déplace ensemble, un creuset d'ébullition culturelle et intellectuelle plein de fantaisie.

Quel matériau ! Qu'est ce qui fait pourtant que je n'ai pas trop vibré ? Christophe Boltanski survole un peu, et à part la grand-mère qui est le personnage premier, tous sont un peu inconsistants, il y a une réelle superficialité qui tient à distance.
Quant au mode d'écriture, centrer le livre sur la maison, petits plans à l'appui, c'était plutôt une bonne idée, mais au final cela met un côté fouillis. D'autant que Boltanski adore dire « elle » ou « lui » plutôt que de nommer son personnage, ce qui achève de nous perdre. Et le recours répété aux énumérations est une solution de facilité qui ne suffit pas à faire un style.

Ce n'est certes pas un livre à condamner, mais je n'y ai pas pris le plaisir que j'en espérais.

Recup 2015

Mots-clés : #communautejuive #famille #lieu
par topocl
le Ven 21 Déc - 17:41
 
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Sujet: Christophe Boltanski
Réponses: 8
Vues: 866

Pascale Kramer

Une famille

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Il y a tant de familles où un enfant si aimé, si charmant devient un adolescent difficile puis un adulte incompréhensible.... Où chacun valse entre amour et répulsion, culpabilité et effroi, tendresse et colère, lutte et abandon... Où chacun s'invente autre, face à cet « intrus » ,se révèle à lui-même et aux autres dans ses forces et ses faiblesses. Où les blessures, souvent non-dites, sont comme un ciment intergénérationnel...Où les phases d'espoir  font place aux zones de désarroi.

Pascale Kramer nous raconte l’histoire de cette famille bourgeoise, catholique, bordelaise, dont l'aîné, Romain bouleverse le conformisme : il sème les interrogations, les offenses, le chagrin sans parvenir à complètement ruiner le bonheur, convenu ou singulier, de chacun, ultime défi, ultime protection. Car Romain boit, ment , vole, Romain ne donne  pas de nouvelles pendant huit années et on le retrouve à Paris, dormant sur un carton.

La très bonne idée de l'auteur, c'est d'endosser successivement la place des deux parents et des trois autres enfants pour décrire tour à tour  les quelques jours entourant la naissance de Jeanne, l'une des petites filles, une de ces périodes cruciales où au sein de la joie, les souffrances et les regrets ressortent leurs griffes, en même temps que les liens se renforcent.

Elle adopte un ton presque sec, qui traduit la pudeur, mais qui ne l'empêche pas de donner parole à la douceur, l'intensité de la tendresse comme de la détestation fugitive, et de montrer en quoi une famille peut garder un esprit propre, comme un « esprit de corps » au-delà des divisions. Touchant et déchirant  tout à la fois, c'est un roman  plein d'émotions malgré son économie de moyens.


mots-clés : #addiction #famille #fratrie #pathologie #relationenfantparent
par topocl
le Sam 15 Déc - 17:32
 
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Sujet: Pascale Kramer
Réponses: 4
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Yaa Gyasi

No Home

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C'est un vaste tableau qui   présente huit générations sur deux continents : la descendance de deux sœurs ghanéennes du XVIIIème siècle, l'une vendue comme esclave aux négriers et partie en Amérique, l'autre vendue comme femme à un soldat britannique et restée sur place. C'est donc l'occasion d'embrasser l'entièreté des problèmes liés à la condition noire, africaine ou américaine, au fil des siècles, les liens qui persistent et essaient de se renouer.

Yaa Gyasi s'attache à un personnage à chaque génération, auquel elle consacre un chapitre, alternant Afrique et Amérique. Si l'écriture est assez basique, la construction  permet d'appréhender le « problème noir » dans une dimension d'évolution historique. C'est assez audacieux et si ce qui se passe aux USA nous a déjà souvent été rapporté dans d'autres romans, le côté africain avec se guerres fratricides, la participation des autochtone au commerce des esclaves, et plus riche en apprentissage pour le lecteur. L'auteur a une belle intelligence narrative et beaucoup de subtilité,  Il n'en demeure pas moins que cette méthode, où chacun n'a droit qu'à une « vignette » empêche qu'on s'attache aux personnages (ou frustre cet attachement). On regrette presque qu'au lieu de 14 chapitres on n'ait pas 14 romans.


mots-clés : #conditionfeminine #esclavage #famille #historique
par topocl
le Mar 4 Déc - 14:13
 
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Sujet: Yaa Gyasi
Réponses: 14
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