Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Juil - 5:29

242 résultats trouvés pour polar

Raymond Chandler

The Long Goodbye

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 The_lo10

C’est le sixième roman de Chandler où apparaît le célèbre (pour nous) détective privé Philip Marlowe, et que son auteur considérait comme son meilleur livre. J’ai tout de suite apprécié la réaction de Marlowe, qui aide gratuitement un pauvre type ivre, Terry Lennox, refusant même de s’intéresser à sa vie privée. Marlowe, personnage aussi tenace que taciturne, est le narrateur, précis et observateur.
« Pourquoi entrais-je à ce point dans les détails ? C’est que, dans une atmosphère aussi tendue, chaque geste devenait une performance, un acte d’une importance capitale. C’était un de ces moments cruciaux où tous les mouvements automatiques, bien qu’établis de longue date et consacrés par l’habitude, se muent en manifestations isolées de volonté. Vous êtes alors comme un homme qui réapprend à marcher après une polio. Rien de vous paraît aller de soi ; rien du tout. »

Plus conventionnellement, ce dur-à-cuire s’insurge contre la brutalité policière (là aussi, l’histoire récente peut donner du crédit à son point de vue).
« La loi n’est pas la justice. C’est un mécanisme très imparfait. Si vous appuyez exactement sur les boutons adéquats et qu’en plus vous avez de la chance, l’ombre de la justice peut apparaître dans la réponse. Jamais la loi n’a été conçue comme un mécanisme. »

Terry est un trentenaire aux cheveux blancs et au visage couturé, dont Marlowe décrit « le charme de sa faiblesse et son genre très particulier de fierté ».
« Je ne le jugeais pas, ne l’analysais pas, comme je ne lui avais jamais posé de questions sur l’origine de ses blessures ou sur les conditions dans lesquelles il s’était marié à une femme comme Sylvia. »

Terry se remarie avec Sylvia, belle et riche cadette du millionnaire Potter, qui mène une vie dissolue avant d’être massacrée. Terry est accusé de sa mort, ce qui est invraisemblable pour ; il se serait suicidé en laissant des aveux. Marlowe est inquiété par la police, qui comprend qu’il l’a aidé à fuir au Mexique, mais Potter étouffe l’enquête pour sauvegarder sa vie privée. Toutes les personnes proches de l’affaire conseillent à Marlowe de laisser tomber.
« Un mort est le bouc émissaire idéal. C’est pas lui qui pourrait vous contredire. »

Terry aurait été blessé à la guerre, sauvant deux compagnons devenus depuis des caïds, Mendy Menendez et Randy Starr, auxquels il n’a pas eu recours alors qu’il était dans la mélasse.
« Ce type avait été un homme impossible à détester. Combien en rencontre-t-on dans la vie dont on puisse en dire autant ? »

Roger Wade est un auteur à succès qui a un fort penchant pour l’alcool ; son éditeur, Spencer, demande à Marlowe de l’empêcher de boire pour qu’il puisse finir son roman en cours, et sa femme, la belle Eileen Howard aux yeux violets, de le retrouver car il a disparu en pleine phase éthylique.
Regard attentif sur les marges de la société.
« Tous les bureaux étaient occupés par divers charlatans, adeptes miteux de la Christian Science, avocats de l’espèce qu’on souhaiterait à ses adversaires, docteurs et dentistes dans la débine, maladroits, malpropres, attardés, trois dollars et payez l’infirmière, s’il vous plaît, des hommes fatigués, découragés, qui savent exactement à quoi s’en tenir sur eux-mêmes, à quel genre de patients ils peuvent s’attendre et combien ils peuvent leur soutirer. Prière de ne pas demander de crédit. Le docteur est là ; le docteur est absent. Vous avez une molaire bien branlante, madame Karinski. Maintenant, si vous voulez ce nouveau plombage en acrylique, ça vaut n’importe quel inlay en or. Je peux vous poser ça pour quatorze dollars. Pour la Novocaïne, ça fera deux dollars de plus, si vous voulez. Le docteur est là ; le docteur est absent. Ça fera trois dollars. Payez l’infirmière, s’il vous plaît.
Dans un immeuble pareil, il y aura toujours une poignée de gens pour se faire du fric mais ça ne se voit pas sur eux. Ils se fondent dans un anonymat grisâtre qui leur sert d’écran protecteur. Avocats marrons associés à des rackets de récupération de caution (deux pour cent en moyenne de tous les versements gagés sont récupérés). Avorteurs se faisant passer pour n’importe quels fricoteurs pour justifier la présence de leur matériel. Trafiquants de came qui se prétendent urologues, dermatologues ou toute autre branche de la médecine où le traitement peut être suivi et où l’usage répété des anesthésiques est normal. »

De nombreux personnages et situations pittoresques sont décrites, vie ordinaire d’un privé de L.A. ; Chandler a le talent des portraits lapidaires.
« Il était roux, les cheveux coupés court et son visage me fit l’effet d’un poumon vidé d’air. J’avais rarement vu un gazier aussi laid. »

On trouve aussi de la sociologie (datée, livre paru en 1953).
« Le téléphone est un objet tyrannique, envahissant. Le gadgetomane de notre époque l’adore, l’abhorre, le craint. Mais il le traite toujours avec respect, même quand il a bu. Le téléphone est un fétiche. »

Marlowe récupère Wade chez un médecin charlatan ; il rencontre Linda Loring, sœur de Sylvia et épouse du docteur d’Eileen.
« Il croit avoir un secret enfoui dans sa mémoire et il ne peut pas y accéder. Peut-être est-ce une forme de culpabilité vis-à-vis de lui-même, peut-être vis-à-vis de quelqu’un d’autre. Il croit que c’est ce qui le pousse à boire parce que, précisément, il n’arrive pas à élucider ce mystère. Il s’imagine sans doute que quoiqu’il ait pu se passer, c’est arrivé quand il était ivre et il se figure qu’en buvant il finira par voir clair. C’est un cas qui relève du psychiatre. Bon, si je me trompe, alors il se soûle parce qu’il en a envie ou ne peut s’en empêcher et cette histoire de secret n’est qu’une mauvaise excuse. Il ne peut pas écrire son livre ou, du moins, le terminer. Parce qu’il boit. Je veux dire qu’apparemment il est incapable de finir son livre parce qu’il se soûle à mort. »

Considérations sur l’écriture, solipsiste, via Wade.
« Ce monde, c’est toi qui l’as fait toi-même et le peu de secours que tu as reçu du dehors tu en es aussi l’auteur. Alors, cesse de prier, tocard. Lève-toi et bois ce verre. Il est maintenant trop tard pour quoi que ce soit d’autre. »

Wade se suicide, selon toutes apparences ; Marlowe, à proximité lors des faits, est innocenté, toujours grâce à l’influence de Potter. Il a affaire à Bernie Ohls, un lieutenant de police qu’il connaît depuis longtemps.
« – Il n’existe aucun moyen pour faire cent millions de dollars honnêtement, dit Ohls. Le grand chef se figure peut-être qu’il a les mains propres, mais sur le trajet, il y a des gars qui se font arnaquer jusqu’à l’os, de bonnes petites affaires peinardes qui sont liquidées et vendues pour trois sous, des types tout ce qu’il y a de réglos qui perdent leur boulot, des stocks de marchandises rayés du marché, des prête-noms achetés au rabais et de grands cabinets juridiques payés des fortunes pour tourner des lois dont se réclament le commun des mortels mais qui dérangent les riches parce qu’elles leur rognent leurs bénéfices. La grosse galette donne le pouvoir et le pouvoir on en fait pas bon usage. C’est le système qui veut ça. C’est peut-être pas possible d’en avoir un meilleur mais c’est pas encore la promotion de la blancheur Persil. »

« – Je suis un romantique, Bernie. J’entends des voix qui pleurent la nuit, et je ne peux pas m’empêcher d’aller voir ce qui se passe. On ne fait pas un rond comme ça. Si t’as un peu de jugeote, tu fermes tes fenêtres et tu augmentes le son de ta télé. Ou tu appuies sur le champignon et tu fous le camp au diable. Tu te mêles surtout pas des ennuis des autres. Tout ce que ça peut te rapporter, c’est d’être mal vu. La dernière fois que j’ai vu Terry Lennox, on a pris ensemble le café que j’avais préparé chez moi et on a fumé une cigarette. Alors, quand j’ai appris sa mort, je suis allé à la cuisine, j’ai fait du café, j’en ai servi une tasse pour lui, j’ai allumé une cigarette pour lui et quand le café a été froid et la cigarette consumée, je lui ai dit bonne nuit. On fait pas un rond comme ça, je te dis. Tu ferais pas ça, toi, c’est pour ça que t’es un bon flic et que je suis privé. Eileen Wade s’inquiète pour son mari, alors je me mets en chasse et je le ramène chez lui. Une autre fois, il est dans le pétrin, il m’appelle, j’y vais, je le ramasse sur la pelouse, je le mets au lit et je ne me fais pas un rond. Zéro pour cent. Rien, sauf qu’à l’occasion je me fais casser la gueule, foutre au trou ou menacer par un malfrat comme Mendy Menendez. Mais pas d’argent, pas un centime. J’ai un billet de cinq mille dollars dans mon coffre mais jamais j’en dépenserai une miette. Parce que c’est par une combine louche que je l’ai reçu. Au début, ça m’a amusé, et je le sors encore de temps en temps pour le regarder. Mais c’est tout – ce fric-là ne se dépense pas. »

« On ne fait plus un boulot de policiers, on devient une branche du racket de la médecine. On les voit partout en taule, devant les tribunaux, dans les salles d’interrogatoire. Ils écrivent des rapports de quinze pages pour expliquer pourquoi un petit voyou a braqué un débit de boissons, violé une écolière ou refilé de la came aux élèves de terminale. Dans dix ans, les zèbres comme Hernandez et moi subiront les tests de Rorschach ou d’associations de mots au lieu de faire de la gym et de s’entraîner à la cible. Quand on partira sur un coup, en emportera des petits sacs de cuir noir avec des détecteurs de mensonge portatifs et des ampoules de sérum de vérité. »

« Tu t’imagines que dans leurs grosses boîtes de Las Vegas et de Reno, il n’y a que des types pleins aux as qui vont prendre des culottes pour se marrer ? Mais c’est pas ceux-là qui font marcher le racket, c’est la foule des pauvres pigeons qui paument régulièrement le peu de fric qu’ils peuvent mettre de côté. Le flambeur plein aux as perd quarante mille dollars, se marre et remet ça. Mais le flambeur plein aux as n’enrichit pas le racket. C’est les petites pièces, la mitraille, un demi-dollar par-ci, par-là, quelquefois même un billet de cinq qui grossissent le magot. Le fric du racket rentre comme l’eau coule dans les conduites de ta salle de bains sans jamais s’arrêter. Chaque fois qu’on veut avoir la peau d’un flambeur professionnel, c’est à moi de jouer. Et chaque fois que le gouvernement prend sa dîme sur le jeu en appelant ça des impôts, il contribue à la prospérité de la pègre. […]
— Tu es un flic épatant, Bernie, mais tu te goures complètement. En un sens, les flics sont tous pareils. Ils interviennent toujours à tort. Si un type perd sa chemise à la passe anglaise, interdisez le jeu. S’il se cuite, interdisez l’alcool, s’il tue quelqu’un dans un accident de voiture, arrêtez de fabriquer des bagnoles, s’il se fait pincer avec une nana dans une chambre d’hôtel, interdisez la baise. S’il tombe dans l’escalier, ne bâtissez plus de maisons.
– Ah, mets une sourdine !
– Une sourdine, naturellement. Je ne suis qu’un citoyen quelconque. Passe la main, Bernie. Si on a des truands, des mafiosi, des équipes de tueurs, ce n’est pas à cause des politiciens véreux et de leurs acolytes à l’hôtel de ville et dans les instances juridiques. Le crime n’est pas une maladie, c’est un symptôme. Les flics me font penser aux toubibs qui te refilent de l’aspirine pour une tumeur au cerveau, à part que les flics la soigneraient plutôt à la matraque. Nous formons une grande population riche, rude, sauvage et le crime représente le prix à payer en échange, et le crime organisé est le prix à payer pour l’organisation de cette société. Ça va encore durer comme ça un bon bout de temps. Le crime organisé n’est que le côté malpropre du dollar roi. »

L’intrigue est finement, longuement exposée, de façon circonstanciée, analytique ; dénouée, elle se prolonge, prenant aussi le temps de dénoncer le système de l’argent, tout comme de fouiller le personnage de Marlowe l’indépendant. L'alcoolisme est également décortiqué, sans doute basé sur l'expérience personnelle de Chandler.
C’est une sorte de classique du roman policier, apprécié par de nombreux écrivains, par forcément de la veine polar, comme Jim Harrison, et son influence marquera de nombreux auteurs ultérieurs.
Il est fort agréable de lire un polar de temps à autre : mais il y en a tant, encore faut-il en lire un bon – celui-ci en est un !

\Mots-clés : #polar #psychologique
par Tristram
le Sam 18 Fév - 11:47
 
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Sujet: Raymond Chandler
Réponses: 2
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QIU Xiaolong

Cyber China

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Cyber_10

« …] le socialisme à la chinoise. Voilà un terme générique qui englobe tout ce qu’il y a d’énigmatique dans notre beau pays : socialiste ou communiste dans les journaux du Parti, mais capitaliste dans la pratique, un capitalisme de copinage, primaire, matérialiste au dernier degré. Et féodal aussi si l’on en juge d’après les enfants des hauts dignitaires, petits princes héritiers destinés à devenir dirigeants à leur tour, en légitimes successeurs du régime à parti unique. »

L’inspecteur principal de la police criminelle (et poète) Chen Cao, qui a été nommé au poste de vice-secrétaire du Parti, est désigné comme conseiller spécial dans l’enquête sur le suicide de Zhou Keng, directeur de la Commission d’urbanisme de Shanghai et donc cadre du Parti, qui s’est pendu alors qu’il était sous shuanggui pour corruption après avoir été l’objet d’une « chasse à l’homme » sur Internet (espace à la liberté d’expression limitée, mais moins que les médias officiels qui « harmonisent », et où les cyber-citoyens peuvent s’exprimer), traque lancée parce qu’un paquet de 95 Majesté Suprême (cigarettes dispendieuses) apparaissait sur une photo de lui tandis qu’il prônait le maintien du développement de l’immobilier à Shanghai, la principale ressource économique de la ville, par ailleurs inabordable pour la majeure partie de sa population.
« Le shuanggui était encore un exemple criant du socialisme à la chinoise. Sorte de détention illégale initiée par les départements de contrôle de la discipline du Parti, cette mesure venait répondre au phénomène de corruption massive propre au système de parti unique. À l’origine, le terme signifiait « double précision » : un cadre du Parti accusé de crime ou de corruption était détenu dans un endroit défini (gui) pendant une période déterminée (gui). En dépit de la constitution chinoise qui stipulait que toute forme de détention devait être conforme à la loi votée par l’Assemblée nationale populaire, le shuanggui n’exigeait ni autorisation légale, ni durée limitée, ni aucun protocole établi. De hauts fonctionnaires du Parti disparaissaient régulièrement sans qu’aucune information ne soit livrée à la police ou aux médias. En théorie, les cadres pris dans la zone d’ombre extrajudiciaire du shuanggui étaient censés se rendre disponibles pour une enquête interne avant d’être relâchés. Mais le plus souvent, ils passaient devant le tribunal des mois, voire des années plus tard pour être jugés et condamnés selon un verdict établi à l’avance. Les autorités considéraient le shuanggui comme une ramification, et non comme une aberration, du système judiciaire. D’après Chen, ce type de détention permettait d’empêcher que des détails compromettants pour l’image du Parti ne soient révélés puisque les enquêtes se déroulaient dans l’ombre et sous l’œil vigilant des autorités. »

On découvre Lianping, séduisante journaliste de la génération 80, Melong, un informaticien administrateur de forum/ blog, toute une société tiraillée entre modernité et mode de vie traditionnel, et en porte-à-faux avec le gouvernement qui pèse pour assurer la « stabilité ».
« Les mots sensibles peuvent être repérés et « harmonisés », effacés si vous préférez ; pour préserver l’harmonie de notre société, un site peut être bloqué ou banni et le gouvernement peut facilement remonter jusqu’au responsable. »

Outre la police de Shanghai, interviennent le gouvernement municipal et le contrôle de la discipline de Shanghai, la Sécurité intérieure et la Commission de contrôle de la discipline de Pékin : beau panier de crabes liés « par le secret de leurs malversations » !
(Le « monde de la Poussière rouge » semble désigner la Terre, notre cadre de vie ici-bas.)  
(Des fautes d’orthographe et de grammaire n’ont malheureusement pas été corrigées.)
« Le serveur posa sur la table une dizaine de petites soucoupes de garniture fraîche, dont des tranches de porc émincé, du bœuf, de l’agneau, du poisson, des crevettes et des légumes. Puis il leur servit deux grands bols de nouilles fumantes dans leur soupe recouverte d’un léger film huileux. Ils devaient plonger la garniture dans la soupe et attendre une minute ou deux avant de commencer à manger. »

J’ai apprécié ce mixte de cuisine appétissante, de renvois littéraires (ainsi Xiaolong m’a remis en mémoire Lu Xun, qui mériterait d’avoir son fil ici), de polar bien mené et d’explicitation bonace de l’entregent et de l’ingéniosité euphémiste chinoise (peuple comme dirigeants) …
« Au fait, connaissez-vous la blague sur le crabe d’eau douce ? C’est une homophonie du mot « harmonie ». Sur Internet, quand un article était censuré, on disait qu’il avait été harmonisé, effacé pour préserver l’harmonie de notre société capitaliste. Maintenant, on dit qu’il a été mis en eau douce. »


\Mots-clés : #corruption #polar #politique #regimeautoritaire #social #xxesiecle
par Tristram
le Lun 23 Jan - 12:17
 
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Sujet: QIU Xiaolong
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Andrea Camilleri

Un mois avec Montalbano

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Un_moi10

Trente nouvelles, et autant d’enquêtes du commissaire Salvo Montalbano (« Montalbano, je suis », souvent « d’une humeur noire », avec des « changements d’humeur selon les variations du temps »), chez ces étranges « pirsonnes » de Vigàta et Montelusa (villes imaginaires, mais en Sicile).
Mention particulière à Ce que racontait Aulu-Gelle, pour les poulpes à la napolitaine, Androcle et le lion, et cet extrait :
« Il marcha deux heures, en fumant et en se souvenant.
Les souvenirs, on le sait, sont comme les cerises, on les cueille l’un après l’autre, mais de temps à autre, dans le défilé s’en glisse un indésirable et peu agréable qui fait dévier de la route principale vers des chemins sombres et sales où, au minimum, on se souille les chaussures. »

Dans La voyante, Carlòsimo, un autre souvenir de Montalbano, et une autre ville hypothétique :
« À huit heures du soir, tous à la maison, les rues vides avec le vent qui faisait rouler des boîtes vides, qui soulevait en l’air des fantômes de papier. Pas de cinéma, à la librairie-papeterie, ils ne vendaient que des cahiers. Et il fallait ajouter pour parfaire le tableau que par la faute de cette même conjoncture (conjuration, plutôt) météorologique, les deux chaînes de télévision alors existantes n’envoyaient que des images d’ectoplasmes.
Pour le commissaire-adjoint Montalbano, responsable de l’ordre public, un paradis ; pour l’homme Montalbano, un calme plat de limbes, une incitation continue au suicide ou au jeu de cartes. Mais, dans le cercle local, les « personnes civilisées » du pays ne jouaient pas seulement leur chemise mais aussi la peau du cul et c’est pourquoi le commissaire-adjoint, qui, en outre, n’aimait pas jouer aux cartes, s’en tenait à l’écart. La seule chose à faire était de se consacrer à la lecture : durant cet hiver-là, il se fit Proust, Musil et Melville. Toujours ça de pris. »

« Quelque chose, dont il ne savait expliquer ni le pourquoi ni le comment, l’avait subtilement inquiété. En cela consistait son privilège et sa malédiction de flic-né : cueillir, à fleur de peau, à vue de nez, l’anomalie, le détail peut-être imperceptible qui ne s’accordait pas à l’ensemble, la faille minuscule par rapport à l’ordre habituel et prévisible. »
Le rat assassiné

Camilleri vaut aussi pour son rendu d’un savoureux parler populaire à la syntaxe particulière :
« – Allô, dottori ? C’est vous pirsonallement ?
– Oui, Catarè, moi je suis. Qu’est-ce que tu veux, putain, à cette heure ?
– En premier endroit, je vous présentasse mes vœux. Beaucoup de bonne heure et de bien-à-être, dottori. En seconde, je voulais vous dire qu’il y a un mort de passage.
– Et toi, laisse-le passer.
Il fut tenté de raccrocher, puis le sens du devoir l’emporta.
– Qu’est-ce que ça veut dire, de passage ?
– Ça veut dire qu’ils l’ont trouvé à l’hôtel Reginella, celui qui est après Marinella, près de chez là où vous êtes chez vous.
– Bon, mais pourquoi tu as dit que c’était un mort de passage ?
Dottori, à moi vous venez à le demander ? Un qui est à l’hôtel, cirtainement, un voyageur de passage c’est. »
Jour de l’An

Inégal, mais globalement réjouissant !

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Jeu 29 Déc - 11:13
 
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Sujet: Andrea Camilleri
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James M. Cain

Le facteur sonne toujours deux fois

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Le_fac10

Frank Chambers, le jeune tramp (vagabond) qui raconte l’histoire, est accueilli par Le Grec, Nick Papadakis, propriétaire d’un diner californien, restaurant-motel et station-service-garage. Ce dernier le décide à rester comme employé, mais Frank le fait parce qu’attiré par Cora, la jeune femme de Nick.
Épris l’un de l’autre, Cora convainc rapidement Nick de se débarrasser avec son aide du mari qui la répugne. Sans trop de scrupules, ils tentent de l’assassiner, une première fois sans succès.
Ce qui m’a frappé, c’est la complicité des deux amants, presque de sang-froid, engagés qu’ils sont dans une relation sadomasochiste.
Puis c’est l’enquête sur l’accident de voiture où Cora conduisait les deux hommes ivres. Sackett, le District Attorney, presse Frank de porter plainte contre Cora : Nick venait de signer une assurance qui représente une grosse somme pour sa veuve. Katz, avocat ennemi de Sackett, les fait libérer par une époustouflante entourloupette que je serais bien en peine de résumer aussi succinctement que Cain l’expose.
« Je me suis mis à pleurer comme un veau quand on a descendu le cercueil. Les hymnes qu’on chante à ce moment feraient sangloter n’importe qui, surtout lorsqu’il s’agit d’un copain qu’on aime comme j’aimais le Grec. »

Dressés l’un contre l’autre par les astucieux hommes de loi, la défiance demeure entr’eux, notamment parce que le vagabondage reste prégnant chez Frank.
Kennedy, un homme de Katz qui se faisant passer pour un policier avait recueilli les aveux de Cora, veut les faire chanter. Puis elle menace Frank de le dénoncer. Finalement, comme elle attend un enfant de Frank, ils décident de se marier, mais…
Emblématique roman noir autour d’une femme fatale, ou plutôt d’un amour néfaste. Parfaitement immoral, et d’une concision, d’un tempo exemplaires !

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Jeu 22 Déc - 11:05
 
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Sujet: James M. Cain
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Léo Malet

Les Eaux troubles de Javel

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Les_ea10

1956, Paris XVe : les Norafs, pauvre main-d’œuvre des usines Citroën et activistes du FLN, les avortements hors la loi, le Bal Colonial et le Bal Nègre, toutes choses révolues, même si la misère persiste (et si la cloche a changé de nom).
« Je ne suis pas de ces types qui refusent quelques ronds à un clochard, sous prétexte que le clochard n’a rien de plus pressé que de les convertir en coup de rouge. Un coup de rouge, c’est parfois plus nécessaire qu’un bout de pain. Ça dépend des circonstances. »

C’est noir, mais la perception à l’époque était si différente de la nôtre que rien que pour cette remise en contexte le roman mérite la lecture. De plus, l’intrigue est inattendue.

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Mar 13 Déc - 11:11
 
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Sujet: Léo Malet
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Tanguy Viel

L'Absolue Perfection du crime

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 L_abso10

Une famille de « caïds » en Bretagne : Marin, qui sort de trois ans de prison, Andreï, l’oncle et la tante, et Pierre, le narrateur, qui subit leur destin (qu’il devine funeste ; il est plusieurs fois question de prescience dans ce roman), dominé par Marin ; puis Lucho, le spécialiste, puis Jeanne, la femme de Marin. Le braquage du casino est décidé, ce que l’oncle appelle « l'absolue perfection du crime » avant de mourir de vieillesse, ce qui n’arrête pas le projet. En attendant, ils boivent du cognac, notamment au Lord Jim, boîte qui appartenait à l’oncle. Le casse se passe bien, à part que Pierre tabasse le directeur du casino, et qu’ils sont arrêtés à l’issue, vendus par Lucho ; Andreï est abattu, Marin et Jeanne s’enfuient, Pierre écope de sept ans de prison. À leur terme, il retourne au Lord Jim, qui s’appelle dorénavant le Billy Budd ; il retrouve Jeanne, puis Lucho, qu’il abat ; puis c’est une belle course-poursuite derrière Marin.
Style en fait curieux, faussement populaire avec de longues phrases, quoique incertaines et heurtées dans un effet d’oralité, cf. l’incipit :
« L’écran de télévision au-dessus du comptoir, relié à une caméra à l’extérieur pour qu’on voie qui entre, souvent par ennui ou réflexe je le regardais d’un œil lointain, et c’était à peine si la couleur des cheveux ou la peau de celui qui sonnait dehors, à peine si je les notais à travers l’écran. »

Elliptique, et volontiers cinématographique :
« Les docks salis. Les rails oxydés. Les grues immobiles. L’abandon qui les gagne. La brume. Les quais. La mer presque grise. Le ressac. La promenade le long. Le pont au loin. La quatre-voies devant. Les néons rouges. Le casino.
Pour faire des images propres, a expliqué Andrei, il faut tenir la caméra à deux mains, ouvrir les coudes à l’horizontale et se déplacer lentement. La quatre-voies devant. Le temps des feux. L’entrée principale. Les vigiles en forme de figurines. Les vitres teintées. »

Haletant et dynamique pour le finale ; un style maîtrisé, approprié au propos (le scénario est secondaire, compte tenu des incohérences qui ont été conservées : la montgolfière dirigeable à distance, Marin pas inquiété par la police, etc.).

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Ven 9 Déc - 10:32
 
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Sujet: Tanguy Viel
Réponses: 18
Vues: 1501

Howard Fast

Sylvia

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Sylvia10

Le détective Alan Macklin, célibataire, historien manqué et narrateur de l’histoire, est chargé d’enquêter sur le mystérieux passé de Sylvia West par son fiancé. Il suit une piste ténue au travers des États-Unis, manifestement séduit par cette femme qu’il n’a jamais rencontrée, tout en étant taraudé par l’indignité de son métier, et conscient de la corruption généralisée en grande partie due à l’argent.
« Ensuite, j’ai marché jusqu’à la 53e Rue et je suis resté deux heures au Musée d’Art Moderne. Je voulais à toutes forces me prouver que mon intelligence était un peu au-dessus de la moyenne ; et que ces années passées à accomplir des tâches abjectes et avilissantes, dans une profession sans intérêt et déshonorante, ne m’avaient pas entièrement sevré de la grande confrérie des civilisés – en admettant qu’elle existe. »

« Je gagnais ma vie tantôt comme une putain, tantôt comme un maquereau.
La seule chose qui me différenciait d’eux, c’est que la Société ne me désavouait pas et qu’à la Télévision je pouvais avoir de soi-disant aperçus de mon métier, grâce aux évolutions d’une demi-douzaine d’imbéciles et de crétins jacasseurs et grossiers, qui ont fait du "privé" l’un des éléments du folklore américain. »

« Rentré dans ma chambre, j’ai pris une cuite en solitaire. Il y avait exactement sept ans que je ne m’étais pas envoyé une bouteille à moi tout seul. Mais sept ans, c’est court, quand il s’agit d’éviter de se retrouver seul en face de soi-même. Il y a des gens qui y réussissent pendant toute leur vie : eux restent sobres. »

Ce roman vaut surtout pour son atmosphère de mélancolie, celle du personnage principal mais aussi d’autres, notamment féminins, comme la rencontre touchante avec Irma Olanski, la vieille fille bibliothécaire de Pittsburgh, ou celle de Shirley Digbee, une actrice :
« Elle se glissa derrière un petit paravent placé dans un coin.
– Je vais m’habiller tout comme au ciné, pendant que nous causerons, me dit-elle avec bonne humeur. Pour ne pas que vous soyez obligé de sortir. De toute façon, j’aime bien avoir un homme dans la pièce quand je m’habille. Je ne suis pas normale, pour ça. C’est une névrose. J’en ai au moins vingt, de ces névroses, trente peut-être, je peux pas dire. Tout ça, ça vient de ce que je suis aussi vachement grande. Le plus curieux, c’est que j’en suis enchantée, je raffole de ma taille. Je n’aimerais pas être autrement. Je suis sortie pendant quelque temps avec un psychanalyste – un petit, d’un mètre cinquante-cinq à peu près. Ça leur donne le grand frisson de sortir avec moi. Frisson, c’est encore trop faible. Je pourrais écrire un livre sur ces petits hommes. Mais celui-là, ce psychanalyste, il voulait toujours arriver à me persuader que j’avais horreur d’être grande. En fin de compte, je lui ai dit : « Écoute, flambard, pourquoi est-ce que tu me téléphones vingt fois par jour, si ton seul but est de me rabaisser à ton niveau ? Y en a suffisamment de ta taille qui se baladent dans la nature. Va donc t’en lever une de ton gabarit. » Mais croyez-moi, quand je dis que c’était son idée fixe, j’suis au-dessous de la vérité… Si nous nous connaissions mieux, je vous donnerais des détails. Mais celui-là, il ne parlait que de névroses. Je lui ai dit : "D’après toi, on ne fait jamais quelque chose tout bêtement parce qu’on en a envie. Tout est de la névrose…" »

D’origine pauvre, il s’avère vite que Sylvia a été prostituée. Elle a beaucoup lu, et publié de la poésie. Elle a toujours menti, et développé de la haine, au moins contre les hommes.
« – Croyez-vous que les frais d’édition aient été payés d’avance pour ce livre ?
– Autrement dit, en termes de métier, Mack, vous parlez d’une « édition à compte d’auteur » ? C’est peu reluisant. Un auteur qui ne trouve pas à se faire éditer sur la place publique s’adresse aux maisons qui acceptent qu’on leur paie les frais d’impression et de reliure, sans parler du bénéfice de l’éditeur. C’est une des plaies de notre profession, par ailleurs fort honorable. Mais un éditeur qui se respecte n’accepte pas ce genre de travail. »

« En vieillissant, nous devenons plus sages, monsieur Macklin, mais ce que nous prenons pour de la vertu, n’est-ce pas plutôt de l’épuisement et une certaine satiété ? »

« J’en arrivais à me dire qu’il fallait être un gamin, un impulsif ou un névrosé pour avoir choisi d’aimer une femme qui aurait des raisons violentes et très sérieuses de me haïr. Il y a longtemps que je sais qu’entre une femme et un homme l’amour ne naît pas fortuitement. On ne tombe pas amoureux, comme dans les romans ; on y succombe délibérément et volontairement ; et, quand le choix se fixe sur l’impossible, c’est signe d’une disposition d’âme maladive. J’ai connu des femmes qui ne choisissaient pour objet de leur passion que des hommes mariés et, dans les deux sexes, des gens attirés seulement par les incompatibilités ou la difficulté. »

« Être pauvre avilit ; et tous les pieux mensonges qu’on raconte à ce sujet ne sont que futilités. »

Une belle histoire d’amour, sensiblement rendue (et à peine un polar).

\Mots-clés : #amour #polar #prostitution
par Tristram
le Lun 14 Nov - 9:41
 
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David Heska Wanbli WEIDEN

Justice indienne

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Justic10

Sur la réserve (pas naturelle, indienne) de Rosebud dans le Dakota du Sud, Virgil Wounded Horse n’est pas vraiment lakota, mais sang-mêlé, et vit comme tous dans la précarité.
« Je sus alors que ces traditions indiennes – les cérémonies, les prières, les enseignements – étaient des conneries. »

Weiden démystifie le mythe de l’Indien proche de la nature et de ses traditions…
« Les cours tribales n’étaient compétentes que pour les délits mineurs, les petits trucs, comme les vols à l’étalage ou le tapage. La police tribale devait rapporter tous les crimes aux enquêteurs fédéraux, qui allaient rarement jusqu’aux poursuites. Seules les affaires médiatisées ou les crimes violents méritaient qu’ils engagent une action en justice. Mais les agressions sexuelles classiques, les vols, les voies de fait étaient le plus souvent ignorés. Et les ordures le savaient. Les violeurs pouvaient s’en prendre aux Indiennes tant qu’ils le voulaient, du moment qu’ils opéraient en terre indienne.
Quand le système judiciaire leur faisait ainsi défaut, les gens s’adressaient à moi. Pour quelques centaines de dollars, ils étaient un peu vengés. C’était ma contribution à la justice. »

Toujours cette obtuse attitude états-unienne de faire la justice par soi-même (sans risque d’erreur ?!), et de préférence par la violence… Weiden déclare dans une postface que les « justiciers autoproclamés » existent vraiment sur les réserves.
« Comme toujours, elle était envahie de touristes qui filaient voir le mont Rushmore, ou, pour ceux qui se considéraient comme plus progressistes, le Crazy Horse Memorial. Bien peu d’entre eux savaient qu’ils se trouvaient sur des terres sacrées, des terres qui avaient été promises par traité au peuple lakota pour l’éternité, mais qui avaient été volées après qu’on y avait découvert de l’or dans les années 1860. Pour couronner le tout, le mont Rushmore avait été sculpté dans la montagne sacrée connue auparavant sous le nom de Six Grandfathers exprès pour faire la nique aux Lakotas. Un peu comme si des Indiens construisaient un casino dans l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Même la Cour suprême avait admis que les Black Hills avaient été saisies illégalement, et la nation lakota avait gagné un grand procès contre le gouvernement en 1980, obtenant des centaines de millions de dollars en dommages et intérêts. Mais les chefs des tribus lakotas avaient rejeté l’accord, ils voulaient récupérer les terres, pas de l’argent. Le gouvernement refusant de rendre les Black Hills, et les Lakotas refusant de recevoir le prix du sang, le montant de l’accord s’est retrouvé placé sur un compte en banque, avec intérêts ; aujourd’hui, il s’élève à plus d’un milliard de dollars. Si les sept tribus lakotas acceptaient cet argent et le divisaient en parts égales, chaque homme, chaque femme et chaque enfant toucherait environ vingt-cinq mille dollars. Pour une famille de quatre, une somme de cent mille dollars soulagerait beaucoup de souffrances. Mais en dehors de quelques-uns, il n’y a pas eu de véritable pression de la part des Lakotas pour accepter l’argent. Je le reconnais, j’avais beaucoup rêvé à ce que cinquante mille dollars changeraient pour Nathan et moi. En traversant les Black Hills, je me sentis coupable de souhaiter cet argent, puis je me ravisai. Qu’est-ce que j’en avais à faire d’un paquet de rochers et de vallées ? »

On trouve des faits intéressants (histoire, social, droit, etc.), jusqu’au retour à une cuisine traditionnelle contre le diabète qui tue, encore que ces informations seraient à vérifier. Mais ce roman (forcément noir) se révèle un peu décevant : sans parler des caricatures de "méchants", le personnage principal n’est pas très convaincant, malgré l’excuse du tiraillement entre deux cultures.

\Mots-clés : #justice #polar #social
par Tristram
le Jeu 10 Nov - 10:57
 
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Sujet: David Heska Wanbli WEIDEN
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Jean Patrick Manchette

Que d'os !

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Que_d_10

Eugène Tarpon, le privé ex-gendarme de Morgue pleine, se retrouve plongé dans une intrigue particulièrement sanglante, avec les mêmes personnages pour ce qui est du commissaire Coccioli, de la cascadeuse Charlotte Malrakis et d’Haymann, l’ancien journaliste.
C’est le dur-à-cuire dans la veine états-unienne, qui serait caricatural sans être sauvé par l’humour, et quand même de l’humanité dans l’amertume. Le style est cursif, bref c’est mené tambour battant.
« La pintade était bonne. D’après Charlotte, l’important était de lui fourrer deux petits suisses dans le ventre. Ça ne me souriait pas tellement, comme idée, mais l’oiseau était onctueux, faut admettre. »

Tarpon n’a pas la fibre cuisinière : la pintade a tendance à se dessécher à la cuisson, et effectivement il faut l’hydrater de graisse avant son passage au four ; personnellement, je recommanderais de la farcir sous la peau (fines herbes, champignons des bois).
Sinon, extrême droite avec de puissants relents nazis, trafic de drogue ; le message (politique), c’est que la police, parfois corrompue, ne s’en prend qu’aux traîne-lattes sans inquiéter les gros responsables (politiques).
Voir le commentaire plus approfondi de Nadine, une afficionado ! C'est vrai qu'on est pas loin de la corrida...

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Lun 31 Oct - 11:24
 
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Tonino Benacquista

Trois carrés rouges sur fond noir

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Trois_13

Antoine, qui est passionné de billard mais pas d’art, travaille pour une galériste et au stockage des œuvres d’art abstrait achetées par l’État (il y a un peu de tout, notamment n’importe quoi, mais sans inventaire ; notre actualité récente illustre d’ailleurs cette gabegie).
« C’est au beau milieu de cette cruelle abondance, ce cagibi de l’histoire de l’art, que j’ai commencé à réaliser deux ou trois petites choses sur le sublime et le dérisoire. Ce qui reste et ce qu’on préfère oublier. Ce qui résiste aux années et ce qui tombe en désuétude en moins d’une décennie. »

Antoine perd la main droite en essayant d’éviter le vol d’un troublant tableau jaune, l’essai 30 d’Étienne Morand, artiste obscur des années soixante : dans un esprit de vengeance, il enquête sur la série à laquelle appartient cette toile, attribuée à un mystérieux groupe, les Objectivistes.
C’est l’occasion d’aborder, assez subtilement, le milieu branché des expositions d’art, le marché et ses escrocs, la part de provocation des artistes, bref la question de la valeur de l’art contemporain.
« Les critiques d’art ne parlent pas de ce qu’ils voient, ils cherchent à rivaliser d’abstraction avec la toile. Ils le disent eux-mêmes, d’ailleurs. »

« Et à cette seconde-là, sa main s’est envolée.
Je l’ai vue tournoyer dans l’espace et piquer comme une guêpe, çà et là, faisant surgir des touches claires et disparates, je l’ai vue butiner partout, loin du reste du corps, en créant une géométrie anarchique et évidente. Je l’ai vue effleurer, aérienne, une zone oubliée, puis changer d’avis, brusquement, pour retourner prendre de la couleur. Plus fébrile que jamais elle est revenue par saccades, lâchant des arcs noirs partout, la plupart brisés au même endroit, en revenant sur certains pour les rendre plus lisses ou plus courbes. »

Quelques inconséquences, mais une grande maîtrise des jeux de mots dans ce roman noir pour muséologues et amateurs d’art ! et bien sûr cela m’a ramentu le billard, que j’ai un peu pratiqué, dans une autre existence…

\Mots-clés : #creationartistique #peinture #polar
par Tristram
le Mer 26 Oct - 11:50
 
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Jean Ray

La Cité de l'indicible peur

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 La_cit12

Sidney Terence Triggs, surnommé Sigma Triggs, est un policier londonien assez gauche et sans gloire, qui prend sa retraite à « Ingersham-la-tranquille » (dont il est natif, et le protégé de Sir Broody, hobereau local), dans une Angleterre provinciale et traditionnelle, contemporaine (roman paru en 1943) et donnant son atmosphère délectable et désuète au livre ; à propos, Triggs lit Dickens…
Il y a là le poussiéreux bric-à-brac des « Grands Magasins Cobwell », où le propriétaire déchu discute avec Suzan Summerlee, « un mannequin en bois léger et en cire » dans sa « Grande Galerie d’Art », où il mourra de peur ; l’honorable M. Chadburn, le maire (il y a aussi un fantôme à l’Hôtel de ville) ; Ebenezer Doove, « vieux plumitif » également à la mairie, calligraphe qui devient l’ami de Triggs avant sa mort ; les dames Pumkins (trois sœurs, Patricia, Deborah et Ruth) avec la jeune Molly Snugg comme servante, qui tiennent la mercerie et vont disparaître ; la mystérieuse Lady Honnybingle ; Freemantle le boucher, qui sera interné dans un asile d’aliénés ; Revinus le boulanger ; Livina Chamsun et sa sœur Dorothy, qui vivent à l’écart ; Bill Blockson le pêcheur contrebandier ; Pycroft l’apothicaire, qui va se suicider ; les bohémiens, notamment dresseurs de ravets ; et les terrifiants « ILS », qui reviennent depuis des siècles…
(Tout ce petit monde bonhomme avec ses commérages m’a ramentu la Pierrelousse de Bosco.)
L’énigme est retorse (d’autant que de nombreuses petites histoires sont intercalées), basée sur la névrose, « la Grande Peur d’Ingersham ».
« On a peur et l’on ne sait pourquoi. Existe-t-il des choses terribles qu’on ne voit pas et qui, un jour ou l’autre, pourraient se manifester ? »

« La petite ville a pour principales occupations : manger, boire, bavarder, se mêler des affaires du voisin, détester l’étranger et tout ce qui est sujet à troubler la quiétude nécessaire aux belles digestions et aux profitables entretiens. »

« Chaque vie a son mystère, l’un criminel, l’autre simplement coupable, et peu d’habitants d’Ingersham n’ont pas tremblé à la venue du policier de Londres, le croyant lancé sur la piste de ce mystère dont la découverte ruinerait à jamais leur belle quiétude. »

Comme généralement chez Jean Ray, un savoureux lexique hélas suranné est employé, qui requiert parfois le Littré (ou même un autre dictionnaire) : pénombreux, regrattier, pimpesouée, scrobiculé, tille, heptacanthe, scabinal (belge)… ; le mot juste, toujours et sans plus − mais non sans humour.

\Mots-clés : #horreur #polar #social
par Tristram
le Dim 9 Oct - 11:55
 
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Sujet: Jean Ray
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Léo Malet

Brouillard au pont de Tolbiac

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Brouil10

Nestor Burma a reçu l’appel d’un certain Abel Benoit hospitalisé à la Salpêtrière, qui dit le connaître ; lorsqu’il arrive, l’homme est mort de ses blessures, et se révèle être Albert Lenantais, une relation de Nestor adolescent. C’est l’occasion d’une plongée dans le passé de Nestor (et Léo), lorsqu’il était réfugié parmi les libertaires du Foyer végétalien du XIIIe en 1927 (à l’époque, c’étaient les anarchistes qui ne mangeaient que des légumes, et proscrivaient alcool et tabac). Dans l’édition que j’ai lue, ce milieu est documenté par une préface de Francis Lacassin et deux chapitres d’À nous deux, Patrie !, d’André Colomer, « théoricien lyrique de la violence, individualiste exacerbé », journaliste dressé contre Dieu, la guerre, la patrie et la révolution…
Benoit-Lenantais était devenu « un vieux cordonnier-chiffonnier », « Chiftir et bouif », et c’est l’opportunité de pénétrer cette fois dans le milieu de la chiffe, dans ce misérable quartier depuis disparu.
« À ce stade de notre décevante tournée, nous nous trouvions rue des Cinq-Diamants. Le XIIIe arrondissement fourmille de rues aux noms charmants et pittoresques, en général mensongers. Rue des Cinq-Diamants, il n’y a pas de diamants ; rue du Château-des-Rentiers, il y a surtout l’Asile Nicolas-Flamel ; rue des Terres-au-Curé, je n’ai pas vu de prêtre ; et rue Croulebarbe, ne siège pas l’Académie française. Quant à la rue des Reculettes... hum... et celle de l’Espérance... »

Nestor enquête avec Bélita Moralés, sa voisine la belle gitane que Lenantais a soustraite à l’emprise de sa « race » (à l’époque on se défie des « romanos » et autres Arabes).
« − Dans ce quartier, mon vieux, où ça grouille d’Arabes, sans qu’on puisse distinguer lesquels sont pour nous, lesquels contre, on s’occupe plus activement qu’ailleurs des banales agressions nocturnes, surtout commises pour des norafs.
− Ah ! oui ! parce que ça s’agite dans la colonie coloniale ! Fellaghas et compagnie, quoi ?
− Exactement. Un jour, c’est un sidi buveur de pinard qui se fait casser la gueule par un autre sidi respectueux du Coran... »

L’histoire policière proprement dite est assez banale ; les anciens anars et insoumis, sans parler des illégalistes, ont perdu leurs valeurs avec le temps…

\Mots-clés : #misere #polar #politique #social #xxesiecle
par Tristram
le Mer 5 Oct - 12:22
 
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Arnaldur Indridason

La Cité des jarres

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 La_cit11

Un vieil homme solitaire est assassiné chez lui. L'inspecteur Erlendur et son équipe investiguent sur son passé, qui est chargé : il fut notamment un violeur. S’ensuit la reconstitution d’un drame génétique, qui passe par la Cité des Jarres, une collection d’organes humains en bocaux entreposée à la morgue dans un but pédagogique.
Et toujours la même lancinante question : pourquoi nos enfants s’appliquent-ils à s’autodétruire, notamment au moyen de la drogue ? Sans doute parce que l’Islande n’est-elle plus un petit pays préservé à l’écart du monde…
J'ai pris davantage de plaisir à la lecture de ce troisième roman de la série Commissaire Erlendur, peut-être plus élaboré et original dans son rendu de nos progrès scientifiques et sociaux.

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Ven 30 Sep - 13:29
 
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Joseph Incardona

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Couv_i10

La soustraction des possibles

Quatrième de couverture a écrit:On est à la fin des années 80, la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM.
À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en matière d’argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi.
De la Suisse au Mexique, en passant par la Corse, Joseph Incardona brosse une fresque ambitieuse, à la mécanique aussi brillante qu’implacable.


Et en plus de tous les prix on a tous les mots de journalistes et libraires pour nous préparer à la claque !

Une claque pour laquelle il vaut mieux être d'humeur 80's et fantasmer sur une richesse discrète aux parfums légèrement frelatés. Des villas de luxe, des soirées chics, des emplois pour bureau feutrés... Comme vous lecteur, c'est ce qui fait rêver le duo d'amour du prof de tennis et de la banquière immigrée.

L'intrigue tient à moins qu'un fil, plutôt un truc pour dérouler le paysage du scénario et de sa galerie de personnage le fil. Les banquiers, les mafieux... et l'auteur.

L'auteur on profite régulièrement de sa vision, de la même manière qu'il nous fait profiter (ou impose ?) de régulières pages de fesse pour nous réveiller pour peu qu'on risque l'ennui. Des mafieux aussi. De la violence de temps en temps et sur ce tempo bien bancal et peu imaginatif quelques références littéraires, du Ramuz pour faire du pays, tant qu'à faire.

Un cliché parmi d'autres, une image parmi d'autres puisées dans ce qui est devenu un imaginaire commun du fric et des années 80. Un bouquin qui finalement ne dit pas grand chose (je suis gentil !) en tout cas rien de neuf et qui dans mon univers à moi, pourtant friand d'alimentaire quand ça tient la route, apparait aussi peu écrit qu'il est construit.

L'accumulation et la motonie des 450 pages en cadeau fiscal, si on veut. On est aussi loin de Ramuz que de Dürrenmatt (si on devait chercher une référence de par là qui a tremper le policier dans de troublants mélanges). Quelque chose comme une mauvaise série B en pire, son honnêteté et son savoir faire en moins et si on veut.

Spoiler:


Mots-clés : #contemporain #polar #xxesiecle
par animal
le Dim 18 Sep - 18:05
 
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Gilbert-Keith Chesterton

L'Incrédulité du Père Brown

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 L_incr10

La résurrection du père Brown
Missionnaire dans le nord de l’Amérique du Sud, où il a participé au retour de la propriété de leurs terres aux paysans, le Père Brown est aussi aux prises avec l’athéisme et la « folie publicitaire » qui promotionne ses aventures aux États-Unis. Or voilà qu’il est assailli… et qu’il ressuscite.
« Une liste de qualificatifs généralement attribués aux saints, et remontant apparemment à l’antiquité, sortaient de la bouche de Mendoza avec la monotonie tétanisante d’un orateur de fin de banquet qui aurait oublié comment on fait pour s’asseoir. »

« Il se trouve que j’ai eu assez souvent à enquêter sur des meurtres. Et maintenant, je dois enquêter sur le mien. »

La flèche du ciel
Élucidation d’un assassinat de milliardaire(s) qui permet à Chesterton de dénoncer le goût des États-Uniens pour l’auto-justice expéditive et sauvage (lynchage par exemple), choquant pour un Anglais, respectueux des lois.

L’oracle du chien
Assassinat expliqué à distance par le Père Brown en se basant sur la psychologie, notamment canine.
« Toute cette affaire est trop simple pour que vous puissiez la comprendre. »

Le miracle de Moon Crescent
Encore un milliardaire tué, une nouvelle variation sur le Mystère de la chambre jaune (énigme en chambre close), et une fois encore le Père Brown oppose sa religion (et son esprit) au matérialisme superstitieux des États-Uniens.

La malédiction de la croix d’or
Une fausse malédiction.

La dague ailée
Un assassin artiste et mystique.

La Damnation des Darnaway
Encore une malédiction, celle d’une vieille famille en possession d’un portrait ancestral.
« Mais nous étions tellement plongés dans cette vieille atmosphère romanesque d’aristocratie décadente et de château en ruine, qu’il était impossible d’espérer échapper à une histoire de passage secret. »

Le fantôme de Gideon Wise
Une histoire de magnats et bolcheviques en conflit, et surtout d’alibi astucieusement construit.

Toujours ce particulier mélange d’ingéniosité et d’abracadabrance chez Chesterton, qui n’est pas sans rappeler ses contemporains Conan Doyle et Gaston Leroux.

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Sam 3 Sep - 12:35
 
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QIU Xiaolong

Les Courants fourbes du lac Tai

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Les_co11

L’inspecteur principal Chen Cao de la police criminelle de Shanghai a été envoyé en vacances au Centre de détente pour cadres de Wuxi (et cela semble être une faveur, certes inattendue). C’est sur les bords du lac Tai, et il rencontre Shanshan, ingénieure en environnement pour l’usine de produits chimiques Numéro Un de Wuxi, qui lui apprend que ce lac est extrêmement pollué par les industries locales. Or Liu, son directeur, est tué, alors que l’usine était en passe d’être privatisée – ouverture de capital/ entrée en bourse d’une grande entreprise d’État, avec la majorité des actions pour les dirigeants, membres du Parti − ; même la Sécurité intérieure s’en mêle. C’est donc un regard sur l’économie qui devient pragmatiquement capitaliste (tout en restant sous l’égide du communisme), et cela au détriment de l’environnement : « Gros-Sous », « enveloppes rouges » et autres « petites secrétaires » …
« D’après Nietzsche, Dieu est mort. Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que les gens sont capables de faire n’importe quoi. »

Un des charmes de Chen, c’est les citations, ici de Wang Guan, un poète de la dynastie des Tang :
« Eaux : regards mobiles,
Monts : sourcils froncés.
Où va-t-il mon ami ?
Au lieu charmant plein de regards et de sourcils. »

(J’ai été moins réceptif aux vers de Chen/ Qiu Xiaolong, inspirés de La Terre vaine de T. S. Eliot ; mais j’ai apprécié les variations sur le thème érotique classique du « poème inachevé, dans le souvenir désordonné du nuage devenu pluie et de la pluie devenue nuage ».)
Un autre de ses attraits, c’est la cuisine, mais pour le coup je ne détaillerai pas la recette du jour (quoique je prise le poisson très frais).
« L’origine de cette histoire serait un plat célèbre appelé carpe vivante de l’empereur Qianlong. On trouve cette spécialité dans certains restaurants de luxe. Servie sur un plat décoré de saule, les yeux de la carpe roulent encore. »

On peut mesurer un fois de plus comme le polar est devenu le support, presque le prétexte, de points de vue sur la société, voire la politique, et les enjeux de l’époque, la dénonciation des dysfonctionnements et carences, etc. Et qu’il fonctionne souvent selon le principe de la série, sorte de feuilleton répondant à une recette de base, qui dans ce cas répondrait, en plus des ingrédients ordinaires, aux tags « histoire du régime chinois », puis « couleur locale traditionnelle », avec un soupçon de cuisine et une pointe de poésie…
Sinon, cet épisode 7 des enquêtes de Chen n’est pas le meilleur, de plus lent et assez longuet.

\Mots-clés : #polar #politique
par Tristram
le Ven 19 Aoû - 12:05
 
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Valerio Varesi

La Maison du commandant

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 La_mai14

De nouveau la brume, celle du Pô, à Sacca, petit port à la hauteur de Parme, plus généralement dans la bassa, écosystème ici aussi, ici encore, mis à mal par l’activité humaine incontrôlée, pollutions diverses, extraction du sable, et ces pêcheurs des pays de l’Est qui ratissent ce qu’il reste de poisson.
« La bassa est un territoire d’eau. »

« Ils sont comme la peste : ils salissent, ils bivouaquent, ils réduisent les berges en bouillie, et en plus, ils sont arrogants. Ils pillent le peu qui reste au fond du fleuve. Ils prennent de tout avec leurs chaluts : des silures évidemment, mais aussi des carpes, des ablettes, des poissons-chats, des brochets… Ils ne laissent rien. Personne ne les emmerde. Aucun carabinier, alors qu’ils n’ont même pas un semblant de permis. »

On retrouve l’inspecteur Soneri, avec entr’autres « l’ami », Nocio, Nanetti le chef de la Scientifique, le vieux Lumén avec son Ukrainienne muette, et cette aventure renoue avec l’atmosphère du premier livre de la série, Le Fleuve des brumes − et bien sûr grana, culaccia et anolini au bouillon… et la sempiternelle rivalité d’extrême droite et gauche, fascistes et communistes, qui remonte à la guerre.
« Sans doute était-ce en de pareils moments que naissaient les histoires du Pô, quand le brouillard exalte l’imagination. Parce qu’il faut bien rêver lorsque l’on n’y voit rien. »

« La réalité changeait en permanence, il ne servait à rien d’essayer de l’expliquer à ceux qui ne la connaissaient pas. »

« Était-ce pour cette raison qu’il aimait le brouillard ? La nébulosité, la surprise d’un chemin, le dévoilement inattendu et l’intériorité comme unique horizon rappelaient les trajectoires de vie d’où surgissaient sans cesse de nouvelles perspectives. »

« Certaines générations grandissent dans l’espoir, d’autres, dans la désillusion. Les changements balancent toujours entre les deux. Vous, par exemple, vous avez grandi dans l’espoir. Ceux d’aujourd’hui ont perdu toutes leurs illusions. La destruction est porteuse d’espoir, et la désillusion nous rend conservateurs. Vous et vos contemporains aviez envie d’abattre tout ce que vos pères avaient construit, mais les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas de père. Ils ne connaissent pas l’autorité, ils ne peuvent pas la contester. Ils n’ont aucun repère, ils cherchent désespérément quelqu’un qui leur ressemble. Voilà pourquoi ils rêvent d’un chef de meute, du discours unique. »

« Ici, la terre n’appartient pas aux hommes, elle appartient au fleuve. »

« La bassa est une terre de visions et de monstres [… »

« Vous n’imaginez pas tout ce qu’on trouve sur les arbres, après une crue. Il faut venir sous les peupliers pour s’en rendre compte : culottes, soutanes, casquettes, pots de chambre, enseignes, tables de nuit, des jouets, des vélos, des poêles à bois… Comme si le Pô se faufilait dans les maisons des gens pour voler tout ce qu’il peut… »

« Je voudrais retenir le passé, et fuir la nostalgie qui pue toujours la mort. »

« C’est une erreur de penser que la peur, la colère ou l’envie, les passions, sont le mal absolu. Le vrai mal, c’est la raison. Rien n’est plus inhumain que de l’appliquer à notre monde au service d’un objectif. Car malgré nous, le monde continue de pourrir en suivant de sombres instincts. Il vaut mieux le laisser aller comme on le fait avec le fleuve, chercher à contenir sa fureur, le seconder plutôt que d’en dévier le cours… »

« Rien ne l’agaçait davantage que le dogmatisme. La chose la plus stupide qu’on pût imaginer dans le bouillonnement chaotique de l’existence. »

Je suis au moins d’accord avec Varesi, outre sur le goût des fleuves et des brumes, avec l’exécration de ce qui peut être résumé par l’adage "la fin justifie les moyens".

\Mots-clés : #lieu #merlacriviere #polar
par Tristram
le Ven 12 Aoû - 11:34
 
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Sujet: Valerio Varesi
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James Crumley

Le dernier baiser

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Le_der11

(Lu dans la troisième traduction, par Jacques Mailhos.)
Le détective privé C. W. Sughrue piste pour le compte de son ex-femme un vieil écrivain et poète, Abraham Trahearne, en virée dans les bars au travers des États-Unis, de préférence avec un chien alcoolique (en l’occurrence un bulldog, Fireball Roberts). Et il est beaucoup question d’alcool.
« − J’ai ralenti avant d’être obligé de m’arrêter, dis-je. Maintenant, j’essaie de garder deux verres d’avance sur le réel et trois de retard sur les ivrognes. »

Sughrue emmène Trahearne (et Fireball) sur les traces d’une autre disparue, Betty Sue Flowers, et le ramène chez lui, où il réside avec sa femme, son ex et sa mère de façon assez insane… L’histoire pourrait finir là, mais on n’en est même pas à la moitié du livre…
« − Les histoires sont comme des instantanés, fils. Des instants arrachés au flot du temps, dit-il, avec des bordures propres, nettes et dures. Mais là, c’était la vie, et la vie commence et s’achève dans un bazar sanglant. Du berceau au caveau, ce n’est qu’un gigantesque bazar, une boîte remplie de vers qu’on laisse pourrir au soleil. »

« Bon sang, parfois je me demande si je n’ai pas déjà sauté la dernière femme qui valait le coup, bu la dernière rasade de la dernière bonne bouteille, et écrit la dernière ligne un tant soit peu correcte, et je n’arrive même pas à me rappeler quand la chose s’est produite. Je n’en ai aucun souvenir. (Il leva la tête vers moi, ses yeux troubles ourlés de larmes.) Je ne me souviens pas quand cela s’est produit, j’ignore où ça a disparu. »

« − Le grand rêve américain, l’interrompis-je. Paye tes études avec l’argent du crime. »

« − Vous voulez de la pitié à deux balles, mon vieux, ou bien de l’efficacité à cent dollars par jour ?
− Des mots gentils à cinq ou six balles, ce serait possible ? demanda-t-il presque en souriant.
− L’Oncle Sam m’en a offert une grosse poignée, dis-je, mais je n’arrive jamais à les placer. »

« La guerre, c’était être capable de tuer sans flancher et de vivre sans flancher. (Il se tut un moment et jeta son arme sur un tas de feuilles volantes.) C’est comme ça que je vis depuis cette nuit-là, et c’est ça qui ne va pas. Si tu ne peux pas flancher, alors autant être mort. »

Avec lyrisme et désenchantement, entre roman noir et road-movie (et malgré des allusions aux références qui me sont obscures et doivent désespérer ses traducteurs), c’est plutôt une réussite du genre. On est dans l’"école du Montana", d’ailleurs le livre est dédié à Richard Hugo (et le titre tiré d’un des vers de ce dernier) ; la nature est bien là, ainsi que l’inévitable pêche à la truite (dans un épisode assez parodique), mais c’est un polar, une critique sociale, et surtout le portrait du haut en couleur et brutal vétéran du Vietnam hautement alcoolisé, indépendant et jusqu’au-boutiste (sans omettre un comportement problématique avec les femmes et les autorités, notamment judiciaires) – dans une figuration qui éclipse nombre d’autres de ce qui est devenu un poncif, souvent surfait.

\Mots-clés : #guerreduvietnam #polar
par Tristram
le Jeu 4 Aoû - 17:24
 
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Sujet: James Crumley
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Arnaldur Indridason

Les Roses de la Nuit

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Les_ro10

Une jeune junkie est retrouvée tuée sur la tombe de Jon Sigurdsson, « le héraut de l’Indépendance » à Reykjavík.
Le commissaire Erlendur fait preuve d’antiaméricanisme, ou plutôt d’une vive contrariété devant la profonde influence de la culture états-unienne sur l’islandaise (j’avoue être moi-même agacé par cette banale emprise culturelle) :
« Pour reprendre ces mots insupportables passés dans notre langue, il n’existe rien qui soit top ou in en Islande tant que ça n’a pas été transformé en machins plus ou moins amerloques. »

Nous partageons avec l’Islande, outre la spéculation immobilière et l’empire autodestructeur des drogues, l’accaparement des ressources agricoles et l’exode rural.
« …] les quotas de pêche ont été achetés par des gens venus d’ailleurs, la région se vide de ses habitants, tout le monde part à Reykjavík. »

Mais il y a plus exotique :
« Erlendur attendait avec impatience les frimas et la nuit presque éternelle de l’hiver qu’il préférait de loin aux jours sans fin de l’été. »

Cela m’a paru maladroitement écrit (et/ou traduit) par endroits, peut-être en contraste avec ma précédente lecture ; de plus j’ai été gêné par une certaine outrance caricaturale des caractères psychologiques, et de légères incohérences ; en fait, je n’ai sans doute pas été assez emporté par le récit pour lisser ces menus défauts. Il s’agirait d’un roman (le second de la série Commissaire Erlendur), traduit après les suivants, peut-être plus aboutis : je retenterai à l’occasion avec La cité des Jarres.

\Mots-clés : #polar
par Tristram
le Sam 30 Juil - 12:48
 
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Sujet: Arnaldur Indridason
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Craig Johnson

Enfants de poussière

Tag polar sur Des Choses à lire - Page 3 Enfant10

Toujours le cocktail d’Indiens, de souvenirs de la guerre du Vietnam en longs flash-backs, de meurtres récents dans le comté fictif d'Absaroka, Wyoming (avec un zeste basque, et bien sûr une large rasade de Longmire pur jus), et je n’en suis pas encore lassé.
Cette fois c’est respectivement un Cree colossal, Virgil White Buffalo, Bad War Honors, membre des Crooked Staff et des Crazy Dogs (sociétés de guerriers) ; Mai Kim, la « minuscule prostituée » du Boy-Howdy Beau-Coups Good Times Lounge à Tan Son Nhut en 1967, à laquelle Longmire appris l’américain ; Ho Thi Paquet est la (première) victime,
« …] une Amérasienne, une enfant de poussière : une de ces enfants de mère vietnamienne et de père américain. »

(Coïncidence, l’action se passe essentiellement dans les parages de la Powder River.)
Quant à Walt et son meilleur ami, Henry Standing Bear, dit l’Ours, ou la Nation Cheyenne, c’est toujours un grand plaisir de les fréquenter, ainsi que leurs proches.
L’enquête actuelle est en fait narrée en parallèle de la précédente, au Vietnam.
« Peut-être était-ce lié à l’endroit ; la jeunesse ne pouvait durer sans l’innocence. »

« Tu te préoccupes moins des vivants que des morts. »

« − Je me demande parfois si tu n’es pas en train d’essayer de résoudre du même coup deux mystères qui se sont produits à presque quarante ans d’intervalle. »

Des indications très précises renforcent l’impression de crédibilité dans le rendu de la guerre, du Vietnam, de l’histoire du Wyoming, des usages indiens.
« Les night-clubs à Hue ont des noms comme Apocalypse New et M16. »

Mais peut-être un peu trop de démesure dans l’action (violente) ?

\Mots-clés : #amérindiens #guerreduvietnam #polar
par Tristram
le Dim 29 Mai - 13:14
 
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Sujet: Craig Johnson
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