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Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

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La date/heure actuelle est Ven 26 Avr - 13:24

180 résultats trouvés pour lieu

Jean-Pierre Abraham

Armen

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Armen10

Le narrateur/auteur note ses impressions tandis qu’il patiente, gardien du phare d’Ar-Men, « la pierre », à l’extrémité occidentale de la chaussée de Sein, au sud de la mer d’Iroise.
Croisant le collègue de vacation au gré des quarts, il semble être au bord de la folie, de la peur, ainsi assailli par la mer, qu’à force on ne peut plus regarder.
« Il y a quelqu’un en moi qui ne doit pas sortir vivant d’ici. »

Dans cette longue veille attentive, apprentissage de la patience, il dénote un grand soin de la lumière : la lanterne bien sûr, mais aussi sa lampe à pétrole, les perles de Vermeer, les reflets, les cuivres qu’il astique.
« Alors les personnages semblaient secréter leur propre lumière. Femmes-lampes exactement, qui brillaient un peu plus dans les passages du vent. »

« Veiller à la lueur vacillante d’une bougie, ce serait moins dur. C’est la fixité de la flamme, dans ma lampe, qui m’étreint, qui fait naître, familier désormais, inépuisable, ce halètement. »

Cette rude existence monacale est surtout consacrée à l’entretien du phare.
« Le pain moisit vite, cette dizaine. »

« Plus jamais il ne serait possible de revenir à une existence normale. »

Il lui faut se défier des souvenirs (il a vingt-six ans, donc l’enfance, sa vie de marin également) ; il est aussi en compagnie des poèmes de Reverdy.
« Je voudrais être un bon outil, savoir attendre, savoir préparer… »

Son affaire, c’est encore de s’efforcer à écrire.
« Il y a des mots qui se mettent à flamber dans la nuit. Au matin souvent je les retrouve en cendres. Quels mots faut-il inventer, qui flambent à chaque fois qu’on les regarde ? »

« Et cependant je crois qu’au bout de la monotonie chaque instant doit retrouver sa fraîcheur, révéler à nouveau son pouvoir d’immense surprise. »

Voilà un beau livre, variante fort différente de Le phare, voyage immobile, de Rumiz.

\Mots-clés : #autobiographie #lieu #merlacriviere
par Tristram
le Ven 26 Aoû - 12:59
 
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Sujet: Jean-Pierre Abraham
Réponses: 5
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René Daumal

Le Mont Analogue − roman d'aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Le_mon12

Théodore, le narrateur est l’auteur d’une « fantaisie littéraire » parue dans la Revue des Fossiles, un article de spéculation sur « la signification symbolique de la montagne dans les anciennes mythologies », qui a été pris au sérieux par le père Pierre Sogol, un étonnant professeur d'alpinisme, mais aussi chercheur dans les sciences les plus diverses, « un Mirandole du XXe siècle ».
« "Pour qu'une montagne puisse jouer le rôle de Mont Analogue, concluais-je, il faut que son sommet soit inaccessible, mais sa base accessible aux êtres humains tels que la nature les a faits. Elle doit être unique et elle doit exister géographiquement. La porte de l'invisible doit être visible." »

Sogol détermine que cette montagne doit exister, qu’elle est invisible à cause d’une courbure de l'espace et qu’elle est située sur une île du Pacifique sud, en contrepoids de la masse continentale émergée et connue de la planète. Une expédition est décidée, avec huit membres (plus quatre hommes d’équipage), et Théodore devient le rédacteur de son journal lorsqu’ils parviennent au pied du Mont Analogue.
« Les explorateurs emportent en général avec eux, comme moyen d'échange avec d'éventuels "sauvages" et "indigènes", toute sorte de camelote et de pacotille, canifs, miroirs, articles de Paris, rebuts du concours Lépine, bretelles à poulies et fixe-chaussettes perfectionnés, colifichets, cretonnes, savonnettes, eau-de-vie, vieux fusils, munitions anodines, saccharine, képis, peignes, tabac, pipes, médailles et grands cordons, − et je ne parle pas des articles de piété. »

Ce continent "inconnu" est sous l’autorité de guides de haute montagne, et l’équivalent de l’étalon-or de la contrée est un cristal courbe, le péradam
Au fil du récit sont insérés des contes, comme Histoire des hommes-creux et de la Rose-amère
« Ils ne mangent que du vide, ils mangent la forme des cadavres, ils s'enivrent de mots vides, de toutes les paroles vides que nous autres nous prononçons. Certaines gens disent qu'ils furent toujours et seront toujours. D'autres disent qu'ils sont des morts. Et d'autres disent que chaque homme vivant a dans la montagne son homme-creux, comme l'épée a son fourreau, comme le pied a son empreinte, et qu'à la mort ils se rejoignent. »

… des mythes…
« Au commencement, la Sphère et le Tétraèdre étaient unis en une seule Forme impensable, inimaginable. Concentration et Expansion mystérieusement unies en une seule Volonté qui ne voulait que soi. »

… des descriptions de flore et faune locale…
« Parmi celles-ci, les plus curieuses sont un liseron arborescent, dont la puissance de germination et de croissance est telle qu'on l'emploie − comme une dynamite lente − pour disloquer les rochers en vue de travaux de terrassement ; le lycoperdon incendiaire, grosse vesse-de-loup qui éclate en projetant au loin ses spores mûres et, quelques heures après, par l'effet d'une intense fermentation, prend feu subitement ; le buisson parlant, assez rare, sorte de sensitive dont les fruits forment des caisses de résonance de figures diverses, capables de produire tous les sons de la voix humaine sous le frottement des feuilles, et qui répètent comme des perroquets les mots qu'on prononce dans leur voisinage ; l'iule-cerceau, myriapode de près de deux mètres de long, qui, se courbant en cercle, se plaît à rouler à toute vitesse du haut en bas des pentes d'éboulis ; le lézard-cyclope, ressemblant à un caméléon, mais avec un œil frontal bien ouvert, tandis que les deux autres sont atrophiés, animal entouré d'un grand respect malgré son air de vieil héraldiste ; et citons enfin, parmi d'autres, la chenille aéronaute, sorte de ver à soie qui, par beau temps, gonfle en quelques heures, des gaz légers produits dans son intestin, une bulle volumineuse qui l'emporte dans les airs ; elle ne parvient jamais à l'état adulte, et se reproduit tout bêtement par parthénogenèse larvale. »

… des considérations pseudo-ethnologiques, dialectiques, mathématiques, philosophiques, métaphysiques, ou plus générales :
« L'Animal, fermé à l'espace extérieur, se creuse et se ramifie intérieurement, poumons, intestins, pour recevoir la nourriture, se conserver et se perpétuer. La Plante, épanouie dans l'espace extérieur, se ramifie extérieurement pour pénétrer la nourriture, racines, feuillage. »

C’est donc une sorte de livre de science-fiction, entre Raymond Roussel et Jules Verne métissés de Poe, Vian et Jacques Abeille, et dans la lignée de Gestes et opinions du Dr Faustroll, pataphysicien (roman néo-scientifique), d'Alfred Jarry ; on pense même à Novalis !
On ne peut que déplorer que le récit reste inachevé, mais je pense aussi que d'autres histoires s’achèvent bien… platement, et que certaines gagnent à rester ouvertes.
À ce propos, l’allusion au titre du livre dans La Montagne de minuit de Jean-Marie Blas de Roblès faisait suite au dernier sourire de Bastien, à la vue d’une photo de mérou ; une allusion au mont Mérou des Hindous m’avait traversé l’esprit, mais je l’avais jugée trop capillotractée ! …
Car ce qui est prégnant dans ce livre, c'est surtout l'humour, même s'il est empreint d'alpinisme, de géométrie et de mysticisme, et que surtout il enflamme l'imagination.

\Mots-clés : #contemythe #humour #initiatique #lieu #spiritualité
par Tristram
le Jeu 18 Aoû - 13:03
 
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Sujet: René Daumal
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Jean-Marie Blas de Roblès

La Montagne de minuit

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 La_mon10

Bastien Lhermine, gardien dans un établissement jésuite lyonnais, est mis d’office à la retraite (c'est-à-dire envoyé à l’hospice). Passionné de lamaïsme et de tantrisme, il fait la connaissance de sa voisine, Rose Sévère, et de son jeune fils, Paul. C’est ce dernier qui raconte l’histoire, soumettant son manuscrit à sa mère, historienne, qui le commente et le complète, enquêtant de son côté.
« Si vous vous intéressez un peu au Tibet, vous savez que les coïncidences n’existent pas, il n’y a que des rencontres nécessaires. »

« …] je suis parti tout seul au musée Guimet. C’est là, au détour d’un couloir, que j’ai rencontré mon premier mandala. Aujourd’hui, je dirais que c’est lui, en quelque sorte, qui m’a trouvé… mais je m’y suis perdu corps et âme jusqu’à l’heure de la fermeture, et il m’a fallu toute une vie pour comprendre que le centre d’un labyrinthe avait moins de valeur que nos errements pour y parvenir. »

Rose emmène Bastien à Lhassa, sur les traces d’Alexandre David-Néel et de bien d’autres, dans un pays où il n’est encore jamais allé.
Exotisme garanti, dépaysement complet, étrangetés diverses, comme les « pigeons à sifflet »…
« Les étals regorgent d’outres de beurre, de barates effilées comme des carquois, de quartiers de viande posés à terre sur des cartons gorgés de sang ; peaux de mouton, cuirs de yack, briques de thé séché débordent des sacs en jute. Dans les odeurs de tourbe et de beurre rance, un arracheur de dents chinois exerce son métier sur un apache, torsade amarante dans les cheveux, qui repousse la fraise pour mieux tirer sur son mégot. La tête enfouie dans une toque de fourrure géante, à croire qu’il a trois renards vivants entortillés sur le crâne, un Tibétain parcheminé vend sa camelote de faux jade. Ici, des petites pommes enrobées de caramel rouge, là des colliers de fromage en rondelles, dures comme de la pierre. Les sourds mugissements d’un groupe de moines avec cloches et tambourins à boules fouettantes dominent cette cohue. »

Au Potala, Bastien (qui a rêvé qu’il chevauchait un tigre en montagne, signe de mort) connaît une expérience mystique et tombe dans le coma en regardant la « Montagne de fer », le Chakpori, où se dressait un vénérable sanctuaire que les Chinois ont détruit et remplacé par une antenne de télévision (Blas de Roblès souligne l’occupation par l’armée chinoise, la « sinisation inéluctable du Tibet. ») Bastien meurt en prononçant « Le Mont Analogue » (titre d’un livre de René Daumal que je veux lire depuis des décennies, et qui sera ma prochaine lecture).
Or Bastien aurait appartenu aux « Brigades tibétaines de la SS », chargées de rien de moins que « de reconstituer la mémoire perdue de la race aryenne » !
Cette aventure prenante s’achève sur la dénonciation de l’amalgame conspirationniste entre occultisme, quête mystique et histoire trafiquée.
« − Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu, dit-il en soupirant, ce n’est pas qu’ils ne croient plus en rien, c’est qu’ils sont prêts à croire en tout… Une remarque de Chesterton, si j’ai bonne mémoire, mais qui résume assez bien ce que je viens de vous dire. »

« Un enfant attend tout d’un conte, sauf la réalité. Des histoires d’ogres, de sorcières, de petites filles dévorées par les loups, peu importe pourvu qu’on le détourne de ses propres angoisses. »

Ce bref roman aussi bien construit qu’écrit m’a un peu déçu dans son long épilogue – et m’a donné l’envie de retourner au musée Guimet, que je retrouverais sans doute fort changé, comme il en fut de celui de Cluny lors de mon récent passage à Paris.

\Mots-clés : #complotisme #initiatique #lieu #spiritualité #voyage
par Tristram
le Mer 17 Aoû - 13:32
 
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Sujet: Jean-Marie Blas de Roblès
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Valerio Varesi

La Maison du commandant

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 La_mai14

De nouveau la brume, celle du Pô, à Sacca, petit port à la hauteur de Parme, plus généralement dans la bassa, écosystème ici aussi, ici encore, mis à mal par l’activité humaine incontrôlée, pollutions diverses, extraction du sable, et ces pêcheurs des pays de l’Est qui ratissent ce qu’il reste de poisson.
« La bassa est un territoire d’eau. »

« Ils sont comme la peste : ils salissent, ils bivouaquent, ils réduisent les berges en bouillie, et en plus, ils sont arrogants. Ils pillent le peu qui reste au fond du fleuve. Ils prennent de tout avec leurs chaluts : des silures évidemment, mais aussi des carpes, des ablettes, des poissons-chats, des brochets… Ils ne laissent rien. Personne ne les emmerde. Aucun carabinier, alors qu’ils n’ont même pas un semblant de permis. »

On retrouve l’inspecteur Soneri, avec entr’autres « l’ami », Nocio, Nanetti le chef de la Scientifique, le vieux Lumén avec son Ukrainienne muette, et cette aventure renoue avec l’atmosphère du premier livre de la série, Le Fleuve des brumes − et bien sûr grana, culaccia et anolini au bouillon… et la sempiternelle rivalité d’extrême droite et gauche, fascistes et communistes, qui remonte à la guerre.
« Sans doute était-ce en de pareils moments que naissaient les histoires du Pô, quand le brouillard exalte l’imagination. Parce qu’il faut bien rêver lorsque l’on n’y voit rien. »

« La réalité changeait en permanence, il ne servait à rien d’essayer de l’expliquer à ceux qui ne la connaissaient pas. »

« Était-ce pour cette raison qu’il aimait le brouillard ? La nébulosité, la surprise d’un chemin, le dévoilement inattendu et l’intériorité comme unique horizon rappelaient les trajectoires de vie d’où surgissaient sans cesse de nouvelles perspectives. »

« Certaines générations grandissent dans l’espoir, d’autres, dans la désillusion. Les changements balancent toujours entre les deux. Vous, par exemple, vous avez grandi dans l’espoir. Ceux d’aujourd’hui ont perdu toutes leurs illusions. La destruction est porteuse d’espoir, et la désillusion nous rend conservateurs. Vous et vos contemporains aviez envie d’abattre tout ce que vos pères avaient construit, mais les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas de père. Ils ne connaissent pas l’autorité, ils ne peuvent pas la contester. Ils n’ont aucun repère, ils cherchent désespérément quelqu’un qui leur ressemble. Voilà pourquoi ils rêvent d’un chef de meute, du discours unique. »

« Ici, la terre n’appartient pas aux hommes, elle appartient au fleuve. »

« La bassa est une terre de visions et de monstres [… »

« Vous n’imaginez pas tout ce qu’on trouve sur les arbres, après une crue. Il faut venir sous les peupliers pour s’en rendre compte : culottes, soutanes, casquettes, pots de chambre, enseignes, tables de nuit, des jouets, des vélos, des poêles à bois… Comme si le Pô se faufilait dans les maisons des gens pour voler tout ce qu’il peut… »

« Je voudrais retenir le passé, et fuir la nostalgie qui pue toujours la mort. »

« C’est une erreur de penser que la peur, la colère ou l’envie, les passions, sont le mal absolu. Le vrai mal, c’est la raison. Rien n’est plus inhumain que de l’appliquer à notre monde au service d’un objectif. Car malgré nous, le monde continue de pourrir en suivant de sombres instincts. Il vaut mieux le laisser aller comme on le fait avec le fleuve, chercher à contenir sa fureur, le seconder plutôt que d’en dévier le cours… »

« Rien ne l’agaçait davantage que le dogmatisme. La chose la plus stupide qu’on pût imaginer dans le bouillonnement chaotique de l’existence. »

Je suis au moins d’accord avec Varesi, outre sur le goût des fleuves et des brumes, avec l’exécration de ce qui peut être résumé par l’adage "la fin justifie les moyens".

\Mots-clés : #lieu #merlacriviere #polar
par Tristram
le Ven 12 Aoû - 11:34
 
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Sujet: Valerio Varesi
Réponses: 55
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Pascal Quignard

Les solidarités mystérieuses

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Quigna11

Claire Methuen, la grande orpheline qui a passé la quarantaine et connaît des dizaines de langues, revient dans sa baie de la Rance natale et bien-aimée. Elle y retrouve Madame Ladon, son ancien professeur de piano, et loge un temps chez elle avant d’emménager dans sa vieille ferme nichée dans un petit bois de coudriers, sur la lande surplombant la mer et le petit port de La Clarté. Simon Quelen, son amour d’enfance, marié depuis, y habite.
Puis Paul, je jeune frère de Claire, raconte la suite des événements ; le texte devient plus dense, sans aller à la ligne, en paragraphes compacts.
« Lui aussi, il la voyait errer et l’observer. Lui aussi, il la suivait des yeux, heure par heure, durant tout le jour. Elle, elle le voyait de même, en contrebas, sur la mer, qui s’ennuyait d’elle, qui faisait semblant de pêcher, qui tournait en rond, qui la regardait qui pensait à elle, qui l’aimait et ne voulait pas d’elle. »

La femme de Simon incendie la ferme que son professeur a léguée à Claire, qu’elle adopte avant de mourir. Paul s’éprend, et réciproquement, de Jean, un curé du cru. Apparaît Juliette, une des filles de Claire. Simon se noie volontairement sous les yeux de Claire.
« Quand il fut mort, elle fut heureuse. »

« Il me semble que la mort ne les a même pas séparés. C’est peut-être même le contraire. Sa mort ne les a pas réunis non plus, mais il est là. Il est constamment là. Il est là avec elle tout le temps. Et réciproquement : elle est avec lui tout le temps. Elle s’occupe de lui. Il est devenu la baie. »

Quignard rend compte de la beauté de la Bretagne, de sa mer, de sa lumière et son granite, et donne même une liste :
« Tout le long de la cuisinière en fonte on pouvait voir les boules rouges des houx (il faut dire qu’en breton "quelen" c’est le houx) ;
les bogues piquantes, entrouvertes, racornies, des châtaigniers ;
les hélicoptères des sycomores ;
les housses rougeâtres du frêne :
la coque ligneuse des noix et les cerneaux huileux et ivoire ;
les toupies des néfliers ;
les noisettes des coudriers entourées de leur collerette vert pâle ;
les glands des chênes un peu cramoisis coiffés de leur cupule brune ;
les galbules noirs des deux cyprès qui avaient été plantés dans le nouveau cimetière du Décollé ;
les cônes bleus et duveteux et tout couverts de pruine des genévriers. »

Roman d'une lecture aisée, agréable, malgré les psychologies angoissées de personnages hors du commun.
« Je pense que la sœur aînée de Paul Methuen aimait ressentir ce temps très ancien qu’on lit sur les roches, ce temps qui s’anime dans le soleil, ce temps qui précède la vie, ce temps qui soulève les vagues de la mer, ce temps dont parle sans cesse Jésus, temps de l’Avent, temps qui arrive et qui n’est jamais là, temps qui se désoriente lui-même dans le vent des astres qui le pousse, temps qui se perd sans fin, perte qui s’épanche bien avant sa comptée, bien avant le calcul de sa vitesse, bien avant l’accumulation de ses vestiges, perspective dépourvue d’horizon qui s’enfonce dans l’infini, extase basculant sans fin son étrange poussière dans le ciel. »

« Elle appartenait au lieu. »


\Mots-clés : #amour #lieu
par Tristram
le Jeu 10 Mar - 11:21
 
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Sujet: Pascal Quignard
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Le One-shot des paresseux

animal a écrit:Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 61qifo10

Endurance, L'incroyable voyage de Shackleton de Alfred Lansing

Pas le livre qui brille par ses qualités littéraires, ce n'est pas non plus le but. Pas non plus le livre qui brille par la qualité de l'édition (Points) : trop bien le lexique orienté bateau mais un lexique banquise aurait été plus approprié (et LA note en base de page pour l'épaulard, ça en deviendrait drôle). Mais dans ce récit composé à partir de journaux et de notes d'interview des principaux intéressés il y a suffisamment de quoi vous faire tourner les pages.

"Le 18 janvier 1915, l'Endurance ayant a son bord une expédition se proposant de traverser a pied le continent antarctique est prise par la banquise sans avoir pu toucher terre."

La fin de l'histoire plus d'un an et demi après. 28 hommes qui auront vécu coupés du monde pendant ce temps-là. Sans s’entre-tuer, sans perdre complètement espoir, dans des conditions physiques extrêmes de froid, d'humidité et de fin ou d'inconfort. Leur bateau aura été écrasé par la glace, ils auront fait un bout de chemin en traîneau, un bout sur la mer avant d'arriver sur l'île de l’Éléphant  et que quelques-un traversent en chaloupe (si on est généreux on arrondit à 8x2m) des coins qui aujourd'hui encore ne doivent pas être toujours recommandables.

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Ima-ex10
Direction le Passage de Drake

De l'autre côté traversée de paysage "local" ça grimpe et redescend beaucoup...

C'est ahurissant la résilience de ces hommes. Entre les tempêtes il y a l'attente, âmes sensibles s'abstenir.

One-shot parce que l'auteur beeen... mais lire autre chose sur le sujet dont le récit des événements par Shackleton ça oui !


Mots-clés : #aventure #documentaire #journal #lieu #nature #voyage


Auto-citation sous prétexte d'actualité : https://www.huffingtonpost.fr/entry/lendurance-retrouve-en-antarctique-100-ans-apres-avoir-sombre_fr_6228657de4b07e948aecab97

Surtout une occasion de rappeler cette lecture qui mériterait mieux qu'un one-shot ?
par animal
le Mer 9 Mar - 21:33
 
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Sujet: Le One-shot des paresseux
Réponses: 287
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Umberto Eco

L’île du jour d’avant

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 L_zule11

1643, Roberto de la Grive, naufragé lucifuge et noctivague, aborde la Daphne, vaisseau désert mouillé entre une île et un continent tropical.
Le « chroniqueur » qui narre ses aventures dans un pastiche de vieux français-italien d’ailleurs cosmopolite, tout en évoquant les lettres de Roberto à sa dame, feint à la première personne du singulier d’organiser sa restitution digressive, qui rend en miroir la démarche de l’écrivain.
« Il écrivait alors pour lui, ce n’était pas de la littérature, il était vraiment là à écrire comme un adolescent qui poursuit un rêve impossible, sillonnant la page de pleurs, non point pour l’absence de l’autre, déjà pure image même quand elle était présente, mais par tendresse de soi, énamouré de l’amour… »

« Ou mieux, il n’y va pas tout de suite. Je demande grâce, mais c’est Roberto qui, dans son récit à sa Dame, se contredit, signe qu’il ne raconte pas de point en point ce qui lui est arrivé mais cherche à construire la lettre comme un récit, mieux, comme salmigondis de ce qui pourrait devenir lettre et récit, et il écrit sans décider de ce qu’il choisira, dessine pour ainsi dire les pions de son échiquier sans aussitôt arrêter lesquels déplacer et comment les disposer. »

Il raconte du point de vue de Roberto le siège de la forteresse de Casal avec son vaillant père le vieux Pozzo (c’est aussi un roman historique), et en parallèle son exploration de la Daphne avec sa cargaison-cathédrale, jardin-verger et sonore oisellerie, aussi horloges. De plus, Roberto a un frère imaginaire, Ferrare – l’Autre, et un « Intrus » semble être présent sur le navire… Eco rapproche sa situation dans la Daphne (comparée à l’arche du Déluge) à celle qui fut la sienne dans Casal assiégée. Roberto se remémore ses amis, le pyrrhonien Saint-Savin (qui rappelle Cyrano de Bergerac et son L’Autre Monde ou les États & Empires de la Lune) et le savant père jésuite Emanuele, avec « sa Machine Aristotélienne » (c’est également un roman de formation).
L’amour chevaleresque et platonique de Roberto, la Novarese, virtuelle comme un portulan :
« Si c’est une erreur des amants que d’écrire le nom aimé sur l’arène de la plage, que les ondes ensuite ont tôt fait de raviner, quel amant prudent il se sentait, lui qui avait confié le corps aimé aux arrondis des échancrures et des anses, les cheveux au flux des courants par les méandres des archipels, la moiteur estivale du visage au reflet des eaux, le mystère des yeux à l’azur d’une étendue déserte, si bien que la carte répétait plusieurs fois les traits du corps aimé, en différents abandons de baies et promontoires. Plein de désir, il faisait naufrage la bouche sur la carte, suçait cet océan de volupté, titillait un cap, n’osait pénétrer une passe, la joue écrasée sur la feuille il respirait le souffle des vents, aurait voulu boire à petits coups les veines d’eau et les sources, s’abandonner assoiffé à assécher les estuaires, se faire soleil pour baiser les rivages, marée pour adoucir le secret des embouchures… »

Puis son amour se portera, dans le salon d’Arthénice-Catherine de Rambouillet, sur « la Dame », Lilia (c’est aussi un roman d’amour, et même épistolaire – quoiqu’à sens unique).
D’avoir péroré sur la poudre d’attraction, « la sympathie universelle qui gouverne les actions à distance », lui valut d’être envoyé par le Cardinal Mazarin (Richelieu étant mourant) vers la Terra Incognita Australe du Pacifique pour résoudre le mystère des longitudes, en espionnant le savant anglais Byrd sur l’Amaryllis, également une flûte (navire hollandais), en quête du Punto Fijo (point fixe du monde terrestre). Sur celle-ci est expérimentée la comparaison de l’heure locale à celle de Londres, convenue d’avance, en notant les réactions d’un chien emmené à bord tandis qu’on agit sur l’arme qui le blessa en Angleterre…
l’Amaryllis naufragea, et c’est sur la Daphne que Roberto découvre le père jésuite Caspar Wanderdrossel (« la grive errante » ?), rescapé de l’équipage dévoré par les cannibales, et savant qui lui explique qu’ils sont aux Îles de Salomon, sur le « méridien cent et quatre-vingts qui est exactement celui qui la Terre en deux sépare, et de l’autre part est le premier méridien » : il y a toujours un jour de différence entre un côté et l’autre. L’histoire se poursuit, entre machineries abracadabrantes et autres technasmes (artifices) de Casper, apprentissage de la natation pour Roberto, et conversations philosophico-scientifiques entre les deux. Ce n’est pas tant l’étalage plaisant de la superstition du XVIIe que les balbutiements de la connaissance basée sur la réflexion, et plus récemment sur l’expérience. Ensuite la Cloche Aquatique doit permettre d’atteindre l'Île en marchant sur le fond de la mer :
« Pendant quelques minutes Roberto assista au spectacle d’un énorme escargot, mais non, d’une vesse-de-loup, un agaric migratoire, qui évoluait à pas lents et patauds, souvent s’arrêtant et accomplissant un demi-tour sur lui-même quand le père voulait regarder à droite ou à gauche. »

Grand moment du livre :
« Et puis, tout à coup, il eut une intuition radieuse. Mais qu’allait-il bougonnant dans sa tête ? Bien sûr, le père Caspar le lui avait parfaitement dit, l’Île qu’il voyait devant lui n’était pas l’Île d’aujourd’hui, mais celle d’hier. Au-delà du méridien, il y avait encore le jour d’avant ! Pouvait-il s’attendre à voir à présent sur cette plage, qui était encore hier, une personne qui était descendue dans l’eau aujourd’hui ? Certainement pas. Le vieux s’était immergé de grand matin ce lundi, mais si sur le navire c’était lundi sur cette Île c’était encore dimanche, et donc il aurait pu voir le vieux n’y aborder que vers le matin de son demain, quand sur l’Île il serait, tout juste alors, lundi… »

Avec la Colombe Couleur Orange, Emblème et/ou Devise, le narrateur-auteur évoque le goût du temps pour les symboles et signes :
« Rappelons que c’était là un temps où l’on inventait ou réinventait des images de tout type pour y découvrir des sens cachés et révélateurs. »

Roberto souffre toujours du mal d’amour, jaloux de Ferrante (c’est aussi un roman moral, psychologique).
« Roberto savait que la jalousie se forme sans nul respect pour ce qui est, ou qui n’est pas, ou qui peut-être ne sera jamais ; que c’est un transport qui d’un mal imaginé tire une douleur réelle ; que le jaloux est comme un hypocondriaque qui devient malade par peur de l’être. Donc gare, se disait-il, à se laisser prendre par ces sornettes chagrines qui vous obligent à vous représenter l’Autre avec un Autre, et rien comme la solitude ne sollicite le doute, rien comme l’imagination errante ne change le doute en certitude. Pourtant, ajouta-t-il, ne pouvant éviter d’aimer je ne peux éviter de devenir jaloux et ne pouvant éviter la jalousie je ne peux éviter d’imaginer. »

Il disserte sur le Pays des Romans (de nouveau le roman dans le roman), puis élabore le personnage maléfique de Ferrante, perfide « sycophante double » (et c’est encore un roman de cape et d’épée). S’ensuivent de (très) longues considérations philosophico-métaphysiques.
Il y a beaucoup d’autres choses dans ce roman, comme de magnifiques descriptions (notamment de nuages, de coraux à la Arcimboldo), une immersion dans la mentalité du Moyen Âge tardif (sciences navale, cartographique, obsidionale, astronomique, imaginaire des monstres exotiques, etc.), et bien d’autres.
Le livre est bourré d’allusions dont la plupart m’a échappé, mais j’ai quand même relevé, par exemple, Tusitala, surnom donné en fait à Stevenson en Polynésie. C’est un peu un prolongement de Le Nom de la rose (confer le renvoi avec « l’histoire de personnes qui étaient mortes en se mouillant le doigt de salive pour feuilleter des ouvrages dont les pages avaient été précisément enduites de poison ») et presque un aussi grand plaisir de lecture (avec recours fréquent aux dictionnaires et encyclopédies idoines).

\Mots-clés : #aventure #historique #insularite #lieu #merlacriviere #renaissance #science #solitude #voyage
par Tristram
le Lun 28 Fév - 10:43
 
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Sujet: Umberto Eco
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Le One-shot des paresseux

Keigo Higashino, La Maison où je suis mort autrefois

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 La_mai11

Sayaka, l’ex-petite amie du narrateur, lui demande de venir visiter avec elle une mystérieuse maison dont elle a trouvé la clef et le plan d’accès à la mort de son père. La villa semble abandonnée depuis vingt-trois ans, et les horloges, arrêtées, indiquent onze heures dix. Lui est encore amoureux d’elle, qui entretemps s’est mariée et a eu une petite fille, pour qui elle avoue ne rien ressentir, jusqu’à la maltraiter. Dans la demeure abandonnée, ils trouvent le journal de Yusuke, un garçon qui vivait là avec ses parents, jusqu’à la disparition de son père, et l’apparition de « l’autre ».
« Surtout le passage qui dit que l’expérience de l’enfance de la mère pouvait avoir une influence déterminante dans de nombreux cas. »

Leur enquête progresse très graduellement ; l’énigme est fort habilement ourdie, et l’atmosphère est surtout empreinte d’angoisse.
Je relirai de cet auteur, qui promet dans ce premier roman.

\Mots-clés : #lieu #polar
par Tristram
le Mer 23 Fév - 12:18
 
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Sujet: Le One-shot des paresseux
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Charles Daubas

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 00978810

Cherbourg

Rade de Cherbourg, été 2012. Une étrange explosion emporte une partie de la digue. Elle pourrait être liée à la démolition du quartier des Provinces. Les chantiers de l’Arsenal, où l’on démantèle un sous-marin nucléaire, sont également mis en cause et l’affaire est vite classée « secret défense ». Jusqu’à ce qu’un adolescent affirme qu’un de ses camarades a disparu dans l’explosion. Entre les failles des différents témoignages, les expertises contradictoires et ses propres blessures, l’inspectrice chargée de l’enquête va devoir plonger dans les profondeurs de la ville pour comprendre ce qui s’est vraiment passé ce jour-là, à Cherbourg.


Ca pourra peut-être faire penser à un téléfilm france television mais après le temps qu'il a pris a faire son intro qui nous expose un visage composite et mystérieux de la ville ça mérite qu'on focalise sur les qualités qui ne manquent pas. L'écriture est assez simple mais c'est aussi le bon goût de la simplicité (antithèse de Franck Bouysse ? Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 1390083676 ) et le bon goût d'éviter le trop, l'extraordinaire. Pas besoin de coups de feu, de labo hi-tech ou de personnalités quand on arrive à manier plusieurs couches de mystère et de suspense pour en arriver à rester près des gens et d'une impression d'une ville.

Polar humain et honnête, ça n'a pas besoin d'être livre du siècle pour se lire avec plaisir et l'impression qu'il en restera un petit quelque chose.


Mots-clés : #lieu #polar
par animal
le Dim 19 Déc - 21:05
 
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Sujet: Charles Daubas
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Vénus Khoury-Ghata

La revenante

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 La_rev10

Roman, 2009, 200 pages environ.

Dans "Ton chant est plus long que ton souffle", livre d'entretiens avec Caroline Boidé (éditions Écriture 2019) - que j'ai lu dans la foulée de La revenante - Vénus Khoury-Ghata estime, la quatre-vingtaine passée, que ses romans ne sont pas voués à la postérité, au contraire, peut-être, qui sait ? de sa poésie.

On lui laisse le pronostic, toutefois tout n'est pas à jeter, ou destiné à une oublieuse consommation immédiate, parmi ses romans.

Celui-ci possède un riche sujet:

quatrième de couverture a écrit:
Juin 1941.
Trois officiers français des troupes du levant sont ensevelis sous les décombres d'un temple du djebel Druze, en Syrie. Cinquante ans après, les trois corps exhumés sont ceux de deux hommes et d'une femme. Qui est cette femme ? Qu'est devenu le troisième officier, dont la dépouille n'a jamais été réclamée par sa famille ? Et en quoi ces faits, relatés par un journal, concernent-ils Laura, une jeune française de vingt-cinq ans ? Un accident de voiture, un coma, suivis d'hallucinations, de rencontres et de hasards : Laura est convaincue qu'elle est Nora, dont la vie s'arrêta brutalement sous les ruines de ce temple. Il lui faudra se rendre sur les lieux pour découvrir le secret de sa première vie, car " il y a de la terre dans sa mémoire, une terre lourde et suffocante ".


On adhère je ne sais comment à cette espèce de re-vie de Laura en Nora; loin de la Fantasy, avec ce qu'elle sait faire, dépeindre (ce Proche-Orient) Vénus Khoury-Ghata nous embarque encore une fois assez loin, remuant des passés douloureux, esquisse des convictions à des années-lumières de la pensée occidentale actuelle ou du demi-siècle passé.

Il y a toujours un certain humour - et un sens de l'absurde. Des caractères typés, savamment croqués. Et un style vivant, où les phrases basiquement courtes servent à amener une plus longue, sur laquelle le lecteur, en son regard intérieur, s'arrête, comme dans cet extrait (c'est sûrement la poétesse qui a glissé "Les arbres s'immobilisent d'un coup, puis l'encerclent"):

Chapitre 19 a écrit: Personne dans la rue. Personne à qui parler. C'est l'heure de la sieste. Pourtant, elle est sûre de connaître ceux qui vivent derrière les murs. Il suffit qu'elle prononce un premier mot pour s'approprier la langue.

  Sa vie est une suite d'errances dans l'attente de ce moment. Elle s'arrête. Les arbres s'immobilisent d'un coup, puis l'encerclent. Elle est prisonnière d'un air aussi opaque qu'un mur de pierres. Elle étouffe. Une douleur déchire le bas de son ventre qui devient brusquement lourd. Un sang invisible humecte l'intérieur de ses cuisses. Ses jambes lui font défaut. Elle se traîne jusqu'à l'auberge de Maryam, et gravit les marches en gémissant. Ce parcours, cette souffrance sont siens. Elle les a vécus jadis. Ils sont inscrits dans la chair de sa mémoire.

  Laura pénètre dans la pénombre. Maryam n'ouvre jamais ses volets. Sa maison et ses yeux sont frappés de la même cécité. L'aveugle s'est retirée dans une pièce du rez-de-chaussée avec son chat, son narguilé, son canari et son tarot qu'elle tire les yeux fermés, palpant les cartes comme des visages amis.

  Laura la trouve à demi allongée sur un divan couvert d'un vieux kilim, une main enfoncée dans le pelage du chat, l'autre tenant le tuyau du narguilé qu'allume un jour sur deux Martha, quand elle fait le ménage de sa cousine. Souffrant de ne pouvoir voir sa visiteuse, Maryam lui pose une multitude de questions, sur la couleur de sa peau et celle de ses yeux.
- Tu portes toujours ta natte de cheveux blonds ?
Laura est pétrifiée.
- Comment le savez-vous ?
- Parce que tu l'avais dans le temps.
Un silence lourd suit. Le chat a cessé de ronronner. Le narguilé de gargouiller.    



Mots-clés : #deuxiemeguerre #devoirdememoire #fantastique #identite #lieu #psychologique #voyage
par Aventin
le Jeu 28 Oct - 21:15
 
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Sujet: Vénus Khoury-Ghata
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Cees Nooteboom

Hôtel Nomade

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Hztel_10

Le texte qui donne son nom à ce recueil, kaléidoscope d’hôtels visités pour en concevoir un qui soit idéal, constitue une cruelle invitation au voyage. Voyage toujours lié à l’écriture (et à la description ; à la lecture aussi), « dans l’œil du cyclone » qui se déplace.
Solitude du voyageur, tout à sa connaissance de soi au travers des autres.
« Vignettes » sur Venise (dont certaines sont recyclées dans Venise − Le lion la ville et l'eau, y compris le passage sur l’Apparition de l’Éternel, de Bonifacio de’ Pitati, voir ICI.
« Ici, des hommes avaient fait une chose impossible, sur ces quelques lambeaux de terre marécageuse ils avaient inventé un antidote, une formule magique contre tout ce qu’il y avait de laid au monde. »

J’ai comme Bix été impressionné par le personnage de Tim Robinson, cartographe d’Aran (la citation en tête de son commentaire du 6 février 2017 est de Robinson) ; le lieu, fascinant "finistère" qui toucha aussi Bouvier.
À ces évocations de voyages, comme un pèlerinage dans les monastères japonais, font pendant celles de peintures et photos dans la « comptabilité du visuel ».
La troisième partie réunit des souvenirs.
« …] l’écrit est toujours destiné à qui le lit. »

« Il me semble parfois que ma vie ne se compose que d’avenir, cette époque où tout sera clair mais qui ne se décide pas à commencer. Le passé est une tache grise où quelqu’un qui se trouve par hasard porter le même nom que moi a fait apparemment un séjour prolongé, le présent n’est là que pour être enregistré et n’est donc rien par lui-même, mais dans l’avenir j’ouvrirai toutes mes vieilles valises pour voir qui je suis. C’est à peu près ça. »


\Mots-clés : #essai #lieu
par Tristram
le Mer 20 Oct - 23:47
 
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Jean Giono

Colline

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Collin10

Aux Bastides Blanches, « un débris de hameau », le vieux Janet déparle ; il tire de ses doigts des serpents qu’il est le seul à voir, et augure du réveil du monde (naturel).
« "La colline ; tu t’en apercevras, un jour, de la colline.
"Pour l’heure elle est couchée comme un bœuf dans les herbes et seul le dos paraît ; les fourmis montent dans les poils et courent par-ci, par-là.
"Pour l’heure elle est couchée, si jamais elle se lève, alors tu me diras si je déparle… »

(Giono parlera souvent de poil pour évoquer la végétation.) Cette image de la colline animée reviendra dans tout le roman, justifiant son titre.
« "Contre nous, c’est toute la colline qui s’est dressée, le corps immense de la colline ; cette colline ondulée comme un joug et qui va nous écraser la tête. »

Le thème central est un panthéisme où le monde entier forme un tout divin ; tout est animé, vivant, et c’est la montagne de Lure, encore couchée comme une bête, qui incarne « La grande force des bêtes, des plantes et de la pierre. »
« "Le crapaud qui a fait sa maison dans le saule est sorti.
"Il a des mains d’homme et des yeux d’homme.
"C’est un homme qui a été puni. »

Janet l’a « partagé d’un coup de bêche », et de même Gondran son gendre tue un lézard : et si tout est vivant dans le monde, et que l’homme y répande la douleur au moindre geste ? Cette humanité du crapaud m’a toujours ramentu le poème de Max Jacob.
Pan, c’est aussi la peur panique, cet effroi qui s’abat sur les hommes. Une mystérieuse inquiétude grandit dans le silence ; d’abord la fontaine tarie, puis la fille d’Arbaud doit s’aliter ; le Jaume croit pouvoir diriger la résistance, mais la discorde s’installe ; la superstition fausse les jugements. Puis c’est l’incendie qui ravage les environs, et nous vaut une description d’épouvante, dont voici un passage :
« Déjà, en dessous, les bois crépitent. Une lame de vent glisse entre les murs de Lure, déchire la fumée. La flamme bondit comme une eau en colère. Le ciel charrie une lourde pluie d’aiguilles de pin embrasées. Le vol claquant des pignes traverse la fumée d’un trait de sang. Un grand nuage d’oiseaux monte droit, vers l’aigre hauteur de l’air, se saoule de vent pur, retombe, remonte, tourbillonne, crie. Le souffle terrible du brasier emporte des ailes entières, arrachées, encore saignantes, qui tournent comme des feuilles mortes. Un torrent de fumée jaillit, écrase le ciel, oscille un moment dans le vent, puis, gonflant ses muscles boueux, résiste, s’étale, et dans sa chair grésille l’agonie des oiseaux. »

Un des premiers textes (écrits et publiés) de Giono, qui annonce aussi Le serpent d’étoiles.
Cette novella, lue il y a longtemps, conserve toute l’épaisseur juteuse du style imagé de Giono (même s’il a gagné en finesse plus tard) ; avec le recul, on pourrait y lire une prémonition allégorique – ou un avertissement – du rejet de l’homme par la nature, cette lecture de notre temps. Facile à dire après, quand ne restent que les livres… et justement, celui-là me semble à la racine de nombre d’autres belles écritures, souvent provençales.

\Mots-clés : #contemythe #lieu #nature #ruralité
par Tristram
le Jeu 30 Sep - 21:35
 
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Sujet: Jean Giono
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Alexandra Fuller

Alexandra Fuller

Née en 1969

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 A_full10

Alexandra Fuller, née en 1969 à Glossop dans le Derbyshire en Angleterre, , est une écrivaine africaine d'origine européenne.
Elle a grandi en Rhodésie (Zimbabwe) et en Zambie. Elle est l’auteure de sept livres, traduits dans une dizaine de pays, et a signé de nombreux articles pour The New Yorker, Granta, New York Times Book Review, Financial Times, Vogue et National Geographic. Ses deux volumes de mémoires, Larmes de pierre et L’Arbre de l’oubli ont figuré parmi les meilleurs livres de l’année du New York Times, qui compare l’auteure à Karen Blixen, Doris Lessing et Nadine Gordimer. Elle habite aux Etats-Unis depuis 1994.  


[center]-------------------------------------------------


Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 L_arbr10[/center]

Extraordinaire famille que celle d'Alexandra Fuller. La mère, Nicola est native d'une ile d'Ecosse, le père d'Angleterre.
Tous deux ont une passion commune, l'Afrique.
Contre toute évidence, ils décident d'y vivre et d'y travailler. D'abord au Kenya, puis en Rhodésie (l'actuel Zimbabwe).
Leur projet, y implanter une ferme.
Nicola est une héroïne, une vraie. Drôle, intelligente, courageuse. Un tantinet romantique, obstinée et inébranlable.
Heureusement, le mari est plus pragmatique. Grace à lui, sa famille pourra à peu près manger à sa faim.
Il n'empêche.
Les guerres d'indépendance vont déclencher des années de guerres, de violences.
Il était encore temps de partir.
Mais Nicola s'y refuse. Elle en paira le prix. Un prix exorbitant en souffrances, en angoisse et en deuils.

Contrairement à ce qu'on pourrait attendre, Alexandra a choisi délibérément l'humour, du moins tant que
le pittoresque l'emporte sur la tragédie.
C'est pour cela que le livre se lit comme le roman de folles aventures qu'il est aussi.
C'est pour cela que je conseille en vue de futurs confinements.




\Mots-clés : #autobiographie #famille #lieu
par bix_229
le Dim 5 Sep - 22:14
 
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Sujet: Alexandra Fuller
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Julien Gracq

Un balcon en forêt

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Bm_59510

Entre la frontière belge et la Meuse, en 39-40, les troupes sont dans l'expectative, on attend, on espère que la guerre aura lieu ailleurs. Ce genre de situation est familière au lecteur de Julien Gracq, après avoir lu Le Rivage des Syrtes en tout cas ; roman dans lequel l'espace et le temps du récit sont bien plus vagues, plus légendaires. Un balcon en forêt serait donc un roman sur "la drôle de guerre" ? Il s'agit surtout de de recréer un lieu dans le regard gris de Grange, lieutenant cantonné avec sa troupe dans une maison fortifiée. Les odeurs, les contours, les formes ainsi qu'une palette complète de couleurs sont attentivement observés au cours du récit, mais le gris est la couleur dominante. Un gris âcre, aqueux, s'égouttant dans des nuages gorgés de pluie et de tempêtes ; une couleur d'ennui mais une couleur privilégiée, ou même voisine du bonheur puisque pour le moins l'ennui est une paix fugitive, voire un terreau propice à l'amour avec Mona. Si Un balcon en forêt débute avec un argument historique, le récit qu'il donne est nimbé d'une ambiance fantastique, comme si le théâtre de cette "drôle de guerre" était entièrement plongé dans l'eau. Grâce à un sens de la métaphore qui semble très naturel, ce décor irréel se fond admirablement dans cet arrière-plan où les descriptions sont ciselées, prégnantes et surtout absolument délicieuses.


\Mots-clés : #deuxiemeguerre #lieu
par Dreep
le Mer 11 Aoû - 15:03
 
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Pierre Loti

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Produc13

Le roman d'un enfant

Tout est dans le titre. L'enfance, l'autobiographie... romancée, au moins un peu derrière les allures de journal. Certainement en tout cas la chronologie et le fragmentaire ou l'épisode ne sont pas la seule trame choisie par l'auteur. Les petites touches, les réserves, la distance construise une partie de l'image qui reste.

L'image de quoi ? de l'enfant ? pas tout à fait. De l'auteur adulte qui regarde en arrière ? pas uniquement.

Le parfum de la nostalgie ? Il y en a pour le garçon rangé et choyé devenu, ou qui deviendra, aventurier mais ce que je retiendrai ce sont les images de la nature "simple" et les incertitudes et surtout la manière claire de faire autre chose que l'autoportrait tout en conservant des points d'interrogation. Pas de sur analyse, un brin de mise en scène, un humour discret, un goût assumé du détail.

Un discret exercice de style aussi plaisant à suivre qu'évocateur.


Mots-clés : #autobiographie #enfance #journal #lieu
par animal
le Jeu 22 Juil - 19:25
 
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Italo Calvino

Ermite à Paris – Pages autobiographiques

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Ermite10

Recueil de textes autobiographiques qui commence… par un séjour aux USA, et pas érémitique… Ce journal expédié à ses collègues des éditions Einaudi représente quand même la moitié du livre. Sinon, intéressant regard d’un Italien communiste qui connaît déjà l’URSS, fin des années cinquante ; attrait vif des villes, aussi forte attention aux religions (ici la juive) :
« Le drapeau américain est sur un des côtés de l’autel, comme dans toutes les églises américaines, de n’importe quelle confession (ici, de l’autre côté il y a le drapeau d’Israël). »

Côte Ouest :
« Ces paradis terrestres où vivent les écrivains américains, je n’y vivrais pas, même mort. Il n’y a rien d’autre à faire que se saouler. »

Il y a nombre d’opinions ou d’informations (vraies ou fausses) qui sont piquantes :
« J’oubliais de dire qu’une grande partie des histoires racontées par les guides sur les faits qui se sont passés dans les maisons historiques de New Orleans ont été inventées par Faulkner. Dans sa jeunesse, Faulkner a vécu ici quelques années comme guide en promenant des touristes ; il inventait toutes les histoires qu’il racontait, mais elles ont eu un tel succès que les autres guides ont commencé aussi à les raconter et elles font maintenant partie de l’histoire de la Louisiane. »

Aussi une expérience marquante avec la lutte de Martin Luther King dans le Sud.
Puis, dans la seconde moitié du livre, plus autobiographique encore, Calvino parle de son mentor, Cesare Pavese, et de son rapport à l’écriture :
« Humainement, mieux vaut voyager que rester chez soi. D’abord vivre, ensuite philosopher et écrire. Il faudrait avant tout que les écrivains vivent avec une attitude à l’égard du monde qui corresponde à une plus grande acquisition de vérité. C’est ce quelque chose, quel qu’il soit, qui se reflétera sur la page et sera la littérature de notre temps ; rien d’autre. »

« C’est qu’on ne raconte bien que ce que l’on a laissé derrière nous, que ce qui représente quelque chose de terminé (et l’on découvre ensuite que ce n’est pas du tout terminé). »

Calvino semble parler de choses et de façons différentes à chaque nouvel ouvrage, ce qu’il revendique ici :
« Quant à mes livres, je regrette de ne les avoir publiés chacun sous un nom de plume différent ; je me sentirais plus libre de tout recommencer chaque fois. Comme, néanmoins, je cherche toujours à faire. »

On trouve divers textes, plus ou moins brefs, dont des entretiens, des biographies de commande, et voici comment l’une se termine, qui me paraît légèrement goguenarde :
« L’auteur du Baron perché semble avoir plus que jamais l’intention de prendre ses distances avec le monde. Est-il parvenu à une condition de détachement indifférent ? Le connaissant, il faut croire que c’est plutôt une conscience accrue de toute la complication du monde qui le pousse à étouffer en lui aussi bien les mouvements de l’espoir que ceux de l’angoisse. »

L’expérience politique prend une grande place ; étonnante attitude devant la terrible dérive stalinienne, qu’il qualifie de schizophrénique :
« Tu me demandes : mais si tous, intellectuels, dirigeants, militants, vous aviez ce poids sur la poitrine, comment se fait-il que vous n’ayez pas songé à vous en défaire plus tôt ? »

La réponse est assez choquante, même si je soupçonnais depuis longtemps qu’elle ressortissait de l’aveuglement fanatique :
« …] un révolutionnaire, entre la révolution et la vérité, choisit d’abord la révolution. »

En quelque sorte des "faits alternatifs" ? La fin justifiant tous les moyens…
Ce livre est surtout intéressant pour ceux qui voudraient mieux connaître la politique italienne (communisme et fascisme), mais aussi l’homme Calvino, avec un éclairage de son œuvre ; peu très sur lui à Paris, juste le court texte éponyme du livre – ah ces éditeurs…
« J’ai aujourd’hui soixante ans et j’ai désormais compris que la tâche d’un écrivain consiste uniquement à faire ce qu’il sait faire : pour le narrateur, c’est raconter, représenter, inventer. J’ai cessé depuis plusieurs années d’établir des préceptes sur la manière dont il faudrait écrire : à quoi sert de prêcher un certain type de littérature plutôt qu’un autre si les choses que vous avez envie d’écrire finissent par être complètement différentes ? J’ai mis un petit moment à comprendre que les intentions ne comptent pas, que ne compte que ce que l’on réalise. Alors, mon travail littéraire devint aussi un travail de recherche de moi-même, de compréhension de ce que j’étais. »


\Mots-clés : #autobiographie #lieu #politique #Racisme #voyage #xxesiecle
par Tristram
le Ven 16 Juil - 12:41
 
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Sujet: Italo Calvino
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Carla Maliandi

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Cvt_un12

Une chambre en Allemagne

Une jeune femme quitte Buenos Aires, sa maison, sa famille, son travail et part en Allemagne à Heidelberg, ville où sa famille s’était exilée pour fuir la dictature en Argentine.
Pas pour étudier ni travailler pour « dormir d’une traite », tourner une page de sa vie ; définitivement ?  En fait elle se trouve devant une page blanche.

Mais avec peu d’argent, elle ne peut que louer une chambre dans une résidence étudiante où  elle n’a pas sa place. Elle y rencontre un compatriote Miguel et sympathise avec une étudiante Japonaise, Shanice, laquelle se suicide, lui léguant « tout ce qui est dans sa chambre ».

Elle se rend compte qu’elle est enceinte, suite à l’affirmation de Miguel, mais pour sa part elle ne sait à qui imputer la paternité : son ex compagnon ou une aventure lors d’une soirée arrosée.
Elle revisite cette ville où les souvenirs remontent de sa jeune enfance dans la ville et retrouve l’un des élèves de son père, Mario, qui était son ami et qu’elle a quitté il y a une trentaine d’années quand sa famille est retournée vivre en Argentine.

Elle a une aventure avec Joseph, un photographe ami de Mario.

Les parents de l’étudiante japonaise, Mr et Mme Takahashi arrivent pour l’enterrement de leur fille ; le père repart dans son pays mais et la mère reste à Heidelberg. Elle a un comportement des plus étranges, elle s’accroche à notre fausse étudiante qui ressent le besoin de l’aider mais souhaite aussi l’éloigner car sa présence est inquiétante.

La narratrice se retrouvant seule suite au voyage de Mario et Joseph, déambule dans la ville enneigée et suit une femme qu’elle pense être Mme Takahashi.

L’autrice laisse, à mon sens, la liberté au lecteur d’imaginer la fin.


***
C’est sympathique, l’écriture est agréable et des situations étonnantes s’enchainent, notamment à cause de la personnalité de Miguel qui aide notre narratrice à gérer ses soucis.

Et une digression insolite vers la sœur de Miguel.

La mère japonaise, amène une certaine angoisse par son étrangeté, son insistance, sa personnalité dominante.

Les personnages sont bien décrits dans leur différence culturelle et physique.

La narratrice évoque très peu la vie qu’elle a quitté en Argentine, contrairement à ce qu’ont dû faire et penser ses parents, eux en exil forcé.


Mots-clés : #exil #lieu
par Bédoulène
le Dim 4 Juil - 8:23
 
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Sujet: Carla Maliandi
Réponses: 6
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George Eliot

Middlemarch

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Unname15

Un rien, et tout bascule, tous changent de place dans ce microcosme de la société prévictorienne : Middlemarch. Les uns tombent en disgrâce ou en banqueroute, les autres sauvent les apparences dans cette petite ville où la vie est rythmée par les mariages et les enterrements, les alliances et les exclusions mondaines ou politiques. Un rien qui est à la fois tout chez George Eliot, à la fois décisif et incisif, se glissant dans ces mille pages pour les rendre si curieusement prenantes. Cela consiste à décrire des attitudes, des intentions ou impulsions ; des personnages qui, parfois, ne soupçonnent pas les mobiles plus ou moins refoulés qui les font agir.

Une ronde des caractères où se déploie doucement la finesse d’analyse de George Eliot, avec son ironie tranquille, enveloppée d’une placidité qui ferait presque oublier son côté mordant, discret, sous le trop grand amour qu’elle porte à certains de ses personnages (Dorothea, par exemple…), lorsque le dénouement d’une intrigue étouffe un peu la subtilité psychologique. Mais c’est un grand roman, et Proust ne s’y est pas trompé.


\Mots-clés : #amour #conditionfeminine #lieu #psychologique #xixesiecle
par Dreep
le Jeu 24 Juin - 19:34
 
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Sujet: George Eliot
Réponses: 9
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Cees Nooteboom

Venise. Le lion la ville et l'eau

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 Venise10

Évidemment ce livre vaut surtout pour qui connaît ne serait-ce qu’un peu Venise ; j’ai pris plaisir à m’égarer de nouveau dans ses venelles qui s’achèvent parfois sans avertissement dans un rio en contrebas.
« Vous cherchiez quelque chose, un palais, la maison d’un poète, mais vous perdez votre chemin, vous vous engagez dans une ruelle qui aboutit à un mur ou à une berge sans pont et soudain, vous comprenez que c’est cela l’important, que ce que vous voyez maintenant, vous ne l’auriez jamais vu autrement. »

S’il est illustré de photos de Simone Sassen, la compagne de Cees Nooteboom, il n’y a guère de représentation des tableaux, qui tiennent pourtant une grande place dans ce recueil de textes écrits sur des décennies, et parfois très récents (Nooteboom évoque les « porcs balancés » et Trump).
Le passé est partout dans la ville-labyrinthe.
« Entendons-nous bien : je suis heureux à Venise, mais c’est un bonheur avec un arrière-goût, peut-être du fait de cet entassement de passé, de cette surabondance de beauté, et parce que c’est trop de bonheur – la tension du labyrinthe qui peut vous amener soudain, plusieurs fois par jour, dans une cour fermée, devant les briques d’un mur aveugle ou devant une eau sans pont, si bien que ce qui eût dû s’ouvrir se referme tout à coup, vous obligeant à faire volte-face et à retourner là d’où vous veniez. Un instant la ville vous a tenu captif, un instant vous avez été la mouche prise dans la toile, le prisonnier de Borges, contraint par les mailles d’un filet de mille églises et palais, ligoté par d’étroites et sombres venelles et puis, d’un seul coup, c’est fini, vous voilà dans la lumière du quai, vous voyez les bateaux sillonner en tous sens cette lumière, et tout au fond la miniature de Murano, étincelant dans l’ardeur de septembre. » (Le labyrinthe désagrégé)

« Dans les lieux historiques, le passé reculé n’est jamais qu’une autre forme d’hier. »

« Qui ne croit pas que les morts sont encore de la partie n’a rien compris. »

Plus encore sur le labyrinthe :
« Venise entière n’est qu’un éternel réseau de recoupements, impossible d’y échapper pour la simple raison, peut-être, qu’on ne veut pas y échapper. Une ville qui est un univers condensé constitue une variante spécifique de claustrophobie, un domaine clos et néanmoins relié au monde. »

« Cette ville ne s’arrête jamais, ni dans notre imagination ni dans la réalité. Une ville entourée d’eau n’a pas de frontières, elle est partout. Une ville toile d’araignée, le labyrinthe auquel on ne se fait jamais, on reste pris dans ses rets, même après un an d’absence. »

Inévitablement aussi, on n’échappe pas à « l’armée » (surtout chinoise, japonaise) des touristes.
« Entre leur regard et la ville, il y aura toujours un téléphone ou un appareil qui leur montrera leur propre visage avec en fond de décor la ville qu’ils avaient tant désiré voir. »

« Étrange : les foules que j’essaie d’éviter dans la journée, je les recherche justement chez le Tintoret. »

Comme de coutume chez Nooteboom, des réflexions originales.
« Tout ici a été construit par des hommes, et pourtant c’est comme si la ville s’était générée, s’était bâtie elle-même, et avait peut-être inventé les hommes qui l’ont bâtie. Une étendue d’eau où se déversent quelques rivières, presque un marécage, çà et là une île, des hommes qui ont ici cherché refuge et y ont construit une ville qui en retour a produit cette race d’hommes, création mutuelle ayant suscité une chose sans pareille dans le monde, des hommes qui font une ville qui fait des hommes, lesquels, durant des siècles, soumettent tout leur environnement, prodigieuse multiplication de puissance et d’argent autour d’une église qui n’a jamais su si elle appartenait à l’Orient ou à l’Occident, excroissance où ont fleuri les plus invraisemblables absurdités et traditions, et dont l’efflorescence la plus ahurissante fut cette créature singulière, le doge, en une immense série de centaines d’hommes, les premiers se perdant dans les brumes de l’Histoire et le dernier ayant déposé de ses propres mains ce couvre-chef qui tenait à la fois du bonnet de nuit phrygien et de la couronne. »


\Mots-clés : #Essai #historique #insularite #lieu
par Tristram
le Jeu 24 Juin - 13:18
 
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Sujet: Cees Nooteboom
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Judith Perrignon

Tag lieu sur Des Choses à lire - Page 2 4178hw10

Là où nous dansions

Autant Judith Perrignon m’a séduite quand elle donnait la parole intime à des personnalités attachantes et tourmentées (Gérard Garouste, Marceline Loridan-Ivens ), autant elle m’impressionne quand elle décide de décrire, rien que ça, le destin d'une ville, en l'occurrence Detroit : grandeur et décadence. Et à travers cette ville, le destin du capitalisme et  son arrogance comme le destin des individus, en particulier des Noir·es alternativement discriminé·es, amadoué·es, spolié·es, au final toujours bafoué·es…

De l'apogée du fordisme à l'effondrement, de l'abandon à la résurgence financière, elle nous parle la vie des immeubles  détruits par les promoteurs, des autoroutes, prenant la place des logements. Et à travers eux, des vies touchantes et vibrantes des habitant.es, écrasé·es par la grosse machine, de celles et ceux qui s'en sortent, petits et grands destins de chanteurs.ses, de flics, d’artistes comme de ceux et celles qui subissent,  plongent dans la détresse, la drogue, la délinquance.

Là où nous dansions est un ambitieux emporté haut la main par Judith Perrignon, grâce à son style lyrique, sa vision inclusive, son attachement à l'intime des êtres, sa détestation du libéralisme.


\Mots-clés : #economie #lieu #segregation #social
par topocl
le Mer 23 Juin - 14:51
 
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Sujet: Judith Perrignon
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