Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Sam 27 Avr - 22:58

22 résultats trouvés pour satirique

Philip Roth

Pastorale américaine

Tag satirique sur Des Choses à lire Image242

Le romancier Nathan Zuckerman, la soixantaine, est contacté par l’idole de son enfance à Newark, Seymour Levov, « le Suédois », une star sportive, un Juif comme lui et son aîné de quelques années. Seymour est l’image-même de la réussite états-unienne, familiale, sociale, professionnelle. À ce propos, il a repris l’entreprise de son père, et dit avoir dû délocaliser son usine à regret, après les émeutes raciales de Newark de 1967, à cause de la situation sociale (violence et insécurité), pour former une main-d’œuvre compétente à l’étranger (ce qui constitue la succession inverse des faits telle qu’elle est souvent présentée). Seymour est vu comme un brave, gentil conformiste, dans le prolongement de sa jeunesse de « héros de lycée », « notre Kennedy ». Mais Nathan doit revoir son jugement :
« Le fait est que comprendre les autres n’est pas la règle, dans la vie. L’histoire de la vie, c’est de se tromper sur leur compte, encore et encore, encore et toujours, avec acharnement et, après y avoir bien réfléchi, se tromper à nouveau. C’est même comme ça qu’on sait qu’on est vivant : on se trompe. »

Jerry, le frère de Seymour, apprend à Nathan que ce dernier vient de mourir d’un cancer, et surtout qu’il était dévasté par l’attentat à la bombe perpétré par sa fille de seize ans en 1968 contre la guerre au Vietnam.
« Or survient la fille perdue, la fille en cavale, cette Américaine de la quatrième génération censée reproduire en plus parfait encore l’image de son père, lui-même image du sien en plus parfait et ainsi de suite… survient la fille en colère, la malgracieuse, qui crache sur son monde et se fiche éperdument de prendre sa place dans la lignée Levov en pleine ascension sociale, sa fille, enfin, qui le débusque comme un fugitif, qui le pousse la première dans la transhumance d’une tout autre Amérique ; sa fille et ces années soixante qui font voler en éclats le type d’utopie qui lui est cher, à lui. Voilà la mort rouge qui contamine le château du Suédois, et personne n’en réchappe. Voilà sa fille qui l’exile de sa pastorale américaine tant désirée pour le précipiter dans un univers hostile qui en est le parfait contraire, dans la fureur, la violence, le désespoir d’un chaos infernal qui n’appartient qu’à l’Amérique. […]
Qui est fait pour la tragédie et la souffrance absurde ? Personne. La tragédie de l’homme qui n’était pas fait pour la tragédie, c’est la tragédie de tout homme. »

Meredith, dite Merry Levov, fait l’objet d’une « étiologie » (notamment psychiatrique) de son bégaiement de jeune adolescente révoltée qui se tourne vers l’extrémisme. Alors qu'elle est en cavale après l’attentat qu’elle a perpétré, Rita Cohen, qui s’avère être une terroriste communiste, prend contact avec Seymour.
Roth rend le calvaire de Seymour, lui si raisonnable, responsable.
« Telle est la vie extérieure, qu’il mène autant que faire se peut sans changement apparent. Mais elle se double d’une vie intérieure, d’une vie intérieure morbide, hantée par des obsessions tyranniques, des pulsions refoulées, des espoirs superstitieux, des imaginations effroyables, des conversations fantasmées, des questions insolubles. De nuit en nuit, insomnies, autopunition. Solitude colossale. […]
Et au quotidien rien à faire, sinon assumer cette imposture, continuer de vivre sous son identité, avec l’ignominie de se faire passer pour l’homme idéal. »

« S’il avait pu de nouveau fonctionner comme tout un chacun, redevenir tel qu’en lui-même, au lieu d’être ce charlatan à la sincérité schizophrène, lisse dehors, tourmenté dedans, stable aux yeux d’autrui, et pourtant le dos au mur en son for intérieur, puisque son personnage social détendu, souriant et factice servait de linceul au Suédois enterré vivant. S’il avait pu, si peu que ce fût, recouvrer son existence cohérente, indivise, qui lui avait donné son assurance physique, sa liberté d’allure avant d’engendrer une meurtrière présumée. »

Il décrit aussi la dépression de sa femme Dawn, une Irlandaise, ex-Miss New Jersey, musicienne, éleveuse de bétail, qui en est venue à le rendre responsable du drame ; il expose le métier de la ganterie transmis par son père à Seymour, ainsi que les valeurs de travail et d’excellence.
Puis Seymour retrouve Merry, devenue une adepte jaïn (« l’ahimsa, le respect systématique de la vie »), clandestine vivant dans des conditions sordides ; la terroriste a perdu son bégaiement, peut-être en se voilant pour ne pas tuer de petites vies. Fabricant des bombes, elle est la responsable directe de quatre morts (et a été victime de deux viols).
C’est tout le rêve américain fracassé qui est brossé, aboutissant dans la violence à une sorte de nihilisme dans un terrible conflit de génération.
« Trois générations. Toutes en ascension sociale. Le travail, l’épargne, la réussite. Trois générations en extase devant l’Amérique. Trois générations pour se fondre dans un peuple. Et maintenant, avec la quatrième, anéantissement des espoirs. Vandalisation totale de leur monde. »

« Il avait fait du mieux qu’un parent pouvait faire — il avait écouté tant et plus, alors même qu’il se retenait de toutes ses forces pour ne pas se lever de table et s’en aller en attendant qu’elle ait craché son venin. »

« Toujours dans la peau d’un personnage. Ce qui avait commencé de manière assez anodine du temps qu’elle jouait les Audrey Hepburn avait donc conduit en dix ans à ce mythe exotique de l’abnégation ? D’abord la niaise abnégation au nom du Peuple, maintenant la niaise abnégation de l’âme parachevée. Phase suivante, le crucifix de grand-mère Dwyer ? Est-ce qu’on allait revenir à l’abnégation suprême de l’éternelle chandelle et du Sacré-Cœur ? On était toujours dans l’irréalité grandiose, dans l’abstraction la plus lointaine — on ne s’occupait jamais de sa petite personne, alors là, jamais de la vie. Quelle imposture, quelle horreur inhumaine, cette abnégation ! »

« Tuer Conlon [le médecin victime collatérale de sa première bombe] n’avait fait que confirmer son ardeur de révolutionnaire idéaliste, qui n’hésitait pas à adopter les moyens, même impitoyables, de détruire un système injuste. »

Nombre de personnalités politiques états-uniennes sont évoquées, mais aussi Frantz Fanon, comme "influenceurs" de Merry. Jerry rabroue son frère à cause de son attitude envers le « monstre ». Puis Dawn décide de se refaire chirurgicalement une beauté, et de quitter la résidence rurale traditionnelle qui plaisait tant à Seymour (pleine de souvenirs) pour une maison lumineuse conçue par un architecte wasp (avec lequel elle trompe son mari – mais ce dernier a aussi fauté, avec Jessie, l’orthophoniste de Merry, qui accueillit celle-ci après son départ…). Cette confrontation avec ces amis, les Bill et Jessie Orcutt, les Barry et Marcia Umanoff, d’une certaine aristocratie ou élite intellectuelle établies, révèle (outre un fabuleux jeu de masques) un autre aspect social des États-Unis de la seconde moitié du XXe (et qui éclaire toujours la société contemporaine).
Des phrases comme celle-ci, en début de paragraphe, font d’avance sourire si on connaît un peu Roth :
« Au dîner la conversation roula sur le Watergate et sur Gorge profonde. »

Lou, le bavard père de Seymour, vieux has been, a des propos, certes décousus, mais pas forcément incohérents (il soutient aussi le fait que les délocalisations ont commencé avant les problèmes raciaux).
« C’est pas les syndicats à eux tout seuls qui nous ont cassés, cela dit. Les syndicats ont rien compris, mais certains industriels non plus. “Je veux pas payer ces fils de putes cinq cents de plus”, et le gars qui dit ça roule en Cadillac et passe l’hiver en Floride. Non, y a beaucoup d’industriels qui ont pas su réagir. Mais les syndicats n’ont jamais compris la concurrence d’outre-mer et, à mon avis, ils ont bel et bien accéléré la ruine de l’industrie du gant par leur intransigeance : on ne pouvait plus faire de bénéfices. »

Bill Orcutt :
« La permissivité. La perversion drapée dans les voiles de l’idéologie. La contestation perpétuelle. »

Roth évite de donner directement son avis en forçant le trait avec humour, en rapportant des points de vue erronés, des pensées attribuées à un personnage par le biais d’un autre (notamment son alter ego Zuckerman). Difficile de donner un résumé de ce livre sans être partial ; dans ce roman fouillé, qui compte près de 600 pages, Roth lance son lecteur sur de nombreuses pistes, le mène si bien qu’il le déroute souvent. Demeure cependant le constat d’un échec social, sociétal, voire civilisationnel d’une culture en pointe du monde occidental.
Au vu de son commentaire, ce n'est pas Topocl qui me contredira comme je recommande la lecture de ce livre.

\Mots-clés : #culpabilité #historique #humour #mondedutravail #politique #portrait #psychologique #relationenfantparent #satirique #social #solitude #terrorisme #xxesiecle
par Tristram
Aujourd'hui à 13:38
 
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Sujet: Philip Roth
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Jean Baret

Bonheur™

Tag satirique sur Des Choses à lire Bonheu10

Toshiba et Walmart (nommés d’après leurs sponsors) sont « chasseurs d’idées » dans la police au XXIIIe siècle. La consommation est obligatoire, et la publicité omniprésente, comme les IA, algorithmes et hologrammes.
« Toshiba entre dans sa Pontiac et roule vers la Zone Urbaine 1, traversant une forêt d’hologrammes publicitaires d’une densité qui l’étouffe. Il n’a jamais réalisé à quel point il est entouré d’hologrammes. Il y en a des grands, des petits, des bruyants, des silencieux, des colorés, des noir et blanc, des grotesques, des sérieux, des interactifs, des agressifs, il y en a au niveau du sol, sur les murs des tours, dans le ciel, en haut, en bas, sur les côtés, des mobiles qui suivent son véhicule, des fixes qu’il traverse comme des fantômes, des effrayants, des émouvants, des intriguants, et tous tentent d’attirer son attention, de capter son temps de cerveau disponible. »

« Les panneaux surplombant les façades des magasins ouverts jour et nuit clignotent agressivement pour attirer le chaland. Il y a des panneaux rédigés dans sa langue, mais aussi en mandarin, en arabe, en russe, en latin, en grec, en uzbek, en runes nordiques, en farsi, en hébreu, en sumérien, en puxian, et il se dit que la tour de Babel s’est effondrée et qu’ils vivent dans ses ruines. »

« – Ben, le fait que travailler est nécessaire pour qu’on ait un pouvoir d’achat suffisant, mais que travailler ne nous laisse pas assez de temps pour consommer !
– Ah… Ouais en effet… Tout est une question d’équilibre. Consommer, c’est aussi donner du travail aux autres. Te faire plaisir en t’achetant tout ce que tu veux, c’est la garantie d’un taux de chômage faible. »

« Tous s’accordent à dire que la pauvreté n’est pas une fatalité, ni un bug du système, mais, au contraire, fait partie dudit système, et que l’ingéniosité sans limite de l’économie permet d’envisager une infinité de moyens de monétiser cette couche de la population. »

La société est fort diversifiée (et à la limite monstrueuse).
« Il y en a des grands, des petits, des jeunes, des vieux, des transhumains, des furry [humains transformés en animaux], des punks, des goths, des grunges, des zazous, des dandys, des homosexuels, des bisexuels, des transexuels, des cyborgs, des hommes d’affaires, des directeurs d’entreprise, des employés, des putes, des gigolos [… »

Il y aussi les surhumains, les bioroïdes [« clones de génies des siècles passés ou de ceux qui sont modifiés génétiquement dès la naissance »], les mutants, les Moreau [« formes de vie animales ayant été élevées à un niveau de conscience humaine par des modifications génétiques et des prothèses cybernétiques », en référence au roman de H. G. Wells], etc. L’emploi fréquent de listes accumulatives rend habilement compte de la pluralité des modes d’identités, mais aussi de la saturation émotive due à la pub et aux informations incessantes qui captent tout le temps de cerveau disponible. Cette société est encore noyée dans la routine (rendue par les répétitions dans l’emploi du temps quotidien des personnages) du travail productif et des loisirs (surtout des achats aussi pulsionnels qu’obligatoires), se conformant sans cesse aux injonctions au bonheur individuel, qui est considéré comme un droit.
Toshiba a un robot pour épouse (ou plutôt esclave, surtout sexuel).
« Il finit le questionnaire en se couchant. Il prend ses antidépresseurs, mais se sent déjà soulagé à l’idée que, dès demain, Silvia [son nouvel algorithme de gestion de vie] prendra le relais et répondra à tous les messages en souffrance [sur FaceHub]. Hal-Bert [son assistant personnel] est chargé de surveiller les messages entrants pour le prévenir directement en cas d’urgence extrême.
Il fait brutalement l’amour à sa femme, achète quelques produits, et se dit que Silvia pourrait aussi être programmée pour faire des achats à sa place, ce qui lui éviterait cette corvée. Il a envie de pleurer sans savoir pourquoi. Ses amis — ou peut-être les assistants personnels de ses amis — ne sauront jamais que ce n’est pas lui qui répond. Sa vie sociale va s’enrichir, elle va même, pour ainsi dire, se poursuivre sans lui, il pourrait bien ne plus jamais revoir personne sans que cela n’ait de conséquences pour les gens qui l’aiment. Alors, pourquoi pleurer ?
Son épouse tente de le réconforter, mais il préfère la gifler pour se soulager. Il la frappe sans retenue. Elle crie, mais ce soir il n’est pas d’humeur, alors il s’interrompt, la reprogramme rapidement pour qu’elle se taise, et reprend son tabassage en règle jusqu’à l’épuisement. Il s’endort dans ses bras, tandis que le visage en plastique de son épouse reprend lentement sa forme d’origine. »

Tout est monétisé : par exemple, Toshiba parie sur les résultats des conflits armés ; mais le spree killing (tuerie à la chaîne) est difficile à rentabiliser :
« Tandis que Minute Girl [présentatrice du talk show permanent dans les ascenseurs, où s’expriment des experts aux avis contradictoires] recueille les propos tout aussi décousus d’un copain de lycée du tueur, un spécialiste reconnaît que ces tueries adolescentes posent un vrai problème social, dans la mesure où personne n’a réussi à trouver comment monétiser ce mouvement. Il se félicite de ce que, heureusement, les paris, qui sont depuis longtemps libéralisés, permettent au moins aux citoyens de faire circuler quelques crédits en misant sur le nombre de victimes de la prochaine tuerie, le lieu où elle se déroulera, le profil du tueur, etc… Mais ça n’est pas suffisant. »

La violence est prégnante dans ce que l’"information" en continu présente, mais aussi dans la vie courante.
« Avec son bol d’insectes Weetabix, il [Toshiba] avale des antidépresseurs, des nooleptiques, des thymoleptiques, des régulateurs de l’humeur, des sédatifs, des antiépileptiques, des psychoanaleptiques, des nooanaleptiques, des thymoanaleptiques, de la dopamine, de la sérotonine, de l’endorphine, de l’ocytocine, de l’œstrogène et de la progestérone. »

Toshiba décède discrètement d’une surdose médicamenteuse, et est remplacé par un autre Toshiba.
Walmart est un surhumain bodybuilder qui s’administre quantité de pilules et d’injections pour doper son organisme (et aussi beaucoup d’alcool). Son enquête sur un Netrunner aboutit à un hub révolutionnaire où circulent des réflexions du philosophe Dany-Robert Dufour (ou plutôt sa pensée synthétisée par un émulateur), qui dénonce la nouvelle religion du Marché néolibéral.
« Les Netrunners vivent dans une surcouche sociétale dénommée Noosphère. Cette dernière est un agglomérat gigantesque d’open worlds persistants thématiques dans lesquels les Netrunners se retrouvent. […]
Ils se prétendent l’avenir de la société et considèrent les flatscans [terme péjoratif qui désigne chez les Netrunners tous ceux qui n’en sont pas] comme des reliques archaïques de l’ancien monde, celui des néotènes [ceux « à qui il manque quelque chose à la naissance »], celui où le corps, même sublimé par la technologie, est toujours une insupportable limitation à la toute-puissance de la volonté humaine. »

« Aujourd’hui, nous ne pensons plus, nous dépensons. Or, l’accroissement infini des services et des biens permis par les sciences a fini par rencontrer la finitude du monde, ce qui pose la question de la fin du monde. »

Dany-Robert Dufour vante dans une postface la « transposition visuelle » de ses thèses par Jean Baret (qui se revendique du « courant de l’anticipation sociale dont les deux maîtres étaient les Américains Brett Easton Ellis et Chuck Palahniuk, auteurs de dystopies contemporaines ou futures marquantes »). Il explicite aussi la notion de pléonexie, « (du grec pleon « plus » et de echein « avoir »), qui signifie le fait d’avoir plus, de vouloir-avoir-toujours-plus, et qui est victime dans notre civilisation d’húbris, c’est-à-dire de démesure.
« Puisque Bonheur™ nous fait passer à l’autre bout de l’histoire occidentale, à la flèche du temps, comme dit Jean Baret, où l’on s’est affranchis de cette prohibition, on y sent une lourde menace peser partout. Celle du châtiment, à la fois imminent et constamment différé, qui attend ces êtres post-beckettiens, libres et abandonnés de Dieu, en somme laissés à eux-mêmes et sans limite — nous —, essayant sans cesse, grâce aux technologies d’« augmentation » promises par les prothèses numériques, génétiques et chimiques, de sortir de leur condition d’homme, de femme, de mortel, d’assigné à résidence dans le temps et l’espace… »

J’ai aussi pensé à Aldous Huxley, George Orwell, Ray Bradbury, Margaret Atwood et Philip K. Dick à la lecture de ce roman d'anticipation dystopique, à l’inventivité singulière et à l’écriture congrue, qui pousse à son extrême le libéralisme de notre modèle socio-économique actuel.

\Mots-clés : #identite #romananticipation #satirique #social
par Tristram
le Mar 12 Sep - 11:19
 
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Sujet: Jean Baret
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T.C Boyle

Tag satirique sur Des Choses à lire CVT_Aux-bons-soins-du-docteur-Kellogg_1002

"Nous sommes en 1907, et la ville-champignon de Battle Creek attire une impressionnante armada de visiteurs riches, incroyablement riches, charlatans et autres adeptes de l'abus de confiance, simples célébrités venues de Californie, de Chicago, de New York et même d'Europe. Ce qui les pousse à y venir ? Troquer leurs filets de bœuf, huîtres, martinis et champagnes pour un régime de son, de yaourts et une cure de cinq lavements par jour selon les prescriptions du docteur J.H. Kellogg, l'inventeur du corn-flake, du beurre de cacahuètes et des succédanés de café qui ont d'ores et déjà gâché tant de petits matins radieux. L'infortuné héros de cette aventure est Will Lightbody, un homme affligé de maux d'estomac non diagnostiqués et dont la seule faiblesse est de trop aimer sa femme. Eleanor est, en effet, malgré sa situation sociale, son intelligence et sa beauté, une fanatique de la forme, et lorsqu'elle décide de se rendre au « Temple de la diététique » du docteur Kellogg pour se livrer corps et âme au culte végétarien, le pauvre Will ne peut que faire de même.

Aux bons soins du docteur Kellogg est le chef-d'œuvre d'humour de T.C. Boyle, d'une diabolique modernité. Une des gloires de la littérature contemporaine américaine. »


Source Babelio

Un bon résumé :

"Le docteur John Harvey Kellogg, adepte forcené du végétarisme et des lavements intestinaux, a ouvert un hôpital surnommé le San où se presse toute la bonne et riche société américaine. Les patients se plient aux menus à base d'algues, de yaourts, de son et de succédanés protéiniques, aux exercices de respirations approfondies et à la vibrothérapie sans broncher.


Arrivent Wull et Eleanor Lightbody, la première ayant déjà suivi des cures au sanatorium est profondément convaincue que le bon docteur saura la guérir de sa neurasthénie. Quant à Will, il souffre de maux d'estomac et d'une propension à l'alcool dont sa femme espère bien qu'il va guérir, alors que lui est plus que méfiant. Dans la même ville, surfant sur la vague diététique, un certain Charlie Ossining tente de monter une usine à produits pour petits-déjeuners, à coup de bluff et d'arnaques…

Ce tout jeune vingtième siècle découvre l'alimentation saine, végétarienne et naturelle, et les bienfaits d'une vie qui exclut tout excès, interdit la consommation de toute viande, d'alcool et même, pour les patients du San, toute pratique sexuelle. le docteur Kellogg est prêt à tout pour faire passer son message et à séduire son public, quitte à comparer un steak bien saignant à un étron, ou à présenter une louve devenue végétarienne à coup de punition. Il est si convaincu qu'il en devient convaincant, et jette les premiers principes d'une alimentation diététique qui fera ensuite école et de nombreux émules. Quant au pauvre Will, on suit ses mésaventures avec amusement et effarement quand il se voit infliger des lavements bi quotidiens, des séances de bains sinusoïdaux – au cours de l'une d'entre elles, un des patients est électrocuté -, des siestes dans le parc en plein hiver, tandis que sa femme découvre les plaisirs du naturisme et des massages de la matrice. Autre mésaventure, celle de Charlie, qui ne trouve rien de mieux que de s'acoquiner avec George, le fils renégat du docteur, une sorte de vagabond puant et haineux, et de se faire avoir par un associé qui dépense tout l'argent que Charlie a pu extorquer à sa tante. "


Petit extrait :

Ah oui...oui, oui, murmura le Dr Kellogg en pivotant à nouveau sur lui-même. Pour les trois premiers jours, nous allons commencer par vous mettre à l'hijiki et aux graines de psyllium. Ce psyllium, que vous prendrez comme un médicament...et je vous parle d"ordonnance, monsieur, et suis au regret de vous annoncer que je ne saurais vous permettre le moindre écart là-dessus et donc, on ne fait pas le petit sot avec les diététiciennes de la salle à manger....ce psylium donc, est hygroscopique, ce qui veut dire qu'il absorbe l'eau et se dilate dans l'estomac, où il nettoie tout aussi sûrement qu'une petite armée de concierges équipés de minuscules brosses à récurer. Même chose pour l'hijiki, qui est une algue marine japonaise que m'a fait découvrir le Dr Tomoda, de l'Ecole Impériale de Médecine de Tokyo. Parfaitement indigeste. Ce serait comme manger un balai...à ceci près que ce balai vous décrassera entièrement, monsieur Lightbody, entièrement. Après quoi, nous vous mettrons au régime lait.

Will se sentait perdu. Du yaourt, du lait et des algues ? Et la nourriture, là-dedans ?

Hilarant est le mot juste pour ce roman étonnamment visionnaire (paru en 1993). Le mouvement Vegan n'était pas encore né, le végétarisme peu répandu.....

Entre le fanatique Dr Kellogg , l'escroc Charlie et son complice, le malheureux Will prêt à tout pour plaire à sa séductrice de femme, Eleanor, même à se faire couper un bout d'intestin, se nourrir de plusieurs litres de lait au quotidien, se soumettre aux différents traitements destinés à recouvrer la santé, et George,  le fils adoptif du Dr Kellogg (ce dernier farouchement opposé à tout rapport sexuel délétère) prêt à tout pour lui nuire.... ah on ne s'ennuie pas une seconde !

Petit bémol, le style, pas génial, mais peut-être est-ce la traduction qui en est la cause..il y a certaines tournures de phrases vraiment lourdingues.......

Voilà, en tout cas, je recommande ce livre, désopilant. J'ai beaucoup aimé Tag satirique sur Des Choses à lire 1390083676


\Mots-clés : #satirique
par simla
le Mer 26 Juil - 7:52
 
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Sujet: T.C Boyle
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Ernest Chouinard

Ernest Chouinard
(1856 – 1924)

Ecrivain québecois.


Je n'ai pas trouvé plus malheureusement.


Tag satirique sur Des Choses à lire Image45

L'arriviste (1919)

Un court roman qui pourrait commencer comme un Grand Meaulnes avec plus d'intérêt avec les années de lycée de deux camarades que tout pourrait opposer si n'était leur amitié. Un campagnard besogneux et un citadin argenté prêts à se lancer dans la vie. Leurs débuts se feront d'ailleurs dans la même étude.

Des deux c'est surtout "l'arriviste" qui nous intéresse. Les études laissant à la place à la politique on le verra se laisser aller et chercher à aller plus loin. Partie pas inintéressante mais moins séduisante que les années de jeunesse. La fin qui nous ramène à une intégrité plus contemplative, aux accents moralistes, ne manque pas de charme non plus.

Une étude psychologique satirique légèrement dépaysante qui en parlant de presse et de pouvoir fait penser que certaines choses ne changent pas !




Mots-clés : #politique #portrait #québec #satirique
par animal
le Dim 18 Déc - 18:46
 
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Edwin Abbott Abbott

Flatland

Tag satirique sur Des Choses à lire Flatla10

Dans ce monde à deux dimensions, toutes les figures géométriques se résument "de profil" à une ligne. Les habitants (à part les femmes qui ne sont que des « Lignes Droites ») sont des figures qui s’hiérarchisent des anguleux triangles irréguliers au cercle en passant par les polygones.
« Si les Triangles extrêmement pointus de nos Soldats sont redoutables, on n'aura aucune peine à en déduire que nos Femmes sont plus terribles encore. Car si le Soldat est un coin à fendre, la Femme étant, pour ainsi dire, toute en pointe, du moins aux deux extrémités, est un aiguillon. Ajoutez à cela le pouvoir de se rendre pratiquement invisible à volonté, et vous en conclurez qu'à Flatland une Femelle est une créature avec laquelle il ne fait pas bon plaisanter. »

« Dans certains États, une Loi complémentaire interdit aux Femmes, sous peine de mort, de se tenir ou de marcher dans un lieu public sans remuer constamment de droite à gauche la partie postérieure de leur individu afin d'avertir de leur présence ceux qui se trouvent derrière elles ; d'autres obligent les Femmes, quand elles voyagent, à se faire suivre d'un de leurs fils, d'un domestique ou de leur mari ; d'autres encore leur imposent une réclusion totale à l'intérieur de leur foyer, sauf à l'occasion des fêtes religieuses. »

« Il ne faut donc évidemment pas irriter une Femme tant qu'elle est en état de se retourner. Quand on la tient dans ses appartements, qui sont conçus de façon à lui ôter cette faculté, on peut dire et faire ce qu'on veut ; car elle est alors réduite à une totale impuissance et ne se rappellera plus dans quelques minutes l'incident au sujet duquel elle vous menace actuellement de mort, ni les promesses que vous aurez peut-être jugé nécessaire de lui faire pour apaiser sa furie. »

« Au moins pouvons-nous, cependant, admirer cette sage disposition qui, en interdisant tout espoir aux Femmes, les a également privées de mémoire pour se rappeler et de pensée pour prévoir les chagrins et les humiliations qui sont à la fois une nécessité de leur existence et la base de notre constitution à Flatland. »

Si la femme est l’être au bas de l’échelle, elle est suivie par le soldat.
« …] et un grand nombre d'entre eux, n'ayant même pas assez d'intelligence pour être employés à faire la guerre, sont consacrés par les États au service de l'éducation. »

Les classes inférieures se reconnaissent par le « Toucher » des angles, les supérieures par « l'art de la Connaissance Visuelle », une subtile reconnaissance des variations d’ombre et de lumière ; « L'Irrégularité de Figure » est anormale, et les déviants qui ne peuvent être soignés sont généralement exterminés, quoiqu’elle suscite parfois le génie.
Le narrateur, un Carré, nous raconte comment eut lieu une « Sédition Chromatique » ou révolte des Couleurs, au cours de laquelle les classes inférieures tentèrent d’imposer une coloration des individus selon leur forme, puis nous entretient des « Cercles ou Prêtres » qui les dirigent selon la doctrine que « quelque déviation par rapport à la Régularité parfaite » est déficiente ou faute, basée sur le principe « la Configuration fait l'homme ».
« …] ne faisant rien eux-mêmes, ils sont la Cause de tout ce qui vaut la peine d'être fait et qui est fait par les autres. »

Dans la seconde partie, Autres mondes, il rêve de « Lineland, le Pays de la Ligne », « les Petites Lignes étant des Hommes et les Points des Femmes » ; la reproduction y est assurée par le biais de l’ouïe, grâce aux voix, celle de la bouche et celle de derrière.
« Hors de son Monde, ou de sa Ligne, tout se réduisait à un vide absolu ; non pas même à un vide, car le vide sous-entend l'Espace ; disons plutôt que rien n'existait. »

Puis il reçoit la visite d’un Étranger de l’Espace, c'est-à-dire du Pays des Trois Dimensions, qui met le doigt sur le paradoxe de Flatland :
« Mais le fait même qu'une Ligne soit visible implique qu'elle possède encore une autre Dimension ? »

C’est une Sphère, un solide, qui tente de lui expliquer, puis l’emmène dans Spaceland – où, à peine rencontré un Cube, le Carré s’enquiert de la Quatrième Dimension…
Il découvre aussi « Pointland, le Pays du Point où il n'y a pas du tout de Dimensions », où le seul résident jouit comme un Dieu « dans l'ignorance de son omniprésence et de son omniscience ».
Puis, emprisonné pour avoir voulu répandre l’Évangile de la Troisième Dimension en Flatland, il rédige ce récit.

\Mots-clés : #absurde #lieu #politique #religion #satirique #science #social
par Tristram
le Jeu 17 Nov - 11:30
 
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Sujet: Edwin Abbott Abbott
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Vues: 283

Guillaume Chérel

Guillaume Chérel
Né en 1964

Tag satirique sur Des Choses à lire Chzore10

Guillaume Chérel est né à Paris en 1964. Il est écrivain et journaliste français, auteur de romans, de polars, d'essais, de récits de voyage et de livres pour enfants.

Il a passé son enfance à Bagnolet et à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, au sein d'une famille de culture communiste, tendance Pif Gadget, ex-ORTF et SFP.
Après des études rapidement achevées, ayant abandonné tout espoir de devenir footballeur professionnel, il se lance dans une vie active tumultueuse et marquée par l'éclectisme. Journaliste - d'abord dans le sport puis la critique littéraire, il a été assistant-réalisateur et car-sitter à New-York. L'écriture lui apparaît alors comme le meilleur moyen de s'offrir une vie libre et aventureuse. Il parcourt le monde, des Comores en Chine, en passant par le Maghreb et l'Afrique francophone.

En 1986, Guillaume Cherel abandonne ses études de Lettres à la Sorbonne puis fait ses premiers pas en tant que journaliste dans les pages "sports" de l'Humanité. Il travaillera ensuite pour Révolution, Regards, Politis, Technikart, VSD, et deviendra critique littéraire pour Le Point et et l'Humanité. Installé dans un village près de Toulouse en 2002, il est retourné à Paris en 2009. Lancé grâce à la série du Poulpe, dont il écrit le n° 71, "Tropique du Grand Cerf", en 1996, Guillaume Cherel obtient à deux reprises la bourse Stendhal-Cultures France : en 2004 pour "Les Pères de famille ne portent pas de robe", paru chez Julliard, et en 2008 pour "Sur la route again" (paru chez Transboréal en 2013). Ses nombreux ouvrages publiés ayant connu un succès critique mais ne suffisant pas à assurer l'ordinaire, Guillaume Cherel continue de piger à droite et à gauche, à VSD ainsi que sur le site culturel La Grande Parade.

Indépendant en tant que journaliste, il conserve cette autonomie d'esprit pour affirmer, au fil de ses romans, un ton à part et des idées décalées. Des banlieues de son enfance jusqu'aux États-Unis période Obama, il livre son regard personnel sur un monde en profonde mutation.


source : Babelio

son site : https://www.guillaume-cherel.fr/

Bibliographie

Romans

Série Zarma le Zarbi
Zarma le Zarbi, Fleuve, 1998
Les Enfants rouges, Flammarion, 2001
Prends ça dans ta gueule !, Rocher, 2006
Autres romans

Tropique du Grand Cerf, La Baleine, 1998
Les pères de famille ne portent pas de robe, Julliard, 2004
Les hommes sont des maîtresses comme les autres, Plon, 2013 (Pocket 2015)
Un bon écrivain est un écrivain mort, Mirobole, 2016
Cadavres, Vautours et Poulet au citron Michel Lafon 2018
Littérature pour la jeunesse

Sur la piste de Liza, Thierry Magnier, 2000
La Fille aux cheveux roses, Syros Jeunesse, collection Souris noire, 2004
Biographies et récits de voyage
Hemingway : l'écrivain et son île, Le Castor Astral, collection Tombeau, 1998
Jack London, le mangeur de vent, Flammarion, 2000 - E. Fractions, 2014
Sur la route again : aux États-Unis avec Kerouac, Transboréal, 2013
Essai

Le Fils caché de Trotsky, Christine Derey, 2002
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Tag satirique sur Des Choses à lire 518gLU9hXCL._SX210_

Ils sont venus, ils sont tous là, les dix écrivains people conviés pour deux jours dans un ancien monastère perché dans le Mercantour : Frédéric Belvédère, Michel Ouzbek, Amélie Latombe, Delphine Végane, David Mikonos, Kathy Podcol, Tatiana de Roseray, Christine Légo, Jean de Moisson et Yann Moite.

Au programme de ce vendredi soir : un débat littéraire animé par Augustin Traquenard et une séance de dédicaces pour les gens du coin.
Chacun des auteurs a reçu une missive personnalisée, signée d'un certain Un Cognito, mystérieux milliardaire. Impossible de refuser une invitation pareille, l'hôte a su les prendre par les sentiments, en flattant leur ego : facile !

Amusant ce bouquin, évidemment un clin d'oeil à Agatha Christie et son roman : les dix petits nègres....


Ne vous attendez pas à un polar classique.....l'intrigue n'a au final pas trop d 'intérêt. Par contre côté délire, échanges entre ces écrivains,  dans ce huit-clos,  savoureux, jubilatoires... Il s'agit plutôt de portraits assez sarcastiques (bien que Chérel s'en défende) de quelques uns de nos auteurs connus...qui font la rentrée des prix littéraires et le tour des plateaux tv...des magazines , à la parution d 'un de leurs romans. Bref, des écrivains très médiatiques et qui vendent beaucoup....ce qui a l'air d'être une qualité indispensable mais je ne sais si ça en fait de bons écrivains.... Wink

Je me suis bien amusée à la lecture de ce "polar" déjanté....

Alors, quelques portraits....vous aurez sans doute reconnu les véritables noms !


Belvédère :

C'est le 22 septembre 1978 exactement, sur les coups de vingt-deux heures trente, juste avant le film au rectangle blanc, que Frédéric Belvédère avait eu la vocation. Il serait écrivain-qui-passe-à-la-télé. Il serait télécrivain.

N'étant pas américain ni mort, donc, il ne lui restait plus qu'à écrire des romans français d'actualité. Spirituels (dont'forget !) de préférence, c'est-à-dire nombrilistes et désenchantés. "


Le délicatessen de Mikonos

Jaugeant d'un coup d'oeil la plastique avenante d'une voyageuse en train de se remaquiller, David Mikonos s'amusa à penser : "Si dans la minute qui vient elle sort de son sac un de mes livres, je l'épouse" . Comme Belvédère, Mikonos aimait s'auto-citer ( car cette phrase figurait, à peu de chose près, dans son premier best-seller".


L'égo de Christine

"Récemment, elle avait trouvé le moyen de susciter la polémique, donc de créer le buzz, en accusant un petit éditeur de publier des textes à caractère pédophile. Ce qui était parfaitement inexact. Elle n'avait même pas vérifié ses affirmations, sachant bien que l'important était de tenir la scène par des coups médiatiques, de créer un rapport de force en imposant sa voix."


Yann Moite

Yann Moite venait de publier 1 000 pages sur sa propre mort. Mille pages de pas grand chose sur pas grand chose, donc, mais mille pages tout de même, quel exploit ! Mille pages publiées chez un éditeur qui avait pignon sur rue. Mille pages qui lui avaient servi à régler ses comptes avec son père. Des histoires de mort qu'on a devant soi, tandis qu'on aurait sa naissance derrière soi. Ça n'avait pas beaucoup de sens mais qui s'en souciait ?


Michel Ouzbek

"Tout est bon dans le bobo.

Leur look de hipsters parisiens horripilait Ouzbek. Sur le look, il n'avait de leçons à donner à personne. Lui ne s'habillait pas avec des vêtements. Il se recouvrait de tissus pour ne pas avoir froid.
S'agissant de son enveloppe corporelle, seules ses dents lui importaient. Son nouveau dentier le gênait. Ca lui faisait un point commun avec Jean de Moisson.
C'était bien le seul : contrairement à ce dernier, plus il vieillissait, plus il se sentait devenir agressif. La morale, c'était mal. Le cynisme, c'était in. Il excécrait la bien-pensance des post-gauchos. La bonne conscience des intellos guévaristes. Lui faisait partie de l'élite. Il jugeait de haut. Se disait spinoziste puis disciple de Schopenhauer. A qui ça faisait deux belles jambes."



J'ai pas mal ri en lisant ces portraits...et Guillaume Chérel a beau affirmer : " Toute ressemblance avec des "zécrivains" connus, bien d' chez nous, n'est surtout pas une coïncidence. Qui aime bien, charrie bien....J'en ai cotoyés certains de près et qu'ils soient assurés - si d'aucun(e) en prenait ombrage - que c'est bien une sorte d'hommage que je rends ici. "

Euh....je ne pense pas que François Brummel (alias Busnel l'ait invité dans son émission, d'autant qu'il évoque ses liens avec Delphine Végane (!) celle qui est la plus épargnée néanmoins Surprised


\Mots-clés : #polar #satirique
par simla
le Sam 9 Avr - 2:02
 
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Thomas Gunzig

Le sang des bêtes

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Roman qui questionne selon une tradition existentialiste la place de l'individu dans le monde, dans la société mais aussi dans L Histoire avec comme prisme d'analyse un personnage qui à l'ère écologique est une vache mais qui remplace l'homme naturellement sauvage de Rousseau et qui renvoie d'une certaine façon les interrogations que se posent les personnages de manière brute et sans déterminisme.
Un ouvrage assez contemporain qui substitue à la condition de l'homme moderne, la condition de l'anima présent.
C'est très perspicace, intéressant et nous invite à une grande humilité.


\Mots-clés : #famille #satirique #social
par Hanta
le Mar 22 Mar - 11:32
 
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Evgueni Zamiatine

Nous

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J’ai commencé dans la version Gallimard, Nous autres, et suis passé à celle d’Actes Sud quand j’ai réalisé que la première aurait été traduite du russe… à partir d'une traduction anglaise !
Il s’agit d’un roman de science-fiction, et même d’une dystopie, description d’un État totalitaire, et satire du régime soviétique. Il annonce Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de George Orwell et Un bonheur insoutenable d'Ira Levin.
Quarante notes rédigées par D-503, qui ne pense qu’en mathématicien rationaliste, dans un futur éloigné ; il se présente comme le Constructeur de l’Intégrale, un vaisseau spatial destiné à imposer dans le monde extraterrestre les valeurs de sa société de contrôle des personnes – une colonisation rhétorique dans un premier temps de propagande.
« Vous êtes destinés à soumettre au joug bienfaisant de la raison des êtres inconnus qui habitent d’autres planètes et sont peut-être encore en état de liberté primitive. S’ils refusent de comprendre que nous leur apportons un bonheur mathématiquement exact, notre devoir sera de les obliger à être heureux. Mais avant de recourir aux armes, nous essayons la parole.
Au nom du Bienfaiteur, à tous les Numéros de l’État Unitaire nous déclarons :
Que tous ceux qui s’en sentent capables composent des traités, des poèmes, des manifestes, des odes ou autres œuvres célébrant la beauté et la grandeur de l’État Unitaire. »

Les personnes sont devenues des numéros, désignées par un nombre matricule (une lettre et deux à quatre chiffres) marqués sur la plaque dorée qu’ils portent sur leur Tenue bleue ; ces dénominations chiffrées auraient été inspirées à Zamiatine par les numéros des pièces détachées du brise-glace Alexandre Nevski, dont il avait assuré le suivi du chantier lors de sa construction dans un chantier naval anglais pour le compte de la Russie. Et effectivement, les personnages sont les composants d’une grande machine au « rythme d’acier », « la victoire de “nous” sur “je”, du TOUT sur le UN… »
« Cela donne du courage : se voir comme la partie d’un tout énorme, puissant, unitaire. »

« Nous avançons – un seul corps à un million de têtes, et en chacun d’entre nous règne cette humble joie qui sans doute est celle des molécules, des atomes, des globules. Dans le monde ancien, seuls les chrétiens – nos seuls prédécesseurs (bien que fort imparfaits) – l’avaient compris : l’humilité est la vertu – l’orgueil est le mal ; “NOUS” vient de Dieu, “MOI” – du diable. »

À partie de l’image des « machines-outils : yeux fermés, oublieuses de tout, tournaient les boules des régulateurs », la métaphore des « boules rondes et lisses des têtes » court tout au long du roman.
Les Numéros vivent dans de transparentes cités de verre cernées par la Muraille verte de la nature sauvage, dont ne parviennent que les pollens sucrés du désir.
« L’homme a quitté l’état de bête sauvage quand il a construit le premier mur. »

Depuis longtemps toute propriété privée leur est interdite, y compris leur identité, et même l’organisation de leurs activités, régies dans les « Tables du Temps » d’un taylorisme généralisé : leur liberté est ouvertement supprimée, au profit d’un prétendu bonheur. Ainsi D-503 dispose d’un peu d’intimité prévue par ce planning avec O-90, sa partenaire sexuelle, « rose et ronde », qu’il partage (triangle) avec R-13, le poète aux « lèvres épaisses, africaines » (lui a des mains velues, « simiesques », dont il a honte) ; contrairement à lui, R aime plaisanter.
« Les plaisanteries ont toujours comme ressort secret le mensonge. »

Le régime est autoritaire, dans la main de pierre du Bienfaiteur secondé par la cohorte des Gardiens : les criminels sont éliminés lors de fêtes liturgiques, sous le verdict des « Poètes officiels ». Le « Jour de l’Unanimité », c’est celui des élections, ou plutôt celui de la réélection ! Les « membranes de rue » enregistrent les conversations pour le Bureau des Gardiens…
« Le seul moyen de libérer l’homme du crime, c’est de le priver de liberté. »

D-503 rencontre une inconnue (donc marquée d’un X !) : l’inquiétante I-330, qui le séduit, et se révèle être dissidente.
Et D-503, cette belle mécanique de logique euclidienne obéissant aux règles arithmétiques, dysfonctionne ; lui qui affiche un idéal de clarté se croit malade, anormal, a même un rêve, il commence à avoir de l’imagination, voire une âme − et son style est de plus en plus éclaté, décousu, embrouillé, délirant, riche en images et métaphores.
Les portraits sont caricaturaux et comiques, comme celui de S-4711 le Gardien, caractérisé par des yeux comme des forets, « des ailes-oreilles roses déployées », et « la courbe d’une nuque fléchie – un dos voûté – arc double – la lettre S. »
C’est une belle découverte que celle de ce livre, peut-être plus encore pour l’écriture, la construction de Zamiatine que pour son regard sur l’URSS obscurantiste et rigide, "fonctionnaire", en construction sous Lénine (parution en 1920). Zamiatine s’attache aux personnages, joue avec les mots et les couleurs : il m’a aussi ramentu Boulgakov.
« L’homme – c’est un roman : avant d’avoir lu la dernière page, on ne sait pas comment cela finira… Sinon à quoi bon lire… »


\Mots-clés : #regimeautoritaire #revolution #satirique #sciencefiction
par Tristram
le Lun 6 Déc - 12:25
 
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Sujet: Evgueni Zamiatine
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Graham Greene

Notre agent à La Havane

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Wormold, un Anglais qui tente de vendre des aspirateurs à La Havane, est recruté de façon burlesque par les services secrets de son pays. Il invente des informations et recrute des agents fictifs, dont il touche les émoluments. Mais les personnages qu’il a imaginés semblent prendre vie… pour être éliminés !
Son ami le vieux docteur Hasselbacher, sa fille Milly, sa "secrétaire" Béatrice Severn, le capitaine Segura (le « Vautour Rouge »), autant de personnes de son entourage qui participeront de près ou de loin aux imbroglios qui caractérisent cette dérisoire satire.
« Vous devriez rêver davantage, Mr. Wormold. Au siècle où nous vivons, la réalité n’est pas une chose à regarder en face. »

« Ils avancèrent à tâtons dans la pénombre du bar au Séville-Biltmore. Ils avaient vaguement conscience de la présence d’autres buveurs, assis et recroquevillés dans le silence et l’obscurité comme des parachutistes attendant sans joie le signal de sauter dans le vide. »


\Mots-clés : #espionnage #humour #satirique
par Tristram
le Mar 14 Sep - 19:56
 
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Sujet: Graham Greene
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Wou King-Tseu (Wu Jingzi)

Chronique indiscrète des mandarins

Tag satirique sur Des Choses à lire Produc20

Il y a bien quelque chose d'excessif dans cette Chronique indiscrète des mandarins. Sa complexité d'abord, reflétant l'organisation d'une société que, plusieurs siècles durant, on a tenté de conformer à l'héritage confucianiste. C'est une enfilade de nœuds, dont on ne vient à bout qu'avec beaucoup de patience, qui structure la Chronique et qui explique aussi sa difficulté. Schématiquement, le chapitre qu'on lit introduit toujours le personnage du suivant, on comprend ainsi quel système lie et enchaîne ces personnages entre eux : des usages et des traditions qui consacrent le droit d'aîné, hiérarchisation de tous les citoyens en fonction de leurs résultats aux examens impériaux, censés sanctionner le mérite moral et intellectuel. La patience du lecteur est récompensée lorsque Wou King-Tseu lui révèle combien la grossièreté et la tyrannie sont sous-jacente dans ce système, combien ces personnages écornent la férule sous laquelle ils vivent tout en proclamant l'excellence de ce même système, à l'appui d'un enseignement et d'une culture qu'ils comprennent mal (les personnages ne s'accordent pas tous sur une vision de ce système, loin s'en faut !).

C'est peut-être une erreur de ma part d'avoir enchaîné les deux volumes de Chronique indiscrète des mandarins l'un à la suite de l'autre. J'ai hésité et cédé, pris par le goût que j'avais de cette succession d'épisodes indépendants entre eux, ou du moins, dont l'interdépendance était plus ou moins relâchée... c'est beaucoup moins vrai dans la deuxième moitié, où la cohérence du récit est bien réelle faute de pouvoir être comprise de bout en bout par un lecteur déjà épuisé, préférant l'enfilade à l'enchaînement. À l'égard de cette société si corrompu, Wou King-Tseu a somme toute donné le ton dès le premier chapitre de son livre en décrivant une attitude exemplaire : la fuite.


Mots-clés : #satirique #traditions
par Dreep
le Mer 24 Fév - 14:06
 
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Sujet: Wou King-Tseu (Wu Jingzi)
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Flannery O'Connor

Merci Tristram  cheers  !

Flannery O'Connor est vraiment la Grande Dame des Lettres du Sud US !

Voici ce que j'en bafouillais antan:

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Et ce sont les violents qui l'emportent

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Titre original: The violent bear it away, 1955 pour l'écriture, 1960 pour la parution en langue originale.

Roman (195 pages environ, trois parties, douze chapitres), qui a la particularité d'avoir été son premier opus publié post-mortem en français, comme dans pas mal d'autres langues.

Un écrit-malaise. On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments ? En refermant "Et ce sont les violents qui l'emportent" ne répond pas "oui, peut-être", mais oui.  
L'histoire elle-même nous peint quelques-unes d'entre les tares, plus ou moins familières, susceptibles d'apparaître au sein du Bible Belt comme de l'humanité entière, qui sont autant d'incompréhensions prospectives de Flannery O'Connor.

Une figure de père possédé enlève sans succès un neveu (Rayber) dans son antre de Powerhead (tout un patronyme !).
Celui-ci lui échappe et un petit neveu (Tarwater, tout un patronyme également !) est à son tour pris sous la coupe (ou la coulpe ?) du vieillard.

En de paroxystiques scènes, Flannery O'Connor nous dépeint un quotidien où des effluves de Bible mal digérées tiennent lieu de règles de conduite, érigées par un vieil homme se parant des attributs de prophète et désireux de continuer sa lignée prophétique.

Puis nous assistons au trépas du vieillard, ponctué par une cuite de Tarwater, qui croit incendier le corps (sacrilège) et la maison avant de s'enfuir rejoindre, à la ville (Atlanta ?), Rayber.
Rayber qui incarnerait (cela reste fort hypothétique !) une certaine normalité. Du moins au sens où nous l'entendons, et d'ailleurs sens où s'était entendu à la date de parution.
Mais, Rayber...un autre désemparé, un autre cabossé de la vie, un autre déconnecté, pas seulement par son appareillage auditif, lien vers autrui et le monde, qu'il branche...ou parfois non.
Rayber, une femme en fuite, un enfant anormal à charge (nommé Bishop, cet innocent, ce qu'il y a de moins innocent ne serait-il pas, de la part de l'auteur, le choix du nom ?), Rayber, des convictions, un process analytique qui lui tient lieu de pensée, mais ce n'est parfois pas si loin de l'illumination que ne l'est son oncle, et ça, c'est fort, en termes de perte de repères lectoraux, chère Flannery O'Connor.

Bishop, l'innocent, l'anormal, le petit garçon et ses yeux, son physique rappelant sans coup férir le vieux fou.

Rayber demi-sourd, conséquence d'un tir au fusil du vieux psychopathe qui lui emporta une oreille.

Arrivé en ville, alors qu'il n'est pas du tout adapté à l'univers urbain, Tarwater frappe à la porte de Rayber son oncle. Quelques jours suffisent, qui sont le prétexte à l'action du roman.

Rayber, ambitieux, le félicite de son choix et l'héberge, pensant amener Tarwater à la normalité, enfin, telle que Rayber la conçoit.
Quelques scènes, qui ont dû faire jubiler l'écrivain à l'écriture, sont immanquables et d'une profondeur des plus rares. Vraiment de très haute volée. Obsédé par le fait de se défaire du vieux taré, qui l'a modelé sinon corps du moins âme, Tarwater entre d'emblée dans l'opposition la plus déroutante envers Rayber, qui pourtant désire autant que lui ce but, mais par d'autres voies que celles, brouillonnes, sanguines et aliénées, de son neveu. Et Tarwater poursuit son legs, son idée fixe, à savoir baptiser Bishop, afin qu'il continue la lignée prophétique de l'ancêtre. Six journées de vie commune, et...

Farfelu ? Sans aucun doute. Mais fébrile, nauséabond jusqu'au nauséeux, le livre se laisse continuer avec un plaisir malsain, celui du voyeur. On ne peut pas dire qu'on ne soit pas tenté de lâcher de telles pages, si l'on est un être humain constitué. Mais on est pris. Quelle force d'écriture, tout de même, Flannery O'Connor. Juste un grand auteur...

Le roman ne s'étiole jamais. Une analyse de l'eau, du feu, de la faim rapportées à cet ouvrage doit avoir nourri force pages savantes et universitaires, du moins je le présume (il y a matière, large !!).

Tarwater dépassera Rayber; accomplira ce dont il ne s'est pas senti la force. Reviendra sur le lieu de son méfait par un cheminement (géographiquement) long, un chemin signifié. Les eaux du baptême (par effraction) sont celles de la mort du summum de l'innocent incarné, donc une crucifixion supplémentaire de Jésus, sans doute, si j'analyse bien.
Tarwater probablement violé (le texte, sans doute pour éviter une censure de l'époque, et c'est un texte déjà borderline, est tout en suggestion magistrale). Tarwater trompé, comme cocufié dans son immolation de préférence à une inhumation, Tarwater qui se (re) dirige à la ville pour conclure.

Je défends ce roman, et le défendrai loin. Mais je ne suis pas sûr de le conseiller à des yeux non avertis. Manière de dire que je suis sûr de ne pas le faire. Il y a là de la très haute littérature. Avis net de chef d'œuvre en ce qui me concerne, s'il me faut jauger l'ouvrage.  

Chapitre IX a écrit:
Il réfléchit avec amertume qu'elle n'avait même pas réussi à vivre avec le visage de Bishop où il n'y avait rien d'arrogant. Le petit garçon s'était relevé et avait grimé sur la banquette arrière et, penché en avant, il lui soufflait sa respiration dans l'oreille. Par nature et par entraînement elle était qualifiée pour prendre en charge un enfant exceptionnel mais pas un enfant aussi exceptionnel que Bishop, portant son nom de famille et le visage de "cet horrible vieillard". Elle était revenue une seule fois au cours de ces deux dernières années et lui avait enjoint de placer Bishop dans une institution parce que, disait-elle, il était incapable de l'élever comme il fallait - néanmoins il était évident, rien qu'à le regarder, qu'il prospérait comme une plante au soleil. La façon dont Rayber s'était conduit en cette occurrence était encore pour lui une source de satisfaction. D'une bourrade, il avait envoyé sa femme rouler presque au milieu de la chambrée.

 A cette époque, il savait déjà que sa propre stabilité dépendait de la présence du petit garçon. Il pouvait contrôler son terrifiant amour aussi longtemps qu'il le concentrait sur Bishop, mais si quelque chose arrivait à l'enfant, c'est à cet amour même qu'il lui faudrait faire face. Alors le monde entier deviendrait son fils idiot. Il lui faudrait, par un suprême effort, résister à l'admission; avec chaque nerf, chaque muscle, chaque pensée, il lui faudrait résister au moindre sentiment, à la moindre pensée. Il lui faudrait anesthésier sa vie.


Première phrase du chapitre I de la première partie (entame du roman) a écrit:
L'oncle de Francis Marion Tarwater n'était mort que depuis quelques heures quand l'enfant se trouva trop soûl pour achever de creuser sa tombe, et un nègre nommé Buford Munson, qui était venu faire remplir sa cruche, fut obligé de la finir et d'y traîner le cadavre qu'il avait trouvé assis à table devant son petit déjeuner, et de l'ensevelir d'une façon décente et chrétienne, avec le signe du Sauveur à la tête de la fosse et assez de terre par-dessus pour empêcher les chiens de venir le déterrer.




Rafistolé d'un message sur [i]Parfum du 11 août 2014[/i]


Mots-clés : #famille #religion #satirique
par Aventin
le Dim 3 Jan - 10:50
 
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Sujet: Flannery O'Connor
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Antonio Lobo Antunes

Le Cul de Judas

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Au cours d’un monologue avec une dame dans un bar (abondamment arrosé) puis le reste de la nuit chez lui, le narrateur se confie dans une chronique amère de la guerre portugaise en Angola (que Lobo Antunes a vécu pendant plus de deux ans de service militaire en tant que médecin).
« Le charme des bars réside, n'est-ce pas, dans le fait qu'à partir de deux heures du matin ce n'est pas l'âme qui se libère de son enveloppe terrestre et qui monte verticalement vers le ciel, comme l'envol mystique des rideaux blancs chez les morts de nos missels, mais c'est la chair qui se défait de l'esprit, un peu surprise, et qui commence une danse pâteuse de statue en cire qui fond, pour finir dans les larmes de remords de l'aurore, quand la première lumière oblique nous révèle, de son implacabilité radioscopique, le triste squelette de notre irrémédiable solitude. »

« Le jour enfle par les fentes des persiennes, douloureux et lourd comme un furoncle, abritant en lui des pus d'horloge et de fatigue. »

De A à Z (c’est la numérotation des chapitres), il retrace cette expérience pleine des « coliques douloureuses du mal du pays et de la peur ».
« Nous avons jeté l'ancre à Marimba : rangée de manguiers énormes sur le sommet d'une colline entourée par la distance bleue des champs, dans une nouvelle clôture de fil de fer sur laquelle les mômes des paillotes voisines accrochaient leurs visages affamés pendant que des nuages gros de pluie, pesants comme des outres, s'accumulaient sur le rio Cambo, habité par le silence minéral des crocodiles. Là, pendant un an, nous sommes morts, non pas de la mort de la guerre qui nous dépeuple soudain le crâne dans un fracas fulminant et laisse autour de soi un désert désarticulé de gémissements et une confusion de panique et de coups de feu, mais de la lente, angoissante, torturante agonie de l'attente, l'attente des mois, l'attente des mines sur la piste, l'attente du paludisme, l'attente du chaque-fois-plus-improbable retour avec famille et amis à l'aéroport ou sur le quai, l'attente du courrier, l'attente de la jeep de la P.I.D.E. qui passait hebdomadairement en allant vers les informateurs de la frontière, et qui transportait trois ou quatre prisonniers qui creusaient leur propre fosse, s'y tassaient, fermaient les yeux avec force, et s'écroulaient après la balle comme un soufflé qui s'affaisse, une fleur rouge de sang ouvrant ses pétales sur leur front : "C'est le billet pour Luanda ‒ expliquait tranquillement l'agent en rangeant son pistolet sous l'aisselle ‒ on ne peut pas se fier à ces salauds."
De telle sorte qu'une nuit quand le type s'est fendu une fesse sur la cuvette brisée des WC, comprenez-vous, je lui ai cousu le cul sans anesthésie, dans le cagibi de poste de secours, sous le regard content de l'infirmier, vengeant ainsi, un peu, à chacun de ses hurlements, les hommes silencieux qui creusaient la terre, la panique fondant en énormes plaques de sueur sur leurs maigres dos et qui nous fixaient de leurs orbites dures et neutres comme des galets, vidées de lumière comme celles des morts sans vêtements couchés dans les réfrigérateurs des hôpitaux. »

C’est aussi une évocation atroce de l’Afrique et « des larves à la Bosch », « ces noirs concaves de faim » :
« Des gosses sans doigts, affolés par les mouches, se groupaient en un essaim muet d'épouvante, des femmes aux traits de gargouille échangeaient en secret des dialogues que les palais en mine de leurs bouches transformaient en une pâte de gémissements, et moi, je pensais à la Résurrection de la chair du catéchisme, comme à des morceaux de tripes s'élevant des trous des cimetières dans un réveil lent d'ophidiens. »

C’est surtout une rageuse dénonciation des fauteurs de guerre.
« Debout, devant la porte de la salle d'opérations, les chiens de la caserne en train de flairer mes vêtements, assoiffés du sang de mes camarades blessés en taches sombres sur mes pantalons, ma chemise, les poils clairs de mes bras ; je haïssais, Sofia, ceux qui nous mentaient et nous opprimaient, nous humiliaient et nous tuaient en Angola, les messieurs sérieux et dignes qui, de Lisbonne, nous poignardaient en Angola, les politiciens, les magistrats, les policiers, les bouffons, les évêques, ceux qui aux sons d'hymnes et de discours nous poussaient vers les navires de la guerre et nous envoyaient en Afrique, nous envoyaient mourir en Afrique, et tissaient autour de nous de sinistres mélopées de vampires. »

« Nous revenons avec le sang propre, Isabelle : les analyses ne montrent pas les noirs en train d'ouvrir leur fosse pour le tir de la P.I.D.E., ni l'homme pendu par l'inspecteur à Chiquita, ni la jambe de Ferreira dans le seau à pansements, ni les os du type de Mangando sur le plafond en zinc. Nous revenons avec le sang aussi propre que celui des généraux dans leurs cabinets à air conditionné, à Luanda, déplaçant des points de couleur sur la carte d'Angola, aussi propre que celui des messieurs qui s'enrichissaient en faisant le trafic d'hélicoptères et d'armes à Lisbonne, la guerre est dans le cul de Judas, dans les trous pourris, vous comprenez, et non pas dans cette ville coloniale que je hais désespérément, la guerre ce sont les points de couleur sur la carte d'Angola et les populations humiliées, transies de faim sur les barbelés, les glaçons dans le derrière, l'invraisemblable profondeur des calendriers immobiles. »

Le tout traité en longues phrases travaillées d’une vision pleine de sarcasme, d’humour noir, d’ironie de ce long séjour agonique en Afrique ; récurrence des images optiques (y compris miroir) et animalières, nombreuses références picturales (et aussi littéraires), évocation des anges et des moustaches, présence forte de Lisbonne.  
« Le miroir de la cabine me renvoyait mes traits déplacés par l'angoisse, comme un puzzle défait où la grimace affligée du sourire acquérait la répugnante sinuosité d'une cicatrice. »

Emporté par une vindicte désabusée, ce roman pèche peut-être par une certaine immaturité, maladresse comme de débutant (avec quelques doutes sur la traduction, au moins concernant la ponctuation et le vocabulaire).

Mots-clés : #colonisation #guerre #mort #satirique
par Tristram
le Mer 7 Oct - 16:57
 
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Sujet: Antonio Lobo Antunes
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Enrique Vila-Matas

Air de Dylan

Tag satirique sur Des Choses à lire Air_de10

Le narrateur (un auteur barcelonais…) rencontre lors d’un colloque sur l'échec Vilnius Lancastre, jeune barcelonais ressemblant à Bob Dylan, dont le père, un éminent auteur qui vient de décéder, le hante "littéralement", et qui travaille avec indolence à un projet cinématographique basé sur ses « Archives de l’échec en général ».
L’échec, la paresse, l’hostilité père-fils, la pièce Hamlet, le réalisme, voici quelques éléments autour desquels Enrique Vila-Matas emmêle cet imbroglio romanesque, lui donnant une sorte de cohérence baroque, extravagante et inventive, comme de coutume métissée de références littéraires et cinématographiques, avec nombre de renvois à sa propre œuvre et à ses thèmes de prédilection.
« Oblomov est un jeune aristocrate déshérité, incapable de faire quoi que ce soit de sa vie. Il dort beaucoup, lit de temps en temps, bâille sans arrêt. Hausser les épaules est son geste favori. Il fait partie de ces personnes qui ont pris l’habitude de se reposer avant de se fatiguer. Rester étendu le plus longtemps possible semble son unique aspiration, sa modeste rébellion. Oblomov représente l’indifférent au monde par excellence. »

« …] cette idée du théâtre dans le théâtre utilisée par Shakespeare dans Hamlet, idée consistant à demander à une troupe de théâtre d’illustrer des faits similaires à ceux qui étaient survenus dans la vie réelle pour ainsi donner à entendre à tout le monde (personnages et auditoire) sa propre version, et vérifier, selon les réactions de certains, si c’était la bonne. »

« J’ai toujours essayé de progresser. Mais les thèmes restent inévitablement les mêmes, et c’est encore plus évident quand l’écrivain est un névrosé comme moi. On ne possède que ses propres thèmes dans lesquels on se déplace et, au fond, le mieux à faire, c’est de devenir monotone. »

La recherche de l’origine d’une phrase est un « moteur pour explorer le monde » :
« Ou peut-être que ma recherche servira à montrer que les phrases sont à tout le monde, que la paternité de l’œuvre n’existe pas, que l’origine réelle de toute phrase se perd dans la nuit des temps… »

L’écrivain-narrateur entreprend de réécrire l’autobiographie du disparu, dédiée à son amante (devenue celle de son fils) et détruite par sa veuve :
« Un récit assez synthétisé de sa vie, qu’il n’avait pas terminé. En biais, transversal, oblique. »

(cf. les mémoires de Mac et son contretemps.)
On est dans un pur délire fictionnel :
« Son éternelle et admirable bonne humeur lui donnait le courage d’organiser dans sa vaste librairie – l’achat récent d’un sex shop voisin lui avait permis de doubler la surface de son magasin – toutes sortes de manifestations culturelles et il y avait plusieurs clubs de lecture. »

« …] les écrivains qui survivent […] sont seulement ceux qui tiennent compte de la tragédie de tant de lecteurs dont on a abusé et qui, malgré les abus, montrent qu’ils ont encore la force de prêter attention à ceux qui, comme eux, essaient de mettre de l’ordre dans la conscience chamboulée. On ne voit jamais à la télévision ce travail secret avec la conscience, il n’est pas médiatique, il habite dans les vieilles maisons de la sempiternelle vieille littérature. »

« La vie est une souricière, le réel n’est que théâtre, et nous ne sommes rien sans la mémoire qui invente toujours. »

« Avec leur Théâtre de la souricière, Débora et Vilnius étaient tous les deux convaincus que, pour dire ou insinuer la vérité, la fiction serait toujours très supérieure à d’autres moyens qui s’étaient révélés inefficaces. »


Mots-clés : #ecriture #famille #satirique #universdulivre
par Tristram
le Lun 31 Aoû - 21:17
 
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Sujet: Enrique Vila-Matas
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Henri Duvernois

Tag satirique sur Des Choses à lire Duvern10

L'homme qui s'est retrouvé

Drôle de petit bouquin qui utilise un prétexte science-fictionnel de voyage dans le temps pour faire autre chose, à la fois ironique radioscopie parisienne d'avant la première guerre et à la fois roman rétrospectif sur la jeunesse. Un vieux bonhomme à l'aise financièrement mais c'est à peu près tout malgré sa maîtresse se "retrouve" jeune et il essaye de s'aider lui et sa famille, ses amies.

De l'humour pas trop forcé, des ruptures de ton, un goût du croquis mais avec ce qu'il faut de densité pour conserver la mélancolie. Du sentiment il y en a, à distance, dans ce double portrait antinomique. Le jeune homme bouillant est un petit con, le vieux bonhomme une bonne âme maladroite un rien orgueilleuse et blessée. Et les affaires sont les affaires...

Drôle de petit voyage !





Mots-clés : #amour #satirique
par animal
le Dim 7 Juin - 20:02
 
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Gilbert-Keith Chesterton

Le Poète et les fous

Tag satirique sur Des Choses à lire Le_poz11

Titre original: The Poet and The Lunatics. Huit nouvelles, parues en 1929, qui peuvent être lues ici en langue originale. 255 pages environ.

Il s'agit d'un énième personnage de détective chestertonnien, nommé cette fois-ci Gabriel Gale, grand jeune homme blond, peintre et poète. Il n'y a pas vraiment de nouveaux codes, toujours le parti-pris de l'apparente irréalité, de l'intuition prenant le pas sur la méthode, le scientifique. On trouve un peu moins de burlesque, un peu moins de ce fameux humour britannique dont il est un champion (ou est-ce moi qui est passé au travers ?).

On relève une jolie petite délicatesse dans le procédé littéraire, consistant à donner la chute de la première nouvelle...dans la dernière !

Ici, notre Gilbert-Keith raisonne ainsi:
Les fous, les aliénés, Lunatics en anglais, pour comprendre leurs actes lorsque ceux-ci apparaissent hors-normes ou inouïs au commun des mortels, il faut soit l'être un peu soi-même, soit emprunter des voies imaginatives quasi jamais fréquentées.

D'où le façonnage d'un type de héros comme Gabriel Gale, encore une variation de Chesterton sur le thème du détective qui n'en est pas (et ne paye pas de mine) mais parvient in fine à résoudre.  

On retrouve aussi ces bonnes vieilles déclinaisons de l'auteur sur des thèmes qu'il court si volontiers, le déguisement, l'amitié, les auberges ("pubs"), l'apparence trompeuse, le détail, et ces constructions littéraires si fluides, si adaptées au format nouvelles, qui embarquent bien le lecteur, vraiment sans coup férir.

Le goût de la marge, les comptes réglés avec la pensée scientiste, ça et là (mais plus parcimonieusement ici) la formule qui fait que Chesterton reste à jamais cette mine à citations à ciel ouvert - même si là on est dans une veine moins abondante.
Un peu moins prophétique qu'il ne fut peut-être (voir L'auberge Volante, La sphère et la croix, Le Napoléon de Notting Hill...), même si, dans ce domaine-là aussi, il y a un ou deux joyaux à glaner...

Autre goût, celui de la couleur, le sens du pictural (dans son autobio, L'homme à la clef d'or, il s'en explique, disant que depuis le temps des boîtes à jouer il avait toujours conservé l'émotion d'échafauder des décors peints).
Un exemple de ce côté pictural et coloriste, et de l'embarquement garanti du lecteur, cet extrait proche de l'entame de la 2ème nouvelle:
L'oiseau jaune a écrit:C'était comme s'ils avaient atteint un bout du monde paisible; ce coin de terre semblait avoir sur eux un effet bizarre, différent selon chacune de leurs personnalités, mais agissant sur eux tous comme quelque chose de saisissant et de vaguement définitif.
Et cependant il était d'une qualité aussi indéfinissable qu'unique; il n'était en rien sensiblement différent d'une vingtaine d'autres vallées boisées de ces comtés occidentaux en bordure du Pays de Galles.
Des pentes vertes plongeaient dans une pente de forêts sombres qui par comparaison paraissaient noires mais dont les fûts gris se reflétaient dans un méandre de la rivière comme une longue colonnade sinueuse. À quelques pas de là, d'un côté de la rivière, la forêt cédait la place à de vieux jardins et vergers, au milieu desquels se dressait une maison haute, en briques d'un brun intense, avec des volets bleus, des plantes grimpantes plutôt négligées s'accrochant aux murs, davantage à la manière de la mousse sur une pierre que de fleurs dans un parterre.
Le toit était plat, avec une cheminée presque en son milieu, d'où un mince filet de fumée s'étirait dans le ciel, seul signe de ce que la maison n'était pas complètement abandonnée.
Des cinq hommes qui, du haut de la colline, regardaient le paysage, un seul avait une raison particulière de le regarder.  



Enfin, le quichottisme de Gabriel Gale n'est pas sans rappeler bien d'autres héros -ou caractères principaux- de la prose du gentleman de Beaconsfield (je vous épargne la liste maison !).

Bref, on peut juger que ce n'est peut-être pas un Chesterton majeur, mais...qu'est-ce qu'il se dévore bien, tout de même !

Mots-clés : #absurde #criminalite #humour #nouvelle #satirique #xxesiecle
par Aventin
le Mar 26 Mai - 19:47
 
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Sujet: Gilbert-Keith Chesterton
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Gabriel Garcia Marquez

L'automne du patriarche

Tag satirique sur Des Choses à lire 41czfw11


Le dernier puisque à l'évidence le cadavre découvert dans la maison du pouvoir, un véritable capharnaüm,  est bien celui du dictateur, sa défunte mère Bendicion Alvarado pourrait en témoigner, elle la canonisée laïque ! Le corps en habit de général, son physique : des pieds de pachiderme et son appareil génital que défigure une vilaine hernie ! Il n'a pas survécu à ses précédentes morts !

"pourtant quand les rumeurs de sa mort semblaient les plus sûres on le voyait paraître plus vivant et plus autoritaire que jamais au moment le plus imprévu pour imposer d’autres caps imprévisibles à notre destin. Il aurait été facile de se laisser convaincre par les indices immédiats du sceau présidentiel ou la dimension surnaturelle de ses pieds de marcheur increvable ou l’évidence insolite de cette roupette volumineuse que les charognards n’avaient pas osé picorer, mais quelqu’un gardait toujours le souvenir d’autres indices semblables chez d’autres morts moins importants du passé. "

Le Général président qui n'a pas d'âge défini mais que l'on peut situer entre 107 et 232 ans a exercé de nombreuses années  son pouvoir tyrannique.

Tout les ingrédients sont là, arrestations arbitraires, tortures, tueries de masses,  l'enrichissement ( l'argent et les propriétés du général), sa paranoïa, ses superstitions, sa sexualité.

S'y mêlent l'ingérence et la spoliation d'autres pays, notamment la capture de "la mer" cette mer qu'il aimait observé de sa fenêtre. La décrépitude de la vieillesse surgit au long du récit, de la perte des souvenirs à la perte de la vie.


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[center]-----------------

Tout ce que je pourrais dire ne serait que faiblesse devant une telle écriture, une telle imagination ; car ce n'est que de la fiction, une satire  non ? ......................quoi que !

La longueur XXL des phrases  ajoute à la fantaisie, à la bizarrerie de cette  écriture débridée, ensorcelante, poétique.

(je ne sais si c'est habituel  le changement de personne, sautant impromptûment du je au il ou se nommant général)

Ce n'est que ma première intrusion dans l'oeuvre de l'auteur ; je laisse donc parler les extraits

" il était minuit et le général Rodrigo de Aguilar n’arrivait toujours pas, quelqu’un tenta de se lever, avec votre permission, dit-il, il le pétrifia d’un regard mortel qui signifiait que personne ne bouge, que personne ne respire, que personne ne vive sans ma permission jusqu’au douzième coup de minuit où les rideaux s’ouvrirent et où l’illustre général de division Rodrigo de Aguilar fit son entrée sur un plat d’argent, étendu de tout son long sur une garniture de choux-fleurs et de laurier, macéré dans les épices, doré au four, accommodé avec son uniforme à cinq amandes d’or des grandes occasions et les ganses du courage illimité sur la manche retroussée de son bras de manchot, sept kilos de médailles sur la poitrine et un brin de persil dans la bouche, prêt à être servi à ce banquet de camarades par les équarisseurs officiels devant nous tous les invités pétrifiés d’horreur qui assistâmes le souffle coupé à l’exquise cérémonie du découpage et de la distribution, puis quand il y eut dans chaque assiette une part de ministre de la Défense farci aux pignons et aux herbes, il donna l’ordre de commencer, bon appétit messieurs !"

"... il nous promit de reconstruire une réplique exacte du panthéon des hommes illustres dont les décombres calcinés sont restés tels jusqu’à nos jours, il ne fit rien pour dissimuler le terrible exorcisme du mauvais rêve mais profita de l’occasion pour liquider l’appareil législatif et judiciaire de la vieille république, écrasa d’honneurs et de fortune les sénateurs les députés les magistrats dont il n’avait plus besoin désormais pour sauver la façade comme au début de son régime, il les exila dans des ambassades heureuses et lointaines ne gardant pour toute suite que l’ombre solitaire de l’Indien à la machette qui ne l’abandonnait jamais, goûtait sa nourriture et son eau, maintenait les distances, surveillait la porte tandis que lui restait chez moi alimentant la rumeur qu’il était mon amant secret alors qu’en réalité il me rendait visite deux fois par mois pour consulter les tarots durant ces nombreuses années où il se croyait encore mortel, avait la vertu du doute, savait se tromper et accordait plus de confiance aux cartes qu’à son instinct primitif, arrivait toujours aussi effrayé et vieux que la première fois où il s’était assis devant moi et sans dire un mot m’avait tendu ces mains aux paumes lisses et tendues comme un ventre de crapaud telles que je n’en avais jamais vu et ne devais jamais en revoir au cours de ma longue vie de liseuse de destins étrangers, il les avait posées en même temps sur la table comme deux suppliques muettes de condamné, il me parut alors si anxieux et désabusé que je fus moins impressionnée par ces paumes arides que par sa mélancolie sans soulagement, la débilité de ses lèvres, son pauvre cœur de vieillard rongé par l’incertitude et dont le destin non seulement nous échappait dans les lignes de ses mains mais dans toutes les sources de consultation dont nous disposions, car dès qu’il les coupait les cartes devenaient des puits troubles, le marc de café s’embrouillait au fond de la tasse où il avait bu, les clefs de tout ce qui avait quelque chose à voir avec son avenir, son bonheur et la réussite de ses actions s’évanouissaient pour devenir limpides dès qu’il s’agissait par contre du destin des gens qu’il fréquentait de près ou de loin, nous vîmes donc sa mère Bendicion Alvarado en train de peindre des oiseaux........................

"elle s’était agrippée à pleines mains à mes cheveux pour ne pas mourir seule dans le vertige abyssal où je me mourais sollicité à la fois et avec la même violence par toutes les urgences du corps, et cependant il l’oublia, il resta seul dans les ténèbres à se chercher lui-même dans l’eau saumâtre de ses larmes général, dans le fil paisible de sa bave de bœuf, général, dans l’étonnement de son étonnement de madre mía Bendicion Alvarado comment ai je pu vivre tant d’années sans connaître ce doux supplice, pleurait-il, étourdi par les désirs de ses reins, le chapelet de pétards de ses tripes, le déchirement mortel du tendre entacule qui lui arracha les entrailles et le transforma en bête égorgée dont les bonds d’agonie éclaboussaient les draps neigeux d’une matière chaude et acide qui corrompit dans sa mémoire l’air de verre liquide de cette soirée de pluie radieuse de la moustiquaire, car c’était de la merde, général, et cette merde-là c’était la vôtre"
Mots-clés : #regimeautoritaire #satirique
par Bédoulène
le Dim 10 Mai - 14:34
 
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Tahar Ben Jelloun

L'insomnie

Tag satirique sur Des Choses à lire L_inso10


Tanger : le narrateur, un scénariste, est insomniaque et découvre qu’il ne trouve le sommeil qu’après avoir tué quelqu’un ‒ remède qui ne dure qu’un temps, et donc à renouveler régulièrement. En fait, pris dans un engrenage, il force la main aux personnes promises à une mort proche.
« Je n’étais pas un tueur, mais un "hâteur" de mort. »

« ‒ Non, pas le tuer, mais juste avancer la date de sa mort… »

L’efficacité du procédé dépend de la "valeur" des personnes qu’il aide « en fin de vie à partir en paix » :
« Les points crédits sommeil ‒ c’est ainsi que je les appelais désormais ‒ que je venais de gagner étaient dix fois plus importants que ceux que m’avait fait gagner son frère qui, du fait de sa pauvreté, ne pesaient pas lourd dans la balance de ma bourse imaginaire. »

Cette histoire, assez rocambolesque (et qui m’a rappelé Vila-Matas, peut-être aussi par contamination de ma récente lecture), est occasion sinon prétexte à rendre compte avec un esprit fort critique de la société marocaine, empreinte des « mauvais souvenirs des années de plomb », d’autoritarisme, de corruption, d’hypocrisie, de prostitution, de sorcellerie, et de la religion musulmane.
« Elle a fait le pèlerinage cinq fois et pense que mourir sur les lieux saints de l’islam est une chance inespérée. J’aurais pu lui offrir le voyage pour qu’elle se laisse piétiner par des brutes et meure sur place. Mais je n’étais pas assez croyant pour tenter le coup. »

« Je ne jeûne pas durant le mois de Ramadan. Il m’arrive de boire un verre de bordeaux ou une coupe de champagne. Je n’exagère jamais. »

« J’ai réussi cependant à lui interdire d’insulter en ma présence les juifs et les Noirs. Il se retenait et je voyais que ça le démangeait et qu’il faisait beaucoup d’efforts. »

« Comme tous les grands voyous, il devait avoir une assurance européenne qui lui permettrait d’être évacué par avion sanitaire et d’être sauvé dans un hôpital parisien. »

Le narrateur est divorcé, toujours en contact et en mauvais termes avec sa mégère d’épouse, à la base de son problème d’insomnie.
« "C’est qu’elle t’aime toujours !" Comment pouvaient-ils confondre l’amour et cette volonté de nuire ? Comment penser qu’aimer c’est harceler, poursuivre de sa hargne une personne qui a été proche ? »

Belle étude clinique de l’insomnie :
« Nuits blanches, nuits sèches, sans rêves, sans cauchemars, sans aventures. Nuits tristes. Nuits étroites, étriquées, réduites à quelque souffrance. Nuits inutiles, sans intérêt, sans saveur. Nuits à oublier, à jeter dans la poubelle. Nuits traîtresses. Nuits sans vergogne. Nuits de bandits, de truands, de salauds. Nuits sales, perverses, cruelles, hideuses. Nuits indignes du jour, du soleil, de la lumière et de la beauté du monde. »

« Je ne sais plus depuis combien de nuits je suis privé de sommeil. Je ne dors plus. Impossible de fermer l’œil, même un instant. La nuit devient blanche et creuse. Son vide me torture et me met dans tous mes états. Dès que le soir approche, je ne suis plus le même. Je me surprends à mendier à voix haute : "S’il vous plaît… un petit peu de sommeil… un petit peu de cette douce et agréable absence… Une simple échappée, une brève escapade, un pique-nique avec les étoiles dans le noir absolu me suffiraient…" Mais rien. »

« Quelqu’un chuchote dans l’oreille : le sommeil est un animal de compagnie, il faut en prendre soin, sinon il te quitte et tu auras le plus grand mal à le faire revenir, un animal doux et tendre, capricieux, parfois compliqué, plus important qu’un chien ou un chat, c’est le prince de la compagnie, s’il t’abandonne tu connaîtras une douleur étrange… »  

Évidemment, « aider des vieilles personnes à s’en aller dans le calme et la dignité » évoque l’euthanasie, et ce livre peut aussi contenir une réflexion sociétale, ou même une fable ‒ à moins qu’il ne s’agisse que des fictions ou fantasmes du cinéaste, voire de ses rêves !
Dans un genre totalement différent que celui des autres livres de Tahar Ben Jelloun (au moins ceux que j’ai lu), celui-ci est finement humoristique, quoique grinçant.

Mots-clés : #humour #satirique #thriller
par Tristram
le Lun 4 Mai - 0:25
 
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Sujet: Tahar Ben Jelloun
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Vassili Axionov

Tag satirique sur Des Choses à lire Papier10



Paysages de papier

1973 à Moscou sous la présidence de Brejnev. Un jeune ingénieur Igor Vélocipèdov , nom ayant  200 ans d’existence donc bien avant l’invention du vélocipède, se plait-il à rappeler, travaille consciencieusement et efficacement au Secteur des Pistons du Laboratoire des Moteurs n° 14 du Ministère de l’Industrie Automobile de la RSFSR,  est contrarié du fait qu’il n’a reçu que des refus à ces demandes pour l’obtention :

- Un lotissement horticopotager
- Son voyage prévu dans la République de Bulgarie (invité par un collègue) est jugé inopportun, donc pas de passeport
- L’inspection autoroutière d’Etat de l’URSS l’informe qu’il n’y avait pas de possibilité de l’inclure sur la liste d’attente des postulants à l’achat d’une voiture de tourisme

Serait-il si insignifiant alors que d’autres se félicitent de leurs acquis ?
S’en étant ouvert à son amie Fenka, celle-ci lui suggère d’écrire une lettre fondamentale, mais à qui ?

- Le Parti est le maître  ( Le Parti est une main aux millions de doigts serrés en un poing martelant)

La première lettre l’ayant conduit devant Féliaïev (directeur de la division idéologique du comité de Frounzé, l’ inconscient Igor signe sur sa demande une lettre ouverte de critiques contre Soljénitsyne et Sakharov, ladite lettre paraissant à la revue « Parole d’honneur » vaudra à sa parution les foudres de Fenka et de ses amis (les violon jazzy)POUR le "renouveau démocratique de la Russie" ainsi que les reproches de Spartakus qui travaille avec lui.

— Curieux manque de discernement ! Que je tourne pute, il avale tout ce qu’on lui sert ! Ne pas savoir reconnaître ces crapules, ces authentiques bons à rien soviétiques ! Strange, very étrange…
- C’est donc que je suis bouché, c’est donc que je suis un petit-bourgeois, voilà pourquoi ma nana m’a chassé, je ne suis rien d’autre qu’une victime des usurpateurs de papiers, une fourmi dénuée de raison.


Igor est débordé par les convocations, Féliaïev lui demande de refaire ses demandes etc…  Instruit par les lectures que lui a prêtées sa voisine Agrippine, Igor écrit une seconde lettre au « Très honnoré Brejnev ». Dans laquelle il critique la détente internationale, la colonisation, l’hégémonie de Mao, la non restitution de leur île au Tatars de Crimée, réclame la liberté pour plusieurs prisonniers, de laisser la liberté de création à Sakharov et Soljénitsyne, le retrait de l’armée en Tchécoslovaquie, la presse, la psychiatrie forcée, élections truquées au Soviet Suprême d’URSS etc………………. Bref tout pour déplaire au Parti, au représentant du Peuple.

De plus, Igor demande à Brejnev de considérer sa précédente lettre  comme nulle et non avenue et il ajoute :

Je retire ma signature sous la couverte de La Parole d’Honneur, car dans certains de la capitale continue à circuler le que je me suis vendu et aurais contribué à persécuter les plus brillants des Droits de l’Homme.

Evidemment Igor est licencié, son camarade Spartakus aussi, les deux se retrouvent à travailler « au noir » Igor se découvre après que sa lettre ait été publiée dans des journaux occidentaux, un "héros", de nombreux amis.

Mais on ne se sort pas facilement de « la main aux millions de doigts », à la suite d’un détournement de fait Igor et Spartkus sont arrêtés et malgré les nombreuses interventions en leur faveur seront envoyés dans les camps. Igor y passera 10 ans. A sa sortie il parviendra à gagner les USA pays où se sont exilés tous ses amis.

Là-bas aussi la paperasse confirme les actes, il faut conserver les "papiers".

— La bureaucratie russe, mon cher Vélocipèdov, est vieille, lourde, torturée par un complexe de culpabilité caché. Sous son aspect soviétique, elle est quasi parvenue à l’agonie. La bureaucratie américaine est jeune, équipée d’ordinateurs et produit ses montagnes de papier en débordant d’autosatisfaction. Par chance, pour l’instant (je le souligne : pour l’instant), elle n’encourage pas la délation idéologique ; cependant, la délation russo-soviétique ne se fait pas à la machine, mais à la main, elle conserve un lien, aussi hideux soit-il, avec la personne humaine. Imaginez un délateur électronique, mon cher Vélocipèdov. Si jamais le socialisme remporte la victoire ici, pour nous tous, pour tout ce qui se nourrit de sentiments humanitaires, ce sera la merdouille.

autres extraits

"Du gâteau montent de langoureuses senteurs de printemps et d’alpages, car on le confectionne avec ce même exceptionnel beurre de l’Altaï. Tout alangui par cette douceur, Vélocipèdov franchit le seuil de son appartement sans se douter qu’il a fait, pour ainsi dire, un pas en direction de sa vie nouvelle.
  Or, c’est précisément des natures comme la sienne, avec son système végétatif instable, sa mémoire génétique et sa peau sèche, que visent, pour une large part, les œuvres de ce qu’on appelle le Samizdat, ce qui les différencie des œuvres de Gosizdat qui, pour une large part, compte sur des natures au système végétatif stable, à la peau moyennement humide, et dénuées de mémoire génétique."

"j’obtiens une carte de crédit Visa. Le voilà, le symbole de la confiance : une petite plaque en matière plastique pas plus grande qu’une boîte d’allumettes, épaisse comme la moitié d’une boîte d’allumettes, je suis aux anges ! C’est comme si les chimères de ma jeunesse se réalisaient, celles d’un monde où le papier aurait fait son temps.
  Hélas, Stuart, mon patron, ne tarde pas à m’instruire : chaque fois que tu payes avec ta carte, tu dois conserver l’un des trois exemplaires de la facture, dûment tamponnée. Dans le monde américain, tu n’es encore qu’un bleu, tu ne sais pas encore ce qui sera hors taxe ou avec taxe. Ramasse tous tes papiers, que je tourne pute, range-les dans une boîte à part, tu les trieras plus tard."

"Dans mon innocence, je ne comprends pas tout de suite à quel point la fortune de Valioucha est fabuleuse. Ils m’ont ramené de l’aéroport dans une assez vieille voiture aux sièges usés, mais je découvre que c’est une Silver Shadow, modèle 193651, comme peu de sénateurs pourraient s’en offrir, seulement ceux qui ont épousé une star ou qui possèdent des biens personnels, de l’« argent ancien » comme on dit ici ? "  


 
J’ai beaucoup apprécié, l’écriture, le ton de la critique, l’ironie, l’humour.
L’auteur démontre ce qu’un simple « papier » est et évolue, se multiplie dans l’autocratie du pays ; la fin jette un regard amusé mais non inconscient sur les USA.


Mots-clés : #regimeautoritaire #satirique
par Bédoulène
le Dim 15 Mar - 19:01
 
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Sujet: Vassili Axionov
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Guy de Maupassant

Tag satirique sur Des Choses à lire Montor10

Les époux Christiane et William Andermatt décident de quitter Paris pour s’installer en Auvergne. La jeune femme doit suivre une cure, tandis que son mari, homme d’affaires sans scrupule, se lance dans la construction d’une station thermale. Pour la faire prospérer, il utilise tous les stratagèmes, n’hésite pas à faire appel à des médecins charlatans et à tirer profit des malades. Pendant ce temps, sa femme prend un amant…
Publié en 1887, le roman Mont-Oriol, une œuvre satirique à la fois comique et sentimentale, offre également une description du capitalisme et de la corruption médicale, des maux qui n’ont rien perdu de leur actualité.


Mont-Oriol

Surprenant. Déroutant même ce roman qui a pour décor le développement d'une petite ville d'eau. La bourgeoisie parisienne prend ses aises en Auvergne, l'ambiance provinciale charmante, pittoresque et détendue se révèle propice à la romance, à la passion comme à la spéculation. Maupassant moitié caricaturiste documentaire moitié lyrique décrit ce petit monde plus intéressé qu'innocent. Quoique, il s'en faudrait de peu... Dans la deuxième partie, plus de doute, le paysage a changé (défiguré ?) et l'amour a laissé place aux arrangements de raison... et d'intérêts, toujours.

La galerie de médecins et de personnages secondaires amène une touche d'humour burlesque et acide, à la fois masque et renforce la dualité de la quasi-totalité des situations. C'est aussi une touche plus légère dans ce qui peut s'envisager comme un discret jeu de massacre. Le temps passant, le peu de temps passant autour de deux saisons estivales ne laisse pas grand chose intact... D'autant plus que tout ça est nourri de l'expérience de l'auteur qui a séjourné et eu des relations en Auvergne. Son double Paul Brétigny, charismatique suscite un peu de compassion par sa douceur et surtout son manque de cupidité mais n'est pas épargné non plus de par son comportement avec les femmes.

C'est assez cruel tout ça. La lecture hétérogène reste aisée, l'écriture étrangement libre, directe et apte aux ruptures de rythme.

Drôle d'expérience par dessus de bien lointain souvenirs scolaires ou presque avec l'auteur...


Mots-clés : #amour #nature #satirique #xixesiecle
par animal
le Dim 26 Jan - 21:40
 
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Sujet: Guy de Maupassant
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Elfriede Jelinek

Les Exclus

Tag satirique sur Des Choses à lire Visuel11

Un fait divers épouvantable qui défraya les journaux en 1965.
C’est « affreux, sales et méchants » ou « Chez ces gens-là » de Brel. D’abord, d’abord, y a le père, ancien officier SS qui a perdu une jambe à la guerre, réduit maintenant au rôle de portier, ayant comme passe-temps de faire des photos pornos, artistiques, de sa femme et de la battre, puis de la tromper. Dure vie lorsqu’on a été maître du monde en Pologne et en Ukraine…
La mère, elle, est totalement soumise et essaie maladroitement de limiter la casse.
Puis il y a les deux enfants, jumeaux, adolescents, Rainer et Anna. Ils n’ont qu’une hâte, fuir ce milieu moche, sale, sordide. Rainer se donne des airs de poète méprisant souverainement le monde qui l’entoure. Adepte de Camus et de l’acte gratuit, il se veut chef de bande et entraîne ses camarades dans des actes de crapulerie : tabassage d’un passant pour lui piquer son fric. Rainer est amoureux fou de Sophie.
Anna, la sœur de Rainer, pianiste de talent, est totalement renfermée sur elle-même, hantise de la souillure, anorexie… totalement inhibée, sauf en ce qui concerne le sexe.

« Anna méprise premièrement les gens qui ont une maison, une auto et une famille, et deuxièmement toutes les autres personnes. Elle est toujours à deux doigts d’exploser de rage. Un étang totalement rouge. L’étang est rempli de mutisme qui sans cesse la noie sous des paroles. »


Joyeux couple !

« Ils se tiennent à l’écart, non qu’ils craignent la lumière, mais la lumière les craint, et pour cause. En classe, comme dans le préau. La harde de loups se regroupe toujours dans les coins. Manifestant une sur-humanité incontestée que les autres aimeraient aussi manifester, mais ceux-ci atteignent à peine le niveau de sous-hommes d’ailleurs indispensables pour faire ressortir les performances sur-humaines. De leurs recoins obscurs ils étendent brusquement les jambes, et presque chaque fois tel fils à sa maman ou telle fille à son papa en jupe à carreaux fait un vol plané. »


Les camarades de jeu ne valent pas mieux : Hans, l’ouvrier aux beaux muscles et à la tête creuse. Il renie les convictions libertaires de ses parents : père fusillé à Mauthausen, mère passant son temps à coller des affiches, mettre sous enveloppes des tracts à l’intention du Parti. Hans rêve de belles bagnoles, de jazz et… de Sophie. En attendant, il entretient une liaison incandescente avec Anna.
Sophie « de », aristocrate, belle blonde sportive, famille très aisée, « propre sur elle ».

« Sourire blanc de Sophie, pure vierge lainée à qui un peu de woolite suffit. »


Elle est peut-être cependant la plus dangereuse du groupe, en tout cas la plus perverse.

Elfried Jelinek qualifie cet ouvrage de satire, terme important qui explique l’exagération, l’outrance, voire l’humour, même s’il est au second degré. Jelinek tire à boulets rouges sur la société autrichienne de l’après-guerre, hypocrite, non dénazifiée. On pense à Thomas Bernard, mais en plus noir ; plus encore au cinéma de Michael Hanecke (« Funny games » par exemple). On pense aussi aux performances extrêmes du groupe d’avant-garde des activistes viennois.
Jelinek a manifestement été marquée au fer rouge pendant son enfance et son adolescence. Elle a survécu grâce à l’écriture qui lui a permis de véhiculer une terrible violence interne. Je pense qu’il y a beaucoup d’elle dans le personnage d’Anna.
Un prix Nobel je pense bien mérité. Je vais poursuivre avec cette auteure (mais il faut des moments propices)  Very Happy


Mots-clés : #jeunesse #regimeautoritaire #satirique #sexualité #violence
par ArenSor
le Lun 25 Mar - 19:40
 
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Sujet: Elfriede Jelinek
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