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Jean Dutourd

Au Bon Beurre

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Au-bon10

C’est l’histoire d’un couple de crémiers, les Poissonard, et de leurs deux enfants, qui possèdent l’épicerie « Au Bon beurre », quartier des Ternes à Paris. Parallèlement, on suit les aventures de Léon, issu du même quartier, évadé de guerre, puis résistant, idéaliste et naïf.
L’Occupation est bien sûr un âge d’or pour les épiciers et Jacques-Hubert Poissonard ainsi que son épouse savent en profiter, accumulant dès les premiers temps des monceaux de fromages, jambons et nourriture variée qu’ils vont écouler à prix d’or :

«  Des boîtes de jambon Olida, grosses comme des foies de bœufs, servaient de support au lit conjugal ; des sacs de riz et de lentilles tapissaient les murs. Les sardines avaient pris possession de la « bibliothèque ». Aux plafonds pendaient des saucissons serrés comme des stalactites et des dizaines de jambes de porc fumées qu’un naïf aurait pris pour des lustres dans leurs housses. Banania, sur des étagères, alignait des régiments de Sénégalais hilares qui reluquaient cinq mille hollandaises de la maison Van Houten. Les petites morveuses du chocolat Menier montraient leurs innombrables gambettes à des multitudes de clowns Elesca. Routes les rivières du monde semblaient avoir déversé là leurs saumons au naturel. Le thon a l’huile frétillait. Il y avait cinq cents fois plus d’éléphants sur les paquets de thé que dans l’armée d’Hannibal. Des roues de Gruyère, des tomes de Savoie, des fourmes du Cantal, les unes sur les autres, figuraient les puissantes colonnes de ce temple de la Prévoyance. »


« Sous l’action du temps, les saucissons se pétrifiaient, les jambons vieillissants acquéraient un parfum quintessencié, qui transperçait l’étamine protectrice et troublait autant que l’odeur d’une femme désirée respirée à travers la chemise. Le gruyère et le cantal prospéraient sous leur carapace comme des tortues paresseuses dans une grotte. Les légumes secs, sourdement travaillés par la vie, émettaient un murmure incessant : le riz répondait aux lentilles, qui dialoguaient avec les pois cassés et les fèves, un chant imperceptible, une symphonie chuchotée qui accompagnait l’évolution ralentie de ce monde immobile. »


L’année suivante, nos deux zigotos passent à une activité plus rationnelle et quasi industrielle :

« L’homme nouveau, que les événements accouchaient, n’allait pas tarder à apparaître. De 1925 à 1940, le commerce avait obéi à un certain nombre de lois psychologiques qu’il s’était assimilées, telles que : « Le client a toujours raison, Servir avec le sourire, etc ». En 1941, ces lois étaient caduques. Le client avait maintenant besoin du commerçant pour vivre. La loi de l’offre et de la demande, qui était la charpente, la maîtresse poutre de la pensée de Charles-Hubert, lui inspira un raisonnement que le lecteur jugera simpliste, mais qui lui paraissait, à lui, une merveille de complication. Cette analyse hardie, ce plan d’attaque infaillible, se résume de la sorte : la demande est supérieure à l’offre ; par conséquent, le commerçant est dans une position favorable. Il doit en profiter. Que fait le client ? Petit a : il propose des sommes de plus en plus considérables ; petit b : il courtise le commerçant. Conclusion : pas besoin de se gêner. »


« C’est ce jour là, sans même qu’il s’en aperçut, il passa de l’état de crémier à celui de spéculateur. Cet empirique devint un théoricien. Le palier décisif entre la médiocrité et l’opulence était franchie. »


« Malhonnête, jadis, un commerçant faisait faillite ; honnête, aujourd’hui, il se ruinait. »


Laudateurs de l’ordre allemand, les Poisonard passeront peu à peu et sans aucun scrupule à la « Résistance » sachant trouver les appuis bien placés. Riches à millions, ayant investi judicieusement, quand il le fallait, dans l’immobilier, les Poissonard marient leur fille à un noble, député à la Libération et précédemment secrétaire de Laval.
« Au Bon Beurre » est une satire féroce, souvent très drôle, mais aussi grinçante de la vie quotidienne sous l’occupation. Dutourd y révèle sa nature de moraliste, dans la lignée des Saint-Simon, La Rochefoucauld ou Chamfort. Il sait vous camper un personnage en quelques phrases :

« - Répression des fraudes, dit le petit homme en touchant son chapeau.
- Tiens, réplique Charles-Hubert, faraud, je ne vous ai jamais vu, vous ?
- Voilà ma carte, dit le petit homme d’une voix sans timbre, la voix même avec laquelle Robespierre proclamait la Terreur à l’ordre du jour. »


Portrait sarcastique d’un peuple qui est passé sans vergogne d’une adulation au Maréchal à celle pour de Gaulle, collaborateurs puis résistants.
Certains passages sont excellents. Je retiens notamment l’accueil des délégations venues offrir à Pétain qui une canne sculptée,  qui un poste à galène ou encore des œufs. Le portrait du chef scout, le général  Giraudet-Lempérière, vaut le détour :

« L’autre groupe, plus pittoresque, se compose d’une douzaine de boy-scouts, âgés de douze à quinze ans, accompagnés d’un treizième, d’une génération sensiblement antérieure. Ce treizième boy-scout, si l’on en croit l’apparence, est né vers 1880. Il a un visage énergique et borné, que traverse une paire de moustaches blanches à la gauloise. Sous le chapeau à larges bords, il évoque quelque shérif arverne, contemporain, à la fois, de Dumnorix et de Jesse James. Son équipement rustique, son couteau suisse, sont quart de fer-blanc et son alpenstock, accentuent le caractère de cette figure surprenante, mi-antique mi-moderne. »


L’auteur donne rarement une opinion personnelle, mais quand il le fait, elle fait mouche :

« Pour en revenir aux vélotaxis, ceux-ci soulevèrent pendant quelque temps une polémique. Certains journaux les décrétèrent immoraux. Il était contraire à la dignité de la personne humaine, disait-on, que des hommes pédalants traînassent leurs semblables assis. Cet appel à la dignité de la personne humaine à une époque où les Juifs étaient tenus de porter sur le sein une étoile jaune large comme un crachat autrichien, a quelque chose d’assez piquant. »


Mots-clés : #deuxiemeguerre #viequotidienne
par ArenSor
le Jeu 3 Sep - 19:46
 
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Sujet: Jean Dutourd
Réponses: 3
Vues: 288

Littérature et alpinisme

Marie-Louise Plovier-Chapelle

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Une_fe10
Une femme et la montagne
éditions Flammarion 1954, 210 pages environ.




J'ai eu la joie de le trouver dans l'édition originale, malheureusement une vingtaine de pages, à peu près au second quart de l'ouvrage, ne sont pas lisibles.

Livre drôle, empli d'une cocasserie de répartie et d'un comique de situation, rendant hilarant des passages, où, sous une autre plume, il y aurait lieu de se lamenter, ce qui est une prodigieuse qualité.
Livre daté, où affleure ce qu'on prenait alors pour un déterminisme des sexes, aujourd'hui dépassé du moins en occident, donc qu'on ne saurait écrire aujourd'hui, qui hérisserait, ne serait guère publiable et pourtant, 1954, ce n'est pas si ancien.

Voilà une mère de famille du Nord, dans la tourmente de la seconde guerre mondiale, qui par amour des montagnes et par contraintes de guerre (zone libre/zone occupée) se retrouve dans les Alpes, s'initie au ski (celui de l'époque) et l'alpinisme, dont c'était quelque part encore l'âge d'or, le tout sur le tard.
Peu douée, mais dotée d'un moral en chrome-molybdène, d'une insouciance d'airain, sans jamais se prendre pour ce qu'elle n'est pas, notre Marie-Louise nous égrène avec légèreté et humour toutes les incongruités de sa situation.

Défilent dans ces pages ses enfants bien sûr, ainsi qu'Édouard Frendo, le fameux guide de Haute-Montagne, quelques amis, et en filigrane Gaston Rebuffat, Louis Lachenal, Lionel Terray, Gilbert Chappaz...

Pages de guerre, d'occupation et de maquis, aussi, et toujours cette bonne humeur, cette joie de mise même dans pires galères et les instants les plus critiques.  
Marie-Louise Plovier-Chapelle pratique sérieusement sans se prendre au sérieux, son nom est à jamais attaché à l'Aiguille du Roc dont elle signa la première en compagnie de son fils Luc, Édouard Frendo étant le guide et maître d'œuvre de la réalisation (photo de l'Aiguille de Roc en bas de message, - par ailleurs une des plus célèbres photos représentant Gaston Rebuffat est prise alors qu'il se tient sur ce sommet-là).

Et, ces travaux d'aiguille accomplis, reste le charme de sa plume alerte et rigolote, sans prétention, mais aussi juste (voir le 2ème extrait ci-dessous) et un grand chapeau bas à tirer à son intrépidité couplée à son humilité.


Au moment du coucher, un grave problème d'arithmétique s'imposa à tous les esprits: on parvint bien, à force de compression, à entasser onze personnes sur le bat-flanc supérieur conçu pour six, et autant sur celui du dessous, mais il restait le vingt-troisième et qui n'était pas divisible par deux !
  J'imagine qu'un examen approfondi des espaces interstitiels lui révéla que le moins exigu se trouvait précisément entre Luc et moi; toujours est-il que je sentis le tiers du poids du monsieur s'installer sur ma personne tandis qu'un calcul élémentaire me faisait présumer que le second tiers était sur Luc et le troisième dans le vide, mais le vide comptait-il ? Supportait-il une part du poids ?
  Mes connaissances en dynamométrie étaient insuffisantes pour que je puisse déclarer à coup sûr si la force de pesanteur devait être divisée par deux ou par trois.
  Cette incompétence me tracassait.
  Pour me débarrasser de cette obsession, je décidai, par des manœuvres savantes et patientes, d'amener la moitié de la personne dudit monsieur sur le bat-flanc, ce qui n'était possible qu'en plaçant la moitié de la mienne sur la sienne.
  Je ne fus guère bien inspirée !
Car le monsieur, au lieu de respirer d'une façon lente et régulière, qui aurait bercé mon sommeil, avait un petit souffle sec et saccadé qui me donna pour toute la nuit l'impression d'être dans un autobus corse ou dans un château hanté.
  J'eus des heurs pour me persuader de l'urgence qu'il y avait de faire voter par le comité responsable du Club Alpin Français un amendement interdisant l'accès des refuges aux ronfleurs et, aux jours de grande affluence, à tous ceux qu'une respiration saccadée apparente à une locomotive en surcompression.

Je me levai au petit jour complètement moulue.
- Puisque vous êtes si fatigués, nous n'allons faire que le Grand Dru, nous dit Frendo.
  Décision malheureuse, car la sécheresse des années précédents avait tellement abaissé le niveau du glacier que nous nous trouvâmes à l'attaque du rocher en présence d'une rimaye décollée de cinq mètres, dominées par un surplomb qui nous sembla tout de suite bien coriace.
- Les autres années le glacier monte beaucoup plus haut, tout ceci est dans la neige.
- Et pas un piton, bien entendu !
- On ne s'attendait pas à celle-là !
  Frendo essaye une première fois le passage qu'on descend généralement en rappel au retour de la traversée des Drus.
- Ça ne passe pas.
Nouvel essai à droite, puis à gauche sans plus de succès.


       
Recherche du danger alors ? Je ne crois pas: le danger en soi ne m'attire pas, je le déteste en voiture et ailleurs.
Peut-être victoire sur le danger, ce qui, en fin de compte, revient à dire: victoire sur soi-même, victoire sur la peur d'abord, victoire sur la fatigue, victoire sur les années qui passent, réalisation du meilleur de soi, réalisation plus complète, je pense, que dans nul autre sport, car je me refuse à considérer la montagne comme un sport.
[...]
Tout cela fait qu'on se sent meilleur, en montagne.

Les célèbres frères Ravier feront un écho involontaire à cette toute dernière affirmation, quelques années plus tard, en se demandant: à quoi ça sert tout ceci, si ça ne fait de nous de meilleurs hommes ?

" Un bloc de neige plus gros que les autres, détaché par une cordée ", eus-je le temps de penser avant de voir, bien plus bas, un très gros caillou qui rebondissait comme une balle, et de sentir en même temps un coup dans la nuque.
  Je hurlais de douleur et aussi parce que j'étais sûre que j'allais m'évanouir, je voulais les mettre tous en état de parer ma chute.
  Je ne m'évanouis pas.
- J'ai sûrement encore une vertèbre cassée, vous voyez bien que j'aurais mieux fait de ne pas insister et de redescendre quand je vous l'ai dit, c'était un pressentiment.
  Je sentais mon cou et mon épaule se contracter et d'engourdir.
- Jamais je ne pourrai descendre.
- Allons, allons, me dit Frendo, songez plutôt à la veine que vous avez eue de recevoir ce caillou à ma place !


Je quittai Chamonix avec l'espoir de revenir et je me demande pourquoi diable cela me remplissait d'aise, puisque, après tout, la preuve était faite que j'étais d'une maladresse tenace en montagne; mais, en plus de la maladresse, j'étais atteinte d'illogisme, maladie incurable pour moi et endémique, je crois, chez les alpinistes.


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Aiguil10
Aiguille de Roc

Mots-clés : #alpinisme #autobiographie #deuxiemeguerre #humour #xxesiecle
par Aventin
le Dim 12 Juil - 19:15
 
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Sujet: Littérature et alpinisme
Réponses: 78
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Léo Malet

120, Rue de la Gare

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 120_ru10


Pendant l’Occupation, entre Lyon et Paris, « Dynamite Burma », de retour du stalag, enquête sur un mystérieux personnage mort sous ses yeux… de fièvre.
Premier polar signé Malet, première apparition de Nestor Burma, c’est peut-être le premier roman noir français, type "dur-à-cuire".
En fait, Burma n’est pas tant hard-boiled qu’une personnalisation de l’enquêteur envers et contre tout, aussi tenace qu’intuitif. Et il manie avec bonheur l’imparfait du subjonctif.
Dans le prolongement de l’œuvre de Simenon, celle de Malet est également caractérisée par la prépondérance de l’atmosphère.
On trouve déjà le journaliste Marc Covet, l'inspecteur Florimond Faroux, sa secrétaire Hélène Chatelain, familiers qui apparaîtrons aussi dans les aventures suivantes.
J’ai un souvenir ému d’avoir découvert l’auteur et le personnage par quelques volumes de Les Nouveaux Mystères de Paris dans une bibliothèque en Afrique ; je connaissais assez (peu) la capitale pour que l’évocation de ses quartiers m’ait été précieuse.

Mots-clés : #deuxiemeguerre #polar
par Tristram
le Sam 27 Juin - 0:44
 
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Sujet: Léo Malet
Réponses: 30
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Patrick Modiano

Voyage de noces

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Voyage10
Roman, 1990, 145 pages environ.

On est bien chez Modiano, la preuve: c'est écrit au "je" et le héros s'appelle Jean (je plaisante !).

Bon il y a le suicide à Milan d'une française et le personnage qui narre au "je" qui s'y trouve tout juste après en catimini, un Milan désert de quinze août, un bar d'hôtel frais comme un puits (comment dire ? on est bel et bien chez Modiano ?).

Il se trouve qu'il l'a bien connue, elle s'appelait Ingrid Teyrsen, formait un couple avec un certain Rigaud et ils accueillirent le narrateur longtemps avant, alors qu'il faisait de l'auto-stop du côté de Juan-les-Pins.  

La suite ? Le narrateur se fait passer pour mort ou, en tous cas, disparu, en restant à Paris au lieu de se rendre au Brésil, vivant caché dans des hôtels puis dans un appartement où vécurent le couple Teyrsen-Rigaud.

De fréquents retours sur le passé emmêlent les chapitres, on trouve bien sûr le téléphone, habituel objet presque fétiche chez Modiano, à une époque où l'on pouvait consulter les bottins dans les cabines téléphoniques et où la téléphonie mobile n'existait pas (j'ai versé dans un petit moment de souvenir attendrissant).

J'ai trouvé délectable la peinture de fragments de Paris et de Juan-les-Pins sous la seconde guerre mondiale, à mon humble avis une réussite.

Le paraître et la cache, les faux-fuyants, les histoires calquées ou parallèles, tout ceci est aussi usuel chez Modiano, fait partie de son charme selon ses inconditionnels lecteurs; moi, j'avoue, je ne déteste pas:

Au final j'ai plutôt bien apprécié l'ouvrage, conscient de trouver de l'intérêt dans des pages où d'autres trouvent sans doute de la vacuité (et tous les reproches ordinaires qui lui sont adressés depuis...quasi un demi-siècle).
Peut-être aussi parce que je ne lis Modiano qu'à dose homéopathique, un tous les dix ans - je ne sais si c'est clos pour dix ans à présent, enfin, nous verrons !

Les modianistes du forum, trouveront un recoupement de l'histoire de Modiano lui-même (ou plus exactement la préhistoire de l'auteur) dans le couple Ingrid-Rigaud à Paris en 1942 - du moins à ce qu'il me semble (?).

Ces mêmes modianistes noteront peut-être la quête au travers du personnage d'Ingrid Teyrsen de Dora Bruder, quête qui avait défrayé la chronique dans les années 1990 quand Modiano, allié à Serge Klarsfeld, s'était penché sur le cas de cette jeune fille fugueuse, dont les parents avaient fait paraître en 1942 une petite annonce pour la retrouver, et qui finiront ensemble dans un convoi commun destination Auschwitz.

Ce avant qu'il n'y ait brouille entre Klarsfeld et Modiano, le premier accusant le second d'avoir vampirisé son travail et sa collaboration aux seules fins d'une œuvre romanesque signée Modiano et dans laquelle Klarsfeld et son boulot gentiment mis à disposition ne sont même pas mentionnés, mais c'est une autre histoire.

(NB: tiens ça me rappelle la confession de Modiano jeune auteur cleptomane, lorsque invité avec une amie chez d'autres amis, il y dérobait des livres de collection, des objets de valeur, pour les revendre chez des brocanteurs !)

Mots-clés : #autofiction #deuxiemeguerre #lieu #xxesiecle
par Aventin
le Jeu 11 Juin - 20:32
 
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Sujet: Patrick Modiano
Réponses: 28
Vues: 2124

Roger Nimier

Les épées


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Les_zo10
Roman, 1948, 140 pages environ.

Un Nimier très dérangeant, horripilant. Plus d'abjection froide, de violence et de meurtre en toute gratuité que dans Le hussard bleu, je trouve, et dire qu'il a écrit ça à vingt-trois ans...

Cru, violent - obscène même de violence à certaines scènes, avec aussi une espèce d'insouciance poseuse, de jeu, comme quand on a vingt ans...
On peut comprendre que ce livre heurta les sensibilités, d'autant que les personnages qu'on y croise incarnant la Résistance, valent tout juste à peine mieux (et pas tous) que ceux qui incarnent la Milice, par exemple la scène du massacre du très jeune de Parreneuve, je ne vous la met pas en extrait, par respect pour votre appétit.

On trouve François Sanders en personnage principal, "Bernard" et le Capitaine de Forjac, noms (et quelques facettes des personnages) que l'on reverra dans Le hussard bleu.

L'histoire ? Un ado finissant, devenant jeune adulte, de bonne famille, vit une espèce d'amour aux limites (franchies ?) de l'incestueux et du possessif envers sa sœur, le père (qu'il exècre) est militaire, prisonnier en Allemagne.

Par jeu si ce n'est désœuvrement il entre dans la Résistance, doit infiltrer la Milice pour une mission d'assassinat, qui échoue sur trahison, et, par un quiproquo, ne se fait pas prendre pour le tueur potentiel, et...reste dans la Milice !
Quelques exactions, le bourbier ordinaire de ce milieu-là, le glauque, les abominations.
   
La seconde partie se déroule à Cannes dans l'immédiat après-guerre. Plus verbeuse, faisant la part aux sentiments, rengorgée de violence gratuite pas forcément contenue, donnant à Nimier l'occasion d'asséner quelques bons coups de poignard glacés du styliste qu'il faut reconnaître qu'il est - en effet, ça ne m'écorche pas le clavier de l'écrire, c'est une forte, intéressante plume "hors tout".
Son brouillage des pistes narratives, concomitant au brouillage des pistes idéologiques, est de fort belle maîtrise (ne lâchez pas l'ouvrage trop longtemps, lisez-le assez vite !).

Notre jugement moral a parfois, en cours de lecture, été tellement battu qu'on ne distingue plus le blanc du noir - un inquiétant et sale grisâtre domine, uniforme, presque à qualifier de purulent.
On ne s'étonne pas que Nimier ait contribué à (re)lancer Céline !

Et, n'en jetez plus, on opine presque lorsque, en cours de démo, Nimier nous lâche quelques petites flatulences, du type: le français est bien plus doué pour la trahison que pour la résistance, genre de propos dont on se demande comment il fut reçu dans la France d'alors.  


Alors, Nimier...
Réactionnaire, par provoc' anti-"son temps", et par ineffable goût de la contradiction -et du paraître non-sympathique- ça c'est sûr, mais peut-être est-ce que ça va un peu plus loin - quelle idée d'exécrer à la fois les existentialistes et les communistes en ce temps-là, la fin des années 1940, dans le milieu germanopratin/Café de Flore du jeune éditorialiste en vogue qu'il était...

Nimier (qui, pourtant, fut Gaulliste avant la Libération, puis engagé dans les forces françaises en Allemagne), anarchiste de droite ?

Si le concept existait, je penserais à son personnage de François Sanders en illustration: l'art de ne pas dépeindre juste une brute ou un salaud, mais quelque chose de savamment complexifié, pour qui le monde est imposture, sans qu'il ne se déguise toutefois en jouisseur primaire.
Je ne sais la part de Nimier dans son "héros" (guillemets de rigueur).  

Une lecture, en tous cas, dense et ponctuée de quelques hauts-le-cœur, cependant je viendrai aux ouvrages de Nimier qui me restent à lire, sans aucun doute.

Première partie, entame du chapitre II a écrit:...le visage plein de sang, ce salaud, le visage plein de sang a sombré devant moi. D'abord je n'ai pas compris, sans quoi j'aurais éclaté de rire. Le calme revenu, je vais chercher des ressemblances, et, bien sûr, j'en trouverai. Sinon pour les vicieux, il n'y a pas de plaisir à descendre les inconnus dans la rue. Je ne dis pas que je m'en voudrais, parce que je ne suis pas dans un jour à m'en vouloir de grand-chose. Mais il faut mette à profit ces instants de détente pour installer sa vie entre des horizons convaincants. Si j'ai tiré sur ce garçon par hasard, ce ne sera pas sérieux. Et voilà où je ne suis plus d'accord: l'absurdité est très amusante sur le moment; j'ai appris qu'à deux ans de distance elle emmerde.
 Soyons raisonnable: ce type est un symbole. Avec sa face hilare, ses yeux qui lui dégoulinaient du visage, ses manches de chemise relevées, c'était la première manifestation de la nouvelle France: celle qui mangera à sa faim, laissera des papiers gras sur l'herbe du dimanche, u.s.w. Donc, j'ai tiré sur un symbole, c'est une chose qu'on fait tous les jours et dont on se félicite le soir [...].


Mots-clés : #deuxiemeguerre #fratrie #guerre #trahison #violence #xxesiecle
par Aventin
le Mar 31 Mar - 19:56
 
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Sujet: Roger Nimier
Réponses: 23
Vues: 2232

François Simon

François Simon
Né en 1953


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Avt_fr10

François Simon est un critique gastronomique et animateur de télévision français, né le 22 mars 1953 à Saint-Nazaire.
près des études de droit à Nantes (DEUG), il entre au quotidien Presse-Océan comme permanencier de nuit (1976-1980) avant de rejoindre Paris où il collabore au Matin de Paris (1980-1981). Christian Millau l’engage pour quatre années au magazine Gault et Millau et aux guides éponymes. En 1985, le groupe Marie Claire le nomme à la rédaction en chef de Cuisine et Vins de France, poste qu’il occupera pendant deux ans. Philippe Villin fait appel à lui pour créer le Figaroscope (1987). Il en sera rédacteur en chef puis directeur de la rédaction (2000) avant d’être nommé grand reporter la même année, opérant ainsi et depuis, à Madame Figaro, au Figaro Magazine, au Figaro et à Figaroscope. Dans le même temps, il collabore à Paris Première aux côtés de Marjorie Alessandrini (1997), puis intègre l’équipe de Rive droite / Rive gauche, avec Thierry Ardisson. Paris Première lui confie alors un rendez vous gastronomique pendant cinq années. Ensuite, il passe à Direct 8 pour la Chronique de François Simon (2009-2012). Depuis, son départ du Figaro, il est passé au journal Le Monde puis a écrit pour Air France Magazine, Dim Dam Dom, Les Échos - Série Limitée ou encore Purple Magazine.

François Simon profite de sa réputation de critique gastronomique pour collaborer au Financial Times (Angleterre), Gourmet, Departures (États-Unis), Brutus, Casa Brutus, Men (Japon). François Simon écrit également sur les parfums, il a remporté le prix Jasmin pour le meilleur papier de l’année (2007). Il a également créé un blog (Simonsays) élu meilleur blog de l’année en 2008.
Il écrit de nombreux ouvrages et participe également à la réalisation de produits comme des confitures (avec Christine Ferber) commercialisées au Japon ; il enregistre des musiques (avec Jun Miyake, Jean Touitou, Marie France), crée des sandwiches (Velvet FS, avec Gontran Cherrier), des souliers (avec Georges Estivel aux États-Unis), participe à des vins (la cuvée Purple, depuis quinze ans) et est nommé chevalier des Arts et des Lettres (1997).

Il anime l'émission Paris Dernière sur Paris Première à partir d'octobre 2013 sans qu'on ne puisse voir son visage comme durant le reste de sa carrière. Il livre également depuis 2016 des chroniques estivales sur Arte, dans le cadre de l'émission 28 minutes[réf. nécessaire].
En 2003, il est cité à de multiples reprises après le suicide du chef Bernard Loiseau. Le drame s'étant déroulé seulement quelques semaines après que François Simon eut reporté publiquement certaines informations concernant la probable dégradation de la note du restaurant de Bernard Loiseau par le guide Michelin. Plus de dix ans après, François-Régis Gaudry (un journaliste culinaire) publie un article dans le journal L'Express dans lequel il défend François Simon. Cependant, cet article sera rapidement décrié par la famille Loiseau.


Bibliographie

Paris vin, Du May, 1987
Guide des stations de sports d’hiver, Julliard
Paris fine gueule, Éditions du Levant, 1997
Guide des restaurants de Paris, TF1 éditions, 1996
52 week-ends en Europe, Assouline, 1999
Guide des restaurants d’affaires, L’Organisation, 1999
Chairs de poules, 200 façons de cuisiner le poulet, Agnès Vienot
La Provence d’Alain Ducasse, Assouline, 2000
Recettes de la cocotte, Staub, 2001
Comment se faire passer pour un critique gastronomique sans rien y connaitre, Albin Michel, 2001
Miam miaou, conseils et recettes pour chats modernes, Noesis, 2002
Hôtels de Paris, Assouline, 2003
Manger est un sentiment, Belfond, 2003
Adresses choisies pour des amis qui ne le sont pas moins, 2004
Toscane(s), Assouline, mai 2004, 284 p. (ISBN 978-2843235795)
N’est pas gourmand qui veut, Robert Laffont, 2005
Eden-Roc, Assouline, 2007
Adresses pour clouer le bec… à ceux qui en connaissent trop, 2007
Jean-Paul Hévin, Assouline, 2008
Recettes de l’Eden-Roc, 2008
Aux innocents la bouche pleine, Robert Laffont, 2008
Pique assiette, Grasset, 2009
Les Artisans du paradis, Assouline, 2009
Hugo Desnoyer, tendre et saignant, Assouline, 2010
Bistro, Flammarion, 2011, avec Bertrand Auboyneau
Dans ma bouche, Flammarion, 2012
Cuisine d’indulgence, Le Chêne, 2012
Radin chic, Le Chêne, 2013
Pierre Jancou, la table vivante, Skira, 2015
Cuisine française, chefs japonais, avec Ryoko Sekiguchi, le Chêne, 2015
Village Paul Bert, le Chêne, 2016
Dictionnaire du savoir (bien) vivre, manifeste hédoniste, le Chêne, 2017.
L'Esprit des Vents", roman, Plon. 2019
Héritage Bocuse, avec Patricia Zizza, Flammarion 2019.

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Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 99-fra10

Et bien voici un roman que j'ai beaucoup aimé....qui fut une bonne surprise....écrit par un critique gastronomique.....son premier roman.  Sur fond de guerre sino japonaise.....

"A Qingdao, ville chinoise sous occupation japonaise, le jeune Tateru rencontre Ryu sur la plage et se lie d’amitié avec lui. Dès son plus jeune âge, le premier a appris les vents et n’est que frémissements et vibrations. Fils d’un photographe, Ryu, lui, est tout en observation.

La capitulation de leur pays contraint les deux jeunes garçons à fuir précipitamment. Ils trouvent refuge à Karuizawa, le village natal du père de Tateru, Kanki. Qui ne tarde pas, de désespoir et de honte, à se donner la mort dans le jardin familial. Le père de Ryu, lui, demeure introuvable depuis qu’il a disparu dans la bousculade qui a précédé le départ des Japonais de Qingdao.

Quand sa santé oblige Tateru à rejoindre Tokyo, les deux amis sont séparés l’un de l’autre. Pourtant, Ruy, grâce à sa débrouillardise et à son ingéniosité, retrouvera Tateru et leurs destins s’entrecroiseront de nouveau."

Une guerre un peu passée sous silence, avec notamment le massacre de Nankin.....et le Japon d'après les bombes.......

Petit extrait :


"Tateru apprend les vents. Sur une île, rien n'est plus important. Le vent, c'est un peu la majuscule de l'air. Elle lui donne un sens, une direction, le brasse, l'embrasse. Il affole les oreilles, domine la tâte. le vent, c'est son frère. L'île, sa soeur. Il les protège, calme la mer, nettoie les cieux. Il les tient par les épaules. "


Mots-clés : #amitié #deuxiemeguerre[/center]
par simla
le Mer 4 Mar - 4:16
 
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Sujet: François Simon
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Heinz Rein

Berlin finale

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Extern17

Berlin dévastée et éventrée, avril 1945. Un jeune déserteur qui ouvre enfin les yeux sur les horruers du nazisme intègre un groupe de résistants de la première heure, et affronte avec eux les derniers combats de la bataille de Berlin.
Le livre va de l’expérience individuelle à l'histoire collective, dans une description cinématographique des dernières heures de la ville. Entre Seul dans Berlin et L'armée des ombres, Heinz Rein donne la parole à ces hommes (et (une femme ), magnifiquement campés,  emportés par un destin ravageur mais qui donne du sens à leur vie. Des descriptions spectaculaires, des moments intimistes, des échanges philosophiques, l'auteur tient le plus souvent le pathétique à distance. C'est un thriller historique habilement mené, auquel on  pardonne aisément quelques longueurs et une tendance appuyée aux énumérations.
850 pages haletantes.

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Rein_c10


Mots-clés : #deuxiemeguerre #historique
par topocl
le Mer 26 Fév - 15:47
 
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Bernard Tirtiaux

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 41fqqu10

Pitié pour le mal


Original : Französisch, 2006

CONTENU :
Fin Août 1944, une colonne disparate d’Allemands démobilisés fait étape dans une ferme de Wallonie et réquisitionne chevaux et chariots pour rentrer chez eux. Indigné, Mutien, un des enfants du lieu, entraîne son frère sur les traces du convoi dans le but de reprendre Gaillard de Graux, un brabançon prestigieux, orgueil de son père, lui-même victime des nazis. Entre inconscience et témérité, les deux garçons pénètrent au cœur d’un pays ruiné matériellement et moralement. Ils connaissent six semaines de dangers terribles et d’inoubliables moments de fraternité. Sur le pied de guerre, ils donnent du fil à retordre au détachement ainsi qu’à un vieil officier de la Wehrmacht qui les a pris en sympathie et s’évertue à les protéger.

Récit où le quotidien tisse insidieusement des liens d’amitié et d’entraide entre clans ennemis, le roman est aussi un conte qui fait un sort à des rancunes généralistes et tenaces. Il pose la simple question de l’erreur et de son pardon et, au-delà, se penche sur ces écueils de l’existence qui, à l’instar de Gaillard de Graux, nous amènent à emprunter d’autres chemins que les voies tracées.


REMARQUES :
Mutien, 13 ans, et Abel « Belo », 8 ans et narrateur de l’histoire, sont vraiment assez entreprenants et en colère, quand ils se mettent en route derrière le convoi des Allemands. Ils ne restent pas longtemps inaperçus, voit : trouvent même de la sympathie. Mais on veut et ne peut pas leur rendre leur sang froid Gaillard, détenteur de prix, cheval imposant ! Ils insistent et suivent le convoi, partiellement (Mutien) longtemps en revolte, ou déjà s’inclinant à s’attacher surtout à l’officier Gunther. Ils vivent des heures sombres, des attaques aériennes, mais aussi de la solidarité. Ils vont suivre le convoi jusqu’à ce que peu à peu les soldats réjoignent leurs maisons, et qu’ils puissent pê récupérer leur cheval.

Ce tout est raconté alors de la part d’Abel, déjà bien avancé en âge, qui avait été moine et a quitté le monastère après 25 ans. Son frère est bien devenu marin et a disparu en mer. On attendait son retour, mais le reste de la fratrie insiste de dissoudre maintenant l’appartement de Mutien. C’est là qu’Abel va prendre en charge les écrits, souvenirs, lettres etc de son frère. Et se souvenir. Et découvrir après si longtemps des bribes inconnues de leur aventure commune… Notamment il retrouve la correspondance entre son frère et Gunther dont il cite des parties qui font échos à son récit.

On peut être tenté d’oublier les souffrances d’un peuple comme celui de la Belgique lors de la IIème guerre. Ici le père de la famille est mort l’année précédente par les Nazis, ils vont aussi confisquer des chevaux de la ferme. De lire ici une histoire (écrite en 2006) d’une forme de réconciliation, d’un rapprochement – c’est touchant et fort. Cela ressemble partiellement  à une histoire d’enfant si on ferait abstraction des cruautés – ce qu’on ne peut pas faire. Histoire aussi d’une relation entre frères, entre peuples.

Un beau livre (qui a gagné plusieurs prix) !


Mots-clés : #deuxiemeguerre #fratrie
par tom léo
le Ven 21 Fév - 16:23
 
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Sujet: Bernard Tirtiaux
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Paolo Rumiz

Comme des chevaux qui dorment debout

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Proxy198

Première Guerre mondiale :
« Quand on comprend comment tout s’est vraiment passé, on ne peut pas supporter que cela ne se sache pas, qu’il ne soit pas écrit en lettres de feu, proclamé à tous les vents et dans tous les livres de classe de l’Union européenne que tout a éclaté par hasard, que la guerre était parfaitement évitable et que l’Europe s’est ainsi suicidée, par étourderie, à l’apogée de sa splendeur. Il devient inconcevable que l’on ne dise pas de façon claire et nette, avant de commencer le moindre discours sur le premier conflit mondial, que personne ne s’y attendait, que tout le monde est tombé des nues et que tout a été sous-évalué. »

Paolo Rumiz part à la recherche des ombres de ses aïeux dans le passé et la topographie de la Galicie, front de l’Est en 1914 et toujours ligne de faille géopolitique, en Mitteleuropa… Son grand-père, qu’il n’a pas connu, a survécu à cette guerre où des millions d’hommes (et de chevaux) sont morts dans la boue, mais c’est surtout la « mémoire perdue » qu’il recherche, « pour le dernier tour de manège de l’ancien monde »...
« …] avec l’Allemagne qui pousse vers l’est, la Russie qui pousse vers l’ouest et la Pologne qui tente d’exister au milieu, sur cette terre ondulée qui n’offre d’obstacles ni aux vents, ni aux armées. »

Dans ce récit, les références culturelles et à une Histoire que je ne connais guère (il semble que ce soit le cas plus généralement des Italiens) rendent difficile d’apprécier la part du chauvinisme, du passéisme, mais en tout cas l’amertume et la nostalgie sont réelles, ainsi qu’un certain ressentiment.
« …] après l’empire, il ne nous est tombé dessus que du mauvais : le fascisme, l’impérialisme, le communisme, la négation des langues des autres, l’esthétique de la mort »

« Et ce n’est pas la peine de leur expliquer que personne ne part d’un cœur léger pour une guerre lointaine et incompréhensible. »

« Il y a toujours quelqu’un pour vouloir vous banaliser, parce que votre complexité ne lui convient pas. Quelqu’un qui a besoin d’un ennemi pour exister. »

Paolo Rumiz paraît voir l’empire austro-hongrois comme une sorte de prélude, de prémisse de l’Europe unifiée. Italien déchiré, il n’est pas tendre pour l’Italie :
« …] ma nation de démolisseurs de voies ferrées, qui ont arraché de chez nous l’âme paysanne, ma nation dévorée par l’incurie, infestée de larbins et de faux dévots hypocrites et sans Dieu, ma terre de bambins tyranniques et d’adultes habitués depuis l’enfance à baiser la main des évêques et des sous-secrétaires. »

Il rencontre en voyage des personnes étonnantes, tels que Marina la Russe, ou Erwin, qui recherche les sépultures des Caduti, y allumant une petite lampe de cimetière pour tirer de l’oubli les morts (rite intime que Rumiz reprend à son compte).
« Afin d’éviter de dire que ces jeunes gens ne sont pas morts pour l’Italie, on emploie le terme générique "Caduti", tombés au champ d’honneur, morts au combat, et puisque les noms sont tous italiens, ce petit jeu de prestige a des chances de réussir. »

Ce sont les « soldats de l’Adriatique et du Trentin » :
« Après avoir été trop italiens pour les Allemands, voilà qu’ils étaient devenus trop allemands pour les Italiens. »

L’Italie a perdu jusqu’à leurs noms et leur nombre, tandis qu’Otto Jaus s’emploie à sauvegarder les tombes austro-hongroises de l’incurie et de l’amnésie.
« Il s’est aperçu que plus il parle avec les morts, plus il s’enfonce dans la compréhension du présent. […]
Et plus il pénètre les raisons de la dissolution de son vieil empire, plus lui apparaît fulgurante, à l’époque actuelle, la décadence de la fédération de peuples à laquelle il appartient. Peut-être ne s’est-il jamais autant avancé à l’intérieur du présent qu’il ne le fait depuis qu’il fréquente les cimetières. Il sent qu’il n’y a pas seulement la lecture des livres. Il y a aussi la voix puissante des lieux. Parce que les lieux ont toujours un secret à confier. »

Rumiz plaide que l’Histoire (hélas méconnue) permet de lire l’actualité (livre écrit en 2014, anniversaire du début de Première Guerre mondiale).
« La Pologne est le lieu entre tous où l’on voit le plus clairement que 1939 est la conséquence de 1914. »

Plus original, il soutient que l’Histoire se retrouve davantage dans les lieux que dans les livres.
« Ce que je cherchais, c’était le chant choral des voix, et je voulais surtout percevoir la distance réelle des événements, parce que les livres d’histoire ne me la donnaient pas. »

« Cela fait bien longtemps, désormais, que je ne cherche plus l’Histoire dans les livres et les monuments. La mémoire se trouve dans les galets des fleuves, dans le bois du Petit Poucet, au cœur du règne végétal, dans le goût des myrtilles couleur de sang. »

Ce récit de voyage dans le temps et l’espace est narré dans un perpétuel chassé-croisé du présent et du passé, dans « une déconcertante compression du temps ».
Se déplaçant essentiellement en train, c’est dans un train grande vitesse italien que Rumiz, de retour de Pologne, se fait voler ses notes, et ses irrécupérables pensées notées au fil du voyage : « l’horreur des pensées perdues »…
Il repart alors vers la Galicie, cette fois en Ukraine.
« Maintenant, je devais continuer, aller voir au-delà de la forteresse Bastiani, me tourner vers le désert des Tartares [… »

Puis il effectue un troisième voyage, dans « la poudrière balkanique », qu'en tant que journaliste il connaît bien aussi.
« Comme en 1914 et en 1992, Sarajevo n’est pas le détonateur, mais le révélateur. Elle montre impitoyablement le somnambulisme de l’Occident. À Sarajevo commence et finit le XXe siècle, la Bosnie est le symbole de l’échec de l’Union européenne. »

(On pense à la dégradation des valeurs décrite par Hermann Broch dans sa trilogie Les Somnambules).
Rumiz boucle logiquement la boucle avec les Centomila, les Cent Mille de Redipuglia dans le Carso (haut-plateau karstique italien).
« Et là, ballotté sur ces rails, je ne sais même plus ce que je cherche, si ce sont les Caduti de la Grande Guerre, ou bien les victimes de la grande famine infligée par Staline, les Juifs de la Shoah, les paysans exterminés par les nazis, déportés dans les goulags, ou même – pourquoi pas ? – les premiers morts de la place Maïdan à Kiev, dont on vient justement d’entendre parler au cours des dernières heures. »


Mots-clés : #deuxiemeguerre #guerre #historique #identite #lieu #mort #politique #premiereguerre
par Tristram
le Sam 25 Jan - 13:38
 
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Sujet: Paolo Rumiz
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Vassili Grossman

Vie et destin

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 51y1mn10

suite du premier Tome de cette fresque historique, la bataille de Stalingrad où le lecteur retrouve en autre la famille CHAPOCHNIKOV.

La lettre annoncée de la mère du physicien Strum 2ème mari de Lioudmila porte un bouleversant témoignage à son fils de la réalité du ghetto où elle vit et duquel elle va partir pour un camp de concentration allemand parce qu'elle est juive.

Prise de conscience pour Strum de sa judéité pendant cette guerre (comme Grossman d'ailleurs qui n'a pas pu/su éviter le camp à sa mère) ; de même lorsque alors que ses travaux ne sont pas reconnus, les contrats des assistants Juifs de son laboratoire ne sont pas reconduits.

La guerre a déplacé des milliers d'habitants d'une ville à l'autre au gré des avancées de l'armée allemande, la pénurie c'est installée.

D’un goulag soviétique à un camp de concentration allemand, du QG du feld-maréchal Paulus à un état-major de l’armée rouge, d' un laboratoire scientifique de Kazan (celui de Strum), d’une cave de Stalingrad où se terrent des soldats allemands, à la maison "6 bis" que tiennent vaillamment une poignée d'hommes sous les ordres de Grekov,  aux immenses steppes russes Kalmoukes ( l'une des nations minoritaires de l'union soviétique)l'auteur démontre la similitude de la politique de deux états totalitaires.

La conversation entre Liss (SS responsable du camp) et Mostovkoï vieux Bolchevik de la première heure (détenu) est révélatrice en ce sens.

Avec les paroles d'un détenu de droit commun dans un camp allemand, Ikonnikov : « Je ne crois pas au Bien je crois à la Bonté ! « illustré notamment par cette vieille femme russe qui aide un soldat allemand,  l'auteur rejette les notions de Bien et de Mal ! Il le rappellera, il croit en "la bonté".

Novikov, Colonel de chars,  fait le choix de retarder de 8 minutes l’attaque pour épargner ses hommes.

"Il existe un droit plus grand que celui d'envoyer les hommes à la mort sans se poser de questions, c'est celui de se poser des questions en envoyant les hommes à la mort."



alors que du côté allemand Paulus :

Bien sûr, il aurait pu ne pas se soumettre à l’ordre reçu ! Le Führer l’aurait fait exécuter, mais ses hommes auraient été sauvés. Il lisait ce reproche dans bien des regards.
  Oui, il aurait pu sauver son armée !
  Mais il avait peur d’Hitler et craignait pour sa peau


L'auteur s'il évoque évidemment la puissante étreinte du Parti, l'année de terreur 1937 lors de procès truqués, il rappelle avec force aussi que chacun a son "libre arbitre". Certains l'ont exercé et bien sur l'ont payé très cher.

L’homme qui a péché connaît toute la puissance d’un État totalitaire : elle est incommensurable. Cette force énorme emprisonne la volonté de l’homme, au moyen de la propagande, de la solitude, du camp, d’une mort paisible, de la faim, du déshonneur… Mais dans chaque pas que fait l’homme sous la menace de la misère, de la faim, du camp et de la mort, se manifeste, en même temps que la nécessité, le libre arbitre de l’homme.
« le destin mène l’Histoire mais l’homme le suit parce qu’il le veut et il est libre de ne pas vouloir »


"Ceux qui s’obstinaient à revendiquer le droit d’être des hommes étaient, peu à peu, ébranlés et détruits, brisés, cassés, grignotés et mis en pièces, jusqu’au moment où ils atteignaient un tel degré de friabilité, de mollesse, d’élasticité et de faiblesse, qu’ils ne pensaient plus à la justice, à la liberté, ni même à la paix, et ne désiraient qu’être débarrassés au plus vite de cette vie qu’ils haïssaient."

L'accusé devant le juge n'est plus un homme c'est une "créature" !

C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
  — Réfléchissez !
La créature, elle, pensait. Elle avait de quoi réfléchir.
C’est du délire pur et simple, marmonna la créature à la vareuse largement ouverte.
Le juge d’instruction répondit :
  — Réfléchissez !
La créature, elle, pensait. Elle avait de quoi réfléchir.


Durant cette première nuit, il avait prononcé des discours séditieux, compati au sort des détenus des camps, raconté son intention de devenir apiculteur et jardinier. Mais, peu à peu, au fur et à mesure qu’il retrouvait sa vie d’antan, ses discours s’étaient modifiés.


Strum, le scientifique accepte de signé le document collectif qui doit être adressé à la presse et dans lequel est nié les condamnations de médecins Juifs, dont les Etats unis notamment ont eu connaissance et accuse l'Union soviétique. Encore une fois l'auteur rappelle le "libre arbitre" de chacun. (comme le personnage de Strum Grossman a lui aussi signé un document collectif, reconnaissant la culpabilité de certains accusés)

La tristesse, le dégoût, le pressentiment de sa docilité l’envahirent. Il sentait sur lui le souffle tendre du grand État et il n’avait pas la force de se jeter dans les ténèbres glacées… Il n’avait plus de force du tout. Ce n’était pas la peur qui le paralysait, c’était autre chose, un sentiment terrifiant de soumission.
Que l’homme était donc curieusement bâti ! Il avait trouvé la force de renoncer à la vie, et il était soudain incapable de rejeter quelques gâteries. Allez donc repousser la main omnipotente qui vous caresse la tête, vous tapote l’épaule !


En rappelant : "Trois événements grandioses ont été à la base d’une nouvelle vision de la vie et des rapports humains : la collectivisation des campagnes, l’industrialisation, l’année 1937." pour argumenter l'Etat/Parti de Staline. Staline à qui renvoie d'ailleurs plusieurs conversations ou réflexions de militaires, scientifiques ou intellectuels. Conversations ou réflexions discrètes car dangereuses pour le responsable.


Stalingrad devint la philosophie de l'Histoire !

Ce qui se jouait dans la bataille de Stalingrad c’était le sort des pays de l’Europe, la fin des camps nazis, le sort des prisonniers russes et allemands, le destin des Juifs, des minorités de l’Union Soviétique, les relations de l’ Union soviétique et des autres pays, le devenir d’Hitler et de Staline.

Selon que l'armée soviétique subissait ou au contraire dominait, les rapports entre les Russes et les nations minoritaires changeaient ; le sentiment nationaliste de la patrie  s'exerçait différemment et,  force dans le malheur,  pouvait devenir dictature, antisémitisme.....

L'armée soviétique a beaucoup subi, des millions de morts autant civils que militaires, mais a finalement encerclé l'armée allemande, la célèbre 6ème division de Paulus qui a conduit à sa capitulation.

Il faut remarquer que les détenus dans les camps soviétiques ont travailler pendant et après la guerre pour l'armée, pour la reconstruction ; leur conditions de détention sont aussi révélées, de même dans un chapitre poignant  le sort des Juifs dans un camp de concentration.

***

Une lecture qui m'a confirmée dans mes sentiments sur cette triste période, pas si lointaine, et qui réveille des questions encore d'actualité comme l'antisémitisme (en France notamment) ; le fait que des millions de personnes aient cru en le communisme (je ne jetterais jamais la pierre à quiconque pour avoir voulu, cru en des jours meilleurs, à cette utopie ?, ni à ceux qui ont encore gardé cet espoir).
D'ailleurs je ne sais pas  (n'ayant pas lu ni Marx, Engels....) ce qu'est véritablement le marxisme, le communisme mais ce que je sais - après plusieurs de mes lectures, documentaires vus,  que le Stalinisme est terrifiant ; que le nazisme l'était encore plus ( conduisant à une paranoÏa certaine chefs et serviteurs). Que des millions de gens ont payé de leur vie d'avoir vécu sous ces régimes ou de les avoir combattus ;  et que malheureusement de nos jours se réveillent dans plusieurs pays d'Europe des politiques extrêmes.

Strum est l'alter-égo de l'auteur, scientifique comme lui, ayant dans sa vie privée également des rapprochements - 2 femmes dont le mari de la première a été prisonnier de goulag, une mère morte dans le camp de concentration,  signataire lui aussi d'un texte collectif en 1937, publié dans la presse et demandant la peine de mort pour les inculpés d’un grand procès de prétendus traitres, parmi lesquels figurait Boukharine.
Je pense que l'auteur était bien conscient que son livre était une condamnation, une dénonciation du régime et que donc son oeuvre risquait d'être confisquée. Une manière de s'amender de  son pro-soviétisme d'avant la guerre ? .......mais c'était son pays !

d'autres extraits :

Soldats allemands après la capitulation :
Ils étaient laids et faibles, tels qu’ils avaient été mis au monde par leurs mères et tels qu’elles les aimaient. On cherchait en vain les représentants de cette nation au menton lourd, à la bouche hautaine, têtes blondes, visages clairs et poitrails de granit.
Ils ressemblaient comme des frères à ces misérables foules de malheureux, nés, eux, de mères russes, que les Allemands chassaient à coups de baguette et de bâton vers les camps de l’ouest à l’automne 1941.

Un soldat s’était introduit entre les côtes du cheval et ressemblait à un charpentier œuvrant parmi les chevrons d’un toit en construction. À deux pas de là, au milieu d’une maison en ruine, brûlait un feu au-dessus duquel un chaudron noir était suspendu à un trépied : tout autour, des soldats casqués ou en calots, enveloppés dans des couvertures ou des châles, fusil à l’épaule, grenades au ceinturon. De la pointe de sa baïonnette, le cuisinier renfonçait dans l’eau du chaudron les morceaux de viande de cheval qui remontaient. Assis sur le toit d’un abri, un soldat rongeait lentement un os de cheval qui ressemblait à un incroyable et gigantesque harmonica.

Stalingrad, l’offensive de Stalingrad, ont contribué à créer une nouvelle conscience de soi dans l’armée et la population. Les Soviétiques, les Russes, avaient maintenant une autre vision d’eux-mêmes, une autre attitude à l’égard des autres nationalités. L’histoire de la Russie devenait l’histoire de la gloire russe au lieu d’être l’histoire des souffrances et des humiliations des ouvriers et paysans russes. Le national changeait de nature ; il n’appartenait plus au domaine de la forme mais au contenu, il était devenu un nouveau fondement de la compréhension du monde.



Mots-clés : #deuxiemeguerre #regimeautoritaire #xxesiecle
par Bédoulène
le Dim 15 Déc - 18:04
 
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Sujet: Vassili Grossman
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Roger Nimier

Le hussard bleu

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Roger-11

Roman, publié chez Gallimard en 1950, environ 415 pages.

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Roger Nimier ?
Diagnostiqué dangereux pestiféré chez les tenants du haut du pavé parisien et germanopratin des années 1950, suite à ce livre (ou est-ce par les positions affichées des parutions auxquelles il collabore, ou encore est-ce pour avoir publié Céline, Chardonne, Morand, ou est-ce un tout?).
- Toujours est-il que:
Le journaliste Bernard Frank, entendant dénoncer une coterie à abattre, utilise l'expression de "Hussard" en référence au "Hussard bleu" de Nimier, pour désigner quelques écrivains à honnir: Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon, Roger Nimier, etc..., même si l'expression fait encore florès, il est assez discutable qu'il y eût réellement mouvement au sens artistique, c'était plutôt un groupage journalistique extérieur, commode pour servir de cible à la vindicte.

Je voulais quand même voir de quoi il retourne avec ce livre-là en particulier, puisqu'il a donné son intitulé au pseudo-mouvement, mais entre l'idée vague et ouvrir effectivement les pages, se plonger dedans, il faut un déclic, la lecture récente de pas mal de bouquins d'Antoine Blondin fut celui-ci.

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Le procédé d'As I lay dying - Tandis que j'agonise - de Faulkner y est repris, à savoir:
L'écriture consiste en des monologues de tailles variées, par les protagonistes, tous masculins sauf un.
42 monologues, répartis en trois parties.

Le caractère féminin allemand, pourtant de tout premier plan, en est curieusement exclu, l'on comprend à la fin qu'il y a une bonne raison de construction littéraire, comment faire parler ce protagoniste sans dévoiler la chute ?

Nous avons deux personnages principaux, deux hussards français, Saint-Anne en lequel Nimier a mis l'essentiel de lui-même et de son regard d'alors (du moins peut-on le présumer via la concordance des âges et des expériences), c'est lui le hussard bleu, et François Sanders, l'insolent, le séduisant, troupier efficace, revenu de tout (dans tous les sens de l'expression), il est celui que Saint-Anne admire.

Le thème du livre est, disons, la vie au sein d'un escadron de hussards français après la Libération, sur sol allemand occupé (les fameuses TOA - Troupes d'Occupation en Allemagne), en 1945.

Si vous avez quelques doutes sur l'aspect civilisateur et culturel de la présence militaire française dans le contexte d'alors, ainsi que sur les héros auréolés de la Libération qui composaient ces forces-là, alors c'est un livre qu'il vous faut: on comprend qu'il ait pu choquer, faire couler pas mal d'invectives, d'encre et enclencher des polémiques à n'en plus finir à sa parution.

Nimier a dû paraître dans ce livre, qui a pu être un tantinet déflagrant alors (et sans doute encore aujourd'hui, peut-être pas tout à fait pour les mêmes raisons), comme une sorte de provo, tendance nihiliste, de droite anti-gaulliste par-dessus le marché, histoire de ne faire aucune concession, et ce sans singer ou s'adonner au rôle de l'histrion. Il y a, cela sans doute, un second degré qui parcourt l'ouvrage, voire un incontestable humour, ricanant jaune et froid, très ironie-du-désespoir, bref, du type que je ne prise pas, bien qu'il connaisse une vogue indéniable, qui ne se ralentit pas depuis un gros siècle.

Outre ceci, qui a trait au propos, [pour ne rien arranger diront certains] l'ensemble est de surcroît assez cru, cynique, provocant, peut faire tiquer et tordre le nez, cependant reste toutefois de lecture preste, littérairement plutôt bien troussé, agréable bien qu'inégal: ça démarre vraiment sur les chapeaux de roues, et puis ça s'étiole quelque peu, et reprend sur les interventions finales.

L'argot de troupes de l'époque en vigueur chez les suçards (traduisez hussards) s'avère parfois décoiffant (ça a son petit charme), mais aussi ordurier à l'occasion.
Nimier, qui a vécu la vie d'un hussard français en Allemagne occupée sait peindre à vif, rendre du choc, croquer des instants, des scènes en quelques traits; quant aux caractères mis en avant, c'est là toute la réussite du livre.

Casse-Pompons a écrit:Ça fait penser à ces enculés de Shleus, des mômes de quatorze ans ou des vieux duchnoques qui se cachaient dans les buissons pour nous tirer dessus. Comme disait Los Anderos: "Qu'est-ce que c'est que ce genre-là ? Faut de l'ordre, dans la vie. Aux francs-tireurs, il y avait de l'ordre." Pour ce qui est des francs-tireurs, je ne pouvais pas en parler très exactement comme lui, vu que, à la même époque, mes obligations militaires me retenaient dans la garde à Pétain. Mais dans la garde à Pétain, on avait tout à fait l'esprit du maquis.

 Quand même, c'est les partisans schleus qui ont fait sauter l'half-track du peloton avec un bazouka. Ça, y a rien que le Schleu pour inventer une arme aussi perverse. Je me murmurais en coulisse: comme ça, y sera plus en panne. Évidemment, c'était ennuyeux pour les copains. Mais y z'ont eu la belle mort et le lieutenant, il a dit qu'ils auraient aussi la citation. Ça, d'ailleurs, c'est rien injuste. J'estime et je considère qu'un qui a pas froid aux yeux et qui fait reculer la mort par son attitude méprisante et glacée, c'est çui-là qu'il la mériterait la médaille. Mais je ne veux nommer personne. N'empêche: la croix d'honneur, quand elle est accrochée au mur, c'est ça qui fait regretter aux vieux de ne pas avoir envoyé plus de mandats à leur cher petit disparu, tant qu'il était en vie, histoire qu'il puisse aller de temps à autre à l'estaminet pour se nettoyer la pente avec du gros bien acide.  


Colonel de Fermendidier a écrit:L'âme germanique n'a plus de secrets pour moi. Ai complètement maté ces gaillards, en un rien. D'ailleurs, ils sont très pétainistes. Le vieux les impressionne encore. Ces gens-là sont plus poétiques qu'on ne croit. Verdun, c'est un souvenir, tandis que toutes ces histoires de Vercors et de Stalingrad, on sent bien que ce sont des inventions de la propagande maçonne. Suffit.
[...] On pense qu'il est gai pour un vieux blédard comme moi d'être sous les ordres d'un déserteur. Ça s'est mêlé d'organiser des concerts, des expositions. Expositions de mes couilles, oui, en paquet de douze et dégraissées. À Sidi ou-Saïd et à Bidon V, ça aurait bien amusé tout le monde.
[...] L'autre jour, à minuit, dans le poste de garde, ai surpris un jeune margis qui lisait un journal de Paris. Lui ai défendu de réveiller les hommes qui ronflaient d'un seul cœur. Lui ai demandé:
- Pourquoi tu lis ça, mon petit ami ?
A bredouilé que c'était pour se tenir au courant, réfléchir, quoi.
- Mais c'est à peine bon à t'essuyer le cul, mon petit ami. Une fois que tu l'auras essuyé, tu n'y toucheras plus à ton journal, n'est-ce pas ? Eh bien, quand tu verras un journal, agis toujours comme si tu venais de t'en servir, et tu verras comme tu passeras vite maréchal des logis-chef.
Je dois dire, les livres ne valent quelquefois pas mieux. Un exemple: avais depuis longtemps l'intention de lire Servitude et grandeur militaire. Fichue intention ! Littérature à la graisse de bottes. Aurais bien voulu connaître l'auteur. Ne devait pas être un franc-baiseur, ce Vigny, mais plutôt un petit sacristain qui se l'agite dans les coins. Une sorte de gaulliste, en somme.



Sanders a écrit:
Un jour, il y a un an, il a été tué dans un bombardement. on n'a pas retrouvé grand-chose de son corps. Ça m'a bien aidé pour l'enterrement, ça, vous savez. Car je suis restée quatre jours avec la bière dans l'appartement. Mais je pensais qu'il n'était plus dangereux; il n'en restait presque plus rien. Cette mort, enfin, nous faisait participer un peu aux malheurs de la patrie? C'était plus chic, vous comprenez.
- Et votre frère ? Le parachutiste...
- Oui... celui-là a été tué à la guerre, mais par la dysenterie. On n'a pas de chance dans la famille. On n'est pas doués pour l'héroïsme. Moi, quand on me viole, vous l'avez vu, j'y prends un grand plaisir. Ça n'a pas été très compliqué. Nous couchions ensemble: un garçon, une femme. Un souvenir comme les autres.
 Elle a eu un rire faux qui n'a pas duré longtemps. Je lui ai pris le menton et je l'ai embrassée.
- Vous avez eu raison de mentir. J'aurais tiré de vous moins de plaisir, en connaissant tout cela. Vous savez, le viol, c'est comme la confiture d'orange, ça parle à l'imagination. À travers vous, ma petite fille, je pensais atteindre un général, un héros, le paradis terrestre, en somme...Un monde beaucoup trop difficile pour que nous y mettions jamais les pieds. Mais nous pouvions le faire bascule dans notre saleté. Comme ça, il n'y a plus de paradis pour personne.


Saint-Anne a écrit:Nous retrouvons enfin notre nouveau chef de peloton, l'adjudant Maréchal. C'est un buffle mal rasé qui ne peut pas rester une minute sans démonter un moteur. Quand il n'en a pas sous la main, ce qui est rare (il en traîne partout), il fouille dans sa montre. Il nous traite de lâches, de déserteurs, de poseurs de ses deux; je ne sais pas à quoi il fait allusion. Il nous accuse de passer plus de temps à nous gominer les cheveux qu'à poursuivre l'Allemand. C'est un peu exagéré. Maximian se coiffe très sommairement et il extermine les Fridolins jusque dans ses prières.
Puis ce Maréchal examine le ciel. Il prédit pour le lendemain l'Apocalypse, la merde et la mort.
  C'est assez bien vu, car il reçoit un éclat d'obus dans le ventre, ce qui lui donne une meilleure occasion de brailler. Nous faisons la connaissance du lieutenant des Môles, qui le remplace. Il vient du premier escadron. Comme il n'est pas marié, ça n'a aucune importance. Il est dix heures. Le soleil s'étire, dans un ciel qui ressemble à un brouillon de mauvais élève. Tous les quatre, nous écoutons:
- Envoyons une reconnaissance sur l'axe AB. Voyez la carte. Sales coin...Plein de mines. Vot' voiture est la plus moche du peloton. Vous souhaite pas bonne chance. Au bout de deux kilomètres, vous pourrez revenir. Vous avez la radio. Tâchez de prévenir avant de sauter.
  Nous prenons un air ennuyé. Cet ennui augmente quand le lieutenant nous serre la main. Ce jeune homme, après tout, nous ne l'avons pas invité à notre enterrement.  



Mots-clés : #deuxiemeguerre #guerre #temoignage #violence #xxesiecle
par Aventin
le Sam 7 Déc - 8:19
 
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Sujet: Roger Nimier
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Moritz Thomsen

Mes deux guerres

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Mes_de10


Récit autobiographique, l’histoire de cette famille plus extraordinaire qu’une création romanesque, mais aussi typiquement nord-américaine dans la démesure de la fortune et du désastre, du sordide et de la folie, gravitant sans fin autour de la figure du père haïssant et haïssable ‒ le tout épicé d’un humour subtil, mais fort teinté de dérision. Avec le bizarre contrepoint de l'expérience tout aussi traumatisante de la Seconde Guerre mondiale comme bombardier.
Thomsen est un puissant narrateur, comme de cette séance déterminante dans une taverne munichoise en pleine poussée fasciste, ou celle du choc de Pearl Harbor ‒ et bien sûr les bombardements vus d’un B-17. Le point de vue dont il témoigne m’est souvent paru différent de ce que j’aurais cru, mais toujours plein d’enseignements (telle cette significative diffamation officielle : « Lack of Moral Fibre », défaut de combativité).
« Et il est tout aussi étrange que, lorsqu’on se met à creuser le passé, on n’y trouve pas, bien souvent, ce à quoi on s’attendait ; dans nos souvenirs les plus vivaces, on est rarement dans les bras de quelqu’un, mais presque toujours seul et peut-être à ne rien faire de plus important qu’être posté à la fenêtre tandis que la lune monte au-dessus des arbres, ou contempler, dans une sorte d’extase, les eaux limpides d’un lac de montagne. »

« La monotonie s’est parée d’une qualité enchantée, comme si nous vivions des journées qui ne seront pas décomptées de notre espérance de vie, dividendes sans valeur, mais dont, avec un peu d’imagination, il est possible de retirer quelques moments de relative joie. »

« Le temps de quelques instants, je fus ébranlé par l’idée de ces artistes, alors clandestins [dans l’Europe occupée par les nazis], dont nous avons besoin pour interpréter la nature transcendante du réel, et de ces penseurs sans illusions qui, en l’absence de Dieu, ne peuvent que nous indiquer comment marcher avec grâce et courage vers notre propre extinction. […]
Qui d’autre, là en bas, portait le fardeau du monde, maintenait la cohésion du monde, recréait un monde à partir des menus éléments de son expérience et de sa vision personnelles ? »

« On entend dans sa jeunesse les accords d’ouverture d’un concerto tout de puissance et de romantisme et, pour le restant de sa vie, l’on est prisonnier de cette émotion qui revient avec chaque répétition de l’œuvre. »

« Pourquoi, quand la vie est à ce point odieuse, sommes-nous si terrifiés à l’idée d’en être soulagés ? »


Mots-clés : #autobiographie #deuxiemeguerre #relationenfantparent #temoignage
par Tristram
le Mar 26 Nov - 13:15
 
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Sujet: Moritz Thomsen
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Joy Kogawa

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 97822510

Obasan

Le roman de Julie Otsuka, Quand l’empereur était un Dieu, avait mis en lumière l’attitude peu glorieuse des USA envers les ressortissants d’origine japonaise durant la seconde guerre mondiale. Avec Obasan, Joy Kogawa nous apprend que la situation au Canada fut tout aussi tragique.
Peu importe qu’ils aient conservé la nationalité japonaise, aient été naturalisés ou soient nés citoyens canadiens, tous furent logés à la même enseigne : interdits de séjour dans toute la Colombie britannique, spoliés de leurs biens, puis internés des camps sordides. Ceux qui, après guerre, décidèrent de rester au Canada malgré les incitations répétées à rentrer « chez  eux », au Japon (et tant pis s’ils n’y avaient jamais mis les pieds), durent attendre 1948 pour retrouver un semblant de vie normale. Mais pour la perte de leurs biens, entreprises, maisons et tout ce qu’elles contenaient, il ne fut pas question d’indemnisation...

Ce drame méconnu qu’elle a elle-même vécu, Joy Kogawa a choisi de l’évoquer à travers le personnage fictif de Naomi, une institutrice introvertie que la mort de son oncle confronte brutalement à ce passé douloureux. Pour Naomi, la guerre fut un cataclysme : son père, souffrant, fut séparé de sa famille ; sa mère, partie au Japon au chevet d’une parente peu avant Pearl Harbor, n’est jamais revenue. Naomi n’a jamais su pourquoi. Elle et son frère ont donc été élevés par un oncle et une tante, dans le silence et la résignation. Seuls pour affronter les épreuves, la douleur de la perte, et des milliers de questions sans réponse… La petite Naomi s’est peu à peu repliée sur elle-même, son enfermement intérieur faisant écho à sa situation physique. Enfant mutique, elle semble avoir traversé ces années de guerre dans un brouillard…

Obasan est un livre tout en délicatesse, en sobriété et en non-dits. Peut-être parfois trop. Car si l’auteur rend à merveille l'enfermement de l’enfant dans le déni, elle ne nous donne guère de clés pour la comprendre. Même face à la brutalité des révélations faites à l’âge adulte, Naomi semble rester passive, seulement trahie par ses rêves... Une mise à distance qui m’a empêchée d’apprécier pleinement cette lecture, malgré la beauté de certains passages. Pourtant c’est un livre que je recommanderais, un livre nécessaire pour ce qu’il nous apprend du traumatisme de toute une population broyée par le racisme décomplexé d’un état canadien alors enferré dans une logique absurde. Un état démocratique qui a sciemment privé des citoyens de leurs droits dans l’indifférence quasi générale. Et cela, il appartient aux générations suivantes de ne pas l'oublier...


Mots-clés : #deuxiemeguerre #discrimination #enfance #famille #immigration
par Armor
le Mar 1 Oct - 19:59
 
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Santiago H. Amigorena

Le ghetto intérieur

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 41k2km10

En exergue : Réagir de façon adéquate à l’incommensurable était impossible. Et celui qui exige cela des victimes devrait exiger du poisson jeté sur la rive qu’il se dépêche de se faire pousser des jambes pour retourner à petits pas dans son élément humide.

Günther Anders
Nous, fils d’Eichmann



Vicente a quitté sa Pologne natale, sa mère, son frère et sa sœur. S’éloigner de sa mère, prendre son indépendance, après la guerre aux côtés de Józef Piłsudski où il avait gagné ses galons de sous-officier.  Il débarque à  Buenos Aires en Argentine en 1928. Il était avec son ami d’enfance Ariel.

Il rencontre Rosita dont les parents sont aussi juifs et émigrés, ils se marient. Gère un magasin de meubles confié par son beau-père. Naissent 3 enfants. La vie est heureuse pour eux jusqu’à ce que la deuxième guerre éclate en Europe ; lui qui ne se sentait pas du tout Juif, ni Polonais depuis de nombreuses années va sombrer quand il recevra des lettres de sa mère qui lui confie leur vie dans le ghetto de Varsovie. Rongé par la culpabilité d’avoir laissé sa mère en Pologne, de ne pas avoir insisté afin qu’elle le rejoigne ainsi que sa sœur et son frère,  il se réfugie dans le silence, puis se perd dans le jeu.

Rosita ne comprend plus Vicente, elle ne reconnait plus l’homme qu’elle a aimé, épousé, qui les ignore elle et leurs enfants. Mais Vicente n’arrive plus à s’intéresser à eux il n’est plus que vide. Il s’emprisonne dans son ghetto intérieur. Il fait des rêves récurrents qui le déchirent ; le mur de son rêve qui l’emprisonne, il comprend enfin que c’est « sa peau » ; il étouffe dans son corps, sa tête. Aux questions qu’il se pose, il ne peut répondre, et il rejette le secours de sa femme, de son meilleur ami, Ariel.

« Pourquoi jusqu’à aujourd’hui j’ai été enfant, adulte, polonais, soldat, officier, étudiant, marié, père, argentin, vendeur de meubles, mais jamais juif ?

« Vicente voulait faire taire les voix des autres, les voix autour, et sa voix à lui aussi. Ou plutôt, il voulait faire taire ses voix : celle qui lui faisait encore, rarement, prononcer des mots que les autres pouvaient entendre et aussi cette autre voix, muette, intérieure qui lui parlait de plus en plus et qui résonnait parfois comme celle d’un ami intime et parfois comme celle d’un dieu étranger – la voix de sa conscience. »

Les informations qu’il recueille dans la presse le conforte dans son besoin d’isolation, car tout est imprécis et il ne peut qu’imaginer. Il se perd dans ce qu’il imagine, dans des détails qui lui semblent essentiels, comme l’idée que le châle de sa mère doit lui être autorisé.

« En 1941, être juif était devenu une définition de soi qui excluait toutes les autres, une identité unique : celle qui déterminait des millions d’êtres humains – et qui devait, également, les terminer. »

« Maintenant, il se sentait juste de plus en plus juif – sans que cela le soulage en quoi que ce soit. »


Ce n’est qu’à la fin de la guerre que lui, comme le monde connaîtra la réalité de la tragédie qui s’y est déroulée pour les Juifs d’Europe, le génocide, la Shoah !



Terrible exil intérieur que vit le narrateur, cet enfermement,  ce choix de se taire,  car se taire c’est ne plus exister ; se punir de n’être pas en Pologne, aux côtés de sa mère, de sa famille ?

C’est aussi le sujet de l’identité qui est posé.

En regard de l’évolution du ressenti de Vicente l’auteur déroule les événements en Europe. La progression de l’extermination s’inscrit aussi par les différents « noms » donnés aux actions et exactions nazies et c’est déjà odieux !
- Le repeuplement vers l’est (après qu’ait été envisagé l’opération Madagascar projekt)
- La grande action
- Le chemin du ciel (vers les douches)
- L’installation spéciale
- Le traitement spécial
- La solution finale

Comme tant d’autres livres c’est un devoir de mémoire, là tout particulièrement, devoir personnel, familial pour l’auteur puisqu’il s’agit de l’histoire de son grand-père Vicente Rosenberg et à travers lui de son arrière grand-mère morte dans les camps, ainsi d’ailleurs que le frère et la belle-soeur de Vicente.

L’auteur précise en avant du récit « À Mopi, qui l’a écrit avant moi » ; Mopi se trouve être l’écrivain et membre de la famille Martin Caparros.

C’est une lecture à faire !



Mots-clés : #biographie #deuxiemeguerre #devoirdememoire
par Bédoulène
le Sam 21 Sep - 15:41
 
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Sujet: Santiago H. Amigorena
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Andrzej Szczypiorski

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 La_jol10


La Jolie Madame Seinman. - De Fallois

Madame Seinman est jeune et jolie. Très jolie. Et ses yeux sont très bleus. Mais elle est juive et en 1943, dans Varsovie occupée par les nazis cela équivaut à un arrêt de mort.
Elle a pourtant un excellent faux passeport. Mais lorsqu'on l'arrête, elle commet une erreur fatale.
Heureusement pour elle, elle a des amis qu'elle ne savait pas.
Madame Seinman n'est qu'une des protagonistes de cette histoire tragique, pleine d'atrocités, mais aussi de solidarités quasiment miraculeuses. Une sorte de chaine mystérieuse les lie, qui tente de sauver ce qui peut l'être encore.
Quelques vies sauves et inespérées.

Le ghetto de Varsovie résiste encore mais sera finalement écrasé dans le sang.
Dans l'ombre, la Résistance polonaise essaie de s'organiser.

Le récit est exempt de tout naturalisme. Sans doute, parce que le narrateur a du recul sur l'évènement. Et il a tendance à mettre en évidence les destins croisés de personnages de tous milieux, dont les plus émouvants sont de jeunes ados, dont l'un est juif et l'autre polonais, un juge et Mme Seinman..
Le style est limpide et d'une seule coulée et se lit avec facilité et plaisir.


Mots-clés : #deuxiemeguerre #solidarite
par bix_229
le Dim 8 Sep - 18:33
 
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Hubert Mingarelli

La terre invisible


Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 41qxeg10

Excellent roman. L'histoire d'un homme, photographe à la fin de la seconde guerre mondiale qui décide d'organiser un périple dans l'Allemagne vaincue afin de photographier les petites gens qui ont survécu.
Accompagné par un soldat novice leur voyage les conduira dans une quête existentielle.
Comme d'habitude Mingarelli se sert du thème de la guerre pour proposer un cheminement philosophique personnel ; la recherche de sens, la volonté de comprendre, l'importance des questions plus que des réponses et ce talent pour s'interroger en éludant la venue de réponses.
L'auteur se sert ici d'une belle image, celle du photographe hanté par un souvenir et en en créant de nouveaux par le biais de ses photos. Capter les scènes de vie pour oublier celles des morts, rendre tangible un vécu pour faire disparaître les catastrophes désormais vaporeuses. Une sorte de Don Quichotte aussi tant sa quête de sens est vaine et tant son Sancho Panza est aussi perdu que lui.
C'est bien écrit, le risque eut été d'en faire trop. Or la difficulté du sujet exigeait un style délicat, tendre. Et Mingarelli sait très bien le faire.

Un très bon roman.


Mots-clés : #contemporain #deuxiemeguerre
par Hanta
le Dim 11 Aoû - 10:09
 
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Sujet: Hubert Mingarelli
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Pierre Assouline

La cliente

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 La_cli10


Le narrateur, un biographe plongé dans les archives de l'Occupation et de la collaboration, découvre une lettre dénonçant la famille d'un de ses amis, des fourreurs juifs qui ont été déportés. Il identifie la délatrice, puis la harcèle, obsédé par la question du pourquoi du Mal ; il poursuit son enquête, retrouve l’inspecteur aux affaires juives (la banalité administrative du mal), et finalement découvre la vérité, inattendue et… spéculaire…
Marqué en courtes phrases, systématiquement heurté, le style, pourtant travaillé, m’a déplu, qui entretient une certaine grandiloquence dans un enchaînement d’aphorismes paradoxaux (peut-être remplacer la moitié des points par des points-virgules ou deux points ?) D’heureuses expressions cependant, comme « la conversation des siècles » pour celle des livres aux lecteurs. Un humour un peu laborieux quoique léger, de vagues invraisemblances laissent de ce roman une impression de maladresse.
Curieux clin d’œil, la cliente malcommode chez le fourreur s’appelle Yadgaroff, comme l’épouse de l’auteur.
J’aimerais bien un autre avis de lecteur…  

« Ce drame s’est joué au cœur de Paris, sur trois cents mètres de bitume, entre trois magasins, un bistro, une église. La France en réduction. »


Mots-clés : #antisémitisme #deuxiemeguerre
par Tristram
le Sam 27 Juil - 0:39
 
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Sujet: Pierre Assouline
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Irène Nemirovsky

Suite française

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Proxy193

Celui-là seul connaît les hommes et les femmes qui les a observés en un temps comme celui-ci, pensa t'elle. Celui-là seul se connaît lui-même.


On lit sans un instant de lassitude cet excellent roman choral du genre  « qualité française » peaufinée aux petits oignons. On ne dispose malheureusement que des deux premiers épisodes, cinq  ayant initialement été prévus dans cet ouvrage interrompu pour cause d'assassinat à Auschwitz.

Et autant on regrette les développements manquants, qu'on devine puissamment entrecroisés,  autant cela se lit tout à fait sans sentiment d'inachèvement. L'exode, puis la période de l'occupation allemande, sont l'occasion de montrer la modification des rapports sociaux, variablement apaisés ou attisés, et la complexité des personnalités. Les pages tournent d’elles-mêmes.

Récup 2015


Mots-clés : #deuxiemeguerre
par topocl
le Lun 22 Juil - 8:50
 
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Sujet: Irène Nemirovsky
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Ralf Rothmann

Mourir au printemps

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 Image113

Originale : Im Frühling sterben (Allemand, 2015)

CONTENU :
Hiver 1944/45 : Les Alliés sont déjà très avancés quand le régime fasciste décide de mettre encore les dernières réserves dans la bataille. C'est ainsi que Walter (« Ata »), qui semblait avoir un travail irremplaçable dans une ferme avec des vaches laitières, est encore incorporé avec son ami Friedrich (« Fiete »). Ils s'en vont après une formation rudimentaire ultrarapide en Hongrie. Walter sera conducteur, Fiete au front. Même sans tiré lui-même un coup de fusil, Walter sera témoin des violences inhérentes à une guerre : exécutions, morts inutiles, absurdités… Comment s'en tirer ? Rester un peu inaperçu en faisant son service ? Ou, comme pense Fiete, s'enfuir ?
La situation les met devant une situation terrible…

REMARQUES :
On pourrait mettre l'accent sur ce récit de la guerre qui constitue en fait la majeure partie du roman. Mais avec une attention particulière, on remarquera alors le « cadre » du roman, qui met le tout déjà sur les premiers pages dans une certaine lumière : C'est le fils de Walter, sans doute un Alter Ego de Ralf Rothmann, qui réfléchit sur le caractère de son père : taciturne, portant toute sa vie une sorte de secret. Oui, il rentrera alors en bonne santé de la guerre : il s'en tirera, mais quelque chose sera gravée en lui : une tristesse, une gravité, un silence face au vécu.

Rothmann se montre très réaliste dans les descriptions de la guerre : il ne cache pas des exactions, des atrocities. Son père n'y prend pas part, il pourrait se regarder dans un miroir. Et pourtant… Le sujet, ou voir la quintessence ( « la morale »?) de l'histoire se résume déjà dans le vers du prophète Ezechiel qui précède le roman :  « Les pères mangent du raisin vert, et les dents des fils en sont agacées. » Pas seulement que la génération des participants ont du avaler des pilules très dures, mais encore la génération des enfants (et des enfants des enfants?) portent les stigmates. Si on prend comme donnée que ce roman est en certaine partie autobiographique, Rothmann se déclare lui-même comme étant atteint encore par les tremblements et les conséquences de ce qui a été vécu. Est-ce que, comme Fiete le dit un moment donné, des peurs, des balles tirées, se transmettent pour ainsi dire génétiquement ?

Donc, pour moi un tout grand roman, pas juste du passé, mais encore, à travers la génération des Rothmann (et je me compte là-dedans) de ce que nous portons encore aujourd'hui en nous.


Mots-clés : #deuxiemeguerre
par tom léo
le Ven 14 Juin - 7:26
 
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Sujet: Ralf Rothmann
Réponses: 6
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Marcus Zusak

La voleuse de livres

Tag deuxiemeguerre sur Des Choses à lire - Page 3 La-vol10


Je ne savais pas ce qui m’attendait avec cette lecture n’ayant pas lu les recensions et commentaires, à vrai dire le titre et l’apparence ne m’attirait pas trop. Mais le livre me fut recommandé par une amie, donc…on y va !

Il m’a plu comment Zusak raconte une histoire attachante entre des enfants et quelques adultes autour. Certains (vu après lecture dans un forum allemand) – à mon grand étonnement – réduisent alors le livre à une histoire sans ancrage dans la grande Histoire. Pourtant il me semble évident qu’on ne peut pas faire abstraction du cadre historique : la montée du nazisme, l’encadrage par des organisations, l’antisémitisme, les camps de concentration, aussi les bombardements de villes (allemands). Comment l’auteur lie ici alors une histoire avec l’Histoire est très parlante : il montre les effets du nazisme et de la guerre dans la vie quotidienne de ses héros.

Derrière un langage apparemment « léger »  et pourtant aussi poétique ; il raconte plus qu’une histoire romantique. Ce livre pourrait bien servir aussi – à coté du plaisir de lecture – d’introduction à l’histoire du III Reich, voir, de dictatures…

Par la dédicace et des informations sur le Web j’ai bien compris que Zusak travaille aussi à partir des expériences de ses parents, allemand et autrichien, respectivement.

Ce qui m’a un peu dérangé c’était la multitude de petits chapitres, certains introductions un peu trop « légères », voir laconiques. Et pourtant cela fait aussi le charme de ce livre : Il raconte une histoire terrible, et quand même il y a un certain humour. La mort semble inévitable, et n’a pas seulement une face effroyable…

Mots-clés : #deuxiemeguerre #enfance #jeunesse
par tom léo
le Jeu 23 Mai - 7:59
 
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Sujet: Marcus Zusak
Réponses: 5
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