Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

Des Choses à lire
Visiteur occasionnel, épisodique ou régulier pourquoi ne pas pousser la porte et nous rejoindre ou seulement nous laisser un mot ?

Après tout une communauté en ligne est faite de vraies personnes, avec peut-être un peu plus de liberté dans les manières. Et plus on est de fous...


Je te prie de trouver entre mes mots le meilleur de mon âme.

Georges Brassens, Lettre à Toussenot

La date/heure actuelle est Ven 26 Avr - 17:15

45 résultats trouvés pour Justice

Ernest Gaines

Colère en Louisiane

Tag justice sur Des Choses à lire Colzor10

Beau Boutan, un Cajun (les Cajuns ou Cadiens sont à l’origine les descendants des Acadiens déportés du Canada, des créoles francophones, certains étant devenus des planteurs esclavagistes), vient d’être abattu par Mathu, un vieux Noir, parce qu’il poursuivait chez lui Charlie (dont il est le Parrain) avec un fusil.
Candy Marshall, la propriétaire de la plantation, qui a été élevée par Miss Merle (une Blanche) et Mathu à la mort de ses parents, fait venir tous les vieux nègres et sang-mêlés des environs pour se déclarer coupables avec elle (A Gathering of Old Men, le titre originel). Le shérif Mapes a compris la situation, mais ne sait que faire : ce qu’il craint, comme tous les autres d’ailleurs, c’est que Fix, le père de Beau, ne rallie ses proches pour venir lyncher Mathu. Fix, déjà âgé, dépassé par le progrès social qui donne une place aux personnes de couleur dans une Louisiane conservatrice, rejette toute forme de justice officielle au nom de l’intérêt de sa famille, mais renonce finalement à aller dans les quartiers de la plantation.
« Protéger le nom et la terre. »

Mais les extrémistes du Klan se regroupent pour rendre leur justice par la violence…
Dans ce roman, Gaines fait parler quelques-uns des témoins et participants pour narrer le déroulement des faits. La prise directe sur l’action au présent, en plus du suspense intense, constitue une inspiration évidente pour le cinéma. Au-delà d’un certain hiératisme dramatique (et très beau), ce récit relativement bref expose une palette fort riche de personnages et de situations divers : c’est magistralement composé, du chœur polyphonique aux "héros" tragiques.
Le nœud est bien sûr le racisme, décliné tous azimuts, dans toutes les nuances du blanc au noir (mulâtre, créole, etc.), et la ségrégation conséquente, et la spoliation des descendants d’esclaves, mais aussi la solidarité de vieillards qui courageusement, dignement, relèvent la tête pour la première fois.

\Mots-clés : #discrimination #esclavage #justice #racisme #romanchoral #segregation #vengeance #violence #xxesiecle
par Tristram
le Jeu 26 Oct - 17:10
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Ernest Gaines
Réponses: 18
Vues: 1645

Karine Tuil

Tag justice sur Des Choses à lire CVT_Les-Choses-humaines_1824


Résumé :

Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français ; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale

Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au cœur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l’abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage ?


source Babelio


Il s'agit avant tout d'une affaire de viol très médiatisée puisque l'accusé, Alexandre, est le fils d'un célèbre journaliste de télévision très populaire, Jean Farel, connu pour ses interviews de politiciens,  sa mère, Claire, étant elle-même une essayiste reconnue pour ses engagements féministes....son dernier article sur les nombreuses agressions sexuelles dont deux viols qui eurent lieu à Cologne lors des fêtes du Nouvel an en 2016 par de nombreux migrants va la mettre dans une zone de grande turbulence.

Alexandre, jeune homme plus fragile qu'il n'y paraît, élevé très sévèrement,  un père très exigeant, une mère peu présente.....

Evidemment, ce sont donc des personnages d'une certaine élite intellectuelle parisienne.

Karine Tuil  nous dépeint ici la classe de la réussite à tout prix, de la performance à atteindre quoiqu'il en coûte, donc plus dure sera la chute (relative). Même l'affaire de Monica Lewinsky et de Clinton est évoquée...tout comme celle de DSK. Karine Tuil s'appuie dans son roman sur une affaire réelle qui s'est déroulée dans une université aux Etats-Unis.

Ce roman m'a plu, m'a laissée perplexe aussi, la façon de démonter le processus d'un supposé viol, la mise à nu de la vie privée, l'influence énorme des réseaux sociaux qui, à eux seuls, font les coupables ou les innocents...tout ceci est bien vu. Les plaidoiries des deux avocats sont remarquables.

La définition d'un viol est analysée dans ses moindres détails, l'influence de "Me too "et de " balance ton porc"  joue un rôle indéniable dans le processus. Oui, comment définir un viol ?

J'aurais eu tendance à dire, un passage en force, des coups, de la violence, des menaces..et bien non...apparemment pas.

Très bien ce livre, mais un peu facile. Les personnes relativement caricaturaux, une certaine bourgeoisie, ça il ne s'agit pas d'une tournante dans une cave d'une cité... c'est clair.

Bien écrit, le mécanisme psychologique remarquablement analysé...la rage de réussir à tout prix... aucun frein, le sentiment de toute puissance...d'appartenance à une élite où tout est permis.

le viol existe, c'est indéniable, c'est réel, c'est terrible... malgré tout, j'aurais tendance à dire qu'une jeune femme qui suit de son plein gré un homme dans un endroit isolé après avoir bu et consommé de la drogue...ne doit pas s'attendre à ce qu'il lui joue du violon ou récite des poèmes. Elle se met en danger...c'est une évidence. Car, comme l'avait si bien compris Claire : La déflagration extrême, la combustion définitive, c'était le sexe, rien d'autre -fin de la mystification.

Bref..... je vous laisse le soin de découvrir tout ceci....la fin ne doit pas être loin de la réalité....triste monde.


\Mots-clés : #justice #sexualité #violence
par simla
le Sam 5 Aoû - 9:22
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Karine Tuil
Réponses: 10
Vues: 430

Antonio Lobo Antunes

Traité des passions de l'âme

Tag justice sur Des Choses à lire Traitz10

Le Juge d’instruction a été sommé de convaincre l’Homme, un membre d'une organisation terroriste, de renseigner la justice.
« Vous ne trouvez pas que c'est une aide généreuse, a-t-il demandé à l'Homme en lui tournant le dos et en lui présentant sous son costume des omoplates maigres d'ange inachevé. »

Le père du juge était le pauvre fermier (alcoolique) du grand-père du détenu, et les souvenirs de leur enfance commune s’entremêlent à leurs pensées tandis qu’ils s’entretiennent, en viennent à l’évoquer en se chamaillant, perturbant l’interrogatoire en s’y mélangeant inextricablement. Délirante, fantasmagorique et même farcesque, parfois nauséabonde, cette féroce peinture de mœurs dans un Portugal, un Lisbonne apparemment en ruine, est rendue dans une baroque profusion de détails.
« La villa, avec son toit d'ardoises noires, dégringolait comme une construction de dominos depuis les deux ou trois derniers hivers : le revêtement des angles se détachait par grandes plaques molles, une des vérandas en ruine inclinait ses planches vers les broussailles de la clôture, les rideaux se déchiraient à travers les losanges des fenêtres, les feux de navigation des fantômes défunts qui dérivaient de fenêtre en fenêtre devenaient de plus en plus dispersés et faibles et la musique titubait en hésitant sur les dénivellations des notes au bord d'une agonie douloureuse. Le gazon dévorait la clôture, maintenant complètement démolie, qui séparait la villa du bâtiment de l'école, les chats s'y recherchaient dans la frénésie du rut. Des oiseaux avec des pupilles démentes sortaient des fenêtres du vestibule dans un volettement de pages de dictionnaire et une silhouette claire se montrait de temps en temps à un appui de fenêtre pour contempler le fouillis de giroflées avec l'étonnement des statues de porcelaine. »

Dans cette villa vit le père de l’Homme (« António Antunes »), violoniste fou caché par ses parents-parents depuis la mort de sa mère…
Évocation de ses complices, « le Curé, l'Étudiant, l'Artiste, la Propriétaire de la maison de repos, l'Employé de banque », cellule marxiste enchaînant les sanglants assassinats mal ciblés. L’action se passe apparemment après la chute de Salazar, mais ce n’est pas toujours évident.
Le Monsieur de la Brigade spéciale annonce à Zé, le Magistrat, qu’il va servir d’appât pour les terroristes, actuellement occupés à éliminer les (faux) repentis et les infiltrés (c’est aussi un roman de trahisons croisées, de violence aveugle) ; l’Homme a rejoint la bande, renseignant la police qui lui a promis une exfiltration au Brésil.
Ce Monsieur, souvent occuper à reluquer la pédicure d’en face, ne dépare pas dans la galerie de grotesques salopards lubriques et corrompus issus de l’armée (exemple de la narration alternée).
« J'ai rangé ma serviette, mon canif en nacre, mon trousseau de clés et l'argent dans mon pantalon à côté d'une photo d'elle prise à Malaga l'été précédent et entourée d'un cadre en cuir à l'époque où elle s'était avisée de s'enticher d'un architecte italien à qui j'avais dû casser un coude pour le persuader poliment de rentrer bien tranquillement dans le pays de ses aïeux, et je me suis installé sur le pouf pour me battre avec mes lacets qui me désobéissent quand j'aurais le plus besoin qu'ils se défassent et avec mes souliers qui augmentent de taille comme ceux des clowns de cirque et qui m'obligent à avancer sur le parquet en levant exagérément les genoux, à l'instar des hommes-grenouilles chaussés de palmes qui se déplacent sur la plage comme s'ils évitaient à chaque pas des monticules de bouse invisible semés sur le sable par des vaches inexistantes. »
Petitesse de tous, qui vont et viennent entre le présent et le passé, souvent leurs souvenirs d’enfance.
En compagnie du cadavre de l’Artiste abattu par la police, les piètres terroristes retranchés dans un appartement avec leur quincaillerie achetée à des trafiquants africains tentent un attentat risible contre le Juge et la Judiciaire : du grand cirque.
« Les fruits du verger luisaient dans l'obscurité, des chandeliers sans but se promenaient derrière les stores de la villa, la constellation de Brandoa clignotait derrière les contours de la porcherie. Le chauffeur, la cuisinière, ma mère et moi, a pensé le Magistrat, nous glissions tous les quatre sur des racines, dans des rigoles d'irrigation, sur des pierres, des arbustes, des briques qui traînaient par terre, nous avons descendu mon père qui exhalait des vapeurs d'alambic, nous l'avons couché sur le lit que ma mère a recouvert de la nappe du dîner pour qu'il ne salisse pas les draps avec la boue de ses bottes et, un quart d'heure plus tard, après avoir enterré la chienne dans ce qui fut une plate-bande d'oignons et qui se transformait peu à peu en un parterre de mauvaises herbes, le chauffeur est revenu flanqué du pharmacien, dont la petite moustache filiforme semblait dessinée au crayon sur la lèvre supérieure, qui a examiné les pupilles de mon père avec une lanterne docte tout en lorgnant à la dérobée les jambes des bonnes, il a tâté sa carotide pour s'assurer du flux du sang, il a administré des coups de marteau sur ses rotules avec le bord de la main pour vérifier ses réflexes, il a souri à la cuisinière en se nettoyant les gencives avec la langue et il a annoncé à ma mère en projetant des ovales plus clairs sur les murs avec sa lampe, Pour moi, ça ne fait aucun doute, il a avalé son bulletin de naissance, si vous voulez, emmenez-le à l'hôpital Saint-Joseph par acquit de conscience, il faut qu'un médecin délivre le certificat de décès.
– Je lui ai fait comprendre que je le mettais dans un avion pour le Brésil, le type m'a pris au sérieux et c'est sur cette base qu'il a collaboré avec nous, a dit le Magistrat en regardant le Monsieur en face pour la première fois. Je lui ai affirmé qu'il n'aurait pas d'ennuis, et si vos hommes de main le descendent en arguant de la légitime défense ou de tout autre prétexte, je vous jure que je ferai un foin terrible dans les journaux.
– Mort ? s'est étonné le chauffeur en collant son oreille contre la bouche du fermier, puis se redressant et dansant sur ses souliers pointus vers le pharmacien qui examinait avec sa lampe la grimace jalouse de la cuisinière et les nichons des servantes. C'est drôle ça, j'ai vu des morts tant et plus quand je travaillais à la Miséricorde mais c'est bien le premier que j'entends ronfler.
– On se change, on prend une douche froide, on se met sur son trente et un, et après le dîner on se tire à Pedralvas, a proposé l'Homme qui se cramponnait au cèdre en essayant de se tenir sur ses genoux et ses chevilles gélatineuses. (Sa tête lui faisait mal comme une blessure ouverte, ses intestins semblaient sur le point d'expulser un hérisson par l'anus, le visage flou du Juge d'instruction le regardait derrière une rangée de narcisses.) Moi je me porte comme un charme, je pourrais aller jusqu'à Leiria au pas de course. »

L’Homme est en fuite, cerné par les forces armées (très présentes, ainsi que l’empreinte de la guerre d’Angola), et il appelle son ami d’enfance...
« Nous avons passé notre vie à nous faire mutuellement des crocs-en-jambe et quand des soldats encerclent votre maison, qui se souvient de son enfance ? »

Mais l’enfance revient toujours, avec le leitmotiv des cigognes. La justice impuissante et la révolte inepte sont en quelque sorte renvoyées dos à dos, s’engloutissant dans la violence brute, et l’état de fait ne change guère (après la révolution des Œillets).

\Mots-clés : #corruption #Enfance #famille #justice #politique #regimeautoritaire #terrorisme #trahison #violence #xxesiecle
par Tristram
le Mar 27 Déc - 11:37
 
Rechercher dans: Écrivains de la péninsule Ibérique
Sujet: Antonio Lobo Antunes
Réponses: 41
Vues: 6275

David Heska Wanbli WEIDEN

Justice indienne

Tag justice sur Des Choses à lire Justic10

Sur la réserve (pas naturelle, indienne) de Rosebud dans le Dakota du Sud, Virgil Wounded Horse n’est pas vraiment lakota, mais sang-mêlé, et vit comme tous dans la précarité.
« Je sus alors que ces traditions indiennes – les cérémonies, les prières, les enseignements – étaient des conneries. »

Weiden démystifie le mythe de l’Indien proche de la nature et de ses traditions…
« Les cours tribales n’étaient compétentes que pour les délits mineurs, les petits trucs, comme les vols à l’étalage ou le tapage. La police tribale devait rapporter tous les crimes aux enquêteurs fédéraux, qui allaient rarement jusqu’aux poursuites. Seules les affaires médiatisées ou les crimes violents méritaient qu’ils engagent une action en justice. Mais les agressions sexuelles classiques, les vols, les voies de fait étaient le plus souvent ignorés. Et les ordures le savaient. Les violeurs pouvaient s’en prendre aux Indiennes tant qu’ils le voulaient, du moment qu’ils opéraient en terre indienne.
Quand le système judiciaire leur faisait ainsi défaut, les gens s’adressaient à moi. Pour quelques centaines de dollars, ils étaient un peu vengés. C’était ma contribution à la justice. »

Toujours cette obtuse attitude états-unienne de faire la justice par soi-même (sans risque d’erreur ?!), et de préférence par la violence… Weiden déclare dans une postface que les « justiciers autoproclamés » existent vraiment sur les réserves.
« Comme toujours, elle était envahie de touristes qui filaient voir le mont Rushmore, ou, pour ceux qui se considéraient comme plus progressistes, le Crazy Horse Memorial. Bien peu d’entre eux savaient qu’ils se trouvaient sur des terres sacrées, des terres qui avaient été promises par traité au peuple lakota pour l’éternité, mais qui avaient été volées après qu’on y avait découvert de l’or dans les années 1860. Pour couronner le tout, le mont Rushmore avait été sculpté dans la montagne sacrée connue auparavant sous le nom de Six Grandfathers exprès pour faire la nique aux Lakotas. Un peu comme si des Indiens construisaient un casino dans l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Même la Cour suprême avait admis que les Black Hills avaient été saisies illégalement, et la nation lakota avait gagné un grand procès contre le gouvernement en 1980, obtenant des centaines de millions de dollars en dommages et intérêts. Mais les chefs des tribus lakotas avaient rejeté l’accord, ils voulaient récupérer les terres, pas de l’argent. Le gouvernement refusant de rendre les Black Hills, et les Lakotas refusant de recevoir le prix du sang, le montant de l’accord s’est retrouvé placé sur un compte en banque, avec intérêts ; aujourd’hui, il s’élève à plus d’un milliard de dollars. Si les sept tribus lakotas acceptaient cet argent et le divisaient en parts égales, chaque homme, chaque femme et chaque enfant toucherait environ vingt-cinq mille dollars. Pour une famille de quatre, une somme de cent mille dollars soulagerait beaucoup de souffrances. Mais en dehors de quelques-uns, il n’y a pas eu de véritable pression de la part des Lakotas pour accepter l’argent. Je le reconnais, j’avais beaucoup rêvé à ce que cinquante mille dollars changeraient pour Nathan et moi. En traversant les Black Hills, je me sentis coupable de souhaiter cet argent, puis je me ravisai. Qu’est-ce que j’en avais à faire d’un paquet de rochers et de vallées ? »

On trouve des faits intéressants (histoire, social, droit, etc.), jusqu’au retour à une cuisine traditionnelle contre le diabète qui tue, encore que ces informations seraient à vérifier. Mais ce roman (forcément noir) se révèle un peu décevant : sans parler des caricatures de "méchants", le personnage principal n’est pas très convaincant, malgré l’excuse du tiraillement entre deux cultures.

\Mots-clés : #justice #polar #social
par Tristram
le Jeu 10 Nov - 10:57
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: David Heska Wanbli WEIDEN
Réponses: 9
Vues: 290

John Le Carré

Un homme très recherché

Tag justice sur Des Choses à lire Lecarr10

Peu après le 11 septembre, Issa Karpov, le mystérieux fils tchétchène d’un colonel de l’Armée rouge décédé, arrive clandestinement à Hambourg (port cosmopolite qui abrita une cellule islamiste impliquée dans l’attentat) ; il a été torturé en Russie et en Turquie, et prétend étudier la médecine, envoyé par Allah. Annabel Richter, une jeune avocate idéaliste de gauche, le met en rapport avec Tommy Brue, un banquier dont le père a créé un compte d’argent blanchi pour son père, associé à la mafia et au massacre des musulmans russes ; les services secrets s’intéressent à lui.
« En fac de droit, on discutait beaucoup de la primauté de la loi sur la vie. C’est un principe fondamental qui traverse toute l’histoire de l’Allemagne : la loi n’est pas faite pour protéger la vie, mais pour l’étouffer. Nous l’avons appliqué aux Juifs. Adapté à l’Amérique d’aujourd’hui, ce même principe autorise la torture et l’enlèvement politique. »

À son habitude, Le Carré dépeint de beaux portraits de ses personnages (notamment des agents secrets), ainsi qu'un contexte géopolitique international occulte, et crédible.
« S’il existe en ce monde des gens prédestinés à l’espionnage, Bachmann était de ceux-là. Rejeton polyglotte d’une extravagante Germano-Ukrainienne ayant contracté une série de mariages mixtes, unique officier de son service censé n’avoir rien réussi à l’école si ce n’est se faire renvoyer définitivement du lycée, avant l’âge de trente ans Bachmann avait bourlingué sur toutes les mers du globe, fait du trekking dans l’Hindou Kouch et de la prison en Colombie, et écrit un roman impubliable d’un millier de pages.
Pourtant, au fil de ces expériences invraisemblables, il avait découvert son patriotisme et sa vraie vocation, d’abord en tant qu’auxiliaire irrégulier d’un lointain avant-poste allemand, puis en tant qu’agent expatrié sans couverture diplomatique à Varsovie pour sa connaissance du polonais, à Aden, Beyrouth, Bagdad et Mogadiscio pour son arabe, et enfin à Berlin pour ses péchés, condamné à y végéter après avoir engendré un scandale quasi épique dont seuls quelques détails avaient atteint le moulin à ragots : un excès de zèle, dirent les rumeurs, une tentative de chantage malavisée, un suicide, un ambassadeur allemand rappelé en hâte. »

Sont particulièrement intéressants les discours manipulateurs des agents de renseignement et surtout des officiers traitants.
« Pas étonnant qu’elle n’arrive pas à dormir. Il lui suffisait de poser la tête sur l’oreiller pour revivre avec un réalisme criant ses nombreuses et diverses prestations de la journée. Ai-je outré mon intérêt pour le bébé malade de la standardiste du Sanctuaire ? Quelle image ai-je projetée quand Ursula a suggéré qu’il était temps pour moi de prendre des vacances ? Et pourquoi l’a-t-elle suggéré d’ailleurs, alors que je me terre derrière ma porte close pour donner l’impression que je remplis diligemment mes fonctions ? Et pourquoi en suis-je venue à me considérer comme le légendaire papillon d’Australie dont le battement d’ailes peut déclencher un tremblement de terre à l’autre bout de la planète ? »

« …] malgré tous les fabuleux joujoux d’espions high-tech qu’ils avaient en magasin, malgré tous les codes magiques qu’ils décryptaient et toutes les conversations suspectes qu’ils interceptaient et toutes les déductions brillantes qu’ils sortaient d’une pochette-surprise concernant les structures organisationnelles de l’ennemi ou l’absence desdites, malgré toutes les luttes intestines qu’ils se livraient, malgré tous les journalistes soumis qui se disputaient l’honneur d’échanger leurs scoops douteux contre des fuites calculées et un peu d’argent de poche, au bout du compte, ce sont toujours l’imam humilié, le messager secret malheureux en amour, le vénal chercheur travaillant pour la Défense pakistanaise, l’officier subalterne iranien oublié dans la promotion, l’agent dormant solitaire fatigué de dormir seul, qui à eux tous fournissent les renseignements concrets sans lesquels tout le reste n’est que du grain à moudre pour les manipulateurs de vérité, idéologues et politopathes qui mènent le monde à sa perte. »

« Nous ne sommes pas des policiers, nous sommes des espions. Nous n’arrêtons pas nos cibles. Nous les travaillons et nous les redirigeons contre des cibles plus importantes. Quand nous identifions un réseau, nous l’observons, nous l’écoutons, nous le pénétrons et nous en prenons peu à peu le contrôle. Les arrestations ont un impact négatif. Elles détruisent des acquis précieux. Elles nous renvoient à la case départ, elles nous obligent à chercher un autre réseau qui serait même deux fois moins bien que celui qu’on vient de foutre en l’air. »

Le Dr Abdullah est un érudit installé en Allemagne qui « représente beaucoup de grandes organisations caritatives musulmanes », et il est pressenti pour répartir pieusement l’argent « impur » de l’héritage d’Issa, car c’est un homme de bien – mais peut-être y a-t-il chez lui ne serait-ce que 5 % de mal ?
Cette histoire fait intervenir les services secrets allemands, anglais et américains, avec leurs guerres intestines, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamique, jusqu'au triomphe final des États-Unis et de leur puissant système de non-droit.
Le suspense m’est paru particulièrement bien mené. Je renvoie aux subtils commentaires de Marie et Shanidar.

\Mots-clés : #contemporain #discrimination #espionnage #immigration #justice #minoriteethnique #politique #psychologique #religion #terrorisme #xxesiecle
par Tristram
le Ven 21 Oct - 13:04
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: John Le Carré
Réponses: 33
Vues: 2609

Alain Corbin

Le Village des « cannibales »

Tag justice sur Des Choses à lire Villag10

« Le 16 août 1870, à Hautefaye, petit village de Dordogne, un jeune noble est supplicié durant deux heures, puis brûlé vif ( ?) sur le foirail, en présence d’une foule de trois à huit cents personnes qui l’accuse d’avoir crié « Vive la République ! » Le soir, les forcenés se dispersent et se vantent d’avoir « rôti » un « Prussien ». Certains regrettent de ne pas avoir infligé le même sort au curé de la paroisse. »


Le lieu où se déroule ce dramatique évènement se situe aux confins de la Dordogne, de la Charente et de la Haute-Vienne, le Nontronnais, une région assez reculée à l’époque, peuplée en majorité de paysans et d’artisans et dominée par une bourgeoisie rurale qui s’accapare la richesse du sol. Celle-ci attise les rancœurs de la paysannerie envers la noblesse et le clergé ; une vieille histoire qui remonte à la Révolution et qui ressurgit périodiquement, en 1830, en 1848. En effet, nobles et curés sont soupçonnés de vouloir rétablir l’Ancien Régime, les dîmes, les droits féodaux… Plus étonnant, cette société paysanne est très antirépublicaine ; en cause les impôts et surtout les indemnités que se sont octroyés les députés en 1848. Et puis, il y a la crainte des troubles, le souvenir de la « grande peur de 1789 ». L’ordre, c’est Napoléon III qui le leur promet. De fait, la paysannerie s’enrichit beaucoup sous son règne, elle manifeste alors un indéfectible attachement à l’empereur.
Voilà pour le contexte. Le lieu du drame est également important : le foirail est un endroit un peu à l’écart du village, où se réunissent périodiquement vendeurs et acheteurs de bétail, venus de toute la région. On y discute, on y échange bêtes, argent, nouvelles. Egalement, on y fréquente les auberges où on y boit. C’est l’endroit ou se font, enflent, se propagent les rumeurs les plus diverses.
Dernier point contextuel : la date de l’évènement. Le pays est en guerre contre la Prusse depuis juillet. Déjà, s’annoncent de lourdes défaites et l’inquiétude monte. Les bruits circulent de trahisons, d’espions, de traitres prêts à vendre la nation à l’assaillant.

« … la circulation de la rumeur crée des liens puissants entre les membres d’une communauté qui ne sait plus comment répondre à son angoisse et qui doit impérativement discerner et désigner les responsables de son malheur, afin d’interpréter logiquement une situation confuse. »


Dans ce contexte de désarroi pour les paysans, l’équation est vite trouvée :


« Alain de Monéys = un noble + un républicain = un « Prussien »

.

« La scène du drame est dessinée, le décor planté, le prologue achevé. La victime s’avance. Il est quatorze heures, le 16 août 1870, à Hautefaye, la foire bat son plein. »


Le récit du supplice infligé au pauvre de Monéys est pénible à lire. Le malheureux est frappé de coups comme un animal (la comparaison est importante dans le contexte paysan !), fuyant, rattrapé à chaque fois, battu à mort, trainé sur le sol, puis finalement brûlé sur le champ de foire. Toutefois, la description précise qu’en donne Alain corbin est nécessaire à l’historien pour caractériser l’acte et le comparer à d’autres événements du même type.
Alain Corbin s’appuie notamment sur les travaux de René Girard pour définir un rituel de la violence au cours des siècles. Le sentiment d’exécration envers la victime s’accompagne d’une purification du corps social. Les exemples les plus manifestes se situent au 16e siècle lors des guerres de religion où une trilogie ordonne le massacre : dégrader et traîner le cadavre, le lapider, le brûler. La mise à mort implique une souffrance qui doit durer, elle est un spectacle devant lequel et dans lequel communie la foule.

« Dans le massacre, se déploie une libération joyeuse des pulsions dionysiaques. La profanation de la victime, l’outrage, l’injure, la plaisanterie qui la stigmatisent, l’héroïsation proclamée des acteurs, la participation festive de la foule, la ritualisation même dégradée, le distinguent radicalement de l’assassinat, crime odieux, perpétré dans l’ombre, à l’insu de tous. »


Ce type de rituel va se renouveler régulièrement, malgré la montée d’une sensibilité à la souffrance et à la vie humaine. Ainsi, en 1757, l’atrocité du supplice de Damiens, qui dure des heures, soulève de nombreuses protestations. Toutefois, Alain Corbin situe le véritable changement en 1792, après les massacres de septembre. Les débordements de la foule sont alors canalisés par l’institution du Tribunal révolutionnaire qui remplace une justice populaire et par l’usage de la guillotine, instrument de mise à mort rapide, et jugée indolore. Néanmoins, la notion de spectacle persiste.
Comme le souligne Alain corbin, la particularité du meurtre commis à la Hautefaye est son caractère archaïque qui le rattache à des pratiques ancestrales, mais qui en 1870 apparaissent monstrueuses au reste de la population. S’il s’était produit une cinquantaine d’années plus tôt, l’évènement n’aurait probablement pas retenu l’attention.

« Les massacreurs périgourdins ont voulu, ils ont cru expulser le monstre, purifier la communauté, tout à la fois d’un noble, allié des curés, d’un républicain et d’un Prussien. Ce faisant, ils sont apparus comme l’incarnation des « cannibales », ces monstres les plus abominables, que l’on s’efforçait d’exorciser depuis l’aube de la Révolution. […] Ce qui, en 1792 encore, pouvait être considéré comme l’expression admissible, voire noble, d’une opinion ne peut plus, en août 1870, qu’inspirer de l’horreur, quelle que soit l’appartenance des observateurs. Une mutation de la sensibilité collective sépare les deux dates. »


En conclusion, l’auteur souligne la nature politique de ce massacre de Hautefaye :

« Avant d’être désavoués par la société dans laquelle ils étaient immergés, ces paysans n’avaient pas su dire, autrement qu’en suppliciant l’ennemi, la spécificité de leurs représentations du politique, l’intensité de leur angoisse et la profondeur de leur attachement au souverain. De ce balbutiement, de cette pauvre esquisse d’une révolution identitaire oubliée, seule reste à nu la cruauté, dans le ressac des sentiments. »


Une leçon d’Histoire magistrale !

Mots-clés : #criminalite #documentaire #faitdivers #justice
par ArenSor
le Mar 5 Avr - 21:17
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Alain Corbin
Réponses: 9
Vues: 654

Mathieu Palain

Ne t’arrête pas de courir

Tag justice sur Des Choses à lire 210

Mathieu Palain est journaliste. Toumany Coulibali, athlète de haut niveau. Tous deux sont nés en banlieue, ils ont le même âge. L’un s’en est sorti, l’autre aurait pu s’en sortir.

Quand ils entrent en contact à l’initiative du premier, Toum purge un énième peine de prison : la journée il courait comme un dieu, la nuit il volait comme un possédé. Les deux de façon aussi compulsive.

Intéressé par un jeune homme au parcours différent du sien, « un gâchis » disent certains, Mathieu Palain l’aborde avec une grande bienveillance, découvre l’homme derrière le cas social ; une pseudo-amitié se développe, et peu à peu cela devient une amitié vraie.

Remontent en Mathieu Palain diverses expériences personnelles ou journalistiques tournant autour de la prison, qui semble avoir été l’un des fils rouges de sa vie. Une amie d’adolescence incarcérée pour 20 ans pour des actes terroristes dans le cadre de l’ETA, un condamné à mort innocenté aux USA, un pédophile qui sait qu’il ne ressortira pas…

C’est, au-delà du récit, sans en avoir l’air, un livre éminemment politique - le seul fait d’aborder ces sujets est politique : inégalité sociale et face à la justice, sens de l‘incarcération. Si  Mathieu Palain reste dan une apparente neutralité journalistique, sans charge, sans réquisitoire, les faits parlent d’eux-même (le milieu carcéral n’est même pas décrit dans ses dérives catastrophiques : à nous de lire entre les lignes). Et en même temps, il s’implique personnellement dans cette histoire,  il parle d’hommes et de leurs destins, et non de sujets d’étude.  Il raconte des faits, avec ce qu’il faut d’affect et de liant pour que le récit ait quelque chose d’attachant.


\Mots-clés : #justice #social
par topocl
le Jeu 6 Jan - 15:36
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Mathieu Palain
Réponses: 8
Vues: 1158

Corinne Rostaing

Une institution dégradante, la prison

Tag justice sur Des Choses à lire Instit10

Un livre qui me conforte sur le fait que la prison n'est ni un endroit qui permet une sanction compréhensible, ni une réintégration sociale à la sortie qui soit pertinente.
Mais je ne m'attendais pas à une analyse si tranchante et si bien étayée. C'est sourcé, c'est factuel, bien écrit, et je conseille cette lecture à toutes et tous, notamment nos responsables politiques.
Cela permet un questionnement philosophique plus large que la justice qui est déjà une question complexe, mais aussi sur la loi, sur la notion de prisonnier, sur les indivius qu'on exclut de la société, sur le libre arbitre aussi.
Un ouvrage très important.


\Mots-clés : #essai #justice #social
par Hanta
le Ven 6 Aoû - 19:45
 
Rechercher dans: Sciences humaines
Sujet: Corinne Rostaing
Réponses: 6
Vues: 621

Florence Aubenas

Tag justice sur Des Choses à lire 31jpvz10

L’inconnu de la poste.

Une postière est assassinée par 28 coups de couteau dans une bourgade où chacun connaît chacune.
Thomassin, un acteur à la dérive, marginal et drogué, est arrivé depuis peu et devient vite le suspect numéro 1. Quatre ou cinq ans après, les études d’ADN permettent d’identifier le vrai coupable. Mais les dégâts sont faits et bien faits chez Thomassin, qui d’ailleurs disparaît  avec ses mystères, sans laisser de piste ou d’adresse.

Une fois de plus un fait divers, une histoire à la Chabrol...

J’ai l’impression que le livre a été couvert d’éloges. C’est sans doute en partie lié au nom de Florence Aubenas, et au fait que sa description de la vie de cette petite ville provincial doit paraître exotique au plus haut point à bien des parisiens. Mais il aurait fallu un peu plus de  mise en perspective, de réflexion et d’analyse, alors que Florence Aubenas se contente de nous offrir un récit très documenté, plutôt bien écrit mais un peu vain.


\Mots-clés : #documentaire #justice #social
par topocl
le Sam 17 Juil - 18:30
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Florence Aubenas
Réponses: 5
Vues: 1384

Fiona Kidman

Tag justice sur Des Choses à lire Albert10

Albert Black

Lors d’une rixe un peu arrosée, Albert Black tue d’un coup de couteau Johnny McBride. Tous deux sont de jeunes immigrants venus courir leur chance depuis l’Irlande, courant après l’argent, aimant fricoter avec les filles. Tout ce que la puritaine et rigide Nouvelle Zélande des années 50 déteste et fustige. Aussi avant même son procès, qu’on suit méticuleusement, il est bien clair que Black va rendre sa faute au bout d’une corde.

« Fiction » alimentée d‘un scrupuleux travail d’archive, ce récit précis et attentif, économe, rapporte l’histoire – vraie - de nombreux points de vue : l’accusé, les témoins et ses amis,  sa mère éplorée depuis son Irlande lointaine, les juristes et jurés etc.

C’est un témoignage contre l’iniquité de la peine de mort, de l‘âme humaine qui ne sait envisager d’empêcher de tuer autrement qu’en tuant elle-même, de la certitude de ceux qui croient savoir… C’est aussi l’histoire d’un homme et d’une époque.


\Mots-clés : #justice
par topocl
le Lun 21 Juin - 14:36
 
Rechercher dans: Écrivains d'Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande, Polynésie)
Sujet: Fiona Kidman
Réponses: 5
Vues: 3453

Meša Selimović

Le Derviche et la Mort

Tag justice sur Des Choses à lire 71kq5y10

Si le climat politique ― règne de l'arbitraire, arrestation basée sur des rumeurs ― révélé par Meša Selimović est inquiétant, la noirceur qui s'insinue comme une coulée d'encre dans Le Derviche et la Mort, provient des affres d'une conscience. Celle d'un derviche qui se livre par écrit, remontant aux causes de sa prudence excessive (pour ne pas dire couardise) et de cette tendance, de tout le vilayet, à se montrer impénétrable face à l'injustice, tout aussi impénétrable qu'elle (et tout aussi injuste en fin de compte). Les questions vitales, les problèmes concrets se dissolvent en termes généraux ou spirituels, tandis qu'en ce personnage s'amorce un rapport à la réalité différent. Cette réalité, les objets et les visages qui la composent deviennent aussi tangibles, et finement tracés, qu'une menace qu'on ne peut plus faire semblant de ne pas voir. Les personnages sont très humains, on noue de plus en plus de liens dans ce récit fait de détails et d'intentions généreuses ; mais on noue aussi de plus en plus d'intrigues, et les fils de cette trame se mêlent bientôt de façon inextricable. Tout se corse, tout se pervertit, le récit gagne en complexité tandis que par fatalisme, les personnages déçoivent.


\Mots-clés : #justice #regimeautoritaire #spiritualité
par Dreep
le Mer 16 Juin - 16:33
 
Rechercher dans: Écrivains d'Europe centrale et orientale
Sujet: Meša Selimović
Réponses: 10
Vues: 814

William Faulkner

Requiem pour une nonne

Tag justice sur Des Choses à lire Faulkn10

Titre original: Requiem for a Nun, a paru en 1951, genre: théâtre enchâssé dans un roman (??).

Où l'on retrouve, huit années après Sanctuaire, les caractères de Temple Drake, Gavin Stevens l'avocat, Gowan Stevens son neveu, ex-lâche de bonne famille devenu, depuis, le mari de Temple.
Alors bien sûr, Sanctuaire est un tel chef d'œuvre qu'on ne peut que se réjouir a priori de retrouver ces personnages, mais, il y a un mais.

Si la distance dans le temps entre les deux fictions est de huit ans en ce qui concerne les protagonistes et l'action, elle est de vingt ans entre les dates d'écriture.
Ce qui nous amène après le Nobel de littérature de 1949, et concomitamment à la réception du second National Book Award jamais décerné: entretemps Faulkner est devenu une étoile [en provenance du Dixie Flag], un incontournable de la littérature mondiale.

L'ensemble laisse un drôle de goût.
Brouillon, décousu, bavard tendant vers la logorrhée, laissant le lecteur sonné de ces infinissables ensembles massifs.
Je crois (et j'aimerai échanger sur le sujet !), par hypothèse, que Faulkner s'est permis.
À présent installé, l'âge légèrement mûrissant, ayant prouvé, détenant la notoriété, n'a-t-il pas eu envie de se permettre ?
De lâcher du narratif épais comme une lave et brodant sur un thème, avec le côté brouillon, distendu du premier jet -celui, d'ordinaire, de la garniture de corbeille à papiers- intact, restitué dans toute sa force. 
Et de donner une profondeur bien dans l'air du temps de ces années 1950: une dimension existentialiste (au reste, c'est Albert Camus qui montera la pièce pour le théâtre, ça ne doit pas être un hasard, si ?).

La longue préparation (dite Acte premier, intitulé: Le Tribunal, sous-titré: Un nom pour la ville) nous donne son lot de causerie narrative interminable, à la sudiste US, tenant en haleine en dépit d'un style plutôt décousu, composite: exposé à tiroirs, paragraphes non aérés, bribes de retours et de redites, bouts dialogués, phrases d'une demi-page voire d'une page, etc...  

Mais l'ensemble reste imprégnant, et l'on finit par mordre à l'hameçon.
Merci.
La scène 2 nous fait entrer de plain-pied dans la partie théâtre proprement dite, bien plus vive et concise.
Le même procédé de nappage préalable avec de denses descriptions inénarrables avant la partie théâtre est repris à l'acte Deux, puis à l'acte Trois.

L'idée directrice (pour aller vite) est que Temple Drake, devenue depuis Mrs Stevens, qui fut mise au bordel par Popeye l'impuissant gangster psychopathe de Sanctuaire (enfin, je ne vais pas vous raconter Sanctuaire !) est devenue la haute-bourgeoise comme-il-sied à son mari, Gowan Stevens, lequel est responsable de l'infamie perpétrée sur Temple et donne l'impression de racheter en quelque sorte sa faute en épousant Temple.
Le couple a deux enfants en bas âge.

Le frère de l'homme de main que Popeye choisissait pour honorer Temple à sa place et en sa présence (celui-là est décédé) a retrouvé un paquet de lettres et menace de chantage Temple, notamment en ce qui concerne la paternité de l'aîné du couple, dont le père aurait toutes les chances de ne pas être Gowan.

Temple, de son côté, a recruté en nounou et personnel de maison une jeune noire, Nancy, sortie du bordel et du ruisseau, qui est aussi sa confidente et, quelque part, sa consœur dans la confrérie de l'infamie, des maisons closes et de la fréquentation des truands.

Nancy, alors que Temple est quasi-prête à suivre le maître-chanteur et à tout plaquer, fortune et situation, afin de retourner à une vie marginale, aventureuse, violente, illégale et risquée, assassine l'un des deux enfants du couple, afin de sauver la situation, se sacrifiant du coup.
L'Acte premier scène 2 s'ouvre, justement, sur son jugement au tribunal, elle est défendue (bien sûr !) par Gavin Stevens, oncle de Gowan et protagoniste de Sanctuaire...

Extrait, comprenant une des plus fameuses citations de Faulkner:
The past is never dead. It's not even past.


Stevens

L'immunité est une chose qui n'existe pa.

Gowan

Contre le passé...ma folie...mon alcoolisme. Ma lâcheté, si vous préférez.

Stevens

Le passé n'existe pas non plus.

Gowan

Là encore il y a matière à rire. Mais pas si fort, n'est-ce pas ? Ça pourrait troubler les dames - déranger Miss Drake - Miss Temple Drake - Bien sûr, pourquoi pas la lâcheté ? L'excès d'entraînement plutôt, ça sonne mieux: Gowan Stevens, entraîné à l'Université de Virginie, à boire comme un gentleman, emmène une étudiante d'un petit collège, une jeune fille vierge, peut-être - sait-on jamais ? - en automobile à un match de base-ball dans un autre petit collège à la campagne. Il se saoule comme dix gentlemen, se trompe de route, continue à boire comme quarante gentlemen, fout sa voiture dans le fossé, dépasse à présent les quatre-vingts gentlemen, tombe ivre-mort, et la jeune fille, la jeune fille vierge, est enlevée et emmenée dans un bordel de Memphis...
(il murmure des mots incompréhensibles)
 

Stevens

Quoi ?

Gowan

Mais parfaitement, de la lâcheté. Appelez ça de la lâcheté. Qu'importe l'euphonie entre de vieux époux ?

Stevens

En tous cas, tu ne pourras pas dire ça du mariage qui a suivi. Qu'est-ce que...

Gowan

Mais si. Ce mariage était dans la plus pure des vieilles traditions virginiennes. Les cent soixante gentlemen, sans l'ombre d'un doute.

Stevens

L'intention était pure, et d'après tous les codes. Prisonnière dans un bordel; je n'ai pas très bien entendu...

Gowan (rapidement: en avançant la main)

Où est votre verre ? Jetez-moi cette cochonnerie - ici.

Stevens (son verre à la main)

Celui-ci me suffit. Qu'est-ce que tu as voulu dire quand tu as parlé de prisonnière dans un bordel ?

Gowan (rudement)

Tout simplement cela. Vous avez entendu.

Stevens

Tu as dit: "et y a trouvé le plus grand plaisir" (Ils se dévisagent) C'est donc cela que tu n'as jamais pu lui pardonner ? - non qu'elle ait été l'instrument créateur de ce moment de ta vie que tu ne peux jamais évoquer, ni oublier, ni expliquer, ni condamner, auquel tu ne peux même pas t'empêcher de penser, mais le fait que non seulement elle n'en a pas souffert mais qu'elle y a trouvé du plaisir - ce mois, ces quelques semaines qui rappellent l'épisode du vieux film où la femme blanche est gardée prisonnière dans la caverne du prince arabe - le fait que tuas été contraint de perdre non seulement ton indépendance de célibataire, mais ton amour-propre d'homme attaché à la chasteté de sa femme, et ton enfant par surcroît, comme prix de quelque chose que ta femme n'avait même pas perdu, ne regrettait même pas, dont elle ignorait même l'absence. C'est donc pour cela que cette pauvre négresse perdue, condamnée, folle, doit mourir ?






\Mots-clés : #addiction #conditionfeminine #criminalite #culpabilité #justice #relationdecouple #théâtre #xxesiecle
par Aventin
le Mer 19 Mai - 22:05
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: William Faulkner
Réponses: 103
Vues: 12105

Elizabeth Hartley Winthrop

Tag justice sur Des Choses à lire 41hg4310

Le châtiment de Willie Jones.

De la tombée du jour au lever du soleil, la nuit de l'exécution capitale de Willie, un jeune noir accusé d'avoir violé une Blanche, Elizabeth Winthrop suit, de minute en minute, une poignée de personnages, telle une ribambelle se passant le relais, dans cette petite ville de Louisiane en 1943. Tous, de près ou de loin, sont concernés par ce châtiment et ses implications (peine de mort, racisme) que ce soit Willie, ses proches, des membres de la justice ou de la police, le prêtre qui l’assiste, des blancs qui doutent ou d’autres sûrs de leur droit. Tous ont un étroite relation avec la mort qui les a déjà marqués, et la guerre qui se déroule au loin marque les faits de son empreinte .

Très maîtrisé, très attentif à chacun.e, plein de compassion dans cette ambiance électrique du Sud : ce roman progresse sûrement pour laisser entendre toutes les voix. C’est réellement touchant et intéressant.


Mots-clés : #justice #racisme #segregation
par topocl
le Mer 24 Fév - 11:19
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Elizabeth Hartley Winthrop
Réponses: 4
Vues: 730

Irène Frain

Tag justice sur Des Choses à lire Phpyxg10

Un crime sans importance


La sœur d’Irène Frain , femme âgée vivant en zone pavillonnaire pas très loin de Paris, a été sauvagement assassinée.

L’autrice ne l’avait pas vue depuis des années, connaissait à peine ses enfants : cette femme atteinte de troubles bipolaire avait trouvé une place (laquelle ? ) hors du cercle familial, lequel semble avoir bien laissé faire, un psy plutôt bizarre avait conseillé à Irène de ne plus voir sa sœur, des dénis et des silences obscures s’en sont mêlés… une histoire familiale étrange et regrettable parmi tant d’autres. Mais voila, l’enfance et les regrets remontent vite à  la gorge devant le drame.

Plus d’un an après les faits, inexplicablement, l’enquête n’a pas avancé, Irène n’arrive pas à obtenir d’informations  sur ce décès (peut-être lié à d’autres assassinats de vieilles personnes), elle va de la rage au désespoir et utilise ce qu’elle a comme arme pour faire face, et, qui sait faire bouger la justice ( … ?? ) : l’écriture.

Voilà ; le livre n’apporte pas grand chose de plus que ce résumé, pas de suspense, pas de progression, pas de réponses, pas de vraie écriture, des zones qui restent franchement pas claires ; sans doute salvateur pour l’autrice mais plutôt fade pour la lectrice qui reste sur sa faim, et comprend mal le prix Interallié.


Mots-clés : #autobiographie #faitdivers #famille #justice
par topocl
le Mar 9 Fév - 14:28
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Irène Frain
Réponses: 4
Vues: 564

Blaise Cendrars

L'or

Tag justice sur Des Choses à lire L_or13
Sous-titré: La Merveilleuse Histoire du général Johann August Suter.
Roman, 1925, 160 pages environ.

[relecture]

Accueil mitigé à sa sortie pour cet opus, longuement cogité et porté par l'auteur, mais écrit et publié avec célérité. On lui reproche de ne pas avoir fait œuvre de biographe fidèle, d'historien, mais justement c'est ce que Cendrars revendique - comme indiqué en préface il eût pu appeler Alexandre Dumas à la rescousse, selon celui-ci l'Histoire serait "un clou où l'on peut accrocher un beau tableau".

Usant d'effets stylistiques afin d'évoquer, surtout, une trajectoire, le roman prête à une lecture rapide, la course d'un projectile propulsé. Gâcher, çà et là, un peu de peinture afin de soigner davantage les décors et les seconds caractères ne m'eût pas déplu, à titre personnel: de la saveur, certes, dans les ingrédients, petit manque d'épices toutefois.

J-A Suter (Sutter dans la vraie vie), un Suisse de bonne famille, en rupture, passe en fraude en France puis s'embarque pour le Nouveau Monde, et, après moult expédients dont des actes répréhensibles, détours, temporisations, approches, gagne la Californie encore hispanisante et mexicaine, très peu peuplée, y fonde un empire, lequel viendra se fondre dans une Californie annexée pacifiquement à l'Union, avant d'être ruiné par la découverte d'or sur ses terres et la ruée qui s'ensuivit, drainant des flots continus de migrants s'accaparant ses terres, son personnel le quittant pour prospecter, puis, ruine consommée, devient quasi-aliéné (pour ne pas dire complètement fou), avec une phase de récupération par des illuminés mystiques et businessmen, et décéde en tentant de faire valoir ses droits à Washington: un beau sujet.
entame du chapitre 6 a écrit:- Vois-tu, mon vieux, disait Paul Haberposch à Johann August Suter, moi, je t'offre une sinécure et tu seras nourri, logé, blanchi. Même que je t'habillerai. J'ai là un vieux garrick à sept collets qui éblouira les émigrants irlandais. Nulle part tu ne trouveras une situation aussi bonne que chez moi; surtout, entre nous, que tu ne sais pas la langue; et c'est là que le garrick fera merveille, car avec les irlandais qui sont tous de sacrés bons bougres, tous fils du diable tombés tout nus du paradis, tu n'auras qu'à laisser ouvertes tes oreilles pour qu'ils y entrent tous avec leur bon dieu de langue de fils à putain qui ne savent jamais se taire. Je te jure qu'avant huit jours tu en entendras tant que tu me demanderas à entrer dans les ordres.
Un Irlandais ne peut pas se taire, mais pendant qu'il raconte ce qu'il a dans le ventre, mois, je te demande d'aller palper un peu son balluchon, histoire de voir s'il n'a pas un double estomac comme les singes rouges ou s'il n'est pas constipé comme une vieille femme.
Je te donne donc mon garrick, un gallon de Bay-Rhum (car il faut toujours trinquer avec un Irlandais qui débarque, c'est une façon de se souhaiter la bienvenue entre compatriotes), et un petit couteau de mon invention, long comme le coude, à lame flexible comme le membre d'un eunuque. Tu vois ce ressort, presse dessus, na, tu vois, il y a trois petites griffes qui sortent du bout de la lame. C'est bien comme ça, oui. Pendant que tu lui parles d'O'Connor ou de l'acte de l'Union voté par le Parlement, mon petit outil te dira si ton client a le fondement bouché à l'émeri. Tu n'auras qu'à mordre dessus pour savoir si elle est en or ou en plomb, sa rondelle.



Mots-clés : #aventure #colonisation #exil #historique #immigration #independance #justice #mondialisation #voyage #xixesiecle
par Aventin
le Jeu 10 Sep - 7:12
 
Rechercher dans: Écrivains européens francophones
Sujet: Blaise Cendrars
Réponses: 31
Vues: 4777

Valentine Cuny-Le Callet

Le monde dans 5 m²

Tag justice sur Des Choses à lire 41gwwo10

Elle a 19 ans, et par l’intermédiaire de l’ACAT (association chrétienne pour l’abolition de la torture), elle entreprend une correspondance, qui dure encore à ce jour avec Renaldo, un Noir américain qui est depuis dix ans dans le couloir de la mort et clame son innocence. Comme dans les films où on confronte deux personnages antagonistes. Cependant là, c’est la vraie vie, et il s’avère que les personnages ne sont pas si antagonistes que ça.

Peu importe ce qu’il a commis ou pas, Valentine offre son amitié à un homme condamné à la solitude, à la colère et à l’angoisse. Valentine n’est pas la femme des grands combats, en tout cas pas ici, mais bien celle des petits pas qui font avancer la dignité.

Avec une belle économie de moyens, elle a recours aux faits, des faits souvent  incroyables d’absurdité,  qu’elle dévoile avec un précision mesurée et qui se dénoncent eux-même.
Elle raconte surtout une belle histoire de partage et d’amitié.
Ce livre est touchant tant dans sa sobriété que dans sa générosité.


Mots-clés : #amitié #captivite #correspondances #justice
par topocl
le Mar 26 Mai - 9:27
 
Rechercher dans: Histoire et témoignages
Sujet: Valentine Cuny-Le Callet
Réponses: 6
Vues: 1024

Meyer Levin

Crime

Tag justice sur Des Choses à lire Crime_10

(Je me suis dit que vous ne refuseriez pas un petit commentaire !)

Ce livre est passionnant, il relate un fait divers survenu à Chicago en 1924 et dont l’auteur en fait l’analyse. Malgré son titre, ce livre n’est pas construit comme un polar mais comme un roman classique voire documentaire. L'horrible assassinat d'un enfant avec demande de rançon, a été commis par deux étudiants de la jeunesse dorée, qui pourtant ne manquent pas de ressources financières, mais qui croient dur comme fer qu'ils sont des surhommes au sens nietzschéen. Bien sûr ils se croient au-dessus des lois et à l’abri de tout, grâce à des faveurs que pourraient leur procurer leurs parents richissimes, si toutefois...

Le lecteur assiste, quand ils sont les narrateurs, à toutes leurs manœuvres et manigances pour mettre en œuvre le meurtre, à la demande de rançon alors que l’enfant a été tué dès son enlèvement, et à tous leurs propos pervers ignobles, leurs éclats de rire, et leur mépris des autres qu’ils considèrent tellement inférieurs. Ils poussent le vice jusqu’à vouloir participer à l'enquête et se risquer à donner des vrais indices. Et en même temps prêts à applaudir la mise en examen d’enseignants de leur école considérés comme "invertis", l’homosexualité étant pointée du doigt et bannie à cette époque et donc source de suspicion. Leur personnalité nous apparaît alors, sombre, moche, pathologique.

La presse est à l’affût de cette affaire, et parmi les journalistes, un jeune assistant journaliste du Globe est chargé de participer à l’enquête pour le journal, ce jeune assistant, Meyer Levin, qui était aussi dans la même université qu’eux, donc qui les connaît bien, et avec qui il partage avec eux ses opinions sur l’affaire.
Les journalistes, et donc Meyer (qui porte un autre nom dans le livre), échangent leurs avis entre eux-mêmes, et avec les deux jeunes, y vont de leurs supputations, élaborent des hypothèses sur qui a pu commettre ce crime gratuit, pourquoi et comment. Si on donnerait le bon Dieu sans confession à ces garçons, des doutes viennent s'immiscer dans leurs échanges… Seraient-ils suspectés ?
La police mène aussi son enquête, et chacun y participe : journalistes, assassins, témoins, parents, policiers.

Mais seront-ils arrêtés et jugés, ces deux assassins qui sont certains d'avoir commis le crime parfait ? Peut-être ne faut-il pas en dire plus…

La deuxième partie de ce livre relate le procès de cette affaire qui a secoué le tout-Chicago.
Ce livre tient en haleine, et je suis conquise par cette belle étude d'un Crime.
Pas facile de choisir un extrait sans le sortir de son contexte, mais au hasard (les noms des deux jeunes sont changés dans le roman) :

« Cette peur soudaine avait arrêté la nausée. Au fait, pourquoi ne s’étaient-ils pas servi de l’éther ? Ils avaient projeté d'endormir proprement l'enfant et, une fois endormi, de lui passer la corde autour du cou, Artie et lui  [Judd] tirant chacun un des bouts de la corde. Aussi fort l'un que l'autre, d'un effort parfaitement égal, afin d'être liés à jamais, Artie et lui. Mais dès que le petit garçon était monté dans la voiture, tout s'était déroulé dans un éclair. Ils avaient tourné le coin de la rue, alors que Judd songeait précisément que l’acte suprême n’aurait peut-être jamais lieu. Se pouvait-il qu'Artie ait perçu cette dernière hésitation ? Il avait bondi vers l’irréparable, ainsi qu’on attaque une fille avant qu'elle ne rassemble ses esprits. »


Mots-clés : #faitdivers #justice #polar
par Barcarole
le Jeu 23 Jan - 13:38
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Meyer Levin
Réponses: 12
Vues: 658

Gilbert-Keith Chesterton

Le club des métiers bizarres

Tag justice sur Des Choses à lire Le_clu10

Titre original: The Club of Queer Trades. Nouvelles, 1905, 190 pages environ.
Peut se lire en langue originale ici.
Six nouvelles reliées entre elles par les thèmes et les protagonistes principaux.

Autant les premiers romans de Chesterton comptent parmi ce qu'il a fait de meilleur, autant ces nouvelles-ci, ses premières, laissent un peu l'exigeant lecteur sur sa faim, j'eus souhaité qu'il sophistiquât quelque peu davantage, qu'il enjolivât encore.

En 1905, en fait de polars britanniques, existait Sir Arthur Conan Doyle et son Sherlock Holmes, et c'est à peu près tout: l'historien du genre, pointilleux, me rétorquera sans doute qu'untel ou untel (dont R-L Stevenson en personne) s'était aussi aventuré dans ce domaine littéraire-là, qui allait faire florès au XXème et toujours de nos jours, mais on parle bien d'auteurs à la fois spécialisés et grand-public, en matière de polars britanniques.

Comment prendre le pendant de l'écrivain-médecin et de sa logique clinique ?
Bien sûr, si vous avez déjà lu quelques pages de Chesterton c'est évident, le projet va de soi: face à la déduction scientifique l'auteur oppose le paradoxal intuitif, la conviction dût-elle paraître d'un absurde consommé.
Aussi ceci: on ne meurt pas dans les enquêtes narrées par Chesterton, d'ailleurs, à ma connaissance, on ne meurt pas non plus dans ses romans ou son théâtre: ainsi les enquêtes, comme les histoires narrées au sens large, ne sont pas alourdies du fardeau de la gravité, ni de la délectation voyeuriste de la violence morbide.

Peut-être, sans trop s'avancer, peut-on suggérer que Chesterton tente d'ébaucher son personnage de détective, qui sera, bien des années plus tard, le Père Brown, Basil Grant étant un prototype abandonné d'emblée, trop typé, trop limité ?

Le détective est Rupert Grant, toujours en chasse, tandis que l'enquêteur qui démêle, le héros principal, est son frère, Basil Grant, un excentrique juge démissionnaire: dans chacune des nouvelles, à la fin, Basil démontre à Rupert qu'il n'y a eu ni crime, ni intention malfaisante de la part de ceux contre qui sont les apparences trompeuses.
Ou presque:
La dernière nouvelle (mais ne dévoilons pas !) montre un cas de justice pour des faits non répréhensibles par les lois des tribunaux, en sus de quelques baffes, mêlées, horions et autres coups de poing.

L'auteur (c'est narré au "je") dit s'appeler Swinburne (oui, comme le grand poète, encore vivant et londonien à l'époque de parution), et fait office de témoin tout en complétant le trio, basculant dans l'erreur (c'est-à-dire du côté Rupert de l'analyse):
Procédé commode pour permettre d'embarquer le lecteur vers la mystification et donner du poids aux chutes des nouvelles.
Quelques unes des marques de fabrique du gentleman de Beaconsfield sont bien là, comme l'habituelle mine à citations (bien que réduite à sa portion congrue, cette fois-ci - une ci-dessous), les descriptions très picturales et savoureuses, l'humour.

La curieuse affaire de l'agent de location a écrit:
- La vérité doit forcément être plus étrange que la fiction, dit Basil avec calme. Car la fiction n'est qu'une création de l'esprit humain et, par conséquent, est à sa mesure.



La singulière conduite du professeur Chadd (entame) a écrit:

  En dehors de moi, Basil Grant avait relativement peu d'amis et cependant, il était le contraire d'un homme insociable. Il parlait à n'importe qui n'importe où et il parlait non seulement bien mais avec un intérêt et un enthousiasme parfaitement sincères pour les affaires de son interlocuteur. Il parcourait le monde, pour ainsi dire, comme s'il se trouvait toujours sur l'impériale d'un omnibus ou sur le quai d'une gare. Naturellement, la plupart de ses connaissances de hasard disparaissaient après avoir traversé sa vie. Quelques-uns, ici ou là, restaient en quelque sorte accrochés à lui et devenaient ses intimes pour toujours, mais ils avaient tous un même air d'être là accidentellement, comme des fruits abattus par le vent, des échantillons pris au petit bonheur, des ballots tombés d'un train de marchandises ou des paquets-surprises pêchés à la foire.  


En langue originale c'est encore plus savoureux (et fluide, surtout !):

The Noticeable Conduct of Professor Chadd (beginning) a écrit:

Basil Grant had comparatively few friends besides myself; yet he was the reverse of an unsociable man. He would talk to any one anywhere, and talk not only well but with perfectly genuine concern and enthusiasm for that person's affairs. He went through the world, as it were, as if he were always on the top of an omnibus or waiting for a train. Most of these chance acquaintances, of course, vanished into darkness out of his life. A few here and there got hooked on to him, so to speak, and became his lifelong intimates, but there was an accidental look about all of them as if they were windfalls, samples taken at random, goods fallen from a goods train or presents fished out of a bran-pie.


Mots-clés : #absurde #humour #justice #nouvelle
par Aventin
le Sam 28 Déc - 17:38
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: Gilbert-Keith Chesterton
Réponses: 50
Vues: 5148

William Godwin

Tag justice sur Des Choses à lire 41t6vh10

Aventures de Caleb Williams

Quatrième de couverture a écrit:À la fin du XVIIIe siècle, un jeune homme pauvre mais obstiné gravit les échelons de la société, convaincu que le bien finit toujours par être récompensé. Ayant découvert que même son protecteur, pourtant si vertueux, si droit, est capable de commettre un crime et de faire condamner des innocents à sa place, il se lance la rage au cœur dans une longue enquête, prêt à tout pour démasquer le coupable.Mais les bien-pensants veillent : une main invisible soulèvera contre lui mille persécutions et sa vie, dès lors, ne sera plus qu’une affolante course-poursuite – emprisonnement arbitraire, évasion, pièges... jusqu’à l’étonnante issue.

William Godwin (1756-1836) est un écrivain et philosophe britannique. Il est l’un des précurseurs de la pensée anarchiste, préoccupation qu’il partage avec sa femme, Mary Wollstoncraft, penseuse féministe de renom, avec laquelle il a une fille, Mary Shelley, qui deviendra l’auteur du célébrissime Frankenstein. Après avoir écrit quelques récits ainsi que des traités et pamphlets politiques, il publie Les Aventures de Caleb Williams en 1794, roman considéré par Balzac, Dickens ou Poe comme le modèle de la fiction moderne.


En voilà une lecture aussi exotique que peu voyageuse. La forme, la phrase, le déroulé, l'ampoulé, l'insistance, oui tout ça fait du bien au lecteur. Pourtant rester dans la tête de ce Caleb Williams, en passant par ses presque mentors ça pourrait être asphyxiant mais non. L'action vient petit à petit, très emballée, on s'y refuse presque mais on ne s'embête pas. Il y a cette surenchère de la posture, la recherche de justice et d'innocence et tout qui dérape... La tension et l'équilibre sont bien menés dans ce roman  mi édifiant mi psychologique qui use de ressort classiques (c'est de l'aventure avec ses pointes de vacheries de chez vacherie !) pour adopter une posture engagée par une voix sensible. La remarque au dos du livre sur le "roman moderne" semble donc tout à fait justifiée, pour le peu que je puisse en juger, pas tant pour ses idées ou sa pugnacité mais pour son approche "dans la tête", ses jeux d'apparences. Ce n'est pas seulement édifiant et riche en images, ça vient chercher de plus près les tripes, il y a bien une grande part de plaisir dans les péripéties.

Bonne lecture, riche, qui manie l'esprit avec savoir faire et bien tordue dans ses mélanges radicaux de "tout beau" et de "tout moche". Il est absolument dingue Caleb Williams mais étonnamment attachant...

Quatrième dimension et plus si affinités !

Mots-clés : #aventure #initiatique #justice
par animal
le Jeu 26 Déc - 21:56
 
Rechercher dans: Écrivains européens de langues anglaise et gaéliques
Sujet: William Godwin
Réponses: 10
Vues: 653

Howard Fast

Il me manquait Fast, alors étant en panne pour cause matérielle, j'ai lu

"Cour martiale"

Tag justice sur Des Choses à lire Cour_m10

Guerre de Birmanie, les combats ont cessés mais un théâtre d'opérations sous la gestion conjointe des E.U et des Britanniques subsiste . C'est dans cette situation d'attente, dans cette région au climat difficile, rongée de maladie, des habitants miséreux qu' un meurtre a été commis ; un Lt Winston de l'armée américaine  a tué un soldat Britannique, le Sergent Quinn.

Le Gal Kempton en responsabilité du secteur pour les E.U a réclamé le Capitaine Barney Adams, de retour de plusieurs campagnes (Afrique, Italie) à qui il souhaite confier la défense de l'accusé. Mais dès son premier entretien Adams apprend que le jugement est déjà "rendu", en accord avec le responsable Britannique et Kempton,  Winston doit mourir, sa mort seule préservera l'entente entre les E.U et les Britanniques ; il faut sauver la Grande Alliance à défaut de sauver Winston.
Adams s'étonne à juste titre de ce que le verdict soit annoncé mais le Gal Kempton lui dit que c'est parce qu'il veut pouvoir montrer une "défense honnête" qu'il souhaite que ce soit lui l'avocat.

Adams n'a jamais défendu, ni assisté en cour martiale, bien qu'il ait fait d'excellentes études, il n'a aucune pratique. Le Gal lui fait confiance, c'est le fils d'un ami, de bonne et vieille souche !

Durant le procès l'image de boy-scout que le Gal avait du Capitaine Adams s'efface, le Capitaine Adams met tout son savoir, son honnêteté, sa vigilance à traquer la vérité. Il démonte un à un les "oublis", traque, arrache les paroles des bouches qui se taisent, par crainte des responsabilités ou pour carrière.   Pour le Capitaine Adams,  quels que soient les sentiments qu'il éprouve pour l'accusé, ( lequel d'ailleurs il hait parce qu'il représente tout ce qu'il rejette et la raison de son engagement dans la guerre) celui-ci doit se voir offrir "le droit", l'un des principes fondateur de la démocratie.

Le Capitaine Adams n 'a que quelques jours pour connaître ce qui deviendra "l'affaire Winston"  et préparer sa défense, laquelle s'appuiera sur la pathologie de Winston. En effet après s'être entretenu avec plusieurs responsables militaires, les témoins du meurtre et surtout le médecin psychiatre qui  a placé Winston dans le service, vu l'attitude et les rares propos de l'accusé, Adams est convaincu qu'il défend un homme atteint de paranoIa, c'est-à-dire un malade.

Le capitaine Adams par son choix de défense sait qu'il s'affronte  au Gal Kempton, lequel lui demande s'il défend Winston, question à laquelle il répond qu'il "se défend lui". Ce qui, je pense, signifie qu'en défendant Winston, il défend le "droit" et donc il se défend lui défenseur du Droit, lui citoyen américain.

Winston est reconnu "non coupable", le tribunal souhaite son renvoi à l’hôpital pour y recevoir un traitement médical.

Adams est à nouveau en campagne, il est seul, l' infirmière rencontrée en Birmanie et qu'il était prêt à aimer l'a repoussé car leur différence de classe lui paraissait un obstacle majeur.  


J'ai encore une fois apprécié l'écriture de l'auteur, le choix du sujet, l'ambiance est bien rendue, les caractères des personnages. Il faut se rappeler que Fast a subi plusieurs procès lui-même et assisté à d'autres, le Droit est l'un des principes fondateur de la démocratie et l' auteur/Capitaine Adams s'en fait le garant dans ce livre.
Dans sa préface, François Guérif parle de "l'isolement des idéalistes", cette situation se retrouve aussi dans le récit, notamment dans la lettre que reçoit le Capitaine Adams du médecin psychiatre.


Mots-clés : #justice #lieu #polar #psychologique
par Bédoulène
le Lun 11 Nov - 15:49
 
Rechercher dans: Écrivains des États-Unis d'Amérique
Sujet: Howard Fast
Réponses: 18
Vues: 1864

Revenir en haut

Page 1 sur 3 1, 2, 3  Suivant

Sauter vers: